Découvrir l'histoire de la signalisation maritime et la part qui ont prise les ingénieurs des ponts et chaussées.
Pour comprendre la relation entre les ponts et les phares, inutile de remonter à Alexandrie dont les derniers vestiges disparaissent au début du XVe siècle. La figure de l’ingénieur apparaît à la Renaissance, alors que les phares – on dit également fanaux à l’époque – sont rares sur les côtes.
Quelques villes portuaires – Calais, la Rochelle – allument un feu sur une tour de leurs remparts. La construction de Cordouan (1611) par Louis de Foix, puis de quelques tours d’allure militaire, à l’initiative d’ingénieurs des fortifications, lance timidement une politique d’éclairage des côtes de France, sous l’égide du pouvoir royal.
C’est à la fin du XVIIIe, à nouveau à Cordouan, que l’ingénieur « moderne » entre dans l’histoire des phares, sous les traits de Joseph Teulère.
Officiellement en charge de la signalisation maritime depuis le premier Empire, les ingénieurs des Ponts se sont mis au service des phares, accumulant dans la bibliothèque de leur École des documents très variés, techniques et administratifs : manuscrits, imprimés, plans, dessins, photographies, sans oublier les nombreux articles publiés dans la revue « Les Annales des Ponts et Chaussées. Mémoires et documents relatifs à l’art des constructions et au service de l’ingénieur », entre 1831 et 1938.
De provenances diverses, certains manuscrits ont été présentés lors des expositions universelles de Londres en 1862, Paris en 1867 et 1889 avant d’être donnés à la bibliothèque de l’École. D’autres proviennent de dons de particuliers, comme celui Mme veuve Victorin Chevallier (professeur titulaire de construction maritime – 1854, puis inspecteur général) ou de Mme Thomson, descendante de Léonce Reynaud, qui a fait don de photographies.
La collection de dessins provient des concours d’élèves ingénieurs, la politique de l’École étant alors de conserver les 1er et 2ème prix. Quant aux ouvrages, une grande partie a été donnée à la bibliothèque par Émile-Théodore Quinette de Rochemont, professeur des cours de travaux maritimes de 1892 à 1908 à l’École, nommé directeur du service des Phares et Balises en 1900 et membre de la Commission des phares.
Émile-Théodore Quinette de Rochemont
Ce patrimoine documentaire d’exception, reflet de son histoire, constitue un ensemble unique que l’Ecole a souhaité faire connaître. En 2002, la mémoire des phares est mise à l’honneur autour de l’exposition virtuelle « Phares et histoire » publiée sur le site de l’Ecole.
Ce site, devenu référence sur le sujet, connaîtra un vif succès auprès d’internautes du monde entier. Dix ans plus tard, à la suite de la grande exposition sur les Phares qui s’est tenue en 2012 au Musée de la Marine, le projet de « bibliothèque des phares » est lancé avec l’appui du Ministère de l’Ecologie et de sa Direction des affaires maritimes.
En 2021, le site "Bibliothèque des phares" devient une partie constitutive de l'Héritage des ponts et chaussées, la bibliothèque numérique de l'École des ponts ParisTech, avec des contenus enrichis.
