Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 septembre 1860 15 septembre 1860
Description : 1860/09/15 (A5,N102). 1860/09/15 (A5,N102).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529968f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
298 L'ISTHME DE SUEZ,
pas tôt ou tard reprendre, comme soldats, comme sous-
officiers, comme officiers, leur œuvre d'assassinat.
» On se rappelle à ce propos un fait caractéristique.
Il y a dix ans, un nommé Abdul-Salam, l'un des au-
teurs du massacre d'Alep, fut incorporé à titre de con-
damné dans l'armée ottomane. Comme en ce pays l'as-
sassinat ne nuit pas à l'avancement, le misérable dont il
s'agit arrivait en peu d'années au grade de colonel, et
c'est en cette qualité qu'au mois de juin il présida d'a-
bord et concourut ensuite avec ses soldats au massacre
de Der-el-Camar.
» Une violente réaction de défiance, que nous croyons
au fond très-injuste, mais qui n'est malheureusement
que trop explicable, a donc succédé chez les chrétiens
de Damas à la sécurité qu'avaient fait naître les der-
niers actes de Fuad-Pacha. On va jusqu'à accuser celui-
ci de n'avoir ordonné les exécutions de l'autre jour que
pour endormir la vigilance de l'Europe par un semblant
de sévérité et de justice, et se réserver le droit d'étouf-
fer le reste de l'affaire. Je dis et je répète, jusqu'à
preuve du contraire, que ce soupçon est injuste ; que la
salutaire pression à laquelle a cédé l'autre jour Fuad-
Pacha s'exerce sur lui plus fortement que jamais, et
qu'il est vraisemblable que sa tactique actuelle est
de se débarrasser du menu fretin des massacreurs pour
frapper plus sûrcmeut le coup final réservé aux grands
coupables.
» En attendant, l'émigration chrétienne, que l'auto-
rité était un moment parvenue à arrêter, subit une re-
crudescence significative et que ne suffit pas à calmer
la suppression des secours de route précédemment ac-
cordés par Fuad-Pacha. Il est encore arrivé ici hier
matin une caravane de 300 réfugiés de Damas. La plu-
part étaient de ceux que Fuad-Pacha a logés dans le
quartier musulman de Kanaouat, évacué à cet effet,
mais où ils sont assaillis, la nuit, de coups de pierre
(on parle même d'un coup de fusil), et le jour d'injures
et de menaces qui, toutes, comme par une sorte de mot
d'ordre, ajournent la reprise des vengeances musulmanes
à six mois. Les chrétiens croient avoir même toute espèce
de raisons de craindre que ce délai soit avancé, et que la
reprise des massacres ait pour signal le départ de Fuad-
Pacha, lequel doit revenir prochainement à Beyrouth.
Lui absent, le champ reste entièrement libre à l'effer-
vescence musulmane ; car l'armée qui, sous la main du
commissaire extraordinaire, est si promptement devenue
un instrument d'ordre et de répression, l'armée va se
trouver de nouveau livrée aux instincts de religion et
de race qui font d'elle la complice-née de toute chasse
Il aux chiens. »
» Telle est l'inquiétude des chrétiens de Damas que
ceux d'entre eux qui n'ont pas eu les moyens de se
joindre à la dernière caravane aiment mieux retourner
à la citadelle, où 6,000 malheureux sont encore entas-
sés, que de rester dans le beau quartier que leur avait
fait livrer Fuad-Pacha. Dans cette citadelle, la plupart
sont dépourvus de tout abri, soit contre la chaleur tro-
picale du jour, soit contre les rosées non moins perni-
cieuses de la nuit.
» Notre ville, elle aussi, n'est qu'un campement. Ce
n'est pas seulement l'intérieur des maisons qui regorge
de réfugiés. Le sol des cours, des jardins, des terrasses,
disparaît littéralement chaque nuit sous un dallage de
grabats. Le meilleur éloge qu'on puisse faire sur la
salubrité du climat de Beyrouth, c'est que l'épidémie
ne soit pas encore venue balayer ces entassements
humains. Jusqu'à présent, la mortalité ne sévit que sur
les enfants à la mamelle, qui ne peuvent sucer impuné-
ment un lait appauvri par la faim ou empoisonné par les
angoisses des deux derniers mois. Pour comble de mi-
sères, l'eau potable, qui, à Beyrouth, est une denrée
d'assez grande valeur, ne suffit plus aux besoins de la
consommation. La plupart des habitants ne boivent
déjà que l'eau plus ou moins saumâtre des puits et des
citernes, qui commencent aussi à s'épuiser.
