Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1859-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 septembre 1859 15 septembre 1859
Description : 1859/09/15 (A4,N78). 1859/09/15 (A4,N78).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65295133
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
288 L'ISTHME DE SUEZ.
J'ai placé devant vous l'analyse de la situation ac-
tuelle dans sa simplicité et sa vérité, dépouillée de
toute cette draperie décevante dont on l'a enveloppée
pour embrouiller et obscurcir la solution de cette grande
question politique.
Je crois que c'est une pratique facile de montrer les
maux sans indiquer les moyens d'y rémédier ; or, je
vous le demande, comment pouvez-vous faire que
l'Egypte cesse d'être un sujet perpétuel de contention
entre toutes les grandes puissances européennes? Je
réponds que c'est en mettant un terme à la cause inci-
tative, aux motifs et aux intérêts qu'ont ces puissances
à travailler d'obtenir possession de l'Egypte ; en rédui-
sant l'isthme à l'état d'une grande route générale, et en
faisant du consentement commun un passage neutre
semblable à ceux du Sund et des Dardanelles. Mais il
faut bien se mettre dans l'esprit qu'un si grand objet
n'aurait jamais été atteint sans la concession octroyée
par le vice-roi d'Egypte pour ouvrir un grand passage
maritime neutre au profit de toutes les nations. L'Angleterre
étant la plus grande puissance maritime du monde a
les plus grandes raisons de se féliciter de cet arrange-
ment. C'est donc une bien étrange anomalie que nous
ne puissions surmonter nos petites jalousies et élever
nos esprits jusqu'à accepter un tel bienfait ; je dis une
étrange anomalie parce qu'elle est toute contraire à
notre conduite habituelle, toute incompatible avec le
caractère anglais, et toute opposée aux vœux du pays.
Oui, il est étrange que pendant ces trois dernières
années j'aie été contraint de me débattre contre le gou-
vernement anglais, pour un acte- de justice que la nation
a unanimement déclaré être un bienfait pour sou com-
merce et pour le commerce du monde.
Ce n'était point par l'ouverture du canal mais 1-ar la
possession de l'Égypte que Napoléon Ier dit qu'il convertirait
la Méditerranée en lac français, et encore Napi. -ion re-
connut-il l'erreur de ses idées et y renonça-t-il à la con-
férence d'Erfurt.
La possession de l'Egypte peut ou ne peut pas faire
de la Méditerranée un lac français, mais je soutiens que
l'ouverture du canal de Suez convertira la Méditerranée
en une mer universelle fourmillant de navires anglais avec
Gibraltar, Malte, Corfou, Aden et Perim, pour les p o-
- téger, nous épargnant ainsi la nécessité de garder notre
commerce indien dans sa course de 10,000 milles au-
tour du cap.
Aprèsvous avoir présenté ces longues mais inévitables
explications, il est un autre point sur lequel je demande
à diriger votre attention toute particulière. Il faut se
bien rappeler que le capital français possède une très-
large proportion du fonds engagé dans l'entreprise,
et qu'à la réunion générale des actionnaires, qui aura
lieu le 15 novembre prochain, on 's'enquerra naturel-
lement de la raison pour laquelle le cours des travaux a été
interrompu. Le Conseil d'administration n'aura pas d'autre
alternative que d'informer les actionnaires que cette
circonstanoe est due à l'intervention du gouvernement
anglais en Turquie et en Egypte, intervention sur la lé-
gitimité de laquelle, en outre, il existe une grande di-
versité dpinions dans le cabinet anglais lui-même, et
qui a été taxée par plusieurs de ses membres, en plein
parlement, d'inconstitutionnelle.
Maintenant je vous adresse cette question, faisant ap-
pel à votre sens de loyauté et d'impartialité: que feriez-
vous vous-mêmes si les circonstances du cas étaient
renversées; je veux dire si un Anglais avait obtenu une
concession du vice-roi d'Egypte pour creuser un canal
dans son territoire, et si, après avoir réuni les fonds
nécessaires et commencé les travaux, il trouvait ses
progrès soudainement suspendus par l'intervention d'une
puissance étrangère, dont le droit d'agir ainsi serait
dénié par vous-mêmes, insoutenable devant la loi des
nations, contesté par quelques-uns des ministres du
gouvernement lui-même arrêtant votre entreprise?
