Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-06-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juin 1860 15 juin 1860
Description : 1860/06/15 (A5,N96). 1860/06/15 (A5,N96).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529962z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
206 L'ISTHME DE SUEZ,
un spectacle affreux. On me montra l'épée dont l'assas-
sin s'était servi. Comme toutes les armes japonaises
que j'ai vues, elle était aiguisée et coupait autant qu'un
rasoir.
■ » M. Rutherford-Alcock, le consul général anglais, a
pris toutes les mesures possibles pour venger le crime ;
mais jusqu'à présent elles sont restées infructueuses. Le
gouvernement japonais est impuissant, ou bien il ne
veut pas punir tes assassins. Ce qu'il y a de certain,
c'est qu'il n'a pas encore saisi les cinq meurtriers qui
ont tué les deux Russes, le domestique de l'agent con-
sulaire français et Den-Kouchki, et ce qu'il y a de pro-
bable, c'est qu'il n'en saisira aucun. Il a prouvé ses re-
grets en permettant que deux gouverneurs des affaires
étrangères assistassent à l'enterrement de Den, mais
c'est là tout. C'est déjà beaucoup au point de vue japo-
nais, et il a fallu toute la fermeté du représentant de
l'Angleterre pour obtenir cette satisfaction; mais ce
n'est pas assez pour rassurer les Occidentaux, qui ne
peuvent se montrer dans les rues de Yeddo sans être
entourés par des milliers de curieux, dont la moitié est
toujours armée des formidables épées de Yakounin.
» Je n'ai pas besoin de dire que je n'ai nulle inten-
tion de justifier le crime ; mais il semble que, tout
grave qu'il est, il n'a pas toute la portée qu'on pour-
rait lui prêter, Den-Kouchki était Japonais. Naufragé,
il était venu en Amérique, où il avait appris l'anglais.
Entré au service de M. Rutherford-Alcock, et dominé
par les qualités de cœur et d'esprit qui distinguent ce
fonctionnaire éminent, il avait épousé les intérêts eu-
ropéens avec ardeur. Il n'aimait pas les Japonais, et les
Japonais, qui le regardaient comme un renégat, lui
rendaient haine pour haine. Den était un homme vif,
emporté, d'une témérité extraordinaire. A cheval, le
pistolet dans la ceinture, il se frayait seul passage au
milieu d'une population frémissante de colère. Jamais
il n'aurait cédé le haut du pavé à un Yakounin, au-
quel, s'il fût resté Japonais, il n'aurait osé parler qu'à
genoux. Tout dernièrement encore, il avait été insulté
par un officier qui avait juré de le tuer. Toutes les per-
sonnes qui le connaissaient lui conseillaient d'être pru-
dent : « Prenez garde, lui disait la veille de sa mort
» un domestique japonais au service du consul anglais,
» prenez garde; on vous en veut, et les Yakounins
i, portent aisément la main à leur sabre. >• Mais Den ne
prenait aucun souci ; il sortait à toute heure ; il se
hasardait seul dans les quartiers les plus éloignés de
toute surveillance. Enfin, en deux mots, le meurtre de
Den-Kouchki semble dû à une vengeance personnelle,
et il ne doit peut-être pas être considéré comme un in-
dice de la haine des Japonais contre les étrangers.
» L'enterrement a eu lieu aujourd'hui. Le cercueil
était entouré de vingt hommes de la marine anglaise
Derrière eux on portait les pavillons de l'Angleterre, de
la France et de l'Amérique, escortés par les gardiens
des pavillons. Venaient ensuite douze chaises à por-
teur [norimons). dans lesquelles se trouvaient les repré-
sentants des puissances occidentales à Yeddo et les
attachés des trois légations. Le cortège était fermé par
les deux gouverneurs des affaires étrangères qui étaient
à. cheval, en grand costume da cérémonie et entourés
de leurs officiers. Le cortége funèbre traversa ainsi la
principale rue de Yeddo sur une longueur de 1 kilomètre
et demi ; il entra ensuite dans le temple japonais où
les derniers honneurs durent être rendus à Den-
Kouchki. Le culte japonais, dont je vous parlerai une
autre fois plus en détail, est entouré d'une pompe im-
posante qui rappelle beaucoup le rite catholique. Lors-
que tout fut terminé dans le temple, et au moment où
le cercueil fut porté à la fosse, un prêtre lâcha deux
colombes blanches en l'air et dit : « C'est l'âme de Den-
» Kouchki ; qu'elle s'envole au ciel. »
» Le jour même de l'enterrement, il y a eu à Yeddo
un grand incendie qui a failli détruire le consulat gé-
néral français ; le consulat a été sauvé, mais le consul
a été obligé de chercher refuge chez un de ses collè-
gues. Je suis encore sous l'impression de tous ces évé-
nements tragiques, et je n'ai pas le courage de vous en
dire plus long pour aujourd'hui. »
Pour extrait : F. CAMUS.
