Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-10-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 octobre 1860 01 octobre 1860
Description : 1860/10/01 (A5,N103). 1860/10/01 (A5,N103).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529969v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
318 L'ISTHME DE SUEZ,
gulière circonstance, échappée sans nul doute à l'at-
tention du sculpteur musulman.
Je reviens au tombeau d'Ève. A partir de la tête
jusqu'à la taille on compte 109 pas ordinaire. C'est là
qu'est la partie principale du monument, et il semble
que ceux qui l'édifièrent ont voulu, par là, honorer
plus particulièrement les flancs qui ont porté nos pre-
miers aïeux. Cet édifice se compose d'abord d'un assez
large vestibule de 8 pas carrés environ, couvert d'un
toit fort mesquin et dans lequel on pénètre par deux
portes ou grilles en fer placées vis-à-vis l'une de l'autre.
Le pavé est recouvert de nattes, au plafond sont sus-
pendues quelques lampes, et sur les murs, blanchis à
la chaux, s'étalent des cadres renfermant des versets
du Coran et des sentences religieuses. A gauche en
entrant dans ce vestibule se voit le tombeau d'une
femme du sultan Mahmoud, morte à Djeddah en 1858
au retour de son pèlerinage de la Mecque. Il est d'une
simplicité des plus pauvres : une caisse de bois élevée
de lm,50 au-dessus du sol et recouverte d'un drap
vert fané et déchiré, en fait tous les frais. Aucune ins-
cription, aucun signe apparent ne signale au visiteur
cette tombe impériale. Une porte pratiquée en face
vous fait pénétrer dans une pièce de 5 à 6 mètres car-
rés, surmontée d'une coupole et éclairée par deux fe-
nêtres grillées s'ouvrant, à droite et à gauche, sur
l'espace compris entre le* (10nX murs parallèles déjà
décrits. Là, encore, des lampes sont suspendues au
dôme, et des versets du Coran encadrés tapissent les
murs. De grands rideaux en étoffe de laine verte, sur
lesquels sont appliquées des sentences religieuses dé-
coupées dans du drap jaune, garnissent les deux fe-
nètres et ne laissent pénétrer dans la pièce qu'un demi-
jour mystérieux. Une grande portière, semblable aux
rideaux, tapisse la porte d'entrée. Les murs, comme
ceux du vestibule, sont blanchis à la chaux vive.
Au centre, et à plusieurs pieds sous terre, précisément
au-dessous de la clef de voûte du dôme, se trouve en-
foui, suivant l'affirmation sentencieuse et grave du
gardien cicérone, grand diable de nègre, au regard
fauve et à la physionomie farouche, l'ombilic (sorra)
de notre mère Eve. Ce point capital de tout le monu-
ment est indiqué par un encadrement de pierres
froides noires, mal équarries, non polies et qui font
saillie au-dessus du pavé de 25 centimètres. Une large
et épaisse pièce de bois de sandal en forme le fond et
répand partout une odeur forte et pénétrante. Au.
dessus s'élève une grande caisse en bois des îles, haute
de 1 mètre et longue de lra,50 environ. C'est par une
petite porte pratiquée à la paroi qui fait face à l'entrée
de la pièce que le visiteur, forcé de s'agenouiller, passe
la tête pour réciter une prière dans le tabernacle
même et y baiser dévotement l'encadrement de pierre.
Cette caisse est recouverte d'une housse de soie verte
autour de laquelle courent, entrelacées, des lettres
brodées en or de plusieurs sentences religieuses. Enfin,
au-dessus de la caisse elle-même et l'entourant de
toutes parts, en laissant entre elles un espace vide de
20 centimètres environ, se trouve posée une sorte de
cage en bois noir très-dur, à grillage habilement tra-
vaillé, don pieux d'un Indien qui, de retour dans son
pays, après son pèlerinage à la Mecque, envoya ce sou-
venir à la tombe d'Ève. Cette cage a deux battants
qui s'ouvrent précisément devant la petite porte prati-
quée à la paroi de la caisse intérieure.
A partir de cet édifice, dont le dôme est surmonté
extérieurement d'une tige en fer ornée de boules en
cuivre et terminée par un croissant, les deux petits
murs parallèles se continuent l'espace de 68 pas, et se
réunissent au bout par une petite bâtisse basse en
forme de demi-cercle. Là se trouve, comme à la tête,
une petite colonne en pierre peinte en vert, haute de 5
à 6 pieds et recouverte d'une inscription arabe qui in-
dique la place des pieds de Oumena Haoua. Du reste,
cette disproportion énorme entre la longueur du buste,
qui de la tête à la taille a 109 pas, et celle de la partie
inférieure du corps qui n'en a que 68, ne frappe nulle-
ment les Arabes, qui peut-être n'en ont jamais fait la
remarque.