1611 : Allumage du phare de Cordouan (embouchure de la Gironde), le premier phare de France
1682/1685/1699 : Tours à feu des Baleines (Ré), de Chassiron (Oléron) et du Stiff (Ouessant)
1790 : Allumage du nouveau feu de Cordouan, surélevé et équipé des réflecteurs de Borda et Lenoir
1800 : 54 des 130 feux allumés dans le monde sont britanniques
1811 : Création d'une Commission des phares chargé de proposer un système général d'éclairage des côtes de France
1822 : Augustin Fresnel (1788-1827) publie son Mémoire sur un nouveau système d'éclairage des phares. Allumage du Four du Croisic (44), premier phare en mer français moderne, copié sur le modèle de Bell Rock (Ecosse)
1825 : Rapport contenant l’exposition du système adopté par la Commission des Phares, pour éclairer les côtes de France préparé par l'hydrographe de Rossel. Programme de construction et de modernisation de 50 grands phares, dont Belle Ile (1836) est le prototype
1863 : Électrification du phare de la Hève (Le Havre)
1869 : Construction d'un dépôt des phares sur la Colline de Chaillot. Il abrite la Commission et le Service des phares
1876 : 361 phares, feux flottants et feux sur les côtes de France
1881 : Allumage d'Armen, à l'extrémité de la Chaussée de Sein, après 17 ans de travaux
1889 : Conférence de Washington instaurant le premier règlement international de balisage. Exposition Universelle de Paris, la Tour Eiffel est équipée de projecteurs et ressemble déjà à un phare
1898 : Introduction du brûleur de pétrole sous pression qui équipera tous les phares en mer jusqu'à leur électrification
1911 : Allumage du phare de la Jument, au large d'Ouessant
1925 : Programme d’équipement du littoral comprenant 37 sites de radioélectricité, dont 5 radiophares d’une portée égale à 200 milles
1931 : 796 phares et feux (dont 190 bouées lumineuses), 148 signaux sonores et 1752 marques de balisage sur les côtes de France.
1945 : Fin de la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de feux et de phares sont détruits sur les côtes de France, en particulier dans le Nord Pas de Calais, la Normandie et les Côtes du Nord. Début de la reconstruction des phares
1978 : Allumage du feu de Saint Gervais (golfe de Fos, près de Marseille), dernier phare construit sur les côtes de France.
1988: Ouverture du musée des phares au Créac'h (Ouessant)
1990 : Automatisation d'Armen. Ouverture du GPS aux usages civils
1992 : Destruction du dépôt des phares de Paris et fin de la Direction des Phares, qui devient progressivement un simple « bureau » du Ministère de l'Ecologie
1995 : Grève « Son et Lumière » des gardiens de phare contre l'automatisation des derniers phares isolés
2004: Automatisation du dernier phare gardienné de l'Iroise, Kéréon
2011 : Commémorations des 400 ans de Cordouan, des 200 ans de la Commission des phares et des 100 ans de la Jument. Création d'un Observatoire des phares en mer de l'Iroise. Classement Monuments Historiques de 14 phares, une première depuis Cordouan en 1862. Annonce du transfert progressif de 60 phares au Conservatoire du Littoral
Phare des rois et œuvre de Louis de Foix, Cordouan est le premier phare français. C'est également le plus vieux phare en mer en activité au monde.
Cordouan a été allumé en 1611 à l'embouchure de la Gironde, passage particulièrement dangereux pour les bateaux remontant le fleuve en direction de Bordeaux. Ce n’est pas le premier bâtiment construit sur le plateau rocheux de Cordouan. Des religieux y avaient établi un feu au début du XIIIe siècle, et les Anglais vers 1360 y érigèrent une tour, pendant la guerre de Cent Ans.
A la fin du XVIe siècle, Henri III puis Henri IV ordonnent et financent la construction d'un nouveau bâtiment. Sa fonction est double : être utile pour les marins en signalant les dangers par un feu, mais aussi impressionner les visiteurs par son architecture monumentale.
A la fin du XVIIe siècle, la monarchie décide de faire de la France une puissance maritime. Les ingénieurs du roi construisent les arsenaux de Rochefort et de Brest. Colbert rédige sa grande ordonnance de la Marine (1681). Vauban ordonne alors l'édification de quelques phares pour sécuriser les accès aux ports du royaume : les Baleines (Ré), Chassiron (Oléron), le Stiff (Ouessant), le Cap Fréhel.
Ce sont des tours d'une architecture militaire simple. Un foyer brûle du bois, puis du charbon, à leur sommet, d'où leur nom de « tour à feu ». De nouveaux phares sont construits au XVIIIe siècle dans la Manche (Barfleur, La Hève, l'Ailly), à l'initiative de la Chambre de commerce de Rouen. Ils constituent, avec Cordouan et quelques feux de port, le premier réseau des phares de France.
