Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-10-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 octobre 1860 01 octobre 1860
Description : 1860/10/01 (A5,N103). 1860/10/01 (A5,N103).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529969v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 319
même de ce que ça doit être dans la période du pèleri-
nage, époque où sa population flottante peut être évaluée
sans exagération à 25 ou 30,000 personnes, et où la
majeure partie de cette foule s'entasse dans les rues
et sur les places, exposée le jour à un soleil brûlant et
la nuit à une rosée des p us abondantes, faisant tout
sur la voie publique, et initiant ainsi les passants à des
détails curieux, sans doute, de la vie domestique, mais,
aussi, fort sales et fort immondes.
Au nombre des rues de Djeddah, il en existe plusieurs
qui sont relativement plus spacieuses et plus propres
et, ça et là, quelques places ou carrefours permettent à
l'air de circuler plus librement. Je citerai de ce nom-
bre, entre autres, la place qui se trouve devant le con-
sulat de France actuel et la caserne d'artillerie, celle où
est située la maison occupée ordinairement par le pacha,
celle qui se trouve immédiatement après la porte de la
Douane, les espaces vides qui s'étendent autour des
remparts et en dedans des portes de la ville, enfin les
bazars. Je vous dirai quelques mots de ces derniers.
Le plus long d'entre eux est celui qui s'étend parallèle-
ment à la mer ; c'est la grande et principale artère de la
ville. L'alignement des maisons et oukelas ou caravansé-
rails qui le bordent à droite et à gauche est loin d'être
parfait; sa largeur est inégale, sa direction tortueuse, et il
est recouvert de distance en distance par des lambeaux
de nattes ou de tentes de toile qui ont la prétention de
garantir les passants et les sédentaires des ardeurs du
soleil. Il y règne un grand mouvement et on y trouve
réunis des marchands ou industriels de toutes sortes,
depuis celui qui vend dans sa boutique, grande comme
une armoire, des tapis, des étoffes, des soieries, des
quincailleries, épiceries et merceries, jusqu'à l'artisan
forgeron, maraîcher ou gargotier. Là se voit, à côté
d'un magasin bien achalandé, tenu par un négociant
anglais ou indigène, une échoppe où se débitent de
l'huile rance de sésame, des bouteilles d'orgeat et de
sirop, et des poissons salés et séchés au soleil; ici c'est
un confiseur égyptien qui étale sur une table d'une
propreté louche et douteuse, des sucreries et des gâ-
teaux faits avec du miel fermenté; là un restaurateur
éthiopien qui sert à manger à ses clients, sur une petite
table commune graisseuse et crasseuse, des poissons et
des morceaux de viande qu'il fait frire ou rôtir, séance
tenante, dans une poêle ou sur un gril qui sont à sa
portée ; plus loin c'est un menuisier indigène qui s'ef-
force en vain de scier ou d'équarrir à peu près droit ure
pièce de bois à côté d'un forgeron abyssin dont les éclats
de l'enclume viennent souvent brûler les bras et les
jambes des passants, et qui enfume avec la fumée de sa
forge sans tuyau de cheminée les boutiques et les
maisons voisines; en face, c'est un café en plein vent,
où de nombreux consommateurs, appartenant à toutes
les classes de la population, accroupis sur des bancs
estropiés et boiteux, hument lentement, dans de mi-
croscopiques tasses, l'aromc du boun ou du kccheré, soit
de la fève torréfiée du café moka, ou simplement de son
écorce, en aspirant gravement et à longs traits d'énor
mes bouffées de tombak brûlant au haut du chichè posé
à terre ou du bourri qu'ils tiennent à la main, sortes de
pipes à eau persanes ; tout auprès, une vieille femme
assise sur un escabeau vend des pains empilés devant
elle dans un panier, tandis que son voisin de droite
étale par terre tout un arsenal de vieilles ferrailles, de
vieux clous rouillés et de serrures sans clefs, et que son
voisin de gauche cherche, à grands renforts de cris, à
faire acheter aux passants des melons d'eau ou pastè-
ques, des courges et des oignons. Au milieu de ce
bruit assourdissant et de cette multitude diverse, hom-
mes, femmes et enfants ne cessent d'aller et venir en
tous sens, non sans risquer d'être tantôt renversés par
un chameau, portant, en murmurant, sur son dos, des
ballots de marchandise ou des outres pleines d'eau,
tantôt heurtés par des portefaix nègres, esclaves à
demi nus, courbés sous le poids de leurs fardeaux, tan-
tôt, enfin, bousculés par des chiens galeux et criards,
qui viennent se jeter dans leurs jambes en hurlant.
C'est là, je vous assure, un spectacle kaléidoscopique
du plus curieux effet, et qui ne m'a jamais lassé, tant
les scènes en sont changeantes et les sujets variés.
