Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-07-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juillet 1860 15 juillet 1860
Description : 1860/07/15 (A5,N98). 1860/07/15 (A5,N98).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529964s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
1
238 L'ISTHME DE SUEZ,
alors il a recours à l'arme suprême des mauvaises
causes, à l'intimidation. Il rappelle à l'Egypte l'his-
toire de 1840, et il lui présente en perspective quel-
que chose de pire. Les temps de 1840 sont loin,et ce
ne sont point les -colères du correspondant qui les
feront revivre ! Il oublie d'ailleurs entre les deux
époques et les deux situations une différence qui n'est
pas légère. En 1840, l'Égypte subissait l'arrêt de
l'Europe coalisée, et derrière elle, contre la politique
du gouvernement de juillet, l'Angleterre avait les ar-
mées de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse. Dans
la question de Suez les rôles sont absolument inter-
vertis. Si l'Angleterre voulait user de violence, elle
aurait cette fois contre elle toute l'Europe.
N'insistons pas : les insinuations du correspon-
dant ne sont plus que les convulsions du désappointe-
ment et du dépit. S'il s'agissait de les mettre en ac-
tion, cette action n'aurait pas même à lutter contre
la résistance de l'Europe ; elle se briserait préalable-
ment contre la résistance de l'Angleterre elle-même.
Nous bornerons ici nos réflexions, quoique cette cor-
respondance du Morning Post soit un texte presque
inépuisable. Sous le bénéfice de ces rectifications et
de ces observations, nous croyons devoir soumettre à
nos lecteurs la lettre, d'ailleurs curieuse, qui les a
inspirées.
ERNEST DESI'LACES.
Correspondance du Iflorning POlit.
« Alexandrie, le 29 juin 1860.
«
» Depuis son arrivée, M. de Lesseps a poussé avec
une nouvelle activité les travaux préparatoires, comme
il les appelle, du canal de Suez, à Port-Saïd aussi bien
qu'aux diverses stations établies le long du canal. Ses
agents affirment qu'un grand nombre d'ouvriers et une
quantité de matériel sont en route venant de Marseille,
et qu'il a décidé de poursuivre énergiquement l'œuvre
de la canalisation de l'isthme, comme il l'avait an-
noncé à l'assemblée générale des actionnaires, sans au-
cune autorisation formelle de la part de la Porte, et
simplement en vertu de l'acte de concession du vice-
roi qui a déjà donné sa sanction à l'entreprise. M. de
Lesseps a réussi, en cajolant le vice-roi, à lui faire pren-
dre de nouvelles actions représentant une somme de
£ 6 millions de francs, ce qui, avec les 30 millions sous-
crits originairement par lui, fait la somme énorme de
86 millions en actions souscrites au nom de Saïd-Pacha ;
il a de plus fait un arrangement à l'amiable avec le
vice-roi pour le paiement par annuités de cette somme.
Il est rapporté en outre que M. de Lesseps, aidé par
l'influence du consul général de France, a si bien agi
sur les sentiments et l'amour-propre du vice-roi, que
ce dernier a déclaré ne vouloir opposer aucune en-
trave à la poursuite des travaux du canal, à moins
tu'un ordre positif ne lui soit envoyé de la part du
sultan par un des dignitaires du divan pour les faire
arrêter de force. Il faut ajouter que M. de Lesseps a si
bien joué son rôle ici que le vice-roi s'est laissé en-
traîner à faire concession à la Compagnie de l'isthme,
pour un terme de quatre-vingt-dix-neuf ans, et contre
un bail annuel de 360,000 fr., des pêcheries du lac Men-
zaleh qui avaient été précédemment affermées au prix
de 300,000fr. par an. On verra facilement par ce qui pré-
cède que la Compagnie franco-égyptienne a maintenant
obtenu de fait la possession de l'isthme de Suez depuis
la mer Rouge jusqu'à la Méditerranée, y compris le lac
situé à l'est de la grande ville de Damiette ; et on as-
sure que les agents français de la Compagnie exercent
déjà une espèce de droit féodal sur les populations oc-
cupées dans les pêcheries étendues du lac. Ce serait
de la peine perdue que de vouloir chercher à présent
une explication plausible des motifs qui ont poussé le
vice-roi à faire d'une manière si inattendue de sem-
blables concessions aux obsessions de M. de Lesseps en
faveur de son projet; mais ceci devient, au point de
vue politique une affaire de sérieuse importance, quand
on considère que les directeurs d'une Compagnie franco-
égyptienne, domiciliée à Paris, possèdent ainsi le pou-
voir d'exercer des droits féodaux, de bâtir des villes, de
faire des canaux, etc., sur le territoire égyptien, et d'avoir
en plus à leur disposition 86 millions de francs qui sont à re-
tirer des revenus de l'Egypte 1 C'est là certainement une
nouvelle phase du projet magnifique qui doit nécessaire-
ment attirer la sérieuse attention du gouvernement
anglais ainsi que du sultan, tous les deux également
intéressés au maintien du statu quo (tel qu'il a été éta-
bli par le traité et le firman de 1840-41), menacé évi-
demment par l'établissement de ce qui est en réalité
une colonie française sur les frontières orientales de
l'Égypte.
