Presse et revues
16 pages
Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1859-11-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 novembre 1859 15 novembre 1859
Description : 1859/11/15 (A4,N82). 1859/11/15 (A4,N82).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529517r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 343
» Par suite je suis disposé à protester, et faudrait-il
perdre le capital engagé en entier, je suis disposé à
en faire le sacrifice, pourvu que cette affaire se pour-
suive très-énergiquement.
» Je ne peux pas aller à Paris pour la réunion des
actionnaires qui doit avoir lieu le 15 novembre; en
conséquence je vous serai obligé de me faire parvenir
à votre temps un modèle de procuration mentionnée
dans le Journal des actionnaires, afin que je vous la ren-
voie en due forme avec mon titre de cinquante actions,
et que vous puissiez en disposer envers un mandataire
qui partage mon appréciation à ce sujet et mon opi-
nion
» Veuillez, je vous prie, Monsieur, agréer mes
excuses pour le tracas que je vous donne et croyez-
moi votre tout dévoué serviteur.
Signé : RAYMOND LACASSAIGNE,
Notaire à Fleurance (Gers), arrondissement
de Lectoure.
P. S. Vous pourrez donner à ma lettre telle publicité
qu'il vous plaira.
LA FRANCE ET LE CANAL DE SUEZ.
« La question du percement de l'isthme de Suez est
toujours, malgré les complications politiques du moment,
une de celles qui occupent le plus l'opinion publique.
D Les expositions claires et loyales répandues partout à
ce sujet sont parvenues sans peine à faire de tous les
gens sensés et sans parti pris des adhérents de ce vaste
projet. Au milieu de ces manifestations imposantes des
villes manufacturières, des grandes corporations com-
merciales, aussi bien que des corps savants, le gouver-
nement de la Grande-Bretagne a eu le triste courage
d'exprimer tout haut sa répugnance à le voir réussir,
sans tenir compte des vœux exprimés dans de nombreux
meetings, par les Anglais eux-mêmes.
« Cependant, pour laisser le sultan libre d'accorder le
firman confirmatif de celui du vice-roi d'Égypte, la
France, fidèle aux habitudes de courtoisie qui sont de-
venues une tradition de sa politique, était convenue avec
l'Angleterre de ne pas peser sur la décision de la Porte
Ottomane et de la laisser libre de décider la question.
» Mais les Anglais ont, cette fois encore, manqué à leur
parole ; leur action occulte s'est manifestée par les me-
nées les plus actives ; leurs menaces ont paralysé les
bonnes dispositions de la Porte, et les vexations se sont
multipliées. A mesure que la Société du canal de Suez se
formait, que les capitaux et les encouragements affluaient
de tous côtés, les embûches se dressaient en Orient, et
de sourdes intrigues essayaient de détruire l'œuvre con-
duite avec tant de persévérance et de dévouement par
M. de Lesseps.
» Aujourd'hui, l'opposition anglaise, dont M. Bulwer
s'est fait l'agent actif à Constantinople, vient encore d'ar-
racher à la faiblesse du gouvernement turc l'ordre de dis-
perser, même par la force, les travailleurs inoffensifs qui
occupent légitimement l'isthme et les vastes terrains
concédés à une compagnie financière constituée réguliè-
rement.
D Le cabinet ottoman ignorait-il les vœux des conseils
généraux, et les décisions si explicites des chambres de
commerce de France, les encouragements donnés à l'en-
treprise par les divers gouvernements de l'Europe, et
cette unanime expression des peuples dont la presse de
tous les pays s'est rendue tant de fois l'organe? N'a-t-il
pu se défendre de céder aune haute influence à laquelle
n'a pas même échappé un de nos agents diplomatiques?
» Il a dû bien en coûter à M. Sabatier, notre consul à
Alexandrie, le jour où il a signifié aux ingénieurs et,
aux ouvriers européens l'ordre de cesser les travaux et
de quitter la terre d'Egypte.
» Et cependant les capitulations qui ont permis à l'élé-
ment européen de pénétrer en Orient et de s'y dévelop-
per, n'autorisent dans aucun cas le gouvernement local
à agir directement sur les sujets étrangers, qui restent
exclusivement soumis aux lois de leur pays, et par con-
séquent à l'abri des violences et des avanies des au-
torités.
