Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1859-07-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juillet 1859 15 juillet 1859
Description : 1859/07/15 (A4,N74). 1859/07/15 (A4,N74).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65295096
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 223
sagers demandèrent à grands cris au commandant
Moussa-Bey qU'JI donnât l'ordre d'embarquer à bord du
navire turc. Le capitaine s'y opposa formellement et
dit « qu'il défendait qu'on sortît du bateau ; que si on
faisait le moindre mouvement pour sortir, il ferait cou-
per les amarres qui le retenaient au bâtiment marchand,
et qu'il conduirait ainsi les passagers en Amérique (textuel). »
En même temps, il donnait ordre à quelques hommes
de l'équipage de se munir de sabres et de frapper sans
pitié sur le premier qui tenterait de se sauver en sau-
tant dans les embarcations qui étaient le long du bord.
Cet ordre incompréhensible jeta la consternation au
milieu des passagers, qui virent immédiatement des
matelots turcs venir avec des sabres protéger l'échelle du
bateau à vapeur. On fut forcé de se résigner : on at-
tendit. L'après-midi se passa ainsi; vers le soir l'eau
augmenta ; alors un passager russe, un comte, dit-on,
plongeur habile, fit ouvrir, avec l'assentiment du ca-
pitaine, l'arrière du bateau à vapeur par les chambres,
et descendit à l'ouverture de l'hélice, d'où l'on soupçon-
nait que venait la voie d'eau; après des efforts inouïs
on ne fit rien, tout devint inutile, l'eau emplissant l'ar-
rière. Le vaillant plongeur ne se tint pas pour battu; il
se fit descendre en dehors du bateau, à l'ouverture de
l'hélice, et malgré la mer houleuse qui imprimait au
navire un mouvement de tangage très-fort et empê-
chait de découvrir d'où venait la voie d'eau, il put ap-
pliquer presque au hasard des toiles et des coussins qui
diminuaient en quelque sorte l'ouverture, car depuis
lors l'eau descendait à l'arriére, et l'on vit avec satis-
faction que les pompes et les secours avaient l'avantage.
Le courage revint.
Après le coucher du soleil, le navire turc, voyant que
la vapeur se soutenait plus facilement, lâcha les amarres
qui le retenaient au Silistria et s'éloigna, attendant le
lendemain pour venir reprendre le bateau à vapeur à la
remorque.
Cette longue nuit se passa et le jour reparut : c'était le
lundi matin 27 juin. On avait travaillé avec activité aux
pompes toute la nuit, et on luttait toujours avec quel-
que avantage sur la voie d'eau. La vapeur marchait à
la voile. Le navire marchand s'approcha.
Le capitaine voyant alors que l'on était maître de
l'eau, et oubliant que ce qui sauvait le navire était les
toiles fixées à l'ouverture de l'hélice, donna l'ordre de
chauffer et de mettre la machine en mouvement ; mais
à peine l'hélice eut-elle fait trois tours, qu'un craque-
ment horrible se fit entendre, et la voie d'eau recom-
mença si forte qu'en un instant tous les moyens em-
ployés jusqu'alors avec succès ne suffirent plus.
C'en était fait ; le peu de courage qui restait à bord
fut perdu. C'est alors que les passagers, voyant l'eau
qui gagnait rapidement par l'arrière, n'écoutant plus que
leur désespoir et l'instinct de leur conservation, se pré-
cipitèrent par l'échelle dans les barques. A cet instant,
ce qui se passa à bord est indescriptible, le désordre fut
à son comble, car les malheureux qui descendaient tom-
baient en partie à la mer, et les autres étaient frappés
sans pitié par les matelots armés de sabres, qui exécu-
taâeiït l'ordre du capitaine Moussa-Bey ; six furent frap-
pés mortellement, tombèrent à la mer et se noyèrent ;
dans l'intérieur des barques, les matelots, rivalisant de
rage avec leur capitaine, frappaient à coups d'avirons
ceux qui y étaient arrivés, ne voulant recevoir que des
musulmans, et laisser périr les chiens de chrétiens qui cher-
chaient à se sauver (textuel).
Un prêtre grec était dans une des barques ; on s'a-
charna après lui ; on voulut le jeter à la mer ; alors se
couchant sur un banc qu'il étreignit, il répondit à ceux
qui lui disaient de remonter à bord qu'il aimait tout au-
tant mourir sous les coups qu'être jeté à la mer ; il re^
çut une grêle de coups d'avirons sans lâcher prise ; de
guerre lasse les matelots turcs le laissèrent tranquille;
il jétait ensanglanté et meurtri, mais il pouvait être
sauvé. Ce malheureux prêtre avait vu périr quelques mi-
nutes auparavant, et à ses côtés, son neveu, jeune
homme malade qu'il accompagnait loin d'Égypte, où le
climat lui avait été fatal, frappé de deux coups de sabre
qui l'avaient précipité du bord à la mer, et avait dis-
paru
A l'intérieur du navire, des musulmans matelots cou-
raient dans les cabines, et y enfonçaient sacs et valises
pour y chercher de l'argent, des bijoux qu'ils espéraient
y trouver.