Avant d'en finir avec ce long article, je dirai que l'en-
semble du cimetière est propre, convenable et parfaite-
ment entretenu. Il y a plusieurs années, les chrétiens
n'y étaient point admis ; aujourd'hui ils y entrent libre-
ment. C'est ainsi que j'ai pu y aller faire plusieurs vi-
sites, même avec des dames, et, chose plus significative
encore, y faire couper, pour conserver à titre de souve-
nir, plusieurs palmes des gracieux dattiers qui ombra-
gent la place où notre mère Ève repose sa tête.
Je terminerai cette lettre par quelques détails sur la
ville même de Djeddah.
Les rues de Djeddah sont généralement étroites, et
nulle part on ne voit de traces de pavé. Le service de
voirie et du balayage laisse énormément à désirer : c'est
ainsi, par exemple, que l'on voit bon nombre de pans de
murailles toutes lézardées, menaçant ruines et qui ne se
soutiennent encore que grâce à un prodige d'équilibre ;
des boutiques ou des établis dresés par de pauvres
industriels sur la voie publique et gênant la circulation;
par-ci par-là des dépôts d'immondices ; des ca-
hutes en chaume encombrant les grands espaces vides.
Des familles entières d'individus indiens et javanais ve-
nus en pèlerinage, et qui manquant de ressources pour
retourner dans leurs pays, se fixent momentanément à
Djeddah et y vivent de la charité publique sous des lam-
beaux de nattes ou de toits dressés dans les rues mê-
mes en forme d'abri. Cette population parasite grouille
dans un milieu de malpropreté inimaginable et présente
toujours le tableau de la plus grande misère. Cet
ensemble de circonstances, joint aux miasmes qui se dé-
gagent des détritus de végétaux et d'animaux semés
sur la voie publique et aux exhalaisons délétères des
eaux croupissantes de la mer, qui dans la ville même
comn.e en dehors de ses murs forment des espèces de
marais malsains, ne contribuent pas peu à exercer une
influence morbifique sur la population exposée à son
action. Mais heuieuszment que la nature a placé à côté
du mal, sinon un remède radical, du moins un pallia-
tif : ce sont les effluves d'un soleil ardent qui calcinent,
en quelque sorte, toutes ces matières putrides et, aspi-
pirant en grande partie les émanations insalubres du
sol, en assainissent un peu .'atmosphère. Si c'est là
l'état hygiénique normal de Djeddah, jugez par vous-
gulière circonstance, échappée sans nul doute à l'at-
tention du sculpteur musulman.
Je reviens au tombeau d'Ève. A partir de la tête
jusqu'à la taille on compte 109 pas ordinaire. C'est là
qu'est la partie principale du monument, et il semble
que ceux qui l'édifièrent ont voulu, par là, honorer
plus particulièrement les flancs qui ont porté nos pre-
miers aïeux. Cet édifice se compose d'abord d'un assez
large vestibule de 8 pas carrés environ, couvert d'un
toit fort mesquin et dans lequel on pénètre par deux
portes ou grilles en fer placées vis-à-vis l'une de l'autre.
Le pavé est recouvert de nattes, au plafond sont sus-
pendues quelques lampes, et sur les murs, blanchis à
la chaux, s'étalent des cadres renfermant des versets
du Coran et des sentences religieuses. A gauche en
entrant dans ce vestibule se voit le tombeau d'une
femme du sultan Mahmoud, morte à Djeddah en 1858
au retour de son pèlerinage de la Mecque. Il est d'une
simplicité des plus pauvres : une caisse de bois élevée
de lm,50 au-dessus du sol et recouverte d'un drap
vert fané et déchiré, en fait tous les frais. Aucune ins-
cription, aucun signe apparent ne signale au visiteur
cette tombe impériale. Une porte pratiquée en face
vous fait pénétrer dans une pièce de 5 à 6 mètres car-
rés, surmontée d'une coupole et éclairée par deux fe-
nêtres grillées s'ouvrant, à droite et à gauche, sur
l'espace compris entre le* (10nX murs parallèles déjà
décrits. Là, encore, des lampes sont suspendues au
dôme, et des versets du Coran encadrés tapissent les
murs. De grands rideaux en étoffe de laine verte, sur
lesquels sont appliquées des sentences religieuses dé-
coupées dans du drap jaune, garnissent les deux fe-
nètres et ne laissent pénétrer dans la pièce qu'un demi-
jour mystérieux. Une grande portière, semblable aux
rideaux, tapisse la porte d'entrée. Les murs, comme
ceux du vestibule, sont blanchis à la chaux vive.
