310 L'ISTHME DE SUEZ,
plus éminents parmi ceux qui sont aujourd'hui
placés à la tête des affaires de la Grande-Bretagne.
Rien ne peut donner plus de force à leurs prévisions,
plus d'autorité à leurs conseils que le jugement à peu
près unanime porté dans le continent sur un système
dont la dernière heure doit être prochaine pour le
bien de l'Angleterre et le progrès pacifique de l'hu-
manité. C'est à ce titre qne nous reproduisons farticle
dont nous venons de parler. Il est bon que l'Angle-
terre sache à quel point ce système la compromet et
la discrédite parmi nous.
J. RosÉ.
On lit dans l'Opinion nationale :
« Les préparatifs que fait en ce moment l'Espagne
pour tirer vengeance des insultes des tribus marocai-
nes, occupent tout particulièrement, depuis quelques
jours, l'attention des journaux anglais. Le voisinage
d'une flotte et d'une armée espagnoles dans la baie
d'Algésiras, tout près de Gibraltar, parait leur causer
quelque souci. Le Times énumère les progrès que l'Es-
pagne a récemment accomplis, l'augmentation de son
armée et de sa flotte, la situation meilleure de son
budget, le développement qu'imprime à son commerce
intérieur la construction de ses voies ferrées. Les allu-
sions des journaux espagnols à la reprise éventuelle de
Gibraltar ne lui ont pas échappé, et de cet ensemble de
circonstances il conclut que l'Angleterre doit veiller
attentivement sur ses intérêts menacés par cette pros-
périté croissante.
1 C'est une circonstance qui doit être attristante pour
le patriotisme britannique, que rien ne peut grandir
dans le monde sans que la puissance de l'Angleterre
n'en paraisse et n'en soit effectivement diminuée. Depuis
que la France a une flotte, l'Angleterre ne dort plus,
et l'existence des zouaves lui parait incompatible avec
la continuatiou de l'alliance entre les deux nations. Le
prodigieux développement de la navigation marchande
des Etats-Unis l'a tellement fait déchoir de son ancienne
suprématie maritime et des prétentions qui en étaient
le fruit naturel, que toutes les querelles qui s'élèvent
entre John Bull et son jeune frère Jonatham se termi-
nent invariablement à la gloire de ce dernier.
» Si la Russie entretient à Cronstadt une flotte à va-
peur, l'Angleterre ne peut songer, sans une juste ap-
préhension, que cette flotte réunie à une autre pourrait -
jeter sur ses côtes une armée de débarquement. Si la
même puissance fait Schamyl prisonnier, termine la
guerre du Caucase, et annonce l'intention de se porter
vers l'Asie centrale ; si elle projette la construction d'un
immense chemin de fer qui irait aboutir aux frontières
de la Chine; si, en attendant, elle s'établit et se fortifie
sur l'Amour, et reçoit par terre la nouvelle du traité de
Tien-tsin bien avant l'Angleterre, celle-ci se récrie et
sent que ce nouveau et redoutable compétiteur lui en-
lèvera quelque jour le commerce de l'extrême Orient.
j. Si, dans un coin de la Méditerranée, un petit peu-
ple, à peine échappé au joug des Turcs, montre une
aptitude commerciale et maritime remarquable, s'il
s'empare du commerce de la mer Noire et de l'archi-
pel, et envoie ses négociants fonder des comptoirs à
Marseille et à Londres, l'Angleterre, qui pressent une
rivalité limitée mais sérieuse, cherchera querelle à la
Grèce, bloquera ses ports, détruira son commerce,
sous le prétexte peu plausible de venger les injures
de D. Pacifico.
D Si une grande idée, née dans le cerveau puissant
de Leibnitz, reprise par le général Bonaparte, étudiée
à nouveau et conduite au seuil de la réalisation prati-
que par les disciples de Saint-Sirfion, aboutit entre les
mains d'un Français à un projet grandiose qui doit
unir la mer Rouge a la Méditerranée, éviter au com-
merce de l'Europe le circuit du continent africain, lui
épargner trois mille lieues et trois mois de navigation,
vivifier les côtes de la Grèce, de la Syrie, de l'Arabie,
de l'Abyssinie, rapprocher de nous le commerce de
l'Inde, et mettre en contact les idées, les produits et
les hommes de l'Orient et de l'Occident, ce projet d'in-
térêt universel, acclamé par l'Europe entière, comman-
dité par les capitaux de la France et du monde, sera
tenu en échec par le mauvais vouloir d'une puissance
jalouse qui se fait une souffrance de la prospérité uni-
verselle.