» C'est un fait digne de remarque que tandis que la
diplomatie anglaise a indubitablement eu le dessus
sur les intluences rivales dans les conseils du sultan
pendant les trente dernières années, l'influence fran-
çaise et les consuls français sembleraient avoir toujours
eu la prépondérance auprès des vice-rois d'Egypte qui
sont en réalité devenus des souverains indépendants en
ce qui concerne l'administration intérieure du pays de-
puis le règne de Mehemed-Ali, fondateur de la famille
régnant actuellement. Ce serait une tâche difficile et
inutile que de vouloir rechercher les causes immédiates
qui ont produit cet état de choses en apparence anor-
mal ; peut-être faut-il l'attribuer à la jalousie chronique
avec laquelle le divan de Constantinople a toujours ob-
servé la puissance et la richesse croissantes des vice-rois
d'Egypte, et à la grande prospérité du pays qui est si
fort en contraste avec la déplorable situation du sultan
et de ses possessions. D'un autre côté, le yice-Ioi
Considère probablement ses intérêts politiques comme
quelque peu opposés à ceux de la Porte, et préfère na-
turellement écouter les conseils de la diplomatie fran-
çaise, qui n'a pas manqué d'encourager ces idées, que
d'écouter les conseils de sa rivale qui a toute la con-
fiance du sultan. Mais il faut avouer que depuis l'avé-
nement au trône de Saïd on peut trouver une explica-
tion suffisante du manque d'influence anglaise auprès
de lui dans les procédés légers et coupables du Foreign-
238 L'ISTHME DE SUEZ,
alors il a recours à l'arme suprême des mauvaises
causes, à l'intimidation. Il rappelle à l'Egypte l'his-
toire de 1840, et il lui présente en perspective quel-
que chose de pire. Les temps de 1840 sont loin,et ce
ne sont point les -colères du correspondant qui les
feront revivre ! Il oublie d'ailleurs entre les deux
époques et les deux situations une différence qui n'est
pas légère. En 1840, l'Égypte subissait l'arrêt de
l'Europe coalisée, et derrière elle, contre la politique
du gouvernement de juillet, l'Angleterre avait les ar-
mées de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse. Dans
la question de Suez les rôles sont absolument inter-
vertis. Si l'Angleterre voulait user de violence, elle
aurait cette fois contre elle toute l'Europe.
N'insistons pas : les insinuations du correspon-
dant ne sont plus que les convulsions du désappointe-
ment et du dépit. S'il s'agissait de les mettre en ac-
tion, cette action n'aurait pas même à lutter contre
la résistance de l'Europe ; elle se briserait préalable-
ment contre la résistance de l'Angleterre elle-même.
Nous bornerons ici nos réflexions, quoique cette cor-
respondance du Morning Post soit un texte presque
inépuisable. Sous le bénéfice de ces rectifications et
de ces observations, nous croyons devoir soumettre à
nos lecteurs la lettre, d'ailleurs curieuse, qui les a
inspirées.
ERNEST DESI'LACES.
Correspondance du Iflorning POlit.
« Alexandrie, le 29 juin 1860.
