Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-03-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 mars 1860 15 mars 1860
Description : 1860/03/15 (A5,N90). 1860/03/15 (A5,N90).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65299567
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
94 L'ISTHME DE SUEZ,
neur, le Trésor, la Banque, le Palais de justice et la
Douane. A gauche du Custom house, il y a une rue qui
sépare le quartier japonais du quartier européen. Ce
dernier se compose en ce moment de dix-neuf magasins
et de vingt et une maisons d'habitation. Les magasins
sont de grands bâtiments en bois légèrement construits,
et qui protègent à peu près suffisamment les marchan-
dises contre la pluie ; un voleur ne trouverait aucune
peine à y entrer ; un typhon les renverserait sans dif-
ficulté, et le feu les détruirait en peu de temps. On se
garantit contre les voleurs et le feu par la surveillance,
et quant aux typhons, on se dit: « Ils ne viennent pas
» en hiver, et nous avons Irop à faire aujourd'hui pour
» nous occuper de ce qui peut arriver l'été prochain..
Les vingt et une maisons européennes sont toutes bà
ties sur un même plan, et elles occupent chacune à
peu près la surface de 100 mètres carrés, 10 sur chaque
face. Un corridor divise chaque maison en deux parties.
» Mais voici l'heure du courrier ; je suis forcé de re-
mettre la suite à une autre lettre. »
Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en repro-
duisant la suite de la correspondance ci-dessus. On
écrit au Journal des Débats, de Kanayawa, le 15 dé-
cembre 1859 :
« Ainsi que ma dernière lettre pouvait le faire pres-
sentir, les choses vont mal et fort mal. A qui la faute? Ce
n'est pas tant aux Japonais qu'on veut bien le dire. Sou-
venez-vous de ce que je vous écrivais il y a deux mois à
peine ; tout alors allait à merveille, un commerçant
trouvait facilement le moyen de doubler son capital en
six semaines. Je dis alors que cela ne pouvait durer, et
je me plaignais, à cette occasion, de la conduite d'un
bon nombre de mes compatriotes d'Occident. Leurs ri-
dicules prétentions étaient faites pour causer des maux
irréparables. C'est en effet ce qui arrive, et voilà que
l'innocent souffre aujourd'hui avec le coupable. Le
gouvernement japonais s'oppose de toutes ses forces,
qui sont immenses et bien au delà de celles d'un gou-
vernement européen, à ce que le commerce prenne plus
d'extension. Les principaux marchands de kobangs ont
été arrêtés, et ils paieront peut-être de leur vie pour
avoir fait le commerce qu'aucune loi ne défendait. Dans
le moment actuel, on n'achète plus le précieux métal
qu'avec le plus profond secret. Un Japonais entre chez
un Européen et lui offre des pommes de terre, des
plantes marines ou tel autre article dont la vente n'est
pas encore prohibée. L'Anglais ou l'Américain , qui
connait son homme, le fait entrer dans un cabinet par-
ticulier, et là, après avoir regardé si toutes les fenêtres
sont bien fermées, après avoir recommandé la plus
parfaite discrétion à l'acheteur , le Japonais tire une
centaine de kobangs qu'il vend à 100 0/0 de bénéfice,
ce qui n'empêche pas que le commerçant gagne en-
core quelque chose comme 50 0/0. L'exportation du
cuivre est prohibée. La question de l'échange des dol-
lars en itzibones est dans le statu quo. A Nagasaki, on
n'obtient plus que l'échange de 3 dollars par jour et par
personne; ici [c'est encore de 30. Vous comprendrez
quelles difficultés éprouvent ainsi les grands négociants
de Chine lorsqu'il s'agit de fréter un navire, et je suis
sûr qu'actuellement la plupart d'entre eux ne font que
de misérables affaires.
Il Cette crise sans doute ne durera pas longtemps;
mais l'époque de la grande prospérité commerciale est
passée. Depuis des siècles les Japonais avaient ramassé
de l'argent monnayé et d'anciens articles de laque et
de bronze. Il y avait en outre au Japon un stock consi-
dérable de cire, d'huile et de soieries. On n'y appréciait
pas la valeur du sea-icead, plante marine qu'on exporte
en grande quantité pour la Chine. Les négociants de
Shang-Haï, que je regarde comme les plus puissants
spéculateurs du monde, n'ont fait de tout cela qu'une
bouchée. Trente ou quarante navires, partis à la suite'
les uns des autres en apportant des millions de dol-
lars, sont repartis pour la Chine chargés de ce qu'il y
avait de plus précieux au Japon, les anciens la-
ques, les anciens bronzes, les anciens kobangs, etc.
