Le traitement des archives de l'École

A quoi servent les archives ? A quoi sert un archiviste ? Ce sont les questions que se posent trop de personnes aujourd’hui.

Philippe-Auguste ne s’y serait pas trompé. La légende raconte qu’après avoir perdu les archives royales lors de la bataille de Fréteval en 1194, il aurait décidé de les laisser désormais à l’abri en un lieu fixe. Si la réalité est un peu moins romanesque, le début du XIIIe siècle constitue sans aucun doute le commencement d’une gestion centralisée des archives royales, confiée à des personnes dédiées.

Quelques siècles plus tard, la gestion des archives de l’État répond aujourd’hui à nombre de lois, décrets et circulaires ; leur description, à des normes tout aussi strictes. L’archiviste se doit de mettre en musique l’ensemble de ces règles.

A l’École, le premier « archiviste » a été Pierre Charles Lesage, inspecteur de l’École, dès le XVIIIe siècle et, d’une manière générale, on rencontre dans les fonds de l’École, les termes « archives » et « garde des archives » jusqu’aux années 1840 environ[1].
Une distinction est bien faite dès le début entre les archives conservées au Secrétariat de la Direction et celles qui en sont distraites pour servir à l’instruction des élèves. Parmi ces dernières, on trouve ainsi le Journal des premières assemblées des Ponts et Chaussées depuis 1748 jusqu’au 28 décembre 1773[2]. Cet exemple, s’il en fallait, témoigne que l’École n’est pas seulement un établissement d’enseignement mais l’organe de formation du Corps des Ponts et qu’il est primordial pour l’édification des futurs ingénieurs de pouvoir accéder aux délibérations de leurs pairs[3].

Photographie représentant des dessins de grand format étalés sur une table.

Plus généralement, les collections de l’École sont suffisamment prestigieuses pour figurer dans le Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris, de Thiery à la fin du XVIIIe siècle : « L’École des ponts et chaussées réunit dans son local trois collections précieuses et méritant l’attention des étrangers, des artistes et des amateurs : la première [...] le dépôt des plans des routes [et] les projets de construction [...] ; la seconde [...] le cabinet des modèles et des machines [...], indépendamment d’[...] environ 350 dessins sous verre faits par les élèves ; la 3e, une bibliothèque choisie à l’usage des élèves pour faciliter leur instruction ».

Ce prestige a été entretenu de manière assidue par les ingénieurs eux-mêmes dès les débuts de l’École qui lèguent ou donnent sans relâche des collections pour servir à l’instruction.
Or, si les dons s’accumulaient, leur traitement avait parfois du mal à suivre, notamment pour les archives dont la description est très différente de celle des ouvrages ou des pièces isolées. Lors de la création du service archives de l’École en 1995, de nombreux fonds d’archives restaient en déshérence, faute de personnes aptes à s’en occuper.
Depuis quelques années, grâce à l’appui de prestataires extérieurs, ce retard a été rattrapé pour les fonds historiques issus des dons : la description de la plupart d’entre eux est ainsi désormais accessible sur Calames (Catalogue en ligne des archives et manuscrits de l’enseignement supérieur), dans la rubrique « Fonds privés d’ingénieurs ou d’entreprises ». Le pôle archives et patrimoine en charge de leur gestion s’efforce de traiter au fur et à mesure les fonds entrants, que ce soit par don ou par achat, afin de les rendre accessibles rapidement au plus grand nombre.

Photographie représentant des piles d'archives.

La méthodologie du traitement

Le traitement d’un fonds d’archives consiste en une série d’opérations dont l’ordre est immuable :

  • Il faut d’abord réaliser un récolement qui permet de lister les dossiers dans l’ordre où on les trouve pour avoir une vision générale de l’ensemble ; on indique le maximum de renseignements qui faciliteront ensuite le reclassement (intitulé, type de document, dates, métrage, localisation sur les étagères, observations éventuelles).
  • Ensuite, on réfléchit au plan de classement le plus adéquat en tentant de se mettre à la place du producteur du fonds, pour retrouver sa logique de classement.
  • Enfin, on peut rédiger l’instrument de recherche dans l’ordre du plan de classement, tout en reclassant et reconditionnant les dossiers physiques.

Parmi les fonds traités ces dernières années, nous avons privilégié les fonds d’archives privées longtemps laissés en déshérence. On peut citer :

  • Le fonds Yves Guyon (1919-1982) relatif à sa carrière autour du béton précontraint, de sa participation aux organismes internationaux à ses études et recherches en passant par ses activités professionnelles. Yves Guyon fut d’ailleurs collaborateur d’Eugène Freyssinet.
  • Le fonds Édouard Mancel (1862), carnet de voyage tenu par l’élève Mancel pendant sa mission d’été dans le département du Doubs à la fin de sa première année de scolarité.
  • Le fonds Henri Lang (1920-1945) contenant différents documents relatifs à l’élargissement du pont de la Concorde entre 1929 et 1932, ainsi qu’à son cours de ponts en maçonnerie qu’il assurait à côté de Paul Séjourné depuis 1933, puis seul à partir de 1935.

Les autres fonds sont à découvrir sur Calames.

 

[1] Sc. Correspondance de l’administration de l’École.

[2] Cote Ms.266

[3] Cote 2015/021

Anne Lacourt