Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1857-02-10
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 10 février 1857 10 février 1857
Description : 1857/02/10 (A2,N16). 1857/02/10 (A2,N16).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6530615r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 47
Mamelouks, avait délivré les Égyptiens d'une oppression aux
mille branches, qui ruinait le pays et qui s'exerçait sans au-
cune intelligence. -
» Tout étant préparé pour l'exécution des grands desseins
qui ont commencé la régénération de l'Egypte, Méhémet-Ali
se déclara propriétaire du sol. Il avait préalablement indem-
nisé les mosquées qui pouvaient faire valoir des droits à celle
même propriété.
» Puis il entreprit en grand l'exploitation des terres. Il dit
aux habitants : Vous devez cultiver tant d'hectares en blé, tant
en coton, tant en riz, en indigo, en lin. Le châtiment corporel
aurait été suspendu sur le dos ou plutôt sur les pieds des né-
gligents et des récalcitrants.
» Encore une fois, ne nous hâtons pas de blâmer, et pla-
çons-nous pour juger sainement les choses si étranges pour
la civilisation au point de vue qui leur convient. L'intimi-
dation est malheureusement, dans plus d'un cas, la première
ressource et la plus efficace pour tirer un peuple d'une abjec-
tion aussi profonde que celle où étaient tombés les Egyptiens
sous la domination desMamelouks. Dans de telles circonstances,
on ne réussit à opérer le bien que par la force. Les scrupules
qui empêcheraient l'exécution de réformes pareilles à celles
que méditait Méhémet-Ali seraient un trait de faiblesse dans
un chef d'État soumis aux nécessités qu'il rencontrait.
» Il n'a pas été facile, par exemple, de faire comprendre
aux Fellahs l'avantage qu'ils tireraient de la culture du coton-
nier. Si la volonté du Pacha réformateur n'était intervenue,
- ils n'eussent jamais semé les graines du coton, qui est en ce
moment une des richesses de l'Egypte, et qu'on recherche
chaque jour davantage en Europe.
, » Méhémet-Ali a-t-il eu tort d'absorber au profit de son
gouvernement le produit des améliorations qu'il a su imposer
à l'Egypte? C'est une question qui serait à examiner, et qui
a plusieurs faces. -
* Toujours est-il qu'il s'est institué l'unique vendeur des
produits du sol. C'est là le monopole célèbre qu'on lui a tant
reproché, et qui d'ailleurs a servi à doter le pays de plusieurs
1 travaux d'utilité publique et de quelques monuments et édifices
utiles, quoique plus tard l'administration égyptienne ait eu la
sagesse de renoncer à ce régime. -
» De quelle manière s'exerçait ce système de monopole ?
C'est ce qu'il faut savoir pour se rendre un compte exact des
changements opérés si heureusement par Saïd-Pacha.
» Au fond, la marche des choses était simple, et l'Egypte
n'en aurait peut-être pas trop souffert, si les agents intermé-
diaires, à qui était confiée la mission d'appliquer la loi de
Méhémet-Ali, avaient montré généralement plus de probité et
plus d'humanité.
» Voici donc en quoi consistait le régime établi par ce
prince.
» Il avait distribué les terres à des tenanciers, avec obli-
gation de délivrer au gouvernement la totalité des produits.
D'immenses magasins avaient été construits à Alexandrie,
principal siège de l'exportation pour l'étranger. D'autres lieux
de dépôt existaient dans les principaux centres de population.
Après la récolte, les habitants venaient y verser, ceux-ci les
céréales, les riz, ceux-là. les colons, les, lins, les indigos, en
un mot tous les produits si variés des terres qu'enrichit le Nil.
» Les agents chargés d'en faire recette y donnaient une éva-
luation; puis ils prélevaient la portion qui, à titre d'impôt, ou,
si l'on veut, de fermage, appartenait au souverain, et ils ache-
taient le reste.