A la fin de l'Ancien Régime, un effort de modernisation des phares est mené sous l'impulsion d'un entrepreneur en éclairage urbain, Tourtille Sangrain. Le roi lui concède la quinzaine de feux signalant les côtes de France. Tourtille installe des réflecteurs sphériques où brûlent des lampes à huile. Ces feux qui éclairent mal ou peu déclenchent la grogne des marins.
L'innovation se poursuit au phare de Cordouan. En 1789, l'ingénieur Teulère (1750-1824) construit une tour conique qui vient coiffer le chef-d’œuvre de Louis de Foix. Pour signaler l'édifice ainsi surélevé, le savant Borda (1733-1799) et le fabricant d'instruments scientifiques Etienne Lenoir (1744-1832) conçoivent des réflecteurs paraboliques tournants.
La conception des phares est désormais l'affaire d'un milieu savant dont le pouvoir va s'affirmer sous la Révolution et l'Empire.
Un modèle anglais
Pendant l'Ancien Régime, la France lorgne du côté de l'Angleterre dont les côtes sont incomparablement mieux éclairées. Les phares y sont placés sous la responsabilité de Trinity House, une corporation reconnue en 1514 par Henry VIII. Trinity House obtient en 1566 le privilège de construire des phares, pour lesquels elle perçoit des droits de feu (light dues), une taxe encaissée dans les ports anglais.
La corporation est dirigée par des «frères aînés» (Elder Brethren), des hommes et des femmes choisis parmi les marins éminents, ainsi que dans l’aristocratie et le monde politique.
L'Angleterre invente une gestion mixte - publique et privée - des phares, qui va stimuler la construction et l'innovation. Les trois tours construites successivement sur le rocher d'Eddystone entre 1698 et 1759, au large de Plymouth, s'inscrivent dans cette dynamique.
Une Commission pour les phares
La Révolution et l'Empire posent les bases d'une réorganisation du réseau des phares français qui s'écarte radicalement du modèle britannique. Les phares deviennent un bien public gratuit, administré par la Marine (1792), puis le Ministère de l'Intérieur (1806). Les ingénieurs des Ponts et Chaussées prennent en main le réseau et projettent des tours monumentales.
En 1811, une Commission des phares est créée pour réfléchir à un système général d'éclairage des côtes de France. Elle est composée de savants, de marins et d'ingénieurs. François Arago (1786-1853), physicien et professeur à l’École polytechnique, rejoint la Commission en 1813. Il y supervise des expériences sur la lumière et recrute un jeune savant, Augustin Fresnel (1788-1827).
Fresnel et les phares étoiles
Augustin Fresnel, polytechnicien et ingénieur des Ponts, révolutionne l'éclairage des phares en proposant en 1822 l'emploi de lentilles à échelon. Des expériences sont menées sur les hauteurs de Paris. Elle confirment l'efficacité théorique du nouveau dispositif. L'opticien François Soleil (1775 – 1846), le bien-nommé, construit le prototype d'un grand appareil à lentilles installé à Cordouan en 1823.
Les essais sont concluants. Deux ans plus tard, la Commission des phares adopte le rapport préconisant la construction d'un « système » général pour l'éclairage des côtes.
Michelet écrit dans La Mer (1861) que la France, «armée du rayon de Fresnel», fit descendre «un ciel de plus» pour guider les marins. L’image est inspirante: le réseau des phares étoiles est un système céleste construit par les hommes sur leurs côtes afin de les rendre lisibles.
Les chantiers de la mer
Les phares en mer ne représentent qu'une minorité des édifices bâtis : 25 sites, soit 1/6 du total. Ils ont pourtant enflammé l'imagination des romanciers et des journalistes en raison des conditions périlleuses de leurs chantiers.
«Les cantonniers de la mer» : c’est ainsi que l’écrivain Anatole Le Braz appelait les ouvriers chargés de la construction des phares et des tourelles. Cette belle expression recouvre des situations de travail extrêmement pénibles et des prouesses techniques qui doivent beaucoup au dévouement de ces hommes.