D Ici, calme parfait, mais sans préjudice de la sourde
irritation qui fermente dans les bas-fonds de la popula-
tion musulmane. Notre consulat général est chaque jour
amené à signaler à l'autorité quelques faits ou quel-
ques symptômes peu rassurants pour les chrétiens, et
il tient énergiquement la main à ce que les réparations
ou les précautions exigées par lui ne soit pas neutra-
lisées par la force d'inertie ou la complicité directe des
agents subalternes de l'autorité. Je vous disais dernière-
ment qu'à la suite de voies de fait et de menaces contre
des chrétiens, quelques gens du peuple avaient été
conduits en prison, mais relâchés presque immédiate-
ment et sans enquête. J'ai appris que, sur la première
plainte élevée contre cette indulgence systématique,
lesdits individus avaient été réintégrés dans la prison.
» A Saint-Jean-d'Acre, d'où un courrier est arrivé hier
matin à franc étrier, porteur des dépêches pour les di-
vers consulats, la fermentation populaire a fait des
progrès inquiétants. Lundi dernier, fête de l'Assomption
dans le rite grec, les chrétiens de diverses communions,
en se rendant à leurs églises respectives, en ont trouvé
l'entrée souillée d'immondices, et les groupes railleurs
des musulmans, qui se tenaient là pour jouir de l'in-
dignation des fidèles, saluaient ceux-ci au passage
d'injures ou de plaisanteries grossières, en les enga-
geant à lire le placard arabe qui avait été collé pen-
dant la nuit sur la porte. Ce placard, dont un exemplairo
m'a été communiqué, a pour entête une caricature à la
main, où chaque dessin, selon l'us de nos vieux ima-
giers, a sa légende explicative. On lit à côté du dessin
de droite : Ceux-ci sont Ls musulmans tenant une épée et
frappant la croix et les giaours, Du groupe des chrétiens
jaillit un semis de goutelettes à l'encre rouge avec cette
autre légende : Ceci est le sang des giaotlrs, La croix est
figurée au centre et n'a pour légende qu'une interjec-
tion imitative qui exprime le crachement. De l'autre
côté est un iman armé d'un sabre et dont l'attitude,
qui brave toutes les règles de l'honnêteté européenne,
rend au moins superflue l'épigraphe qui vient aussi la
commenter.
» Le texte se compose de vers arabes qu'on me dit
assez beaux, et qui sont formés de citations (!e divers
passages sacrés, tirés les uns du Coran, les autres d'un
livre dont je n'ai pu retenir le nom, et où les musul-
mans vont de préférence chercher leurs inspirations
guerrières quand il s'agit d'un massacre, d'un combat.
Voici la traduction mot à mot de ce factum rimé :
pas tôt ou tard reprendre, comme soldats, comme sous-
officiers, comme officiers, leur œuvre d'assassinat.
» On se rappelle à ce propos un fait caractéristique.
Il y a dix ans, un nommé Abdul-Salam, l'un des au-
teurs du massacre d'Alep, fut incorporé à titre de con-
damné dans l'armée ottomane. Comme en ce pays l'as-
sassinat ne nuit pas à l'avancement, le misérable dont il
s'agit arrivait en peu d'années au grade de colonel, et
c'est en cette qualité qu'au mois de juin il présida d'a-
bord et concourut ensuite avec ses soldats au massacre
de Der-el-Camar.
» Une violente réaction de défiance, que nous croyons
au fond très-injuste, mais qui n'est malheureusement
que trop explicable, a donc succédé chez les chrétiens
de Damas à la sécurité qu'avaient fait naître les der-
niers actes de Fuad-Pacha. On va jusqu'à accuser celui-
ci de n'avoir ordonné les exécutions de l'autre jour que
pour endormir la vigilance de l'Europe par un semblant
de sévérité et de justice, et se réserver le droit d'étouf-
fer le reste de l'affaire. Je dis et je répète, jusqu'à
preuve du contraire, que ce soupçon est injuste ; que la
salutaire pression à laquelle a cédé l'autre jour Fuad-
Pacha s'exerce sur lui plus fortement que jamais, et
qu'il est vraisemblable que sa tactique actuelle est
de se débarrasser du menu fretin des massacreurs pour
frapper plus sûrcmeut le coup final réservé aux grands
coupables.
» En attendant, l'émigration chrétienne, que l'auto-
rité était un moment parvenue à arrêter, subit une re-
crudescence significative et que ne suffit pas à calmer
la suppression des secours de route précédemment ac-
cordés par Fuad-Pacha. Il est encore arrivé ici hier
matin une caravane de 300 réfugiés de Damas. La plu-
part étaient de ceux que Fuad-Pacha a logés dans le
quartier musulman de Kanaouat, évacué à cet effet,
mais où ils sont assaillis, la nuit, de coups de pierre
(on parle même d'un coup de fusil), et le jour d'injures
et de menaces qui, toutes, comme par une sorte de mot
d'ordre, ajournent la reprise des vengeances musulmanes
à six mois. Les chrétiens croient avoir même toute espèce
de raisons de craindre que ce délai soit avancé, et que la
reprise des massacres ait pour signal le départ de Fuad-
Pacha, lequel doit revenir prochainement à Beyrouth.