» Enfin si l'Espagne, échappée au joug des moines et
à la tyrannie des factions, se souvenant de son ancienne
prospérité, construit des chemins de fer, exploite ses
mines, les plus riches du monde, équipe des flottes,
organise une armée et fait mine de donner une leçon
aux habitants demi-sauvages de la côte du Maroc, l'An-
gleterre s'émeut, elle songe à Gibraltar, qu'elle occupe
encore comme elle a occupé Calais et Dunkerque ; à
Gibraltar, que l'Espagne régénérée pourrait bien lui
arracher un jour, et qu'elle pourrait, dès à présent, neu-
traliser par un établissement rival sur la côte africaine
qui lui fait face. Et alors, il faut que l'Espagne s'ar-
rête dans ses légitimes projets de répression, de peur
de troubler la tranquillité de l'Angleterre qui ne res-
pecte celle de personne.
» Ce qu'il y a de grave dans la situation actuelle
de l'Angleterre, c'est qu'il ne saurait s'élever aujour-
d'hui dans le monde une force nouvelle qui ne lui
soit hostile, une grande idée qui ne lui nuise, une in-
vention qui ne la menace. La vapeur e:;t son ennemie,
les chemins de fer lui sont suspects, il n'est pas jus-
qu'à l'affranchissement des peuples opprimés qui ne
devienne une menace pour cette nation libérale. L'Inde
ne peut s'affranchir qu'à ses dépens; si la Chine ap-
prend à se battre, ce sera pour lui tenir tête; la Grèce
émancipée lui enlève des pratiques, et, dans quelques
années, Gènes, Livourne, Naples et Venise lui feront
dans l'Adriatique et dans la Méditerranée une concur-
rence sérieuse.
» L'Angleterre serait-elle donc placée dans cette af-
freuse alternative, ou de voir décliner sa puissance, ou
d'étouffer à mesure qu'ils viennent à éclore tous les
germes de la prospérité universelle?
D Ce qu'il faut espérer, dans l'intérêt d'un peuple
qui a un rôle à part dans le développement de l'espèce
humaine, c'est que le mouvement réformiste qui couve
dans ses flancs ne se bornera pas à la suppression de
quelques abus de détail, mais qu'un esprit nouveau
plus éminents parmi ceux qui sont aujourd'hui
placés à la tête des affaires de la Grande-Bretagne.
Rien ne peut donner plus de force à leurs prévisions,
plus d'autorité à leurs conseils que le jugement à peu
près unanime porté dans le continent sur un système
dont la dernière heure doit être prochaine pour le
bien de l'Angleterre et le progrès pacifique de l'hu-
manité. C'est à ce titre qne nous reproduisons farticle
dont nous venons de parler. Il est bon que l'Angle-
terre sache à quel point ce système la compromet et
la discrédite parmi nous.
J. RosÉ.
On lit dans l'Opinion nationale :
« Les préparatifs que fait en ce moment l'Espagne
pour tirer vengeance des insultes des tribus marocai-
nes, occupent tout particulièrement, depuis quelques
jours, l'attention des journaux anglais. Le voisinage
d'une flotte et d'une armée espagnoles dans la baie
d'Algésiras, tout près de Gibraltar, parait leur causer
quelque souci. Le Times énumère les progrès que l'Es-
pagne a récemment accomplis, l'augmentation de son
armée et de sa flotte, la situation meilleure de son
budget, le développement qu'imprime à son commerce
intérieur la construction de ses voies ferrées. Les allu-
sions des journaux espagnols à la reprise éventuelle de
Gibraltar ne lui ont pas échappé, et de cet ensemble de
circonstances il conclut que l'Angleterre doit veiller
attentivement sur ses intérêts menacés par cette pros-
périté croissante.
1 C'est une circonstance qui doit être attristante pour
le patriotisme britannique, que rien ne peut grandir
dans le monde sans que la puissance de l'Angleterre
n'en paraisse et n'en soit effectivement diminuée. Depuis
que la France a une flotte, l'Angleterre ne dort plus,
et l'existence des zouaves lui parait incompatible avec
la continuatiou de l'alliance entre les deux nations. Le
prodigieux développement de la navigation marchande
des Etats-Unis l'a tellement fait déchoir de son ancienne
suprématie maritime et des prétentions qui en étaient
le fruit naturel, que toutes les querelles qui s'élèvent
entre John Bull et son jeune frère Jonatham se termi-
nent invariablement à la gloire de ce dernier.
