Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-02-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 février 1860 01 février 1860
Description : 1860/02/01 (A5,N87). 1860/02/01 (A5,N87).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65299530
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 43
avait établi et que fonctionnent encore ses immenses
ateliers.
En conséquence, on s'est avisé de cette profonde
manœuvre: au lieu de porter le débat sur son véri-
table terrain, on l'a réduit à une question de sympa-
thie et d'attachement pour M. Stephenson. Un M. Haly,
avocat au barreau de Londres, s'est même donné la
peine de faire, tout exprès pour la circonstance, le
voyage de Newcastle; il s'est présenté au meeting
pour défendre, a-t-il dit, un ami vénéré qui lui a fait
faire avec lui, dans son yacht, le voyage d'Egypte, et
voici quelques échantillons de sa logique et de son
éloquence :
« Stephenson nous a quittés ; il a passé dans un
monde plus heureux et plus brillant, mais son nom
vit dans la trompette de la renommée et dans le
cœur du peuple de Newcastle. Stephenson, avec
M. Talabot, a déclaré que le canal était impraticable;
l'objet qu'on se propose par ce meeting-, maintenant
qu'il est mort, n'est pas autre chose que d'obtenir de
la ville de Newcastle un démenti des opinions de
M. Stephenson, et ag-ir ainsi ce serait commettre une
injustice envers la mémoire de cet homme célèbre,
un homme qui m'honorait de son amitié, un des
plus grands hommes qui soient sortis de Newcastle,
l'un des plus grands flambeaux connus parmi ceux
de sa profession. On objecte, il est vrai, que Stephen-
son était seul de son avis. Je le nie : toutes les plus
grandes autorités de la science sont de son côté;
mais en fùt-il autrement, un grand homme ne vaut-il
pas plus que cent petits hommes ? »
L'orateur, pour des raisons de lui fort bien connues,
s'est abstenu de citer ces hautes autorités qui ren-
draient solidaire de l'opinion de M. Stepheson tout
ce qu'il y a de considérable dans le monde scienti-
fique. Ce n'était là qu'une prétérition pour aboutir à
cette conclusion splendide, que l'entrepreneur anglais
dépassait de beaucoup de coudées la taille de tous nos
petits ingénieurs continentaux. M. Stephenson, qui
n'avait jamais fait un canal de sa vie, en savait donc
cent fois plus sur les canaux que les meilleurs ingé-
niers hydrauliques de la Hollande, de la Prusse,
de l'Italie, de l'Autriche, de la France ; cent fois plus
que MM. Paléocapa, Lentzé, Conrad, Négrelli, Renaud,
Lieussou ; cent fois plus que l'Académie des sciences
et les corps savants de toute l'Europe, ces minces
intelligences dont la hauteur totalisée ne peut attein-
dre à la stature du gigantesque citoyen de New-
castle.
On conçoit que ces rudet chatouillements de l'amour-
propre local et national aient produit un grand effet
sur un auditoire composé en grand nombre des amis,
des connaissances et même des ouvriers de M. Ste-
phenson : aussi le meeting s'est-il cru obligé de voter
en ces termes, à sa mémoire, un brevet d'infaillibilité:
« Considérant les opinions exprimées encore en
» 1857 par M. Robert Stephenson, après différentes
» visites en Egypte, et les opinions de M. Talabot,
a qui était associé avec M. Stephenson, les habitants
» de Newcastle déclinent d'appuyer une entreprise
» ayant pour objet la construction d'un canal de Pé-
» luse à Suez. »
Cette résolution nous touche peu et touchera peu
l'opinion publique, puisqu'elle ne se motive que sur
l'opinion si complètement et si souvent réfutée de
l'ingénieur anglais. Nous nous expliquerons tout à
l'heure sur celle de M. Talabot ; mais dès à présent
nous pouvons dire aux habitants de Newcastle qu'ils
ont bien mal compris les intérêts de celui qu'ils vou-
laient défendre : ce n'est point ainsi pour notre part
que nous eussions agi en pareil cas; nous eussions
adopté tout le rebours de cette marche, et à leur
place nous aurions ainsi formulé notre proposition :
« Considérant les opinions de M. Stephenson ; con-
» sidérant que tous les ingénieurs et tous les corps
)) savants de l'Europe ne partagent point son avis;
» ayant foi dans l'infaillibilité de ce grand homme,
