Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1859-04-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 avril 1859 01 avril 1859
Description : 1859/04/01 (A4,N67). 1859/04/01 (A4,N67).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65295029
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
1er AVRIL. JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 99
monde et cachés dans tous les nuages d'un mystère
lointain. Le pavillon anglais flottait presque solitaire
dans ces mers. L'attention de l'Europe ne s'était guère
fixée sur ces parages presque fabuleux pour elle, et,
en cet état de choses, l'Angleterre, sans doute, pou-
vait espérer le monopole auquel on la conviait, et que
l'éloignement même des pays où il devait s'exécuter
rendait à "la fois plus facile et sans périls.
Mais depuis 1834, que d'événements sont interve-
nus ! Les explorations maritimes, la hardiesse des na-
vigateurs, les perfectionnements de la navigation à
vapeur, les clippprs, les chemins de fer, le télégraphe
électrique et tant d'admirables conquêtes de l'esprit
moderne ont, en quelque sorte, supprimé les espaces.
Nous sommes plus proches aujourd'hui de l'extrémité
des mers orientales qu'on ne l'était, il y a cent ans,
des Açores ou de Constantinople. Les deux hémis-
phères débordent l'un vers l'autre. Les Indes, trou-
blées par une insurrection formidable, voient tous
les jours l'influence russe s'avancer vers leurs fron-
tières. Les Américains ont pénétré sur l'un des ri-
vages de l'océan Pacifique et tourné les positions an-
glaises par leurs possessions de la Californie. Les
Russes, d'un autre côté, se sont fortement établis à
l'autre extrémité de cet océan, étendent une vaste
ligne de circonvallation autour de la Chine, et leurs
flottes, autrefois reléguées dans la mer Noire et la
mer Baltique, promènent aujourd'hui le pavillon mos-
covite du fleuve Amour aux mers du Japon et de
l'Empire céleste. Les Français sont dans la Cochin-
chine. Les Hollandais voient tous les jours grandir
et prospérer leurs colonies de la Sonde, les perles du
détroit. Les Américains font en Asie, en Australie,
dans les ports chinois une rude concurrence aux
Anglais. La Chine et le Japon appellent sur leurs
marchés toutes les nations commerçantes. Tout le
système d'un monopole possible est brisé. La route
du cap est en quelque sorte oblitérée, et c'est aujour-
d'hui sur leurs derrières et non plus sur leur front
que les Anglais ont surtout à compter avec leurs con-
currents et avec leurs adversaires.
Est-ce bien là la situation? Est-il vrai spécialement
que les Russes, sur les hauts plateaux de l'Asie, sur
les frontières de l'Inde, sur tout le pourtour de la
Chine et jusque dans les eaux orientales qui baignent
cet empire, consolident journellement leur compétition
et leur prépondérance asiatique contre les intérêts de
la Grande-Bretagne. Là dessus, dans notre dernier
numéro, nous avons retracé les progrès de ces luttes
et de ces progrès ; mais au moment même où nous
écrivions, le Times publiait la confirmation éclatante
de nos appréciations. Son numéro du 14 mars con-
tient une lettre datée de Saint-Pétersbourg, 2 mars,
si importante et si décisive dans ce débat, que nous
devons la reproduire dans son texte intégral :
« Le gouvernement russe déploie la plus grande ac-
tivité militaire, administrative, manufacturière et agri-
cole dans les districts qui lui ont été l'année dernière
cédés par les Chinois. On a l'intention d'établir dans ces
pays des manufactures de coton. Le coton en laine qui
y arrive deBokhara, de Khiva et de Kashgar coûte
seulement le tiers du prix payé à Moscou. Les tissus
manufacturés trouveraient une vente facile à des prix
avantageux dans toutes les parties de l'Asie centrale,
et feraient subir aux produits anglais une concurrence
à laquelle ils ne résisteraient point facilement. La posi-
tion centrale de la ville de Wiernie est excellente.