» Si la Russie entretient à Cronstadt une flotte à va-
peur, l'Angleterre ne peut songer, sans une juste ap-
préhension, que cette flotte réunie à une autre pourrait -
jeter sur ses côtes une armée de débarquement. Si la
même puissance fait Schamyl prisonnier, termine la
guerre du Caucase, et annonce l'intention de se porter
vers l'Asie centrale ; si elle projette la construction d'un
immense chemin de fer qui irait aboutir aux frontières
de la Chine; si, en attendant, elle s'établit et se fortifie
sur l'Amour, et reçoit par terre la nouvelle du traité de
Tien-tsin bien avant l'Angleterre, celle-ci se récrie et
sent que ce nouveau et redoutable compétiteur lui en-
lèvera quelque jour le commerce de l'extrême Orient.
j. Si, dans un coin de la Méditerranée, un petit peu-
ple, à peine échappé au joug des Turcs, montre une
aptitude commerciale et maritime remarquable, s'il
s'empare du commerce de la mer Noire et de l'archi-
pel, et envoie ses négociants fonder des comptoirs à
Marseille et à Londres, l'Angleterre, qui pressent une
rivalité limitée mais sérieuse, cherchera querelle à la
Grèce, bloquera ses ports, détruira son commerce,
sous le prétexte peu plausible de venger les injures
de D. Pacifico.
D Si une grande idée, née dans le cerveau puissant
de Leibnitz, reprise par le général Bonaparte, étudiée
à nouveau et conduite au seuil de la réalisation prati-
que par les disciples de Saint-Sirfion, aboutit entre les
mains d'un Français à un projet grandiose qui doit
unir la mer Rouge a la Méditerranée, éviter au com-
merce de l'Europe le circuit du continent africain, lui
épargner trois mille lieues et trois mois de navigation,
vivifier les côtes de la Grèce, de la Syrie, de l'Arabie,
de l'Abyssinie, rapprocher de nous le commerce de
l'Inde, et mettre en contact les idées, les produits et
les hommes de l'Orient et de l'Occident, ce projet d'in-
térêt universel, acclamé par l'Europe entière, comman-
dité par les capitaux de la France et du monde, sera
tenu en échec par le mauvais vouloir d'une puissance
jalouse qui se fait une souffrance de la prospérité uni-
verselle.
» Enfin si l'Espagne, échappée au joug des moines et
à la tyrannie des factions, se souvenant de son ancienne
prospérité, construit des chemins de fer, exploite ses
mines, les plus riches du monde, équipe des flottes,
organise une armée et fait mine de donner une leçon
aux habitants demi-sauvages de la côte du Maroc, l'An-
gleterre s'émeut, elle songe à Gibraltar, qu'elle occupe
encore comme elle a occupé Calais et Dunkerque ; à
Gibraltar, que l'Espagne régénérée pourrait bien lui
arracher un jour, et qu'elle pourrait, dès à présent, neu-
traliser par un établissement rival sur la côte africaine
qui lui fait face. Et alors, il faut que l'Espagne s'ar-
rête dans ses légitimes projets de répression, de peur
de troubler la tranquillité de l'Angleterre qui ne res-
pecte celle de personne.
» Ce qu'il y a de grave dans la situation actuelle
de l'Angleterre, c'est qu'il ne saurait s'élever aujour-
d'hui dans le monde une force nouvelle qui ne lui
soit hostile, une grande idée qui ne lui nuise, une in-
vention qui ne la menace. La vapeur e:;t son ennemie,
les chemins de fer lui sont suspects, il n'est pas jus-
qu'à l'affranchissement des peuples opprimés qui ne
devienne une menace pour cette nation libérale. L'Inde
ne peut s'affranchir qu'à ses dépens; si la Chine ap-
prend à se battre, ce sera pour lui tenir tête; la Grèce
émancipée lui enlève des pratiques, et, dans quelques
années, Gènes, Livourne, Naples et Venise lui feront
dans l'Adriatique et dans la Méditerranée une concur-
rence sérieuse.
» L'Angleterre serait-elle donc placée dans cette af-
freuse alternative, ou de voir décliner sa puissance, ou
d'étouffer à mesure qu'ils viennent à éclore tous les
germes de la prospérité universelle?
D Ce qu'il faut espérer, dans l'intérêt d'un peuple
qui a un rôle à part dans le développement de l'espèce
humaine, c'est que le mouvement réformiste qui couve
dans ses flancs ne se bornera pas à la suppression de
quelques abus de détail, mais qu'un esprit nouveau
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 6/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6529515x/f6.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6529515x/f6.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6529515x/f6.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6529515x
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6529515x