Lui absent, le champ reste entièrement libre à l'effer-
vescence musulmane ; car l'armée qui, sous la main du
commissaire extraordinaire, est si promptement devenue
un instrument d'ordre et de répression, l'armée va se
trouver de nouveau livrée aux instincts de religion et
de race qui font d'elle la complice-née de toute chasse
Il aux chiens. »
» Telle est l'inquiétude des chrétiens de Damas que
ceux d'entre eux qui n'ont pas eu les moyens de se
joindre à la dernière caravane aiment mieux retourner
à la citadelle, où 6,000 malheureux sont encore entas-
sés, que de rester dans le beau quartier que leur avait
fait livrer Fuad-Pacha. Dans cette citadelle, la plupart
sont dépourvus de tout abri, soit contre la chaleur tro-
picale du jour, soit contre les rosées non moins perni-
cieuses de la nuit.
» Notre ville, elle aussi, n'est qu'un campement. Ce
n'est pas seulement l'intérieur des maisons qui regorge
de réfugiés. Le sol des cours, des jardins, des terrasses,
disparaît littéralement chaque nuit sous un dallage de
grabats. Le meilleur éloge qu'on puisse faire sur la
salubrité du climat de Beyrouth, c'est que l'épidémie
ne soit pas encore venue balayer ces entassements
humains. Jusqu'à présent, la mortalité ne sévit que sur
les enfants à la mamelle, qui ne peuvent sucer impuné-
ment un lait appauvri par la faim ou empoisonné par les
angoisses des deux derniers mois. Pour comble de mi-
sères, l'eau potable, qui, à Beyrouth, est une denrée
d'assez grande valeur, ne suffit plus aux besoins de la
consommation. La plupart des habitants ne boivent
déjà que l'eau plus ou moins saumâtre des puits et des
citernes, qui commencent aussi à s'épuiser.
D Ici, calme parfait, mais sans préjudice de la sourde
irritation qui fermente dans les bas-fonds de la popula-
tion musulmane. Notre consulat général est chaque jour
amené à signaler à l'autorité quelques faits ou quel-
ques symptômes peu rassurants pour les chrétiens, et
il tient énergiquement la main à ce que les réparations
ou les précautions exigées par lui ne soit pas neutra-
lisées par la force d'inertie ou la complicité directe des
agents subalternes de l'autorité. Je vous disais dernière-
ment qu'à la suite de voies de fait et de menaces contre
des chrétiens, quelques gens du peuple avaient été
conduits en prison, mais relâchés presque immédiate-
ment et sans enquête. J'ai appris que, sur la première
plainte élevée contre cette indulgence systématique,
lesdits individus avaient été réintégrés dans la prison.
» A Saint-Jean-d'Acre, d'où un courrier est arrivé hier
matin à franc étrier, porteur des dépêches pour les di-
vers consulats, la fermentation populaire a fait des
progrès inquiétants. Lundi dernier, fête de l'Assomption
dans le rite grec, les chrétiens de diverses communions,
en se rendant à leurs églises respectives, en ont trouvé
l'entrée souillée d'immondices, et les groupes railleurs
des musulmans, qui se tenaient là pour jouir de l'in-
dignation des fidèles, saluaient ceux-ci au passage
d'injures ou de plaisanteries grossières, en les enga-
geant à lire le placard arabe qui avait été collé pen-
dant la nuit sur la porte. Ce placard, dont un exemplairo
m'a été communiqué, a pour entête une caricature à la
main, où chaque dessin, selon l'us de nos vieux ima-
giers, a sa légende explicative. On lit à côté du dessin
de droite : Ceux-ci sont Ls musulmans tenant une épée et
frappant la croix et les giaours, Du groupe des chrétiens
jaillit un semis de goutelettes à l'encre rouge avec cette
autre légende : Ceci est le sang des giaotlrs, La croix est
figurée au centre et n'a pour légende qu'une interjec-
tion imitative qui exprime le crachement. De l'autre
côté est un iman armé d'un sabre et dont l'attitude,
qui brave toutes les règles de l'honnêteté européenne,
rend au moins superflue l'épigraphe qui vient aussi la
commenter.
» Le texte se compose de vers arabes qu'on me dit
assez beaux, et qui sont formés de citations (!e divers
passages sacrés, tirés les uns du Coran, les autres d'un
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mans vont de préférence chercher leurs inspirations
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