Toutes les routes qui conduisent de Russie à Kashgar
et de là dans l'Inde d'une part, et de l'autre celles qu
aboutissent de la Chine à Tashdent et en Perse, se réu-
nissent à Wiernie. Les émigrants chinois arrivent en
grand nombre en Russie, et un grand nombre de familles
chinoises s'établissent dans les steppes des Kerghis, où
elles s'emploient à la recherche de l'or. D'autres s'avan-
cent jusqu'à Nicolaïeff, où leurs membres trouvent de
l'emploi comme ouvriers. D'autres, enfin, traversent le
pays comme colporteurs. Il est très-probable que le che-
min de fer projeté pour unir un bras du fleuve Amour
avec la baie de Castries sera promptement établi : cette
route doit commencer à la ville de Soffisk et finir à celle
d'Alexandrosk. L'activité fiévreuse que la Russie déploie sur
les frontières de la Chine et de l'Asie centrale nous donne
l'assurance qu'avant longtemps les Russes monopoliseront tout
le commerce et l'influence politique dans cette partie du monde,
et que la décadence de la puissance anglaise dans ces régions
éloignées datera de l'apparition des Russes à Boukhara, à Khiva
et sur l'océan Pacifique. »
Certes nous n'invoquons point un témoignage sus-
pect. Le Times, plus engagé que jamais dans la poli-
tique de lord Palmerston, ne peut faire de semblables
aveux que sous la pression de l'évidence et de l'im-
minence du danger qui condamne radicalement la
trop grande résistance faite au canal de Suez. Quelles
que fussent les idées de 1834, quelle que fût alors
sinon leur justice au moins leur utilité, on voit qu'il
ne peut plus s'agir pour l'Angleterre du monopole,
mais qu'il s'agit encore pour elle de conserver la part
qui appartient à son immense développement dans
les riches et populeux marchés de l'Orient. Mais,
pour cela, il lui faut de nouveaux efforts, de nou-
veaux moyens, de nouvelles facilités. La Russie, sur
les frontières de la Chine, au bord d'un fleuve large-
ment navigable, en contact avec toutes les côtes de
l'océan orientaloù vont s'établirdes manufactures con-
tre lesquelles le Times lui-même tremble de ne pouvoir
lutter, la Russie s'est rapprochée de l'Asie. Il faut qu'à
son tour l'Angleterre s'en rapproche sous peine de
mort; il faut qu'elle s'avoue que sa vieille politique
est démolie et déjouée; il faut qu'elle s'arme de res-
sources nouvelles pour combattre ce concurrent qui
a tous les avantages de la force immédiate, de la
proximité et du bon marché. Elle pouvait autrefois
vouloir perpétuellement faire subir à l'Europe le tour
dispendieux et prolongé autour du cap de Bonne-
monde et cachés dans tous les nuages d'un mystère
lointain. Le pavillon anglais flottait presque solitaire
dans ces mers. L'attention de l'Europe ne s'était guère
fixée sur ces parages presque fabuleux pour elle, et,
en cet état de choses, l'Angleterre, sans doute, pou-
vait espérer le monopole auquel on la conviait, et que
l'éloignement même des pays où il devait s'exécuter
rendait à "la fois plus facile et sans périls.
Mais depuis 1834, que d'événements sont interve-
nus ! Les explorations maritimes, la hardiesse des na-
vigateurs, les perfectionnements de la navigation à
vapeur, les clippprs, les chemins de fer, le télégraphe
électrique et tant d'admirables conquêtes de l'esprit
moderne ont, en quelque sorte, supprimé les espaces.
Nous sommes plus proches aujourd'hui de l'extrémité
des mers orientales qu'on ne l'était, il y a cent ans,
des Açores ou de Constantinople. Les deux hémis-
phères débordent l'un vers l'autre. Les Indes, trou-
blées par une insurrection formidable, voient tous
les jours l'influence russe s'avancer vers leurs fron-
tières. Les Américains ont pénétré sur l'un des ri-
vages de l'océan Pacifique et tourné les positions an-
glaises par leurs possessions de la Californie. Les
Russes, d'un autre côté, se sont fortement établis à
l'autre extrémité de cet océan, étendent une vaste
ligne de circonvallation autour de la Chine, et leurs
flottes, autrefois reléguées dans la mer Noire et la
mer Baltique, promènent aujourd'hui le pavillon mos-
covite du fleuve Amour aux mers du Japon et de
l'Empire céleste. Les Français sont dans la Cochin-
chine. Les Hollandais voient tous les jours grandir
et prospérer leurs colonies de la Sonde, les perles du
détroit. Les Américains font en Asie, en Australie,
dans les ports chinois une rude concurrence aux
Anglais. La Chine et le Japon appellent sur leurs
marchés toutes les nations commerçantes. Tout le
système d'un monopole possible est brisé. La route
du cap est en quelque sorte oblitérée, et c'est aujour-
d'hui sur leurs derrières et non plus sur leur front
que les Anglais ont surtout à compter avec leurs con-
currents et avec leurs adversaires.
