Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-10-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 octobre 1860 15 octobre 1860
Description : 1860/10/15 (A5,N104). 1860/10/15 (A5,N104).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529970h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
334 L'ISTHME DE SUEZ,
lac Taï-Hu, et nous arrivâmes bientôt aux fortifica-
tions étendues, mais désertes, vainement préparées
peu de mois auparavant, pour défendre Sou-Chow contre
les rebelles.
» Gagnant l'extrémité sud-ouest du mur de la ville,
nous nous dirigeâmes vers le nord, sur la porte nommée
Fung-Men : le fossé était à demi comblé par les ruines
des maisons tombées et des morts sans sépulture. Ce
fut un temps court, mais inexprimablement pénible
que nous passâmes avant d'arriver à la porte. Les fau-
bourgs, autrefois si florissants et si populeux, fumaient
en vastes monceaux à notre droite et à notre gauche;
une masse de leurs habitants, jadis heureux et actifs,
étaient couchés dans les bras de la mort sur les eaux qui
nous entouraient. Comment n'aurions-nous pas sympa-
thisé profondément avec ces victimes sans nombre de
cette terrible guerre civile, la plupart s'étant suicidésdans
un accès de désespoir ! Quelques semaines avant l'arrivée
des insurgés, les mandarins de Sou-Chow avaient ordonné
la destruction de toutes les maisons entre le fossé et la
muraille, ainsi que des faubourgs situés au delà. Cette
mesure était considérée comme nécessaire pour la dé-
fense de la ville, elle impliquait l'incendie d'une infinité
de maisons et de rues où se faisait un commerce étendu,
et aboutit enfin à ne servir qu'aux chefs rebelles qui con-
quirent la cité. Les nouveaux occupants complétèrent
bientôt ce qui n'avait pas été achevé, et maintenant,
pas une maison ne reste hors de la ville, excepté celles
que l'on conserve pour servir de corps de garde.
» Après quelques minutes d'attente, nous fûmes ad-
mis dans l'intérieur de la porte ; les murailles, en cet
endroit, ont peut-être quarante pieds de haut ; tout le
long du sommet des créneaux, et sur tout le circuit
des murs des charpentes ont été placées, armées d'une
multitude de petits pieux. En outre, des pointes aiguës
de bambous pavent, en quelque sorte, le sol entre le
mur et le fossé. Ces précautions contre les surprises
sont bien connues en Chine, où l'art militaire est bien
et minutieusement discuté dans les livres, quoiqu'il soit
peu appliqué dans la pratique par défaut de courage
et de décision.
» Le vieux portier Swangsi, grand et gros, qui nous
ouvrit la porte, ne décida qu'il avait bien fait qu'après
avoir soigneusement inspecté l'enveloppe contenant nos
passe-ports. Nous nous dirigeâmes alors vers le plus
prochain officier qui nous fournit un guide pour le pa-
lais du Chung-Wang. Une marche de trois milles nous
y conduisit fatigués du chemin et attristés de ce que
nous avions vu. Le murmure affairé du commerce était
remplacé dans les rues par le bruit des gongs, le piéti-
nement des chevaux et toutes les apparences d'un
camp armé. Des hommes aux regards durs, parés de
costumes bizarres couvraient le pavé, au lieu des ci-
toyens confortables qu'on rencontrait auparavant et
dont le riche vêtement s'accordait avec leur condition
de large aisance. Toute maison de famille convenable
était devenue le logement de quelque chef en turban et
robe jaune ; çà et là la tête d'un déserteur suspendue
comme avertissement présentait un hideux spectacle.
Les anciens habitants, dont il restait très-peu, parais-
saient affamés et misérables. Les rebelles ont peu de
respect pour ces sortes de gens ; on leur fait porter des
fardeaux, en retour desquels ils reçoivent à peine une
insuffisante nourriture. Cette dureté devient insuppor-
table aux hommes respectables accoutumés à la vie
aisée, et ceux-là ne pensent qu'à s'échapper.
■"» Une immense maison particulière a été choisie pour
les quartiers du Chung-Wang, « roi de la foi. » En arri-
vant nous fûmes reçus poliment, et notre introduction en
présence du chef fut retardée par une visite « du roi flo-
rissant » Ying-Wang. Lorsqu'il arriva et partit nous
entendîmes le bruit assourdissant du salut de neuf pé-
tards chinois, accompagnés par les gongs et la musi-
que. Il n'était que depuis deux jours à Sou-Chow et com-
mandait tout nouvellement une armée dans la province
de Ngan-Hwei ; pendant que nous attendions, quelques
chefs d'une haute position vinrent converser avec nous.