Aujourd'hui il reste du sea-wead, et de la soie; mais
ces articles sont fort chers; il reste aussi quelques
laques et bronzes modernes qui sont aux anciens ce
que les sculptures de la décadence sont aux chefs
d'œuvre de l'art classique. Un vieux laque se paie
aujourd'hui à des prix exorbitants, et les mauvais ne
valent pas leur voyage en Europe.
D Malgré tout, je n'en persiste pas moins à croire à
l'avenir du commerce de l'Occident avec le Japon. On
achètera ici à peu près tous les articles de notre sa-
vante industrie. Mais il faudra du temps et de
la patience ; il faudra surtout une entente cor-
diale entre le gouvernement japonais et les nôtres.
Cette entente n'existe pas; c'est évident. On ne nous
aime pas ici. Le gouvernement ne nous pardonne pas
notre attitude altière et menaçante, et les Japonais, qui
se croyaient les premiers des hommes, sont humiliés
de devoir s'avouer que nous leur sommes supérieurs,
au physique et au moral. Un matelot anglais culbutera
dix Japonais et en mettra vingt en fuite; un médiocre
élève de l'Ecole polytechnique résoudra plus de pro-
blèmes que toute la science japonaise Cela n'est pas
notre faute ; c'est au contraire notre gloire ; mais ce
qui est notre faute, c'est d'avoir froissé de mille ma-
nières la juste susceptibilité d'un peuple fier qui s'était
toujours passé de nous, et qui serait heureux de nous
voir abandonner son pays où nous avons apporté des
besoins et des désordres jusqu'alors inconnus. Ce qui
devait arriver est arrivé, et il y a certainement quel-
que orage dans l'air. Lorsque nous passons dans la
rue, on nous regarde avec des yeux où la bienveillance
ne brille guère. Il y a dans l'expression de la figure
des Japonais un mélange d'étonnement, de mépris et
même de moquerie. De quoi peuvent-ils se moquer?
Je ne le comprends guère, mais je ne serais pas surpris
que le gouvernement eût répandu des contes absurdes
à notre sujet parmi le peuple. L'étonnement que nous
inspirons s'explique facilement. Quant au mépris dont
grand nombre ne se cachent pas, il vient de ce que
l'on nous regarde généralement comme des gens mal
neur, le Trésor, la Banque, le Palais de justice et la
Douane. A gauche du Custom house, il y a une rue qui
sépare le quartier japonais du quartier européen. Ce
dernier se compose en ce moment de dix-neuf magasins
et de vingt et une maisons d'habitation. Les magasins
sont de grands bâtiments en bois légèrement construits,
et qui protègent à peu près suffisamment les marchan-
dises contre la pluie ; un voleur ne trouverait aucune
peine à y entrer ; un typhon les renverserait sans dif-
ficulté, et le feu les détruirait en peu de temps. On se
garantit contre les voleurs et le feu par la surveillance,
et quant aux typhons, on se dit: « Ils ne viennent pas
» en hiver, et nous avons Irop à faire aujourd'hui pour
» nous occuper de ce qui peut arriver l'été prochain..
Les vingt et une maisons européennes sont toutes bà
ties sur un même plan, et elles occupent chacune à
peu près la surface de 100 mètres carrés, 10 sur chaque
face. Un corridor divise chaque maison en deux parties.
