Les photographies de promotion des élèves
En 1858, le Conseil de l’École met en place un enseignement de la photographie qui se concrétise rapidement par l’organisation de conférences et d’exercices pratiques : trois conférences sont données chaque année, suivies des manipulations pratiques.
Sans doute pour bénéficier d’une luminosité plus grande et plus longue, celles-ci ont lieu au mois d’avril, sous la direction du conférencier, juste avant la fin des cours et le début des examens.
Les exercices se déroulent sur des journées entières dans le laboratoire photographique et sur le terrain nouvellement acquis pour agrandir l’École. Prévues au départ sur deux jours, les manipulations sont étendues, année après année, pour s’étaler finalement sur trois à six jours.
Quatre professeurs se succèdent jusqu’en 2011, dernière année de l’enseignement théorique : Louis-Rémy Robert, Louis-Alphonse Davanne, Lucien Bordet et le colonel du Génie Moëssard.
Pour ne pas être monotones, les sujets des manipulations, qui portent au départ sur des objets inanimés, sont vite trouvés : les élèves eux-mêmes constituent un bon sujet d’études pour leurs camarades. Au début, ce sont les élèves de 1ère classe - c’est-à-dire de dernière année - qui suivent la formation, élèves du corps et élèves civils ensemble mais non mélangés ! Ils travaillent en demi-groupe, généralement par équipe de deux. Au XXe siècle, les photos sont faites en première année de scolarité ; les élèves des cours préparatoires y sont désormais conviés.
Les élèves se photographient mutuellement, individuellement – pendant une période, ils signent même leurs clichés –, puis par catégorie d’élèves, enfin tous ensemble. Ils reçoivent à titre personnel un album des photos prises pendant leurs cours.
Les programmes d’enseignement indiquent que, pendant les manipulations pratiques, les élèves apprennent à réaliser des clichés au collodion humide et à la gélatine, des tirages d’épreuve aux sels d’argent et de fer, et à employer du papier Artigue ; on leur enseigne aussi comment préparer et tirer une planche zincographique par report.
La Première Guerre mondiale porte un coup fatal à l’enseignement théorique de la photographie. En revanche, les applications pratiques se poursuivent jusqu’à la suppression de l’atelier de photographie en 1936, en raison de la lourde charge qu’il constitue pour le budget de l’École.
L’habitude reste néanmoins bien prise d’effectuer des photos de promotion chaque année mais, désormais, ce sont des agences privées qui prennent les clichés, bien que leur nom ne soit pas systématiquement indiqué sur les photos.
Le résultat de ces travaux est une exceptionnelle collection de portraits de futurs ingénieurs, ininterrompue pendant près d’un siècle, de 1858 à 1952. A partir de 1953, des trombinoscopes, beaucoup moins pittoresques, remplacent les photos. Il semble que ce soit dans les années 1990 que le Bureau des élèves ait décidé de faire refaire des photos de promotion mais rares sont celles qui ont pu être récupérées pour les archives de l’École.
Cette collection, conservée dans les archives de l’École, est une source inestimable d’informations visuelles, en particulier pour les familles qui n’ont pas toujours le portrait de leurs ancêtres. C’est parfois même le seul portrait de jeunesse d’ingénieurs devenus fort illustres par la suite.
La plupart des photos sont légendées, mais pour quelques promotions, malheureusement, les noms ne sont pas indiqués.
L’esprit facétieux des élèves, si souvent dénoncé dans des notes et des rapports de la Direction, transparaît sur les photos, particulièrement sur celles du XIXème où ils posent avec une singulière décontraction. Après la guerre de 14, les attitudes redeviennent plus sages, ou tout au moins plus classiques.
Anne Lacourt