» et voulant la prouver au reste de la terre ; consi-
» dérant de plus que l'épreuve peut être faite sans
)) dommage pour les capitaux anglais et aux frais
» du capital européen ; nous invitons énergiquement
)) le gouvernement anglais à ne plus entraver et
» même à seconder les travaux d'exécution du canal
» de Suez, afin que l'infaillibilité de notre compa-
» triote reste un fait éclatant et matériel, et que
» les ignorants et les présomptueux qui se permet-
» tent de penser autrement que lui soient couverts
» de confusion. »
Alors au moins personne n'eût eu le droit de dou-
ter de la foi ardente dont s'est inspiré le meeting de
Newcastle, et l'inévitable fait accompli, c'est-à-dire
le canal de Suez étant noyé dans les fanges et dans
les sables, suivant la parole du maître, Newcastle,
aux applaudissements du monde, eût pu couronner
de la tiare de la science la statue que, dit-on, cette
ville se propose d'élever à M. Stephenson.
Mais il en est tout autrement si Newcastle entend
que l'expérience ne soit pas faite ; alors il en a peur,
et sa foi n'est qu'une foi de commande. Au lieu de
protéger la mémoire de M. Stephenson, il la compro-
met, car on est certainement fondé à dire, et nous
disons très-nettement que si, dans les conditions
que nous avons indiquées, l'on repousse le verdict
de l'épreuve, c'est uniquement par l'appréhension
qu'elle n'humilie celui qu'on prétend élever au-dessus
de la sphère mortelle.
L'opinion publique pensera sans coi tredit que les
amis de M. Stephenson ne trouvent pas J'autre moyen
de le sauver d'un échec écrasant. En effet, dans une
question d'art controversée, ses adversaires engagent
leur honneur professionnel et leur réputation ; les
souscripteurs engagent leur argent ; de l'autre côté
avait établi et que fonctionnent encore ses immenses
ateliers.
En conséquence, on s'est avisé de cette profonde
manœuvre: au lieu de porter le débat sur son véri-
table terrain, on l'a réduit à une question de sympa-
thie et d'attachement pour M. Stephenson. Un M. Haly,
avocat au barreau de Londres, s'est même donné la
peine de faire, tout exprès pour la circonstance, le
voyage de Newcastle; il s'est présenté au meeting
pour défendre, a-t-il dit, un ami vénéré qui lui a fait
faire avec lui, dans son yacht, le voyage d'Egypte, et
voici quelques échantillons de sa logique et de son
éloquence :
« Stephenson nous a quittés ; il a passé dans un
monde plus heureux et plus brillant, mais son nom
vit dans la trompette de la renommée et dans le
cœur du peuple de Newcastle. Stephenson, avec
M. Talabot, a déclaré que le canal était impraticable;
l'objet qu'on se propose par ce meeting-, maintenant
qu'il est mort, n'est pas autre chose que d'obtenir de
la ville de Newcastle un démenti des opinions de
M. Stephenson, et ag-ir ainsi ce serait commettre une
injustice envers la mémoire de cet homme célèbre,
un homme qui m'honorait de son amitié, un des
plus grands hommes qui soient sortis de Newcastle,
l'un des plus grands flambeaux connus parmi ceux
de sa profession. On objecte, il est vrai, que Stephen-
son était seul de son avis. Je le nie : toutes les plus
grandes autorités de la science sont de son côté;
mais en fùt-il autrement, un grand homme ne vaut-il
pas plus que cent petits hommes ? »
L'orateur, pour des raisons de lui fort bien connues,
s'est abstenu de citer ces hautes autorités qui ren-
draient solidaire de l'opinion de M. Stepheson tout
ce qu'il y a de considérable dans le monde scienti-
fique. Ce n'était là qu'une prétérition pour aboutir à
cette conclusion splendide, que l'entrepreneur anglais
dépassait de beaucoup de coudées la taille de tous nos
petits ingénieurs continentaux. M. Stephenson, qui
n'avait jamais fait un canal de sa vie, en savait donc
cent fois plus sur les canaux que les meilleurs ingé-
niers hydrauliques de la Hollande, de la Prusse,
de l'Italie, de l'Autriche, de la France ; cent fois plus
que MM. Paléocapa, Lentzé, Conrad, Négrelli, Renaud,
Lieussou ; cent fois plus que l'Académie des sciences
et les corps savants de toute l'Europe, ces minces
intelligences dont la hauteur totalisée ne peut attein-
dre à la stature du gigantesque citoyen de New-
castle.