«
» Depuis son arrivée, M. de Lesseps a poussé avec
une nouvelle activité les travaux préparatoires, comme
il les appelle, du canal de Suez, à Port-Saïd aussi bien
qu'aux diverses stations établies le long du canal. Ses
agents affirment qu'un grand nombre d'ouvriers et une
quantité de matériel sont en route venant de Marseille,
et qu'il a décidé de poursuivre énergiquement l'œuvre
de la canalisation de l'isthme, comme il l'avait an-
noncé à l'assemblée générale des actionnaires, sans au-
cune autorisation formelle de la part de la Porte, et
simplement en vertu de l'acte de concession du vice-
roi qui a déjà donné sa sanction à l'entreprise. M. de
Lesseps a réussi, en cajolant le vice-roi, à lui faire pren-
dre de nouvelles actions représentant une somme de
£ 6 millions de francs, ce qui, avec les 30 millions sous-
crits originairement par lui, fait la somme énorme de
86 millions en actions souscrites au nom de Saïd-Pacha ;
il a de plus fait un arrangement à l'amiable avec le
vice-roi pour le paiement par annuités de cette somme.
Il est rapporté en outre que M. de Lesseps, aidé par
l'influence du consul général de France, a si bien agi
sur les sentiments et l'amour-propre du vice-roi, que
ce dernier a déclaré ne vouloir opposer aucune en-
trave à la poursuite des travaux du canal, à moins
tu'un ordre positif ne lui soit envoyé de la part du
sultan par un des dignitaires du divan pour les faire
arrêter de force. Il faut ajouter que M. de Lesseps a si
bien joué son rôle ici que le vice-roi s'est laissé en-
traîner à faire concession à la Compagnie de l'isthme,
pour un terme de quatre-vingt-dix-neuf ans, et contre
un bail annuel de 360,000 fr., des pêcheries du lac Men-
zaleh qui avaient été précédemment affermées au prix
de 300,000fr. par an. On verra facilement par ce qui pré-
cède que la Compagnie franco-égyptienne a maintenant
obtenu de fait la possession de l'isthme de Suez depuis
la mer Rouge jusqu'à la Méditerranée, y compris le lac
situé à l'est de la grande ville de Damiette ; et on as-
sure que les agents français de la Compagnie exercent
déjà une espèce de droit féodal sur les populations oc-
cupées dans les pêcheries étendues du lac. Ce serait
de la peine perdue que de vouloir chercher à présent
une explication plausible des motifs qui ont poussé le
vice-roi à faire d'une manière si inattendue de sem-
blables concessions aux obsessions de M. de Lesseps en
faveur de son projet; mais ceci devient, au point de
vue politique une affaire de sérieuse importance, quand
on considère que les directeurs d'une Compagnie franco-
égyptienne, domiciliée à Paris, possèdent ainsi le pou-
voir d'exercer des droits féodaux, de bâtir des villes, de
faire des canaux, etc., sur le territoire égyptien, et d'avoir
en plus à leur disposition 86 millions de francs qui sont à re-
tirer des revenus de l'Egypte 1 C'est là certainement une
nouvelle phase du projet magnifique qui doit nécessaire-
ment attirer la sérieuse attention du gouvernement
anglais ainsi que du sultan, tous les deux également
intéressés au maintien du statu quo (tel qu'il a été éta-
bli par le traité et le firman de 1840-41), menacé évi-
demment par l'établissement de ce qui est en réalité
une colonie française sur les frontières orientales de
l'Égypte.
» C'est un fait digne de remarque que tandis que la
diplomatie anglaise a indubitablement eu le dessus
sur les intluences rivales dans les conseils du sultan
pendant les trente dernières années, l'influence fran-
çaise et les consuls français sembleraient avoir toujours
eu la prépondérance auprès des vice-rois d'Egypte qui
sont en réalité devenus des souverains indépendants en
ce qui concerne l'administration intérieure du pays de-
puis le règne de Mehemed-Ali, fondateur de la famille
régnant actuellement. Ce serait une tâche difficile et
inutile que de vouloir rechercher les causes immédiates
qui ont produit cet état de choses en apparence anor-
mal ; peut-être faut-il l'attribuer à la jalousie chronique
avec laquelle le divan de Constantinople a toujours ob-
servé la puissance et la richesse croissantes des vice-rois
d'Egypte, et à la grande prospérité du pays qui est si
fort en contraste avec la déplorable situation du sultan
et de ses possessions. D'un autre côté, le yice-Ioi
Considère probablement ses intérêts politiques comme
quelque peu opposés à ceux de la Porte, et préfère na-
turellement écouter les conseils de la diplomatie fran-
çaise, qui n'a pas manqué d'encourager ces idées, que
d'écouter les conseils de sa rivale qui a toute la con-
fiance du sultan. Mais il faut avouer que depuis l'avé-
nement au trône de Saïd on peut trouver une explica-
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