Au centre, et à plusieurs pieds sous terre, précisément
au-dessous de la clef de voûte du dôme, se trouve en-
foui, suivant l'affirmation sentencieuse et grave du
gardien cicérone, grand diable de nègre, au regard
fauve et à la physionomie farouche, l'ombilic (sorra)
de notre mère Eve. Ce point capital de tout le monu-
ment est indiqué par un encadrement de pierres
froides noires, mal équarries, non polies et qui font
saillie au-dessus du pavé de 25 centimètres. Une large
et épaisse pièce de bois de sandal en forme le fond et
répand partout une odeur forte et pénétrante. Au.
dessus s'élève une grande caisse en bois des îles, haute
de 1 mètre et longue de lra,50 environ. C'est par une
petite porte pratiquée à la paroi qui fait face à l'entrée
de la pièce que le visiteur, forcé de s'agenouiller, passe
la tête pour réciter une prière dans le tabernacle
même et y baiser dévotement l'encadrement de pierre.
Cette caisse est recouverte d'une housse de soie verte
autour de laquelle courent, entrelacées, des lettres
brodées en or de plusieurs sentences religieuses. Enfin,
au-dessus de la caisse elle-même et l'entourant de
toutes parts, en laissant entre elles un espace vide de
20 centimètres environ, se trouve posée une sorte de
cage en bois noir très-dur, à grillage habilement tra-
vaillé, don pieux d'un Indien qui, de retour dans son
pays, après son pèlerinage à la Mecque, envoya ce sou-
venir à la tombe d'Ève. Cette cage a deux battants
qui s'ouvrent précisément devant la petite porte prati-
quée à la paroi de la caisse intérieure.
A partir de cet édifice, dont le dôme est surmonté
extérieurement d'une tige en fer ornée de boules en
cuivre et terminée par un croissant, les deux petits
murs parallèles se continuent l'espace de 68 pas, et se
réunissent au bout par une petite bâtisse basse en
forme de demi-cercle. Là se trouve, comme à la tête,
une petite colonne en pierre peinte en vert, haute de 5
à 6 pieds et recouverte d'une inscription arabe qui in-
dique la place des pieds de Oumena Haoua. Du reste,
cette disproportion énorme entre la longueur du buste,
qui de la tête à la taille a 109 pas, et celle de la partie
inférieure du corps qui n'en a que 68, ne frappe nulle-
ment les Arabes, qui peut-être n'en ont jamais fait la
remarque.
Avant d'en finir avec ce long article, je dirai que l'en-
semble du cimetière est propre, convenable et parfaite-
ment entretenu. Il y a plusieurs années, les chrétiens
n'y étaient point admis ; aujourd'hui ils y entrent libre-
ment. C'est ainsi que j'ai pu y aller faire plusieurs vi-
sites, même avec des dames, et, chose plus significative
encore, y faire couper, pour conserver à titre de souve-
nir, plusieurs palmes des gracieux dattiers qui ombra-
gent la place où notre mère Ève repose sa tête.
Je terminerai cette lettre par quelques détails sur la
ville même de Djeddah.
Les rues de Djeddah sont généralement étroites, et
nulle part on ne voit de traces de pavé. Le service de
voirie et du balayage laisse énormément à désirer : c'est
ainsi, par exemple, que l'on voit bon nombre de pans de
murailles toutes lézardées, menaçant ruines et qui ne se
soutiennent encore que grâce à un prodige d'équilibre ;
des boutiques ou des établis dresés par de pauvres
industriels sur la voie publique et gênant la circulation;
par-ci par-là des dépôts d'immondices ; des ca-
hutes en chaume encombrant les grands espaces vides.
Des familles entières d'individus indiens et javanais ve-
nus en pèlerinage, et qui manquant de ressources pour
retourner dans leurs pays, se fixent momentanément à
Djeddah et y vivent de la charité publique sous des lam-
beaux de nattes ou de toits dressés dans les rues mê-
mes en forme d'abri. Cette population parasite grouille
dans un milieu de malpropreté inimaginable et présente
toujours le tableau de la plus grande misère. Cet
ensemble de circonstances, joint aux miasmes qui se dé-
gagent des détritus de végétaux et d'animaux semés
sur la voie publique et aux exhalaisons délétères des
eaux croupissantes de la mer, qui dans la ville même
comn.e en dehors de ses murs forment des espèces de
marais malsains, ne contribuent pas peu à exercer une
influence morbifique sur la population exposée à son
action. Mais heuieuszment que la nature a placé à côté
du mal, sinon un remède radical, du moins un pallia-
tif : ce sont les effluves d'un soleil ardent qui calcinent,
en quelque sorte, toutes ces matières putrides et, aspi-
pirant en grande partie les émanations insalubres du
sol, en assainissent un peu .'atmosphère. Si c'est là
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