» Si l'évaluation avait toujours été équitable ; si l'impôt
n'avait pas été souvent exagéré; si la portion achetée par le
gouvernement avait été honnêtement payée, le régime oui été
supportable. Au demeurant, le gouvernement eût été un ac-
quéreur comme un autre ; il eût même offert l'avantage d'un
placement sûr des produits, et les tenanciers .auraient fini par
trouver profit à continuer et même à étendre les cultures. La
preuve qu'un monopole de cette espèce peut être utile en cer-
taines circonstances exceptionnelles et transitoirement, c'est
qu'il s'exerce aujourd'hui au profit des colons en Algérie, où
le gouvernement achète tous les cotons produits dans le pays.
Il est vrai qu'il les paye cher.
» Mais ce n'était pas le cas en Egypte. Le monopole, expli-
cable au moins en principe, y était détestable dans la pratique.
» Les évaluations étaient toujours de beaucoup inférieures
à la valeur des marchandises. Règle générale : tout produit
que le tenancier venait verser dans les magasins de l'Etat était
déclaré de qualité inférieure. Par suite, la quantité à livrer
pour acquitter l'impôt était considérablement accrue, et la
somme à payer par le gouvernement pour acheter le surplus
qui appartenait aux cultivateurs se trouvait de beaucoup di-
minuée. Or, les agents ne versaient même pas toujours cette
somme en argent. Ils en donnaient l'équivalent en produits
manufacturés dans le pays, tels que tissus de colon; et natu-
rellement, ils outraient l'estimation de la valeur de ces pro-
duits.
» Il n'est pas difficile de voir que toutes ces opérations
combinées conduisaient le tenancier à sa ruine. Elle eût été
infaillible pour tous, si le prix de la main d'oeuvre n'était
pour ainsi dire nul, dans un pays où un Fellah peut vivre
avec 20 paras par jour, soit 10 centimes. La prodigieuse fer-
tilité du sol, l'étendue des terres cultivables, comparativement
à la population, contribuaient aussi à maintenir à flot les te-
nanciers les plus intelligents. Mais il est incontestable que la
masse de la population, sous un pareil régime, ne pouvait
qu'être misérable.
» Quant au but principal que poursuivait le souverain, et
qui était de faire rendre à l'Egypte autant de produits agri-
coles qu'olle en pouvait donner, eu égard à la population, il
était complètement atteint.
» Eu effet, des terres laissées jusque-là sans culture étaient
ensemencées; des produits négligés sous le gouvernement des
Mamelouks reparaissaient sur les marchés ; le cultivateur,
n'importe sous l'empire de quelle influence, recommençait à
travailler au delà des besoins de la vie de chaque jour. L'Eu-
rope apprenait à compter sur l'Egypte pour compléter ses
approvisionnements en blés, graine de lin, sésame, cotons.
Le gouvernement du pays voyait s'accroître énormément ses
revenus. L'Egypte reprenait sa place dans le monde. Les
cabinets tournaient les yeux de ce côté quand ils avaient à
calculer sur les chances de renaissance et de durée de l'Em-
pire d'Orient.
« Ce fut l'âge d'or des négociants européens établis à
Alexandrie. Ceux qui surent se mettre bien en cour firent
alors des bénéfices énormes en achetant au Pacha les mar-
chandises à un prix fort avantageux pour celui-ci, mais bien
inférieur encore à leur valeur sur les marchés de France,
d'Angleterre et d'Autriche, D'après ce que nous avons dit du
mode de recouvrement des impôts et d'évaluation des produits
versés par les cultivateurs dans les magasins du gouverne-
ment, on comprend que des marchandises livrées presque
pour rien pouvaient supporter deux ventes : celle du Pacha
aux spéculateurs et celle des spéculateurs au commerce de
l'Europe, et laisser encore aux uns et aux autres une marge
de bénéfices considérable.
» Les choses allèrent ainsi jusqu'en 1838.