Est-ce bien là la situation? Est-il vrai spécialement
que les Russes, sur les hauts plateaux de l'Asie, sur
les frontières de l'Inde, sur tout le pourtour de la
Chine et jusque dans les eaux orientales qui baignent
cet empire, consolident journellement leur compétition
et leur prépondérance asiatique contre les intérêts de
la Grande-Bretagne. Là dessus, dans notre dernier
numéro, nous avons retracé les progrès de ces luttes
et de ces progrès ; mais au moment même où nous
écrivions, le Times publiait la confirmation éclatante
de nos appréciations. Son numéro du 14 mars con-
tient une lettre datée de Saint-Pétersbourg, 2 mars,
si importante et si décisive dans ce débat, que nous
devons la reproduire dans son texte intégral :
« Le gouvernement russe déploie la plus grande ac-
tivité militaire, administrative, manufacturière et agri-
cole dans les districts qui lui ont été l'année dernière
cédés par les Chinois. On a l'intention d'établir dans ces
pays des manufactures de coton. Le coton en laine qui
y arrive deBokhara, de Khiva et de Kashgar coûte
seulement le tiers du prix payé à Moscou. Les tissus
manufacturés trouveraient une vente facile à des prix
avantageux dans toutes les parties de l'Asie centrale,
et feraient subir aux produits anglais une concurrence
à laquelle ils ne résisteraient point facilement. La posi-
tion centrale de la ville de Wiernie est excellente.
Toutes les routes qui conduisent de Russie à Kashgar
et de là dans l'Inde d'une part, et de l'autre celles qu
aboutissent de la Chine à Tashdent et en Perse, se réu-
nissent à Wiernie. Les émigrants chinois arrivent en
grand nombre en Russie, et un grand nombre de familles
chinoises s'établissent dans les steppes des Kerghis, où
elles s'emploient à la recherche de l'or. D'autres s'avan-
cent jusqu'à Nicolaïeff, où leurs membres trouvent de
l'emploi comme ouvriers. D'autres, enfin, traversent le
pays comme colporteurs. Il est très-probable que le che-
min de fer projeté pour unir un bras du fleuve Amour
avec la baie de Castries sera promptement établi : cette
route doit commencer à la ville de Soffisk et finir à celle
d'Alexandrosk. L'activité fiévreuse que la Russie déploie sur
les frontières de la Chine et de l'Asie centrale nous donne
l'assurance qu'avant longtemps les Russes monopoliseront tout
le commerce et l'influence politique dans cette partie du monde,
et que la décadence de la puissance anglaise dans ces régions
éloignées datera de l'apparition des Russes à Boukhara, à Khiva
et sur l'océan Pacifique. »
Certes nous n'invoquons point un témoignage sus-
pect. Le Times, plus engagé que jamais dans la poli-
tique de lord Palmerston, ne peut faire de semblables
aveux que sous la pression de l'évidence et de l'im-
minence du danger qui condamne radicalement la
trop grande résistance faite au canal de Suez. Quelles
que fussent les idées de 1834, quelle que fût alors
sinon leur justice au moins leur utilité, on voit qu'il
ne peut plus s'agir pour l'Angleterre du monopole,
mais qu'il s'agit encore pour elle de conserver la part
qui appartient à son immense développement dans
les riches et populeux marchés de l'Orient. Mais,
pour cela, il lui faut de nouveaux efforts, de nou-
veaux moyens, de nouvelles facilités. La Russie, sur
les frontières de la Chine, au bord d'un fleuve large-
ment navigable, en contact avec toutes les côtes de
l'océan orientaloù vont s'établirdes manufactures con-
tre lesquelles le Times lui-même tremble de ne pouvoir
lutter, la Russie s'est rapprochée de l'Asie. Il faut qu'à
son tour l'Angleterre s'en rapproche sous peine de
mort; il faut qu'elle s'avoue que sa vieille politique
est démolie et déjouée; il faut qu'elle s'arme de res-
sources nouvelles pour combattre ce concurrent qui
a tous les avantages de la force immédiate, de la
proximité et du bon marché. Elle pouvait autrefois
vouloir perpétuellement faire subir à l'Europe le tour
dispendieux et prolongé autour du cap de Bonne-
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