Auriez-vous dépensé quatre ans de peines à vous con-
cilier la puissance qui agissait ainsi, plutôt que de cou-
rir le risque de mettre les deux pays en conflit ouvert?
Votre amour de la paix se serait-il étendu jusque-là?
Aurait-il sacrifié tant de temps et d'énergie en vaines
tentatives afin d'obtenir l'objet pour lequel cette lettre est
un dernier effort ? Votre patience aurait-elle résisté si
longtemps sous le poids du sentiment d'une injustice
et d'une oppression qui ne peuvent pas être niées? Je
vous le demande, n'auriez-vous pas depuis longtemps
appelé à votre gouvernement contre cette illégitime
violation de vos droits nationaux? Peut-il y avoir le
moindre doute sur le succès de. votre appel? N'avons-
nous pas vu de très-vulgaires exemples où les droits d'un
Anglais ont été atteints et la rétribution qui a inévita-
blement suivi? L'Angleterre a toujours protégé les
intérêts de ses sujets au dehors, et pourquoi supposerions-
nous que la France agisse différemment, lorsque les ac-
tionnaires de la Compagnie en appelleront à l'Empereur
pour la protection de leurs intérêts contre l'intervention
illégitime du gouvernement anglais ?
J'ai maintenant rempli ma tâche. Je vous ai fait con-
naître l'exact état des choses ; il vous appartiendra sé-
parément et collectivement de considérer si, dans les
circonstances, il ne serait pas prudent, afin d'éviter tout
sentiment d'antagonisme ou d'irritation entre l'Angle-
terre et la France relativement à un projet approuvé par
vous-mêmes, d'adopter des moyens qui puissent induire
lord Palmerston à se désister enfin; à ne pas persévérer
dans une conduite qui, je suis forcé de le confesser avec le
plus profond regret, nous mène rapidement au trouble
de nos rapports avec la France, provoque étourdiment
la susceptibilité du peuple français sans aucune juste
cause ni raison, et place notre pays dans une position
de laquelle il peut maintenant sortir avec bonne
grâce, et qu'il ne pourra bientôt plus quitter sans hu-
miliation.
J'ai l'honneur d'être, etc.,
DANIEL ADOLPHUS LANGE, F. R. G. S.
Directeur des intérêts anglais dans la Compagnie
du canal de Suez.
Londres, 1" septembre 1859.
Le Gérant : ERNEST DESPLACES.
PARIS. — IMPRIMERIE CENTRALE DE NAPOLEON CHAIX £ 1 C', RUE BERGÈRE, 20.
J'ai placé devant vous l'analyse de la situation ac-
tuelle dans sa simplicité et sa vérité, dépouillée de
toute cette draperie décevante dont on l'a enveloppée
pour embrouiller et obscurcir la solution de cette grande
question politique.
Je crois que c'est une pratique facile de montrer les
maux sans indiquer les moyens d'y rémédier ; or, je
vous le demande, comment pouvez-vous faire que
l'Egypte cesse d'être un sujet perpétuel de contention
entre toutes les grandes puissances européennes? Je
réponds que c'est en mettant un terme à la cause inci-
tative, aux motifs et aux intérêts qu'ont ces puissances
à travailler d'obtenir possession de l'Egypte ; en rédui-
sant l'isthme à l'état d'une grande route générale, et en
faisant du consentement commun un passage neutre
semblable à ceux du Sund et des Dardanelles. Mais il
faut bien se mettre dans l'esprit qu'un si grand objet
n'aurait jamais été atteint sans la concession octroyée
par le vice-roi d'Egypte pour ouvrir un grand passage
maritime neutre au profit de toutes les nations. L'Angleterre
étant la plus grande puissance maritime du monde a
les plus grandes raisons de se féliciter de cet arrange-
ment. C'est donc une bien étrange anomalie que nous
ne puissions surmonter nos petites jalousies et élever
nos esprits jusqu'à accepter un tel bienfait ; je dis une
étrange anomalie parce qu'elle est toute contraire à
notre conduite habituelle, toute incompatible avec le
caractère anglais, et toute opposée aux vœux du pays.
Oui, il est étrange que pendant ces trois dernières
années j'aie été contraint de me débattre contre le gou-
vernement anglais, pour un acte- de justice que la nation
a unanimement déclaré être un bienfait pour sou com-
merce et pour le commerce du monde.