Mamelouks, avait délivré les Égyptiens d'une oppression aux
mille branches, qui ruinait le pays et qui s'exerçait sans au-
cune intelligence. -
» Tout étant préparé pour l'exécution des grands desseins
qui ont commencé la régénération de l'Egypte, Méhémet-Ali
se déclara propriétaire du sol. Il avait préalablement indem-
nisé les mosquées qui pouvaient faire valoir des droits à celle
même propriété.
» Puis il entreprit en grand l'exploitation des terres. Il dit
aux habitants : Vous devez cultiver tant d'hectares en blé, tant
en coton, tant en riz, en indigo, en lin. Le châtiment corporel
aurait été suspendu sur le dos ou plutôt sur les pieds des né-
gligents et des récalcitrants.
» Encore une fois, ne nous hâtons pas de blâmer, et pla-
çons-nous pour juger sainement les choses si étranges pour
la civilisation au point de vue qui leur convient. L'intimi-
dation est malheureusement, dans plus d'un cas, la première
ressource et la plus efficace pour tirer un peuple d'une abjec-
tion aussi profonde que celle où étaient tombés les Egyptiens
sous la domination desMamelouks. Dans de telles circonstances,
on ne réussit à opérer le bien que par la force. Les scrupules
qui empêcheraient l'exécution de réformes pareilles à celles
que méditait Méhémet-Ali seraient un trait de faiblesse dans
un chef d'État soumis aux nécessités qu'il rencontrait.
» Il n'a pas été facile, par exemple, de faire comprendre
aux Fellahs l'avantage qu'ils tireraient de la culture du coton-
nier. Si la volonté du Pacha réformateur n'était intervenue,
- ils n'eussent jamais semé les graines du coton, qui est en ce
moment une des richesses de l'Egypte, et qu'on recherche
chaque jour davantage en Europe.
, » Méhémet-Ali a-t-il eu tort d'absorber au profit de son
gouvernement le produit des améliorations qu'il a su imposer
à l'Egypte? C'est une question qui serait à examiner, et qui
a plusieurs faces. -
* Toujours est-il qu'il s'est institué l'unique vendeur des
produits du sol. C'est là le monopole célèbre qu'on lui a tant
reproché, et qui d'ailleurs a servi à doter le pays de plusieurs
1 travaux d'utilité publique et de quelques monuments et édifices
utiles, quoique plus tard l'administration égyptienne ait eu la
sagesse de renoncer à ce régime. -
» De quelle manière s'exerçait ce système de monopole ?
C'est ce qu'il faut savoir pour se rendre un compte exact des
changements opérés si heureusement par Saïd-Pacha.
» Au fond, la marche des choses était simple, et l'Egypte
n'en aurait peut-être pas trop souffert, si les agents intermé-
diaires, à qui était confiée la mission d'appliquer la loi de
Méhémet-Ali, avaient montré généralement plus de probité et
plus d'humanité.
» Voici donc en quoi consistait le régime établi par ce
prince.
» Il avait distribué les terres à des tenanciers, avec obli-
gation de délivrer au gouvernement la totalité des produits.
D'immenses magasins avaient été construits à Alexandrie,
principal siège de l'exportation pour l'étranger. D'autres lieux
de dépôt existaient dans les principaux centres de population.
Après la récolte, les habitants venaient y verser, ceux-ci les
céréales, les riz, ceux-là. les colons, les, lins, les indigos, en
un mot tous les produits si variés des terres qu'enrichit le Nil.
» Les agents chargés d'en faire recette y donnaient une éva-
luation; puis ils prélevaient la portion qui, à titre d'impôt, ou,
si l'on veut, de fermage, appartenait au souverain, et ils ache-
taient le reste.