D Quant aux Anglais, ils ont joué en cette circonstance
le rôle qu'ils jouent avec outrecuidance sur toute la
surface du globe. Ils ont placé là leur veto comme ils
plantent leur pavillon sur l'île Périm, quand, à les en-
tendre, ils sont les plus fermes champions de l'inté-
grité de l'empire ottoman.
» A peine se sont-ils emparés, on sait comment, du
passage de la mer Rouge, qu'ils contestent aux Espa-
gnols le droit de tirer vengeance des affronts qu'ils ont
reçus du Maroc, sous prétexte que si Tanger devient
une position militaire de l'Espagne, le passage du dé-
troit ne sera plus libre! De même au sujet de Suez;
s'ils empêchent l'exécution des travaux, c'est qu'ils
n'ont jamais cessé de convoiter la possession de l'isthme:
ce désir mal dissimulé s'est trahi à plusieurs reprises,
et notamment par l'envoi récent d'une flotte imposante
montée par des troupes de débarquement dans les
eaux d'Alexandrie. Le projet a heureusement échoué,
grâce à la paix de Villafranca, mais il est loin d'être
abandonné.
» L'ouverture du grand canal maritime de Suez à tou-
tes les marines du monde doit placer ce Bosphore,
ainsi que le territoire de l'Egypte, sous la sauvegarde
de tous les pavillons, et offrir ainsi une puissante ga-
rantie à l'empire ottoman. On a beau dire et prouver
aux Anglais que le canal doit leur être plus profitable
qu'aux autres peuples, ils le savent bien, mais ils le
désirent pour eux seuls, et ils comptent bien le faire
creuser un jour, sans bourse délier, par les bras des
malheureux Egyptiens.
» Mais la France, à qui l'Empereur a su rendre sa légi-
time influence dans les affaires du monde, est décidée
à ne plus permettre ces audacieux défis que l'Angleterre
a trop souvent jetés à l'intérêt et à la dignité des peu-
ples. Napoléon III saura, avec la modération dont il a
donné tant de preuves, s'entendre avec les autres gou-
vernements intéressés à l'œuvre du canal de Suez, pour
écarter tous les obstacles et conduire à une solution
heureuse cette grande entreprise, qui est en même
temps une grande manifestation nationale.
» Par suite je suis disposé à protester, et faudrait-il
perdre le capital engagé en entier, je suis disposé à
en faire le sacrifice, pourvu que cette affaire se pour-
suive très-énergiquement.
» Je ne peux pas aller à Paris pour la réunion des
actionnaires qui doit avoir lieu le 15 novembre; en
conséquence je vous serai obligé de me faire parvenir
à votre temps un modèle de procuration mentionnée
dans le Journal des actionnaires, afin que je vous la ren-
voie en due forme avec mon titre de cinquante actions,
et que vous puissiez en disposer envers un mandataire
qui partage mon appréciation à ce sujet et mon opi-
nion
» Veuillez, je vous prie, Monsieur, agréer mes
excuses pour le tracas que je vous donne et croyez-
moi votre tout dévoué serviteur.
Signé : RAYMOND LACASSAIGNE,
Notaire à Fleurance (Gers), arrondissement
de Lectoure.
P. S. Vous pourrez donner à ma lettre telle publicité
qu'il vous plaira.
LA FRANCE ET LE CANAL DE SUEZ.
« La question du percement de l'isthme de Suez est
toujours, malgré les complications politiques du moment,
une de celles qui occupent le plus l'opinion publique.
D Les expositions claires et loyales répandues partout à
ce sujet sont parvenues sans peine à faire de tous les
gens sensés et sans parti pris des adhérents de ce vaste
projet. Au milieu de ces manifestations imposantes des
villes manufacturières, des grandes corporations com-
merciales, aussi bien que des corps savants, le gouver-
nement de la Grande-Bretagne a eu le triste courage
d'exprimer tout haut sa répugnance à le voir réussir,
sans tenir compte des vœux exprimés dans de nombreux
meetings, par les Anglais eux-mêmes.
« Cependant, pour laisser le sultan libre d'accorder le
firman confirmatif de celui du vice-roi d'Égypte, la
France, fidèle aux habitudes de courtoisie qui sont de-
venues une tradition de sa politique, était convenue avec
l'Angleterre de ne pas peser sur la décision de la Porte
Ottomane et de la laisser libre de décider la question.