Au milieu de ces coups, de ces cris, de ces scènes
déchirantes et horribles que la plume se refuse à tracer,
au milieu de ce chaos enfin, les hommes harassés qui
pompaient, voyant que le navire coulait, cherchèrent
aussi à se sauver et abandonnèrent leur ouvrage. Dès
lors, l'eau monta rapidement, le Silistria s'emplissait à
vue d'œil, et avant que tous les passagers eussent pu
se sauver dans les barques, le bateau à vapeur s'enfon-
çait par l'arrière presque perpendiculairement, et s'abî-
mait au fond des eaux.
Cent passagers à peu près étaient encore à bord au
moment où le Silistria sombra; on vit flotter à la sur-
face des eaux mille objets du navire, au milieu des-
quels luttaient les malheureux qui demandaient se-
cours ; d'autres disputaient leur vie à la mort, atten-
dant les barques pour venir les sauver. Elles vinrent
trop tard! Une vingtaine de passagers fut recueillis, et
le reste fut englouti avec les débris du Silistria.
Le capitaine, qui était resté à bord, a péri avec son
navire et n'a plus reparu, quoiqu'il se fût précautionné
en s'attachant une ceinture de sauvetage , subissant
ainsi, sans retard, la punition de sa barbare conduite.
Quatre-vingts personnes ont trouvé la mort au milieu
de cet horrible naufrage, les autres passagers se sont
sauvés à bord du bâtiment turc.
Il n'y a qu'une voix parmi les passagers sauvés pour
louer hautement la conduite des matelots autrichiens
qui, à eux seuls, ont tenu tète à la voie d'eau pendant
si longtemps, et ont empêché la perte totale du bateau
et des passagers.
Mais il n'y a aussi qu'une voix pour blâmer la con-
duite de l'ex-gouverneur de la Mecque dans cette cir-
constance. Il ne s'est pas conduit comme on aurait dû
l'attendre d'un fonctionnaire supérieur. Sa conduite a
été inexplicable ; l'enquête qui se poursuit en ce mo-
ment éclaircira bien des choses que tout le monde dit
tout haut ici, mais que, vu la position du personnage,
je ne me permettrai pas de raconter, quoiqu'elles soient
sagers demandèrent à grands cris au commandant
Moussa-Bey qU'JI donnât l'ordre d'embarquer à bord du
navire turc. Le capitaine s'y opposa formellement et
dit « qu'il défendait qu'on sortît du bateau ; que si on
faisait le moindre mouvement pour sortir, il ferait cou-
per les amarres qui le retenaient au bâtiment marchand,
et qu'il conduirait ainsi les passagers en Amérique (textuel). »
En même temps, il donnait ordre à quelques hommes
de l'équipage de se munir de sabres et de frapper sans
pitié sur le premier qui tenterait de se sauver en sau-
tant dans les embarcations qui étaient le long du bord.
Cet ordre incompréhensible jeta la consternation au
milieu des passagers, qui virent immédiatement des
matelots turcs venir avec des sabres protéger l'échelle du
bateau à vapeur. On fut forcé de se résigner : on at-
tendit. L'après-midi se passa ainsi; vers le soir l'eau
augmenta ; alors un passager russe, un comte, dit-on,
plongeur habile, fit ouvrir, avec l'assentiment du ca-
pitaine, l'arrière du bateau à vapeur par les chambres,
et descendit à l'ouverture de l'hélice, d'où l'on soupçon-
nait que venait la voie d'eau; après des efforts inouïs
on ne fit rien, tout devint inutile, l'eau emplissant l'ar-
rière. Le vaillant plongeur ne se tint pas pour battu; il
se fit descendre en dehors du bateau, à l'ouverture de
l'hélice, et malgré la mer houleuse qui imprimait au
navire un mouvement de tangage très-fort et empê-
chait de découvrir d'où venait la voie d'eau, il put ap-
pliquer presque au hasard des toiles et des coussins qui
diminuaient en quelque sorte l'ouverture, car depuis
lors l'eau descendait à l'arriére, et l'on vit avec satis-
faction que les pompes et les secours avaient l'avantage.
Le courage revint.
Après le coucher du soleil, le navire turc, voyant que
la vapeur se soutenait plus facilement, lâcha les amarres
qui le retenaient au Silistria et s'éloigna, attendant le
lendemain pour venir reprendre le bateau à vapeur à la
remorque.