Les phares du Finistère (Armen, la Jument, Kéréon) occupent une place singulière dans cette histoire : les roches sur lesquelles les ouvriers travaillent découvrent à peine à marée basse. De dangereuses lames peuvent emporter à chaque instant hommes et matériels.
Phares et architecture
Les phares ont toujours inspiré les architectes depuis Cordouan. Leur créativité s'exprime d'abord dans les concours des Beaux-Arts. En effet, la conception et la construction du phare restent longtemps le monopole des ingénieurs des Ponts. Les deux grands phares d'Eckmühl (1897) et de l'Ile Vierge (1901) sont l'expression la plus aboutie de cette architecture d'ingénieur.
Après les destructions de la Deuxième Guerre mondiale, les architectes deviennent les maîtres d’œuvre des chantiers de phare. Ces réalisations/projets d'architecte sont remarquables par la diversité des matériaux (pierre, béton), la composition et une ornementation moins austère qu'au XIXème siècle. Plusieurs sont désormais protégés au titre des Monuments Historiques.
Le temps des bâtisseurs
Entre 1825 et 1850, les Ponts et Chaussées rénovent ou font construire une cinquantaine de bâtiments pour mettre en place le système d'éclairage proposé par la Commission des phares. La hauteur moyenne des bâtiments à construire est d’environ 50 mètres. Aucune architecture spécifique n’a été conçue depuis les tours à feu des ingénieurs de Vauban.
Après une période de standardisation, la construction des phares est confiée à Léonce Reynaud (1803-1880), ingénieur et architecte. Reynaud s'est fait connaître dans le difficile chantier en mer des Héaux de Bréhat (1840), au nord de la Bretagne. Devenu directeur du Service des phares, il va marquer de son empreinte le littoral français en imposant une architecture sobre et économe.
Des phares dans Paris
Il y avait autrefois un phare dans Paris.
Il abritait une administration, le Service des phares, mis en place au XIXe siècle pour gérer le réseau conçu par Fresnel.
Ce phare parisien occupe d'abord un atelier, quai de Billy (1848), puis un « dépôt » sur la colline de Chaillot (1869). Les ingénieurs y testent l'application de nouvelles inventions comme l'électricité, mais y accomplissent aussi des tâches bureaucratiques austères, sans lesquelles aucun réseau ne peut fonctionner : archivage des décisions, gestion des hommes et du matériel, rédaction d'instructions et de règlements.
A Paris, les expositions universelles sont aussi pour le public l’occasion de s’émerveiller devant les grandes optiques, et parfois même de vrais phares.
L'atelier des phares
Paris est au XIXe siècle la capitale industrielle des phares.
En 1838, Henry-Lepaute (1800-1885) crée un atelier d’optique rue Saint-Honoré. En 1852, Louis Sautter (1825-1912) prend en main la société des héritiers de Soleil, l'opticien de Fresnel. Un troisième entrepreneur apparaît quelques années plus tard : la société Barbier et Fenestre, qui deviendra plus tard Barbier, Bénard & Turenne (BBT).
Ces trois firmes – Sautter, Lepaute et BBT – se partagent le marché français, métropole et colonies. Elles prennent aussi un essor international, en remportant de grands contrats, aux Etats-Unis et dans l’Empire ottoman. Une large majorité des optiques utilisées dans le monde ont été produites à Paris, où ces trois entreprises avaient leur siège, jusqu'à leur disparition dans les années 1970.
La chambre de veille
Chaque soir, les phares s’allument sur les côtes. Avant les années 1990 et l'automatisation, c'était le temps des gardiens et de la veille du feu.
La vie d’un phare en mer est celle d’un bateau de pierre: le rythme du quart, l’autonomie en vivres et en matériel, la présence de machines – un groupe électrogène, une sirène de brume –, des bruits auxquels le gardien s’habitue, une odeur tenace d’huile, la vacation radio quotidienne avec le poste Lagier.