» L'un d'eux nous demanda si nous savions quelque
chose d'un ancien ami de Tien-Wang à Kanton, le révé-
rend Roberts. Il avait été prié en quittant Nankin de
demander des nouvelles de sa santé lorsqu'il entrerait
en communication avec « les frères de l'Occident..
» Ils nous apprirent qu'ils exécutaient le baptême en
se frottant le dos avec de l'eau, rite qu'ils appelaient
« entrer dans la sainteté. » Ils nous dirent encore qu'il
y avait environ cinquante publications autorisées par le
gouvernement central de Nankin, incluant le Nouveau
Testament tout entier. Les nouveaux néophytes sont
instruits à répéter quelques formules de louange au Père.
au Fils et au Saint-Esprit, et ensuite ils sont reçus.
Il A environ huit heures du soir, après avoir attendu
peut-être une heure et demie, nous fûmes conduits
à la salle d'entrée et restâmes à la droite quelques
minutes à la suite d"une longue file d'officiers et de
serviteurs au nombre de quarante ou cinquante, se te-
nant sur deux rangs, se faisant face les uns aux autres.
Au fond de l'intérieur était le chef lui-même que nous
étions venus voir. Après six saluts accompagnés de mu-
sique et des gongs, nous fûmes conduits à travers la
longue et magnifique perspective sur laquelle nous
avions déjà jeté quelques regards de curiosité. Pendant
que nous étions dans la salle d'attente, nous avions ex"
primé nos objections contre l'agenouillement, et on nous
permit de nous présenter avec une simple inclination
et la tête découverte. Après nous être inclinés et nous
être tenus debout devant le Chung-Wang pendant une
minute, nous fûmes placés à sa droite vis-à-vis ses prin-
cipaux ministres.
» La salle d'audience était tapissée de rouge ; de
grandes lanternes de corne tenues entre les officiers
debout de chaque côté, ajoutaient à la splendeur de la
scène; tous portaient des robes et des bonnets de soie
rouge et jaune. La seule personne assise était le chef
lui-même, vêtu d'une riche robe de satin jaune, brodée
de dragons. Son chapeau était d'or et laissait tomber
sur ses épaules trois feuilles en trèfle au bout desquelles
pendait une grosse perle.
» Le « roi de la foi Il est un homme de petite et vive
figure; il M trente-sept ans, porte des lunettes avec de
grands verres circulaires et paraît très préoccupé de
garder une convenable dignité, tandis qu'il est évidem-
lac Taï-Hu, et nous arrivâmes bientôt aux fortifica-
tions étendues, mais désertes, vainement préparées
peu de mois auparavant, pour défendre Sou-Chow contre
les rebelles.
» Gagnant l'extrémité sud-ouest du mur de la ville,
nous nous dirigeâmes vers le nord, sur la porte nommée
Fung-Men : le fossé était à demi comblé par les ruines
des maisons tombées et des morts sans sépulture. Ce
fut un temps court, mais inexprimablement pénible
que nous passâmes avant d'arriver à la porte. Les fau-
bourgs, autrefois si florissants et si populeux, fumaient
en vastes monceaux à notre droite et à notre gauche;
une masse de leurs habitants, jadis heureux et actifs,
étaient couchés dans les bras de la mort sur les eaux qui
nous entouraient. Comment n'aurions-nous pas sympa-
thisé profondément avec ces victimes sans nombre de
cette terrible guerre civile, la plupart s'étant suicidésdans
un accès de désespoir ! Quelques semaines avant l'arrivée
des insurgés, les mandarins de Sou-Chow avaient ordonné
la destruction de toutes les maisons entre le fossé et la
muraille, ainsi que des faubourgs situés au delà. Cette
mesure était considérée comme nécessaire pour la dé-
fense de la ville, elle impliquait l'incendie d'une infinité
de maisons et de rues où se faisait un commerce étendu,
et aboutit enfin à ne servir qu'aux chefs rebelles qui con-
quirent la cité. Les nouveaux occupants complétèrent
bientôt ce qui n'avait pas été achevé, et maintenant,
pas une maison ne reste hors de la ville, excepté celles
que l'on conserve pour servir de corps de garde.
» Après quelques minutes d'attente, nous fûmes ad-
mis dans l'intérieur de la porte ; les murailles, en cet
endroit, ont peut-être quarante pieds de haut ; tout le
long du sommet des créneaux, et sur tout le circuit
des murs des charpentes ont été placées, armées d'une
multitude de petits pieux. En outre, des pointes aiguës
de bambous pavent, en quelque sorte, le sol entre le
mur et le fossé. Ces précautions contre les surprises
sont bien connues en Chine, où l'art militaire est bien
et minutieusement discuté dans les livres, quoiqu'il soit
peu appliqué dans la pratique par défaut de courage
et de décision.