On conçoit que ces rudet chatouillements de l'amour-
propre local et national aient produit un grand effet
sur un auditoire composé en grand nombre des amis,
des connaissances et même des ouvriers de M. Ste-
phenson : aussi le meeting s'est-il cru obligé de voter
en ces termes, à sa mémoire, un brevet d'infaillibilité:
« Considérant les opinions exprimées encore en
» 1857 par M. Robert Stephenson, après différentes
» visites en Egypte, et les opinions de M. Talabot,
a qui était associé avec M. Stephenson, les habitants
» de Newcastle déclinent d'appuyer une entreprise
» ayant pour objet la construction d'un canal de Pé-
» luse à Suez. »
Cette résolution nous touche peu et touchera peu
l'opinion publique, puisqu'elle ne se motive que sur
l'opinion si complètement et si souvent réfutée de
l'ingénieur anglais. Nous nous expliquerons tout à
l'heure sur celle de M. Talabot ; mais dès à présent
nous pouvons dire aux habitants de Newcastle qu'ils
ont bien mal compris les intérêts de celui qu'ils vou-
laient défendre : ce n'est point ainsi pour notre part
que nous eussions agi en pareil cas; nous eussions
adopté tout le rebours de cette marche, et à leur
place nous aurions ainsi formulé notre proposition :
« Considérant les opinions de M. Stephenson ; con-
» sidérant que tous les ingénieurs et tous les corps
)) savants de l'Europe ne partagent point son avis;
» ayant foi dans l'infaillibilité de ce grand homme,
» et voulant la prouver au reste de la terre ; consi-
» dérant de plus que l'épreuve peut être faite sans
)) dommage pour les capitaux anglais et aux frais
» du capital européen ; nous invitons énergiquement
)) le gouvernement anglais à ne plus entraver et
» même à seconder les travaux d'exécution du canal
» de Suez, afin que l'infaillibilité de notre compa-
» triote reste un fait éclatant et matériel, et que
» les ignorants et les présomptueux qui se permet-
» tent de penser autrement que lui soient couverts
» de confusion. »
Alors au moins personne n'eût eu le droit de dou-
ter de la foi ardente dont s'est inspiré le meeting de
Newcastle, et l'inévitable fait accompli, c'est-à-dire
le canal de Suez étant noyé dans les fanges et dans
les sables, suivant la parole du maître, Newcastle,
aux applaudissements du monde, eût pu couronner
de la tiare de la science la statue que, dit-on, cette
ville se propose d'élever à M. Stephenson.
Mais il en est tout autrement si Newcastle entend
que l'expérience ne soit pas faite ; alors il en a peur,
et sa foi n'est qu'une foi de commande. Au lieu de
protéger la mémoire de M. Stephenson, il la compro-
met, car on est certainement fondé à dire, et nous
disons très-nettement que si, dans les conditions
que nous avons indiquées, l'on repousse le verdict
de l'épreuve, c'est uniquement par l'appréhension
qu'elle n'humilie celui qu'on prétend élever au-dessus
de la sphère mortelle.
L'opinion publique pensera sans coi tredit que les
amis de M. Stephenson ne trouvent pas J'autre moyen
de le sauver d'un échec écrasant. En effet, dans une
question d'art controversée, ses adversaires engagent
leur honneur professionnel et leur réputation ; les
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