Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1859-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 septembre 1859 15 septembre 1859
Description : 1859/09/15 (A4,N78). 1859/09/15 (A4,N78).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65295133
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
276 L'ISTHME DE SUEZ,
Or, voici la situation : tandis qu'on rêve par la
domination de la route égyptienne de concentrer et
de relier les bases de l'empire britannique de l'Eu-
rope à l'Asie, l'empire asiatique lui-même tremble et
se désorganise ; il faut, à tout prix, se concilier les po-
pulations de l'Inde ou il faut perdre les Indes, et
quel meilleur moyen de ranimer leur prospérité
anéantie que de leur ouvrir par l'isthme de Suez une
communication avec le riche commerce de tout l'occi-
dent du monde. Il faut à tout prix rapprocher l'admi-
nistration asiatique de la direction métropolitaine, les
renforts éventuellement nécessaires de l'insurrection
momentanément comprimée, mais toujours frémis-
sante, les caisses vides de Calcutta, de la Californie
du stock-exchange. Autrement, le jour où, par impos-
sible, on pourrait avoir l'Egypte, on pourrait bien ng
plus avoir les Indes, et pour avoir trop convoité la
route, on finirait par n'en avoir plus besoin.
Ce n'est pas tout : longtemps le pavillon anglais a
régné non-seulement en maître absolu, mais aussi en
maître unique sur le vaste océan de l'Asie, et il
n'avait pas de peine à écarter les autres peuples de la
seule porte lointaine de cette mer, le cap de Bonne-
Espérance. Comme nous l'avons dit si souvent, la ques-
tion de la suprématie asiatique n'est plus du côté de
l'Occident ; elle s'est transformée et transportée à l'ex-
trême Orient. C'est là qu'une marine déjà plus nom-
breuse que celle de l'Angleterre, la marine des Etats-
Unis," des côtes de la Californie tourne l'Inde par
l'Océan pacifique; c'est là que la jeune marine de la
Russie se recueille et s'organise, appuyée sur une
armée permanente de 60,000 hommes qui campe au
bord du fleuve Amur, et qui ne doit pas être un médio-
cre souci dans les spéculations du cabinet britannique.
L'Amérique par la Californie, la Russie par les
embouchures de l'Amur sont, dans une période facile
à prévoir, une menace et une double position agres-
sive sur l'Inde; ce n'est plus vers l'Occident, c'est de
l'Orient que gronde et grandit le danger de l'Inde ;
or l'Angleterre qui est vers l'Occident, ne peut, sans
la plus inconcevable négligence de ses intérêts, ne
pas chercher à rapprocher par tous les moyens pos-
sibles l'Occident de l'Orient, la mer des Indes du ca-
nal de la Manche, et le plus direct de ces moyens,
il est tout trouvé et elle l'a dans sa main, c'est
l'établissement de la communication navigable entre
la mer Rouge et la Méditerranée.
Pourtant ce n'est là encore que la moitié de la si-
tuation : la Chine est ouverte, la Chine, malgré ses
résistances, restera la conquête du commerce civilisé,
et le maître du commerce et des mers de la Chine
sera bientôt le maître des mers et le dominateur de
l'Orient. Cette grande question de la suprématie
orientale, l'Angleterre ne doit pas s'y tromper, elle
n'est plus aux Indes, elle est en Chine ; elle y germe,
elle y marche, elle s'y développera, elle s'y aggravera
tous les jours. Nous n'hésitons pas à dire que se
placer le plus près possible de ce grand théâtre des
luttes futures de la guerre, des manœuvres présentes
de la paix, c'est le premier devoir et le premier be-
soin d'un gouvernement digne de l'Angleterre ; ce
besoin il le satisfait et ne peut le satisfaire efficace-
ment et promptement que par l'ouverture de l'isthme,
et s'il veut attendre pour le laisser s'ouvrir le jour
très-voilé et certainement très-improbable où l'Egypte
serait à lui, il aurait perdu du côté de la Chine les
opportunités de l'abréviation des distances; accordons
qu'il aurait l'Egypte, mais il ne serait certes plus
rien ou peu de chose en Chine.