Cette longue nuit se passa et le jour reparut : c'était le
lundi matin 27 juin. On avait travaillé avec activité aux
pompes toute la nuit, et on luttait toujours avec quel-
que avantage sur la voie d'eau. La vapeur marchait à
la voile. Le navire marchand s'approcha.
Le capitaine voyant alors que l'on était maître de
l'eau, et oubliant que ce qui sauvait le navire était les
toiles fixées à l'ouverture de l'hélice, donna l'ordre de
chauffer et de mettre la machine en mouvement ; mais
à peine l'hélice eut-elle fait trois tours, qu'un craque-
ment horrible se fit entendre, et la voie d'eau recom-
mença si forte qu'en un instant tous les moyens em-
ployés jusqu'alors avec succès ne suffirent plus.
C'en était fait ; le peu de courage qui restait à bord
fut perdu. C'est alors que les passagers, voyant l'eau
qui gagnait rapidement par l'arrière, n'écoutant plus que
leur désespoir et l'instinct de leur conservation, se pré-
cipitèrent par l'échelle dans les barques. A cet instant,
ce qui se passa à bord est indescriptible, le désordre fut
à son comble, car les malheureux qui descendaient tom-
baient en partie à la mer, et les autres étaient frappés
sans pitié par les matelots armés de sabres, qui exécu-
taâeiït l'ordre du capitaine Moussa-Bey ; six furent frap-
pés mortellement, tombèrent à la mer et se noyèrent ;
dans l'intérieur des barques, les matelots, rivalisant de
rage avec leur capitaine, frappaient à coups d'avirons
ceux qui y étaient arrivés, ne voulant recevoir que des
musulmans, et laisser périr les chiens de chrétiens qui cher-
chaient à se sauver (textuel).
Un prêtre grec était dans une des barques ; on s'a-
charna après lui ; on voulut le jeter à la mer ; alors se
couchant sur un banc qu'il étreignit, il répondit à ceux
qui lui disaient de remonter à bord qu'il aimait tout au-
tant mourir sous les coups qu'être jeté à la mer ; il re^
çut une grêle de coups d'avirons sans lâcher prise ; de
guerre lasse les matelots turcs le laissèrent tranquille;
il jétait ensanglanté et meurtri, mais il pouvait être
sauvé. Ce malheureux prêtre avait vu périr quelques mi-
nutes auparavant, et à ses côtés, son neveu, jeune
homme malade qu'il accompagnait loin d'Égypte, où le
climat lui avait été fatal, frappé de deux coups de sabre
qui l'avaient précipité du bord à la mer, et avait dis-
paru
A l'intérieur du navire, des musulmans matelots cou-
raient dans les cabines, et y enfonçaient sacs et valises
pour y chercher de l'argent, des bijoux qu'ils espéraient
y trouver.
Au milieu de ces coups, de ces cris, de ces scènes
déchirantes et horribles que la plume se refuse à tracer,
au milieu de ce chaos enfin, les hommes harassés qui
pompaient, voyant que le navire coulait, cherchèrent
aussi à se sauver et abandonnèrent leur ouvrage. Dès
lors, l'eau monta rapidement, le Silistria s'emplissait à
vue d'œil, et avant que tous les passagers eussent pu
se sauver dans les barques, le bateau à vapeur s'enfon-
çait par l'arrière presque perpendiculairement, et s'abî-
mait au fond des eaux.
Cent passagers à peu près étaient encore à bord au
moment où le Silistria sombra; on vit flotter à la sur-
face des eaux mille objets du navire, au milieu des-
quels luttaient les malheureux qui demandaient se-
cours ; d'autres disputaient leur vie à la mort, atten-
dant les barques pour venir les sauver. Elles vinrent
trop tard! Une vingtaine de passagers fut recueillis, et
le reste fut englouti avec les débris du Silistria.
Le capitaine, qui était resté à bord, a péri avec son
navire et n'a plus reparu, quoiqu'il se fût précautionné
en s'attachant une ceinture de sauvetage , subissant
ainsi, sans retard, la punition de sa barbare conduite.
Quatre-vingts personnes ont trouvé la mort au milieu
de cet horrible naufrage, les autres passagers se sont
sauvés à bord du bâtiment turc.
Il n'y a qu'une voix parmi les passagers sauvés pour
louer hautement la conduite des matelots autrichiens
qui, à eux seuls, ont tenu tète à la voie d'eau pendant
si longtemps, et ont empêché la perte totale du bateau
et des passagers.
Mais il n'y a aussi qu'une voix pour blâmer la con-
duite de l'ex-gouverneur de la Mecque dans cette cir-
constance. Il ne s'est pas conduit comme on aurait dû
l'attendre d'un fonctionnaire supérieur. Sa conduite a
été inexplicable ; l'enquête qui se poursuit en ce mo-
ment éclaircira bien des choses que tout le monde dit
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