Cette animation des bazars n'a lieu, bien entendu, que
le matin et le soir, car dans le courant de la journée il
fait si chaud, que les 9/l0e. de la population de Djeddah
se tiennent renfermés dans la partie la plus fraîche des
habitations et se livrent avec insouciance à une sieste
et un far niente des plus prolongés.
Plusieurs petites rues recouvertes d'un toit en plan-
ches disjointes partent de cette grande artère ou bazar
central, et vont aboutir à un second bazar latéral appelé
Souk el Haradje, et où ont lieu les ventes à la criée
de toutes sortes d'objets neufs ou vieux. Ces rues sont
elles-mêmes autant de petits souks bordés des deux
côtés de petites boutiques dans lesquelles sont entassés
des tissus, des essences, des épiceries, merceries, etc., etc.,
et où le marchand se tient accroupi toute la journée
sur ses talons, attendant flegmatiquement, en causant
et en fumant avec des flâneurs, qu'un chaland se présente
pour le fortement exploiter. C'est dans le Souk el
Haradj que se fait ordinairement la vente des esclaves
abyssiniens ou éthiopiens. Je vous parlerai une au-
tre fois, avec quelques détails, de la traite et de la vente
des esclaves, que le gouvernement ottoman, malgré sa
bonne volonté, n'a pu abolir encore dans ces contrées.
Les maisons de Djeddah sont toutes construites en
pierre, qu'on retire, je l'ai déjà dit, des bords de la mer
ou du fond même de la rade ; elles sont élevées et bien
aérées, et un grand nombre ont deux et même trois
étages. Toutes ont des fenêtres sur la rue, indépendam-
ment des jours qu'elles prennent dans l'intérieur, et,
d'ordinaire, ces fenêtres font saillie en dehors en forme
de balcons ; leur travail de menuiserie à petit treillage
et à auvents relevés ne laisse pas d'être curieux, et pré-
sente de loin un aspect fort pittoresque. La chaux
n'entre jamais dans la composition du mortier dont on
se sert pour construire ; on bâtit simplement avec de
la terre glaise, humide, brune ou verdâtre, que l'on re-
tire des bords de la mer, et ce n'est que lorsque toute
la bâtisse est terminée, et après l'avoir laissée se sé-
cher pendant quelque temps, que l'on recouvre les
murs intérieurement et extérieurement d'une épaisse
couche de plâtre, appelé ici noura. Les planches, et gé-
néralement tous les bois employés pour la toiture et la
même de ce que ça doit être dans la période du pèleri-
nage, époque où sa population flottante peut être évaluée
sans exagération à 25 ou 30,000 personnes, et où la
majeure partie de cette foule s'entasse dans les rues
et sur les places, exposée le jour à un soleil brûlant et
la nuit à une rosée des p us abondantes, faisant tout
sur la voie publique, et initiant ainsi les passants à des
détails curieux, sans doute, de la vie domestique, mais,
aussi, fort sales et fort immondes.
Au nombre des rues de Djeddah, il en existe plusieurs
qui sont relativement plus spacieuses et plus propres
et, ça et là, quelques places ou carrefours permettent à
l'air de circuler plus librement. Je citerai de ce nom-
bre, entre autres, la place qui se trouve devant le con-
sulat de France actuel et la caserne d'artillerie, celle où
est située la maison occupée ordinairement par le pacha,
celle qui se trouve immédiatement après la porte de la
Douane, les espaces vides qui s'étendent autour des
remparts et en dedans des portes de la ville, enfin les
bazars. Je vous dirai quelques mots de ces derniers.