Que si nous nous reportons maintenant vers les
complications plus imminentes de l'Occident, certes
l'Angleterre ne verrait ni sans terreur, ni sans dom-
mage le démembrement de l'empire turc ; Constan-
tinople aux Russes ou aux Grecs ; les bouches du
Danube à l'Autriche, en même temps que l'Adriati-
que, et, selon toutes les probabilités, les côtes de
l'Afrique septentrionale jusqu'au désert Libyque à
la France.
Que fait-elle cependant? D'un côté elle déconsidère
et dépopularise la Turquie en Europe ; elle désinté-
resse la France de la défendre ; elle la dégoûte de sa
chevalerie de 1854 ; elle fait tout pour lui montrer
qu'elle n'a dégagé la Turquie du joug de Saint-
Pétersbourg que pour la placer sous le joug de Lon-
dres. En même temps elle sème la défiance, la dis-
corde, la rancune entre Constantinople et le Caire,
entre le vassal et le suzerain, entre les intérêts égyp-
tiens et la souveraineté ottomane ; on dirait qu'elle
s'amuse à fomenter entre les deux parties de l'em-
pire une guerre intestine dont l'éclat mettrait pro-
bablement le feu au monde et déterminerait le dé-
membrement à peu près inévitable de l'empire du
sultan. Y gagnerait-elle seulement l'Egypte? Non
certes ; car ni l'Autriche, ni la France, ni la Russie
ne consentiraient à lui laisser ce splendide butin, et
pourtant quand tant de raisons lui recommandent les
plus minutieux ménagements pour ne rien troubler,
ou, pour mieux dire, pour ne rien remuer dans l'é-
quilibre oriental, le gouvernement anglais anime
la Turquie contre l'Egypte, l'Egypte contre la Tur-
quie, afin de retirer de ce désordre politique l'ajour-
nement du canal de Suez qui affermirait la situation
de l'Orient, et qui donnerait à la puissance britan-
nique les moyens de se rapprocher du vrai théâtre
de ses intérêts, de ses concurrences, et bientôt peut-
être de ses combats dans les mers orientales.
Avions-nous raison de dire qu'en caressant une
hypothèse lointaine et peu réalisable, et en lui sacri-
fiant les avantages journaliers d'un système à la
fois plus noble, plus pratique et plus positif, l'An-
Or, voici la situation : tandis qu'on rêve par la
domination de la route égyptienne de concentrer et
de relier les bases de l'empire britannique de l'Eu-
rope à l'Asie, l'empire asiatique lui-même tremble et
se désorganise ; il faut, à tout prix, se concilier les po-
pulations de l'Inde ou il faut perdre les Indes, et
quel meilleur moyen de ranimer leur prospérité
anéantie que de leur ouvrir par l'isthme de Suez une
communication avec le riche commerce de tout l'occi-
dent du monde. Il faut à tout prix rapprocher l'admi-
nistration asiatique de la direction métropolitaine, les
renforts éventuellement nécessaires de l'insurrection
momentanément comprimée, mais toujours frémis-
sante, les caisses vides de Calcutta, de la Californie
du stock-exchange. Autrement, le jour où, par impos-
sible, on pourrait avoir l'Egypte, on pourrait bien ng
plus avoir les Indes, et pour avoir trop convoité la
route, on finirait par n'en avoir plus besoin.
Ce n'est pas tout : longtemps le pavillon anglais a
régné non-seulement en maître absolu, mais aussi en
maître unique sur le vaste océan de l'Asie, et il
n'avait pas de peine à écarter les autres peuples de la
seule porte lointaine de cette mer, le cap de Bonne-
Espérance. Comme nous l'avons dit si souvent, la ques-
tion de la suprématie asiatique n'est plus du côté de
l'Occident ; elle s'est transformée et transportée à l'ex-
trême Orient. C'est là qu'une marine déjà plus nom-
breuse que celle de l'Angleterre, la marine des Etats-
Unis," des côtes de la Californie tourne l'Inde par
l'Océan pacifique; c'est là que la jeune marine de la
Russie se recueille et s'organise, appuyée sur une
armée permanente de 60,000 hommes qui campe au
bord du fleuve Amur, et qui ne doit pas être un médio-
cre souci dans les spéculations du cabinet britannique.