» Mais les Anglais ont, cette fois encore, manqué à leur
parole ; leur action occulte s'est manifestée par les me-
nées les plus actives ; leurs menaces ont paralysé les
bonnes dispositions de la Porte, et les vexations se sont
multipliées. A mesure que la Société du canal de Suez se
formait, que les capitaux et les encouragements affluaient
de tous côtés, les embûches se dressaient en Orient, et
de sourdes intrigues essayaient de détruire l'œuvre con-
duite avec tant de persévérance et de dévouement par
M. de Lesseps.
» Aujourd'hui, l'opposition anglaise, dont M. Bulwer
s'est fait l'agent actif à Constantinople, vient encore d'ar-
racher à la faiblesse du gouvernement turc l'ordre de dis-
perser, même par la force, les travailleurs inoffensifs qui
occupent légitimement l'isthme et les vastes terrains
concédés à une compagnie financière constituée réguliè-
rement.
D Le cabinet ottoman ignorait-il les vœux des conseils
généraux, et les décisions si explicites des chambres de
commerce de France, les encouragements donnés à l'en-
treprise par les divers gouvernements de l'Europe, et
cette unanime expression des peuples dont la presse de
tous les pays s'est rendue tant de fois l'organe? N'a-t-il
pu se défendre de céder aune haute influence à laquelle
n'a pas même échappé un de nos agents diplomatiques?
» Il a dû bien en coûter à M. Sabatier, notre consul à
Alexandrie, le jour où il a signifié aux ingénieurs et,
aux ouvriers européens l'ordre de cesser les travaux et
de quitter la terre d'Egypte.
» Et cependant les capitulations qui ont permis à l'élé-
ment européen de pénétrer en Orient et de s'y dévelop-
per, n'autorisent dans aucun cas le gouvernement local
à agir directement sur les sujets étrangers, qui restent
exclusivement soumis aux lois de leur pays, et par con-
séquent à l'abri des violences et des avanies des au-
torités.
D Quant aux Anglais, ils ont joué en cette circonstance
le rôle qu'ils jouent avec outrecuidance sur toute la
surface du globe. Ils ont placé là leur veto comme ils
plantent leur pavillon sur l'île Périm, quand, à les en-
tendre, ils sont les plus fermes champions de l'inté-
grité de l'empire ottoman.
» A peine se sont-ils emparés, on sait comment, du
passage de la mer Rouge, qu'ils contestent aux Espa-
gnols le droit de tirer vengeance des affronts qu'ils ont
reçus du Maroc, sous prétexte que si Tanger devient
une position militaire de l'Espagne, le passage du dé-
troit ne sera plus libre! De même au sujet de Suez;
s'ils empêchent l'exécution des travaux, c'est qu'ils
n'ont jamais cessé de convoiter la possession de l'isthme:
ce désir mal dissimulé s'est trahi à plusieurs reprises,
et notamment par l'envoi récent d'une flotte imposante
montée par des troupes de débarquement dans les
eaux d'Alexandrie. Le projet a heureusement échoué,
grâce à la paix de Villafranca, mais il est loin d'être
abandonné.
» L'ouverture du grand canal maritime de Suez à tou-
tes les marines du monde doit placer ce Bosphore,
ainsi que le territoire de l'Egypte, sous la sauvegarde
de tous les pavillons, et offrir ainsi une puissante ga-
rantie à l'empire ottoman. On a beau dire et prouver
aux Anglais que le canal doit leur être plus profitable
qu'aux autres peuples, ils le savent bien, mais ils le
désirent pour eux seuls, et ils comptent bien le faire
creuser un jour, sans bourse délier, par les bras des
malheureux Egyptiens.
» Mais la France, à qui l'Empereur a su rendre sa légi-
time influence dans les affaires du monde, est décidée
à ne plus permettre ces audacieux défis que l'Angleterre
a trop souvent jetés à l'intérêt et à la dignité des peu-
ples. Napoléon III saura, avec la modération dont il a
donné tant de preuves, s'entendre avec les autres gou-
vernements intéressés à l'œuvre du canal de Suez, pour
écarter tous les obstacles et conduire à une solution
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