Le plus long d'entre eux est celui qui s'étend parallèle-
ment à la mer ; c'est la grande et principale artère de la
ville. L'alignement des maisons et oukelas ou caravansé-
rails qui le bordent à droite et à gauche est loin d'être
parfait; sa largeur est inégale, sa direction tortueuse, et il
est recouvert de distance en distance par des lambeaux
de nattes ou de tentes de toile qui ont la prétention de
garantir les passants et les sédentaires des ardeurs du
soleil. Il y règne un grand mouvement et on y trouve
réunis des marchands ou industriels de toutes sortes,
depuis celui qui vend dans sa boutique, grande comme
une armoire, des tapis, des étoffes, des soieries, des
quincailleries, épiceries et merceries, jusqu'à l'artisan
forgeron, maraîcher ou gargotier. Là se voit, à côté
d'un magasin bien achalandé, tenu par un négociant
anglais ou indigène, une échoppe où se débitent de
l'huile rance de sésame, des bouteilles d'orgeat et de
sirop, et des poissons salés et séchés au soleil; ici c'est
un confiseur égyptien qui étale sur une table d'une
propreté louche et douteuse, des sucreries et des gâ-
teaux faits avec du miel fermenté; là un restaurateur
éthiopien qui sert à manger à ses clients, sur une petite
table commune graisseuse et crasseuse, des poissons et
des morceaux de viande qu'il fait frire ou rôtir, séance
tenante, dans une poêle ou sur un gril qui sont à sa
portée ; plus loin c'est un menuisier indigène qui s'ef-
force en vain de scier ou d'équarrir à peu près droit ure
pièce de bois à côté d'un forgeron abyssin dont les éclats
de l'enclume viennent souvent brûler les bras et les
jambes des passants, et qui enfume avec la fumée de sa
forge sans tuyau de cheminée les boutiques et les
maisons voisines; en face, c'est un café en plein vent,
où de nombreux consommateurs, appartenant à toutes
les classes de la population, accroupis sur des bancs
estropiés et boiteux, hument lentement, dans de mi-
croscopiques tasses, l'aromc du boun ou du kccheré, soit
de la fève torréfiée du café moka, ou simplement de son
écorce, en aspirant gravement et à longs traits d'énor
mes bouffées de tombak brûlant au haut du chichè posé
à terre ou du bourri qu'ils tiennent à la main, sortes de
pipes à eau persanes ; tout auprès, une vieille femme
assise sur un escabeau vend des pains empilés devant
elle dans un panier, tandis que son voisin de droite
étale par terre tout un arsenal de vieilles ferrailles, de
vieux clous rouillés et de serrures sans clefs, et que son
voisin de gauche cherche, à grands renforts de cris, à
faire acheter aux passants des melons d'eau ou pastè-
ques, des courges et des oignons. Au milieu de ce
bruit assourdissant et de cette multitude diverse, hom-
mes, femmes et enfants ne cessent d'aller et venir en
tous sens, non sans risquer d'être tantôt renversés par
un chameau, portant, en murmurant, sur son dos, des
ballots de marchandise ou des outres pleines d'eau,
tantôt heurtés par des portefaix nègres, esclaves à
demi nus, courbés sous le poids de leurs fardeaux, tan-
tôt, enfin, bousculés par des chiens galeux et criards,
qui viennent se jeter dans leurs jambes en hurlant.
C'est là, je vous assure, un spectacle kaléidoscopique
du plus curieux effet, et qui ne m'a jamais lassé, tant
les scènes en sont changeantes et les sujets variés.
Cette animation des bazars n'a lieu, bien entendu, que
le matin et le soir, car dans le courant de la journée il
fait si chaud, que les 9/l0e. de la population de Djeddah
se tiennent renfermés dans la partie la plus fraîche des
habitations et se livrent avec insouciance à une sieste
et un far niente des plus prolongés.
Plusieurs petites rues recouvertes d'un toit en plan-
ches disjointes partent de cette grande artère ou bazar
central, et vont aboutir à un second bazar latéral appelé
Souk el Haradje, et où ont lieu les ventes à la criée
de toutes sortes d'objets neufs ou vieux. Ces rues sont
elles-mêmes autant de petits souks bordés des deux
côtés de petites boutiques dans lesquelles sont entassés
des tissus, des essences, des épiceries, merceries, etc., etc.,
et où le marchand se tient accroupi toute la journée
sur ses talons, attendant flegmatiquement, en causant
et en fumant avec des flâneurs, qu'un chaland se présente
pour le fortement exploiter. C'est dans le Souk el
Haradj que se fait ordinairement la vente des esclaves
abyssiniens ou éthiopiens. Je vous parlerai une au-
tre fois, avec quelques détails, de la traite et de la vente
des esclaves, que le gouvernement ottoman, malgré sa
bonne volonté, n'a pu abolir encore dans ces contrées.
Les maisons de Djeddah sont toutes construites en
pierre, qu'on retire, je l'ai déjà dit, des bords de la mer
ou du fond même de la rade ; elles sont élevées et bien
aérées, et un grand nombre ont deux et même trois
étages. Toutes ont des fenêtres sur la rue, indépendam-
ment des jours qu'elles prennent dans l'intérieur, et,
d'ordinaire, ces fenêtres font saillie en dehors en forme
de balcons ; leur travail de menuiserie à petit treillage
et à auvents relevés ne laisse pas d'être curieux, et pré-
sente de loin un aspect fort pittoresque. La chaux
n'entre jamais dans la composition du mortier dont on
se sert pour construire ; on bâtit simplement avec de
la terre glaise, humide, brune ou verdâtre, que l'on re-
tire des bords de la mer, et ce n'est que lorsque toute
la bâtisse est terminée, et après l'avoir laissée se sé-
cher pendant quelque temps, que l'on recouvre les
murs intérieurement et extérieurement d'une épaisse
couche de plâtre, appelé ici noura. Les planches, et gé-
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