L'Amérique par la Californie, la Russie par les
embouchures de l'Amur sont, dans une période facile
à prévoir, une menace et une double position agres-
sive sur l'Inde; ce n'est plus vers l'Occident, c'est de
l'Orient que gronde et grandit le danger de l'Inde ;
or l'Angleterre qui est vers l'Occident, ne peut, sans
la plus inconcevable négligence de ses intérêts, ne
pas chercher à rapprocher par tous les moyens pos-
sibles l'Occident de l'Orient, la mer des Indes du ca-
nal de la Manche, et le plus direct de ces moyens,
il est tout trouvé et elle l'a dans sa main, c'est
l'établissement de la communication navigable entre
la mer Rouge et la Méditerranée.
Pourtant ce n'est là encore que la moitié de la si-
tuation : la Chine est ouverte, la Chine, malgré ses
résistances, restera la conquête du commerce civilisé,
et le maître du commerce et des mers de la Chine
sera bientôt le maître des mers et le dominateur de
l'Orient. Cette grande question de la suprématie
orientale, l'Angleterre ne doit pas s'y tromper, elle
n'est plus aux Indes, elle est en Chine ; elle y germe,
elle y marche, elle s'y développera, elle s'y aggravera
tous les jours. Nous n'hésitons pas à dire que se
placer le plus près possible de ce grand théâtre des
luttes futures de la guerre, des manœuvres présentes
de la paix, c'est le premier devoir et le premier be-
soin d'un gouvernement digne de l'Angleterre ; ce
besoin il le satisfait et ne peut le satisfaire efficace-
ment et promptement que par l'ouverture de l'isthme,
et s'il veut attendre pour le laisser s'ouvrir le jour
très-voilé et certainement très-improbable où l'Egypte
serait à lui, il aurait perdu du côté de la Chine les
opportunités de l'abréviation des distances; accordons
qu'il aurait l'Egypte, mais il ne serait certes plus
rien ou peu de chose en Chine.
Que si nous nous reportons maintenant vers les
complications plus imminentes de l'Occident, certes
l'Angleterre ne verrait ni sans terreur, ni sans dom-
mage le démembrement de l'empire turc ; Constan-
tinople aux Russes ou aux Grecs ; les bouches du
Danube à l'Autriche, en même temps que l'Adriati-
que, et, selon toutes les probabilités, les côtes de
l'Afrique septentrionale jusqu'au désert Libyque à
la France.
Que fait-elle cependant? D'un côté elle déconsidère
et dépopularise la Turquie en Europe ; elle désinté-
resse la France de la défendre ; elle la dégoûte de sa
chevalerie de 1854 ; elle fait tout pour lui montrer
qu'elle n'a dégagé la Turquie du joug de Saint-
Pétersbourg que pour la placer sous le joug de Lon-
dres. En même temps elle sème la défiance, la dis-
corde, la rancune entre Constantinople et le Caire,
entre le vassal et le suzerain, entre les intérêts égyp-
tiens et la souveraineté ottomane ; on dirait qu'elle
s'amuse à fomenter entre les deux parties de l'em-
pire une guerre intestine dont l'éclat mettrait pro-
bablement le feu au monde et déterminerait le dé-
membrement à peu près inévitable de l'empire du
sultan. Y gagnerait-elle seulement l'Egypte? Non
certes ; car ni l'Autriche, ni la France, ni la Russie
ne consentiraient à lui laisser ce splendide butin, et
pourtant quand tant de raisons lui recommandent les
plus minutieux ménagements pour ne rien troubler,
ou, pour mieux dire, pour ne rien remuer dans l'é-
quilibre oriental, le gouvernement anglais anime
la Turquie contre l'Egypte, l'Egypte contre la Tur-
quie, afin de retirer de ce désordre politique l'ajour-
nement du canal de Suez qui affermirait la situation
de l'Orient, et qui donnerait à la puissance britan-
nique les moyens de se rapprocher du vrai théâtre
de ses intérêts, de ses concurrences, et bientôt peut-
être de ses combats dans les mers orientales.
Avions-nous raison de dire qu'en caressant une
hypothèse lointaine et peu réalisable, et en lui sacri-
fiant les avantages journaliers d'un système à la
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