» Mais voici l'heure du courrier ; je suis forcé de re-
mettre la suite à une autre lettre. »
Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en repro-
duisant la suite de la correspondance ci-dessus. On
écrit au Journal des Débats, de Kanayawa, le 15 dé-
cembre 1859 :
« Ainsi que ma dernière lettre pouvait le faire pres-
sentir, les choses vont mal et fort mal. A qui la faute? Ce
n'est pas tant aux Japonais qu'on veut bien le dire. Sou-
venez-vous de ce que je vous écrivais il y a deux mois à
peine ; tout alors allait à merveille, un commerçant
trouvait facilement le moyen de doubler son capital en
six semaines. Je dis alors que cela ne pouvait durer, et
je me plaignais, à cette occasion, de la conduite d'un
bon nombre de mes compatriotes d'Occident. Leurs ri-
dicules prétentions étaient faites pour causer des maux
irréparables. C'est en effet ce qui arrive, et voilà que
l'innocent souffre aujourd'hui avec le coupable. Le
gouvernement japonais s'oppose de toutes ses forces,
qui sont immenses et bien au delà de celles d'un gou-
vernement européen, à ce que le commerce prenne plus
d'extension. Les principaux marchands de kobangs ont
été arrêtés, et ils paieront peut-être de leur vie pour
avoir fait le commerce qu'aucune loi ne défendait. Dans
le moment actuel, on n'achète plus le précieux métal
qu'avec le plus profond secret. Un Japonais entre chez
un Européen et lui offre des pommes de terre, des
plantes marines ou tel autre article dont la vente n'est
pas encore prohibée. L'Anglais ou l'Américain , qui
connait son homme, le fait entrer dans un cabinet par-
ticulier, et là, après avoir regardé si toutes les fenêtres
sont bien fermées, après avoir recommandé la plus
parfaite discrétion à l'acheteur , le Japonais tire une
centaine de kobangs qu'il vend à 100 0/0 de bénéfice,
ce qui n'empêche pas que le commerçant gagne en-
core quelque chose comme 50 0/0. L'exportation du
cuivre est prohibée. La question de l'échange des dol-
lars en itzibones est dans le statu quo. A Nagasaki, on
n'obtient plus que l'échange de 3 dollars par jour et par
personne; ici [c'est encore de 30. Vous comprendrez
quelles difficultés éprouvent ainsi les grands négociants
de Chine lorsqu'il s'agit de fréter un navire, et je suis
sûr qu'actuellement la plupart d'entre eux ne font que
de misérables affaires.
Il Cette crise sans doute ne durera pas longtemps;
mais l'époque de la grande prospérité commerciale est
passée. Depuis des siècles les Japonais avaient ramassé
de l'argent monnayé et d'anciens articles de laque et
de bronze. Il y avait en outre au Japon un stock consi-
dérable de cire, d'huile et de soieries. On n'y appréciait
pas la valeur du sea-icead, plante marine qu'on exporte
en grande quantité pour la Chine. Les négociants de
Shang-Haï, que je regarde comme les plus puissants
spéculateurs du monde, n'ont fait de tout cela qu'une
bouchée. Trente ou quarante navires, partis à la suite'
les uns des autres en apportant des millions de dol-
lars, sont repartis pour la Chine chargés de ce qu'il y
avait de plus précieux au Japon, les anciens la-
ques, les anciens bronzes, les anciens kobangs, etc.
Aujourd'hui il reste du sea-wead, et de la soie; mais
ces articles sont fort chers; il reste aussi quelques
laques et bronzes modernes qui sont aux anciens ce
que les sculptures de la décadence sont aux chefs
d'œuvre de l'art classique. Un vieux laque se paie
aujourd'hui à des prix exorbitants, et les mauvais ne
valent pas leur voyage en Europe.
D Malgré tout, je n'en persiste pas moins à croire à
l'avenir du commerce de l'Occident avec le Japon. On
achètera ici à peu près tous les articles de notre sa-
vante industrie. Mais il faudra du temps et de
la patience ; il faudra surtout une entente cor-
diale entre le gouvernement japonais et les nôtres.
Cette entente n'existe pas; c'est évident. On ne nous
aime pas ici. Le gouvernement ne nous pardonne pas
notre attitude altière et menaçante, et les Japonais, qui
se croyaient les premiers des hommes, sont humiliés
de devoir s'avouer que nous leur sommes supérieurs,
au physique et au moral. Un matelot anglais culbutera
dix Japonais et en mettra vingt en fuite; un médiocre
élève de l'Ecole polytechnique résoudra plus de pro-
blèmes que toute la science japonaise Cela n'est pas
notre faute ; c'est au contraire notre gloire ; mais ce
qui est notre faute, c'est d'avoir froissé de mille ma-
nières la juste susceptibilité d'un peuple fier qui s'était
toujours passé de nous, et qui serait heureux de nous
voir abandonner son pays où nous avons apporté des
besoins et des désordres jusqu'alors inconnus. Ce qui
devait arriver est arrivé, et il y a certainement quel-
que orage dans l'air. Lorsque nous passons dans la
rue, on nous regarde avec des yeux où la bienveillance
ne brille guère. Il y a dans l'expression de la figure
des Japonais un mélange d'étonnement, de mépris et
même de moquerie. De quoi peuvent-ils se moquer?
Je ne le comprends guère, mais je ne serais pas surpris
que le gouvernement eût répandu des contes absurdes
à notre sujet parmi le peuple. L'étonnement que nous
inspirons s'explique facilement. Quant au mépris dont
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