Ce n'était point par l'ouverture du canal mais 1-ar la
possession de l'Égypte que Napoléon Ier dit qu'il convertirait
la Méditerranée en lac français, et encore Napi. -ion re-
connut-il l'erreur de ses idées et y renonça-t-il à la con-
férence d'Erfurt.
La possession de l'Egypte peut ou ne peut pas faire
de la Méditerranée un lac français, mais je soutiens que
l'ouverture du canal de Suez convertira la Méditerranée
en une mer universelle fourmillant de navires anglais avec
Gibraltar, Malte, Corfou, Aden et Perim, pour les p o-
- téger, nous épargnant ainsi la nécessité de garder notre
commerce indien dans sa course de 10,000 milles au-
tour du cap.
Aprèsvous avoir présenté ces longues mais inévitables
explications, il est un autre point sur lequel je demande
à diriger votre attention toute particulière. Il faut se
bien rappeler que le capital français possède une très-
large proportion du fonds engagé dans l'entreprise,
et qu'à la réunion générale des actionnaires, qui aura
lieu le 15 novembre prochain, on 's'enquerra naturel-
lement de la raison pour laquelle le cours des travaux a été
interrompu. Le Conseil d'administration n'aura pas d'autre
alternative que d'informer les actionnaires que cette
circonstanoe est due à l'intervention du gouvernement
anglais en Turquie et en Egypte, intervention sur la lé-
gitimité de laquelle, en outre, il existe une grande di-
versité dpinions dans le cabinet anglais lui-même, et
qui a été taxée par plusieurs de ses membres, en plein
parlement, d'inconstitutionnelle.
Maintenant je vous adresse cette question, faisant ap-
pel à votre sens de loyauté et d'impartialité: que feriez-
vous vous-mêmes si les circonstances du cas étaient
renversées; je veux dire si un Anglais avait obtenu une
concession du vice-roi d'Egypte pour creuser un canal
dans son territoire, et si, après avoir réuni les fonds
nécessaires et commencé les travaux, il trouvait ses
progrès soudainement suspendus par l'intervention d'une
puissance étrangère, dont le droit d'agir ainsi serait
dénié par vous-mêmes, insoutenable devant la loi des
nations, contesté par quelques-uns des ministres du
gouvernement lui-même arrêtant votre entreprise?
Auriez-vous dépensé quatre ans de peines à vous con-
cilier la puissance qui agissait ainsi, plutôt que de cou-
rir le risque de mettre les deux pays en conflit ouvert?
Votre amour de la paix se serait-il étendu jusque-là?
Aurait-il sacrifié tant de temps et d'énergie en vaines
tentatives afin d'obtenir l'objet pour lequel cette lettre est
un dernier effort ? Votre patience aurait-elle résisté si
longtemps sous le poids du sentiment d'une injustice
et d'une oppression qui ne peuvent pas être niées? Je
vous le demande, n'auriez-vous pas depuis longtemps
appelé à votre gouvernement contre cette illégitime
violation de vos droits nationaux? Peut-il y avoir le
moindre doute sur le succès de. votre appel? N'avons-
nous pas vu de très-vulgaires exemples où les droits d'un
Anglais ont été atteints et la rétribution qui a inévita-
blement suivi? L'Angleterre a toujours protégé les
intérêts de ses sujets au dehors, et pourquoi supposerions-
nous que la France agisse différemment, lorsque les ac-
tionnaires de la Compagnie en appelleront à l'Empereur
pour la protection de leurs intérêts contre l'intervention
illégitime du gouvernement anglais ?
J'ai maintenant rempli ma tâche. Je vous ai fait con-
naître l'exact état des choses ; il vous appartiendra sé-
parément et collectivement de considérer si, dans les
circonstances, il ne serait pas prudent, afin d'éviter tout
sentiment d'antagonisme ou d'irritation entre l'Angle-
terre et la France relativement à un projet approuvé par
vous-mêmes, d'adopter des moyens qui puissent induire
lord Palmerston à se désister enfin; à ne pas persévérer
dans une conduite qui, je suis forcé de le confesser avec le
plus profond regret, nous mène rapidement au trouble
de nos rapports avec la France, provoque étourdiment
la susceptibilité du peuple français sans aucune juste
cause ni raison, et place notre pays dans une position
de laquelle il peut maintenant sortir avec bonne
grâce, et qu'il ne pourra bientôt plus quitter sans hu-
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J'ai l'honneur d'être, etc.,
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Directeur des intérêts anglais dans la Compagnie
du canal de Suez.
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