On nous écrit de Yeddo (Japon), le 16 février
1860.
« Ce qu'il y a de plus marquant dans la quinzaine,
c'est un événement qui passera peut-être inaperçu en
Europe, mais dont les journaux américains feront grand
bruit et à bon droit. Le vapeur de la marine améri-
caine, le Powhattan, amiral Tattnall, capitaine Pearson,
a quitté la baie de Yeddo lundi 13 février, ayant à bord
l'ambassade japonaise, quij en vertu de l'article 12 de
la convention, doit échanger à Washington le traité
ratifié entre les Etats-Unis et l'empire du Japon. Ceci
est un fait vraiment extraordinaire pour qui connaît
l'histoire et la politique du Japon; car ce fait renverse
une loi respectée depuis plus de deux cents ans, et d'a-
près laquelle aucun sujet japonais ne pouvait quitter
son pays sans encourir à son retour la peine de mort.
Le départ de l'ambassade japonaise couronne digne-
ment les efforts à jamais remarquables de M. Townsend
Harris, ministre des Etats-Unis au Japon, l'homme au-
quel revient incontestablement l'honneur d'avoir ouvert
définitivement le Japon. Le traité qu'il a conclu a été
l'original que les ambassadeurs d'Angleterre, de France
et de Hollande n'ont fait que copier. C'est étrange de
voir le bruit qui se fait autour de certains événements
et le silence qui règne autour de certains autres ! Que
n'a-t-on pas dit et écrit au sujet des succès du commo-
dore Parry ? Et que valent cependant les demi-résultats
obtenus par lui en comparaison du succès complet dû
à la persévérance de M. Harris ? L'envoi de l'ambassade
japonaise à Washington est son œuvre personnelle, et
il me semble que cette fois encore les représentants des
autres puissances ne pourront pas mieux faire que de
l'imiter. En effet, le Japon ne sera véritablement ou-
vert à notre civilisation que le jour où les Japonais
nous connaîtront, et où les sentiments de crainte et
de méfiance que nous leur inspirons actuellement seront
modifiés par les sentiments d'admiration et de respect
que la vue de nos grandes villes ne peut manquer de
leur donner. Qu'il soit permis à une ambassade japo-
un spectacle affreux. On me montra l'épée dont l'assas-
sin s'était servi. Comme toutes les armes japonaises
que j'ai vues, elle était aiguisée et coupait autant qu'un
rasoir.
■ » M. Rutherford-Alcock, le consul général anglais, a
pris toutes les mesures possibles pour venger le crime ;
mais jusqu'à présent elles sont restées infructueuses. Le
gouvernement japonais est impuissant, ou bien il ne
veut pas punir tes assassins. Ce qu'il y a de certain,
c'est qu'il n'a pas encore saisi les cinq meurtriers qui
ont tué les deux Russes, le domestique de l'agent con-
sulaire français et Den-Kouchki, et ce qu'il y a de pro-
bable, c'est qu'il n'en saisira aucun. Il a prouvé ses re-
grets en permettant que deux gouverneurs des affaires
étrangères assistassent à l'enterrement de Den, mais
c'est là tout. C'est déjà beaucoup au point de vue japo-
nais, et il a fallu toute la fermeté du représentant de
l'Angleterre pour obtenir cette satisfaction; mais ce
n'est pas assez pour rassurer les Occidentaux, qui ne
peuvent se montrer dans les rues de Yeddo sans être
entourés par des milliers de curieux, dont la moitié est
toujours armée des formidables épées de Yakounin.
» Je n'ai pas besoin de dire que je n'ai nulle inten-
tion de justifier le crime ; mais il semble que, tout
grave qu'il est, il n'a pas toute la portée qu'on pour-
rait lui prêter, Den-Kouchki était Japonais. Naufragé,
il était venu en Amérique, où il avait appris l'anglais.
