Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1859-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 septembre 1859 15 septembre 1859
Description : 1859/09/15 (A4,N78). 1859/09/15 (A4,N78).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65295133
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 287
nelles. Le grand-seigneur devient le gardiennes deux
plus importantes positions du monde, l'isthme de Suez
et les Dardanelles : cet arrangement consolide et sanc-
tionne sous son sceptre la neutralité de son empire, et
rend toute l'Europe intéressée à protéger le gardien de
ces deux grandes voies. Toute cause d'antagonisme en-
tre le vice-roi et le sultan cesserait, car les puissances
européennes auraient un grand intérêt à empêcher une
séparation ; en outre, la prospérité et la puissance de
l'Egypte est un des éléments essentiels de la vitalité
de la Turquie ; la fidélité du vice-roi serait assurée plus
effectivement lorsqu'il n'y aurait plus cause à l'ingérence
des puissances étrangères à Constantinople, et qu'elles
ne pourraient plus semer la discorde entre la Porte et
le vice-roi. Je n'entends pas allonger sans nécessité
cette lettre en exposant l'intérêt commercial de la
Turquie à l'ouverture du canal; je rappellerai seulement
que Constantinople était, à certaines périodes du moyen
âge, un des plus grands dépôts des échanges entre
l'Orient et l'Occident. Par l'Euphrate et les hauts pla-
teaux de l'Asie, elle recevait les productions de l'Inde,
les soieries de ia Chine, et les matières premières de
l'Orient, déchargées dans les ports de la mer Rouge,
allaient s'entreposer sur les rives du Bosphore.
De tous les ports, Constantinople est celui que le ca-
nal maritime rapproche le plus de l'Inde et de la Chine,
d'où il est maintenant le plus éloigné. Il est à cette
heure à 18,000 milles de Bombay, et l'ouverture du ca-
nal réduirait cette distance à 5,400 milles ; il deviendra
l'entrepôt d'une portion du trafic qui s'établira entre les
mers orientales et le Pont-Euxin, et l'on peut se for
mer quelque idée de ce trafic en apprenant que Trébi-
sonde et Odessa sont moins éloignés de Suez que Trieste
et Marseille. Par les bouches du Danube, Constanti-
nople étend son commerce jusqu'au centre de la Hon-
grie et de l'Allemagne, et les provinces moldo-valaques
vont réclamer de nouveaux éléments de prospérité.
Enfin la Turquie, maintenant exclue de tout partage
du commerce par le cap Horn et le cap de Bonne-Espé -
rance, participera à ces avantages après l'ouverture du
canal. Sans entrer dans le détail admis des intérêts
financiers et religieux de la Turquie dans ce projet,
et des bonnes raisons qu'elle a pour en délirer l'exé-
cution, je crois en avoir assez dit pour montrer combien
est peu sincère l'avis qui voudrait vainement faire croire à
la Turquie que le canal est une conception dirigée contre
ses intérêts, et cet argument, avec plusieurs autres, a
été, je rougis de le rappeler, mis en avant pour détourner
le sultan d'accorder sa ratification.
Quant à l'Egypte, on peut dire avec vérité qu'il n'est
pas une autre partie du monde dont la possession soit
si convoitée, et sur laquelle les puissances étrangères ne
puissent être si facilement entraînées à une coalition.
Les Etats-Unis peuvent convoiter Cuba de l'Espagne,
ou le Canada de l'Angleterre; la France peut désirer de
gagner sa frontière rhénane sur la Prusse ; la Russie
aspirer à enlever l'Inde à la Grande-Bretagne où les
principautés danubiennes à la Turquie ; l'Autriche peut
gémir sur la perte des provinces italiennes; mais on
peut dire que l'Egypte seule est convoitée à la fois par
la Russie, l'Autriche, la France et l'Angleterre. Napo-
léon a-t-il eu besoin d'un canal pour le porter en Egypte ?
Avec Malte et Corfou entre vos. mains vous êtes plus
près que la France de l'Inde, s'il importait d'un atome
que la France en fût ou plus loin ou plus près. Tout ce
qui rapproche l'Inde de l'Europe rend votre supériorité
plus complète, et si aucune mesure pouvait déjouer le
projet de faire de la Méditerranée un lac français, ce serait
celle qui pousserait dans cette nier le plein courant du
commerce britannique.
Si vous avez au total quelque chose à craindre du
passage des troupes étrangères par l'Egypte dans un
but d'attaque sur l'Inde, c'est le chemin de fer, non le
canal, qui offrirait les plus grandes facilités à une puis-
sance plus forte sur terre que vous ne l'êtes.