» Si l'évaluation avait toujours été équitable ; si l'impôt
n'avait pas été souvent exagéré; si la portion achetée par le
gouvernement avait été honnêtement payée, le régime oui été
supportable. Au demeurant, le gouvernement eût été un ac-
quéreur comme un autre ; il eût même offert l'avantage d'un
placement sûr des produits, et les tenanciers .auraient fini par
trouver profit à continuer et même à étendre les cultures. La
preuve qu'un monopole de cette espèce peut être utile en cer-
taines circonstances exceptionnelles et transitoirement, c'est
qu'il s'exerce aujourd'hui au profit des colons en Algérie, où
le gouvernement achète tous les cotons produits dans le pays.
Il est vrai qu'il les paye cher.
» Mais ce n'était pas le cas en Egypte. Le monopole, expli-
cable au moins en principe, y était détestable dans la pratique.
» Les évaluations étaient toujours de beaucoup inférieures
à la valeur des marchandises. Règle générale : tout produit
que le tenancier venait verser dans les magasins de l'Etat était
déclaré de qualité inférieure. Par suite, la quantité à livrer
pour acquitter l'impôt était considérablement accrue, et la
somme à payer par le gouvernement pour acheter le surplus
qui appartenait aux cultivateurs se trouvait de beaucoup di-
minuée. Or, les agents ne versaient même pas toujours cette
somme en argent. Ils en donnaient l'équivalent en produits
manufacturés dans le pays, tels que tissus de colon; et natu-
rellement, ils outraient l'estimation de la valeur de ces pro-
duits.
» Il n'est pas difficile de voir que toutes ces opérations
combinées conduisaient le tenancier à sa ruine. Elle eût été
infaillible pour tous, si le prix de la main d'oeuvre n'était
pour ainsi dire nul, dans un pays où un Fellah peut vivre
avec 20 paras par jour, soit 10 centimes. La prodigieuse fer-
tilité du sol, l'étendue des terres cultivables, comparativement
à la population, contribuaient aussi à maintenir à flot les te-
nanciers les plus intelligents. Mais il est incontestable que la
masse de la population, sous un pareil régime, ne pouvait
qu'être misérable.
» Quant au but principal que poursuivait le souverain, et
qui était de faire rendre à l'Egypte autant de produits agri-
coles qu'olle en pouvait donner, eu égard à la population, il
était complètement atteint.
» Eu effet, des terres laissées jusque-là sans culture étaient
ensemencées; des produits négligés sous le gouvernement des
Mamelouks reparaissaient sur les marchés ; le cultivateur,
n'importe sous l'empire de quelle influence, recommençait à
travailler au delà des besoins de la vie de chaque jour. L'Eu-
rope apprenait à compter sur l'Egypte pour compléter ses
approvisionnements en blés, graine de lin, sésame, cotons.
Le gouvernement du pays voyait s'accroître énormément ses
revenus. L'Egypte reprenait sa place dans le monde. Les
cabinets tournaient les yeux de ce côté quand ils avaient à
calculer sur les chances de renaissance et de durée de l'Em-
pire d'Orient.
« Ce fut l'âge d'or des négociants européens établis à
Alexandrie. Ceux qui surent se mettre bien en cour firent
alors des bénéfices énormes en achetant au Pacha les mar-
chandises à un prix fort avantageux pour celui-ci, mais bien
inférieur encore à leur valeur sur les marchés de France,
d'Angleterre et d'Autriche, D'après ce que nous avons dit du
mode de recouvrement des impôts et d'évaluation des produits
versés par les cultivateurs dans les magasins du gouverne-
ment, on comprend que des marchandises livrées presque
pour rien pouvaient supporter deux ventes : celle du Pacha
aux spéculateurs et celle des spéculateurs au commerce de
l'Europe, et laisser encore aux uns et aux autres une marge
de bénéfices considérable.
» Les choses allèrent ainsi jusqu'en 1838.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 15/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6530615r/f15.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6530615r/f15.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6530615r/f15.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6530615r
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6530615r
Facebook
Twitter