» Le vieux portier Swangsi, grand et gros, qui nous
ouvrit la porte, ne décida qu'il avait bien fait qu'après
avoir soigneusement inspecté l'enveloppe contenant nos
passe-ports. Nous nous dirigeâmes alors vers le plus
prochain officier qui nous fournit un guide pour le pa-
lais du Chung-Wang. Une marche de trois milles nous
y conduisit fatigués du chemin et attristés de ce que
nous avions vu. Le murmure affairé du commerce était
remplacé dans les rues par le bruit des gongs, le piéti-
nement des chevaux et toutes les apparences d'un
camp armé. Des hommes aux regards durs, parés de
costumes bizarres couvraient le pavé, au lieu des ci-
toyens confortables qu'on rencontrait auparavant et
dont le riche vêtement s'accordait avec leur condition
de large aisance. Toute maison de famille convenable
était devenue le logement de quelque chef en turban et
robe jaune ; çà et là la tête d'un déserteur suspendue
comme avertissement présentait un hideux spectacle.
Les anciens habitants, dont il restait très-peu, parais-
saient affamés et misérables. Les rebelles ont peu de
respect pour ces sortes de gens ; on leur fait porter des
fardeaux, en retour desquels ils reçoivent à peine une
insuffisante nourriture. Cette dureté devient insuppor-
table aux hommes respectables accoutumés à la vie
aisée, et ceux-là ne pensent qu'à s'échapper.
■"» Une immense maison particulière a été choisie pour
les quartiers du Chung-Wang, « roi de la foi. » En arri-
vant nous fûmes reçus poliment, et notre introduction en
présence du chef fut retardée par une visite « du roi flo-
rissant » Ying-Wang. Lorsqu'il arriva et partit nous
entendîmes le bruit assourdissant du salut de neuf pé-
tards chinois, accompagnés par les gongs et la musi-
que. Il n'était que depuis deux jours à Sou-Chow et com-
mandait tout nouvellement une armée dans la province
de Ngan-Hwei ; pendant que nous attendions, quelques
chefs d'une haute position vinrent converser avec nous.
» L'un d'eux nous demanda si nous savions quelque
chose d'un ancien ami de Tien-Wang à Kanton, le révé-
rend Roberts. Il avait été prié en quittant Nankin de
demander des nouvelles de sa santé lorsqu'il entrerait
en communication avec « les frères de l'Occident..
» Ils nous apprirent qu'ils exécutaient le baptême en
se frottant le dos avec de l'eau, rite qu'ils appelaient
« entrer dans la sainteté. » Ils nous dirent encore qu'il
y avait environ cinquante publications autorisées par le
gouvernement central de Nankin, incluant le Nouveau
Testament tout entier. Les nouveaux néophytes sont
instruits à répéter quelques formules de louange au Père.
au Fils et au Saint-Esprit, et ensuite ils sont reçus.
Il A environ huit heures du soir, après avoir attendu
peut-être une heure et demie, nous fûmes conduits
à la salle d'entrée et restâmes à la droite quelques
minutes à la suite d"une longue file d'officiers et de
serviteurs au nombre de quarante ou cinquante, se te-
nant sur deux rangs, se faisant face les uns aux autres.
Au fond de l'intérieur était le chef lui-même que nous
étions venus voir. Après six saluts accompagnés de mu-
sique et des gongs, nous fûmes conduits à travers la
longue et magnifique perspective sur laquelle nous
avions déjà jeté quelques regards de curiosité. Pendant
que nous étions dans la salle d'attente, nous avions ex"
primé nos objections contre l'agenouillement, et on nous
permit de nous présenter avec une simple inclination
et la tête découverte. Après nous être inclinés et nous
être tenus debout devant le Chung-Wang pendant une
minute, nous fûmes placés à sa droite vis-à-vis ses prin-
cipaux ministres.
» La salle d'audience était tapissée de rouge ; de
grandes lanternes de corne tenues entre les officiers
debout de chaque côté, ajoutaient à la splendeur de la
scène; tous portaient des robes et des bonnets de soie
rouge et jaune. La seule personne assise était le chef
lui-même, vêtu d'une riche robe de satin jaune, brodée
de dragons. Son chapeau était d'or et laissait tomber
sur ses épaules trois feuilles en trèfle au bout desquelles
pendait une grosse perle.
» Le « roi de la foi Il est un homme de petite et vive
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