Entré au service de M. Rutherford-Alcock, et dominé
par les qualités de cœur et d'esprit qui distinguent ce
fonctionnaire éminent, il avait épousé les intérêts eu-
ropéens avec ardeur. Il n'aimait pas les Japonais, et les
Japonais, qui le regardaient comme un renégat, lui
rendaient haine pour haine. Den était un homme vif,
emporté, d'une témérité extraordinaire. A cheval, le
pistolet dans la ceinture, il se frayait seul passage au
milieu d'une population frémissante de colère. Jamais
il n'aurait cédé le haut du pavé à un Yakounin, au-
quel, s'il fût resté Japonais, il n'aurait osé parler qu'à
genoux. Tout dernièrement encore, il avait été insulté
par un officier qui avait juré de le tuer. Toutes les per-
sonnes qui le connaissaient lui conseillaient d'être pru-
dent : « Prenez garde, lui disait la veille de sa mort
» un domestique japonais au service du consul anglais,
» prenez garde; on vous en veut, et les Yakounins
i, portent aisément la main à leur sabre. >• Mais Den ne
prenait aucun souci ; il sortait à toute heure ; il se
hasardait seul dans les quartiers les plus éloignés de
toute surveillance. Enfin, en deux mots, le meurtre de
Den-Kouchki semble dû à une vengeance personnelle,
et il ne doit peut-être pas être considéré comme un in-
dice de la haine des Japonais contre les étrangers.
» L'enterrement a eu lieu aujourd'hui. Le cercueil
était entouré de vingt hommes de la marine anglaise
Derrière eux on portait les pavillons de l'Angleterre, de
la France et de l'Amérique, escortés par les gardiens
des pavillons. Venaient ensuite douze chaises à por-
teur [norimons). dans lesquelles se trouvaient les repré-
sentants des puissances occidentales à Yeddo et les
attachés des trois légations. Le cortège était fermé par
les deux gouverneurs des affaires étrangères qui étaient
à. cheval, en grand costume da cérémonie et entourés
de leurs officiers. Le cortége funèbre traversa ainsi la
principale rue de Yeddo sur une longueur de 1 kilomètre
et demi ; il entra ensuite dans le temple japonais où
les derniers honneurs durent être rendus à Den-
Kouchki. Le culte japonais, dont je vous parlerai une
autre fois plus en détail, est entouré d'une pompe im-
posante qui rappelle beaucoup le rite catholique. Lors-
que tout fut terminé dans le temple, et au moment où
le cercueil fut porté à la fosse, un prêtre lâcha deux
colombes blanches en l'air et dit : « C'est l'âme de Den-
» Kouchki ; qu'elle s'envole au ciel. »
» Le jour même de l'enterrement, il y a eu à Yeddo
un grand incendie qui a failli détruire le consulat gé-
néral français ; le consulat a été sauvé, mais le consul
a été obligé de chercher refuge chez un de ses collè-
gues. Je suis encore sous l'impression de tous ces évé-
nements tragiques, et je n'ai pas le courage de vous en
dire plus long pour aujourd'hui. »
Pour extrait : F. CAMUS.
On nous écrit de Yeddo (Japon), le 16 février
1860.
« Ce qu'il y a de plus marquant dans la quinzaine,
c'est un événement qui passera peut-être inaperçu en
Europe, mais dont les journaux américains feront grand
bruit et à bon droit. Le vapeur de la marine améri-
caine, le Powhattan, amiral Tattnall, capitaine Pearson,
a quitté la baie de Yeddo lundi 13 février, ayant à bord
l'ambassade japonaise, quij en vertu de l'article 12 de
la convention, doit échanger à Washington le traité
ratifié entre les Etats-Unis et l'empire du Japon. Ceci
est un fait vraiment extraordinaire pour qui connaît
l'histoire et la politique du Japon; car ce fait renverse
une loi respectée depuis plus de deux cents ans, et d'a-
près laquelle aucun sujet japonais ne pouvait quitter
son pays sans encourir à son retour la peine de mort.
Le départ de l'ambassade japonaise couronne digne-
ment les efforts à jamais remarquables de M. Townsend
Harris, ministre des Etats-Unis au Japon, l'homme au-
quel revient incontestablement l'honneur d'avoir ouvert
définitivement le Japon. Le traité qu'il a conclu a été
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et de Hollande n'ont fait que copier. C'est étrange de
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et le silence qui règne autour de certains autres ! Que
n'a-t-on pas dit et écrit au sujet des succès du commo-
dore Parry ? Et que valent cependant les demi-résultats
obtenus par lui en comparaison du succès complet dû
à la persévérance de M. Harris ? L'envoi de l'ambassade
japonaise à Washington est son œuvre personnelle, et
il me semble que cette fois encore les représentants des
autres puissances ne pourront pas mieux faire que de
l'imiter. En effet, le Japon ne sera véritablement ou-
vert à notre civilisation que le jour où les Japonais
nous connaîtront, et où les sentiments de crainte et
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modifiés par les sentiments d'admiration et de respect
que la vue de nos grandes villes ne peut manquer de
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