La supériorité de l'Angleterre consiste dans sa force
maritime, et, par conséquent, une route maritime lui
serait avantageuse et serait contraire aux desseins
d'autres puissances. L'Angleterre surtout a les plus
grands intérêts engagés en Egypte, qui est vers ses im-
menses possessions indiennes le principal de ses che-
mins et qu'elle ne peut jamais laisser tomber entre
les mains d'aucune autre nation. Dès lors, l'Egypte
sera une source d'anxiété pour tous les pays ; elle sera
suspendue comme un nuage sur la paix du monde,
aussi longtemps que sa présente position géographique
restera la même.
Il est donc évident que tant qu'on n'aura rien fait pour
empêcher l'Egypte d'être une perpétuelle arène de dis-
putes, nous y verrons toujours des luttes pour la pré-
pondérance des influences, et principalement entre les
deux nations les plus intéressées à l'obtenir, la France
d'un côté, l'Angleterre de l'autre. Tantôt la France l'em-
portera, tantôt l'Angleterre fera pencher la balance
pour elle, et les chances flotteront ainsi en proportion
de la vigilance observée par les deux contrées. C'est ce
que nous avons vu pour le chemin de fer et le canal;
le premier a voulu exclure le second, et maintenant que
le canal est en progrès, tous les moyens dont peut user
le gouvernement anglais sont mis en mouvement pour
l'entraver. Cette intervention pernicieuse se fait sentir
jusque dans les corps savants ; elle pénètre partout et
pétrifie jusqu'au développement intellectuel de la science
elle-même. Nous avons vu les foudres que des ingénieurs
ont lancées contre le canal ; dans la chambre des com-
munes, des mises en garde gratuites ont été adressées
aux capitalistes ; des avis paternels et dictatoriaux ont
été donnés à la Turquie ; des menaces ont été faites à
l'Egypte, et tout cela pourquoi? Non parce que le gou-
vernement croit en réalité à l'impraticabilité du canal,
non parce que l'Angleterre appréhende aucun dommage
pour elle, pour la Turquie ou pour l'Egypte de l'éta-
blissement de cette route; mais parce que l'Angleterre
craint avec jalousie que l'influence de la France en
Egypte puisse quelque peu balancer celle que déjà elle
y a acquise elle-même. Cet état de choses doit-il durer
toujours? l'Angleterre doit-elle être toujours la terre
destinée à fomenter cette misérable lutte de parti, si
indigne de grandes nations, et nécessitant des mesu-
res de secret et de ténèbres que nous n'osons pas
avouer en plein jour, et que nous sommes même con-
traints de nier dans nos chambres du parlement.
nelles. Le grand-seigneur devient le gardiennes deux
plus importantes positions du monde, l'isthme de Suez
et les Dardanelles : cet arrangement consolide et sanc-
tionne sous son sceptre la neutralité de son empire, et
rend toute l'Europe intéressée à protéger le gardien de
ces deux grandes voies. Toute cause d'antagonisme en-
tre le vice-roi et le sultan cesserait, car les puissances
européennes auraient un grand intérêt à empêcher une
séparation ; en outre, la prospérité et la puissance de
l'Egypte est un des éléments essentiels de la vitalité
de la Turquie ; la fidélité du vice-roi serait assurée plus
effectivement lorsqu'il n'y aurait plus cause à l'ingérence
des puissances étrangères à Constantinople, et qu'elles
ne pourraient plus semer la discorde entre la Porte et
le vice-roi. Je n'entends pas allonger sans nécessité
cette lettre en exposant l'intérêt commercial de la
Turquie à l'ouverture du canal; je rappellerai seulement
que Constantinople était, à certaines périodes du moyen
âge, un des plus grands dépôts des échanges entre
l'Orient et l'Occident. Par l'Euphrate et les hauts pla-
teaux de l'Asie, elle recevait les productions de l'Inde,
les soieries de ia Chine, et les matières premières de
l'Orient, déchargées dans les ports de la mer Rouge,
allaient s'entreposer sur les rives du Bosphore.
De tous les ports, Constantinople est celui que le ca-
nal maritime rapproche le plus de l'Inde et de la Chine,
d'où il est maintenant le plus éloigné. Il est à cette
heure à 18,000 milles de Bombay, et l'ouverture du ca-
nal réduirait cette distance à 5,400 milles ; il deviendra
l'entrepôt d'une portion du trafic qui s'établira entre les
mers orientales et le Pont-Euxin, et l'on peut se for
mer quelque idée de ce trafic en apprenant que Trébi-
sonde et Odessa sont moins éloignés de Suez que Trieste
et Marseille. Par les bouches du Danube, Constanti-
nople étend son commerce jusqu'au centre de la Hon-
grie et de l'Allemagne, et les provinces moldo-valaques
vont réclamer de nouveaux éléments de prospérité.