La littérature, le cinéma et les médias ont tenté de rendre compte de cette vie où le rythme quasi monacal du quotidien était interrompu par la transition parfois précipitée de la relève hebdomadaire. L’allumage du feu à pétrole à la tombée du jour est l’instant critique au terme duquel le gardien regagne la chambre de veille. Cette pièce située entre l'ombre de l'escalier et la lumière de l'optique témoigne d'un quotidien souvent banal, qui s'écrit au fil des carnets et des registres tenus par le gardien pendant son quart, bien loin de la vision héroïque ou mythifiée qu’en donnent la littérature, le cinéma ou les médias.
Allumer le feu
Pour le gardien, l’allumage du feu à vapeur de pétrole est le moment le plus important de la journée. L’horaire est indiqué sur un tableau de service. Le rituel est immuable : le gardien met des lunettes pour se protéger les yeux, place un manchon en fibre d’amiante sur le brûleur, allume une petite lampe de chauffe qu’il place sous l’appareil. Puis il ouvre le détendeur de pétrole vaporisé. D’un geste rapide, il enflamme le manchon. Gare à l'incendie provoqué par la vapeur pulvérisée sous haute pression ! Le gardien note ensuite l’heure de l’allumage dans un cahier.
La relève
La relève hebdomadaire est un moment particulier dans les phares en mer. Elle s'effectue à l’aide d’un va-et-vient appelé «ballon» dans les phares de l’Iroise, ou d’un canot qui accoste le long d'un quai. Le gardien «montant» croise son collègue « descendant » qui rejoint la terre ferme. Quelques poignées de main sont échangées et le canot repart.
Deux hommes vont cohabiter en prenant alternativement le quart. Aux Roches-Douvres, un phare en mer situé à 16 milles au nord-est de l'île de Bréhat, la relève se déroulait chaque semaine au départ de Lézardrieux (Côtes d'Armor), pour une présence de quinze jours au phare pour chaque gardien. Il y avait donc un roulement entre gardiens pour gérer le temps passé au phare et le repos à terre.
Une vie et un métier
Les gardiens de phare deviennent des fonctionnaires au milieu du XIXe siècle. Ils sont environ 600 vers 1900. Des textes officiels organisent leur recrutement et leur carrière. Les candidatures militaires sont particulièrement appréciées. Le règlement prévoit un uniforme dont le port reste facultatif. La hiérarchie comporte sept niveaux, du grade de maître de phare à celui de gardien de 6ème classe.
Un phare n’est pas seulement une installation technique destinée à guider les marins. À terre et sur les îles, c’est un lieu de vie pour plusieurs gardiens et leur famille. Dans les grands phares électriques de la fin du XIXe siècle, on peut parler d’un véritable village, avec son four à pain, ses jardins potagers et des logements de qualité.
Phares et balises
Au milieu du XIXe siècle, le Service des phares multiplie les aides à la navigation de jour et de nuit, afin de guider les marins au plus près des côtes, construisant des amers artificiels, des tourelles en maçonnerie et en béton, mouillant des bouées lumineuses à gaz. Une politique de balisage se met en place au niveau national, puis international. Chaque pays développe en effet ses propres signaux.
Une flotte spécifique composée de bateaux de travaux et de grands baliseurs est constituée pour la maintenance de ce réseau disséminé sur tout le littoral. Ces bateaux sont attachés à des parcs de balisage où sont installés des ateliers. Il y a aujourd'hui 35 parcs ou « subdivisions » des phares et balises. Les 775 agents des phares et balises entretiennent plus de 8 200 aides à la navigation (6 400 en métropole) dont 150 grands phares (130 métropole 20 outre-mer).
Le phare a sa signature
« Ah ! Si je me souviens des phares ! (…) En vue des côtes, la nuit, nous naviguions, angoissés, un œil sur leurs éclats ou leurs occultations, l'autre sur l'un des Feux et signaux de brume (…). Nous ne pouvions pas nous tromper, chaque tour ayant son nom, ses lueurs, sa hauteur et son site ».
Le philosophe Michel Serres, ancien élève de l'Ecole Navale, évoque dans Biogée (2010) la manière dont les marins reconnaissent un phare.