Enfin la Turquie, maintenant exclue de tout partage
du commerce par le cap Horn et le cap de Bonne-Espé -
rance, participera à ces avantages après l'ouverture du
canal. Sans entrer dans le détail admis des intérêts
financiers et religieux de la Turquie dans ce projet,
et des bonnes raisons qu'elle a pour en délirer l'exé-
cution, je crois en avoir assez dit pour montrer combien
est peu sincère l'avis qui voudrait vainement faire croire à
la Turquie que le canal est une conception dirigée contre
ses intérêts, et cet argument, avec plusieurs autres, a
été, je rougis de le rappeler, mis en avant pour détourner
le sultan d'accorder sa ratification.
Quant à l'Egypte, on peut dire avec vérité qu'il n'est
pas une autre partie du monde dont la possession soit
si convoitée, et sur laquelle les puissances étrangères ne
puissent être si facilement entraînées à une coalition.
Les Etats-Unis peuvent convoiter Cuba de l'Espagne,
ou le Canada de l'Angleterre; la France peut désirer de
gagner sa frontière rhénane sur la Prusse ; la Russie
aspirer à enlever l'Inde à la Grande-Bretagne où les
principautés danubiennes à la Turquie ; l'Autriche peut
gémir sur la perte des provinces italiennes; mais on
peut dire que l'Egypte seule est convoitée à la fois par
la Russie, l'Autriche, la France et l'Angleterre. Napo-
léon a-t-il eu besoin d'un canal pour le porter en Egypte ?
Avec Malte et Corfou entre vos. mains vous êtes plus
près que la France de l'Inde, s'il importait d'un atome
que la France en fût ou plus loin ou plus près. Tout ce
qui rapproche l'Inde de l'Europe rend votre supériorité
plus complète, et si aucune mesure pouvait déjouer le
projet de faire de la Méditerranée un lac français, ce serait
celle qui pousserait dans cette nier le plein courant du
commerce britannique.
Si vous avez au total quelque chose à craindre du
passage des troupes étrangères par l'Egypte dans un
but d'attaque sur l'Inde, c'est le chemin de fer, non le
canal, qui offrirait les plus grandes facilités à une puis-
sance plus forte sur terre que vous ne l'êtes.
La supériorité de l'Angleterre consiste dans sa force
maritime, et, par conséquent, une route maritime lui
serait avantageuse et serait contraire aux desseins
d'autres puissances. L'Angleterre surtout a les plus
grands intérêts engagés en Egypte, qui est vers ses im-
menses possessions indiennes le principal de ses che-
mins et qu'elle ne peut jamais laisser tomber entre
les mains d'aucune autre nation. Dès lors, l'Egypte
sera une source d'anxiété pour tous les pays ; elle sera
suspendue comme un nuage sur la paix du monde,
aussi longtemps que sa présente position géographique
restera la même.
Il est donc évident que tant qu'on n'aura rien fait pour
empêcher l'Egypte d'être une perpétuelle arène de dis-
putes, nous y verrons toujours des luttes pour la pré-
pondérance des influences, et principalement entre les
deux nations les plus intéressées à l'obtenir, la France
d'un côté, l'Angleterre de l'autre. Tantôt la France l'em-
portera, tantôt l'Angleterre fera pencher la balance
pour elle, et les chances flotteront ainsi en proportion
de la vigilance observée par les deux contrées. C'est ce
que nous avons vu pour le chemin de fer et le canal;
le premier a voulu exclure le second, et maintenant que
le canal est en progrès, tous les moyens dont peut user
le gouvernement anglais sont mis en mouvement pour
l'entraver. Cette intervention pernicieuse se fait sentir
jusque dans les corps savants ; elle pénètre partout et
pétrifie jusqu'au développement intellectuel de la science
elle-même. Nous avons vu les foudres que des ingénieurs
ont lancées contre le canal ; dans la chambre des com-
munes, des mises en garde gratuites ont été adressées
aux capitalistes ; des avis paternels et dictatoriaux ont
été donnés à la Turquie ; des menaces ont été faites à
l'Egypte, et tout cela pourquoi? Non parce que le gou-
vernement croit en réalité à l'impraticabilité du canal,
non parce que l'Angleterre appréhende aucun dommage
pour elle, pour la Turquie ou pour l'Egypte de l'éta-
blissement de cette route; mais parce que l'Angleterre
craint avec jalousie que l'influence de la France en
Egypte puisse quelque peu balancer celle que déjà elle
y a acquise elle-même. Cet état de choses doit-il durer
toujours? l'Angleterre doit-elle être toujours la terre
destinée à fomenter cette misérable lutte de parti, si
indigne de grandes nations, et nécessitant des mesu-
res de secret et de ténèbres que nous n'osons pas
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