Chacun est défini par un caractère – fixe, à éclats, à occultations, scintillant –, un rythme, régulier ou groupé, une période de répétition du signal, une couleur – blanc, rouge, vert – une élévation au dessus du niveau de la mer et une portée en milles.
Les sons de la mer
La signalisation visuelle, diurne ou nocturne, touche ses limites quand apparaît le plus dangereux ennemi du marin: la brume. Même les feux les plus puissants ne peuvent la percer. Des aides sonores sont donc nécessaires. Dans les années 1850, les ingénieurs testent toutes sortes d'objets sur le Champ de Mars, à Paris : cloches, trompettes, sifflets, et même tam-tams, gongs... Le choix se porte d’abord sur les cloches. De puissantes sirènes à air comprimé sont mises au point à la fin du XIXe siècle. Les besoins de la signalisation maritime ont donc contribué à l’invention d’une culture sonore dont la gamme s’étend du tintement discret de la cloche d’une bouée animée par le mouvement des vagues, au beuglement puissant de la corne de brume.
Des phares à la sécurité maritime
Au début du XXe siècle, les ingénieurs inventent les radiophares, que les bateaux repèrent grâce à un appareil appelé goniomètre. La Seconde Guerre mondiale transforme la radionavigation avec l'invention du radar. En 1973, le Pentagone conçoit un système de localisation mondial, le Global Positioning System (GPS), ouvert au domaine civil en 1990.
Ces changements technologiques interviennent alors que les risques maritimes changent de nature. Le transport de matières polluantes conduit les états côtiers à réviser leur politique de sécurité maritime dans les années 1970. Il faut surveiller les trafics et se tenir prêt à intervenir en cas de danger.
Les grands phares sont désormais un dispositif technique minoritaire dans l’ensemble des systèmes qui contribuent à la sécurité de la navigation.
La Révolution et l'Empire posent les bases d'une réorganisation du réseau des phares français qui s'écarte radicalement du modèle britannique. Les phares deviennent un bien public gratuit, administré par la Marine (1792), puis le Ministère de l'Intérieur (1806). Les ingénieurs des Ponts et Chaussées prennent en main le réseau et projettent des tours monumentales.
En 1811, une Commission des phares est créée pour réfléchir à un système général d'éclairage des côtes de France. Elle est composée de savants, de marins et d'ingénieurs. François Arago (1786-1853), physicien et professeur à l’École polytechnique, rejoint la Commission en 1813.Il y supervise des expériences sur la lumière et recrute un jeune savant, Augustin Fresnel (1788-1827).
Polytechnicien et ingénieur des Ponts, Fresnel révolutionne l'éclairage des phares en proposant en 1822 l'emploi de lentilles à échelon. Des expériences sont menées sur les hauteurs de Paris. Elles confirment l'efficacité théorique du nouveau dispositif. L'opticien François Soleil (1775 – 1846), le bien-nommé, construit le prototype d'un grand appareil à lentilles installé à Cordouan en 1823. Les essais sont concluants. Deux ans plus tard, la Commission des phares adopte le rapport préconisant la construction d'un « système » général pour l'éclairage des côtes.
La Commission va être à l'initiative de plusieurs plans de modernisation des phares – électrification dans les années 1880, expériences de radionavigation au début du XXe siècle. Elle est également la gardienne de la doctrine en matière d'éclairage des côtes et donne aujourd'hui encore un avis sur tous les projets de création, modification, suppression d'un signal visuel, sonore ou radioélectrique.
Depuis Augustin Fresnel, qui en fut le premier secrétaire, la Commission tient à jour des registres de ses délibérations. Cette collection constitue la mémoire de l'éclairage et du balisage des côtes de France. Numérisée par les Archives nationales, elle est aujourd'hui disponible à tous.
Ici nous vous présentons quelques références bibliographiques sur les phares et balises.
Ainsi, elles se déclinent en deux catégories:
- La première est une bibliographie historique élaborée par André de Rouville
- La deuxième présente quelques références complémentaires actualisées.
NB : Nous avons choisi l'outil de gestion bibliographique Zotero, les liens ci-dessous renvoient donc au site de Zotero.