Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-10-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 octobre 1864 15 octobre 1864
Description : 1864/10/15 (A9,N200). 1864/10/15 (A9,N200).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62033316
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
426 L'ISTHME DE SUEZ,
» Quelques pas encore et l'on aperçoit Suez : Suez,
où l'arrivée de l'eau douce a été l'un de ces faits
providentiels qui changent la face d'un pays ! L'évé-
nement a trop d'importance pour ne pas mériter
une mention particulière.
Suez; influence de l'eau douce; travaux.
» Un spectacle fort touchant a eu lieu à Suez, le
29 décembre 1863, d'autant plus touchant qu'il avait
son origine dans la satisfaction d'un besoin impérieux
pour la population. Ce spectacle, c'était celui de l'ar-
rivée de l'eau douce, apportant la vie et le bien-être
dans ces contrées déshéritées. La dernière fois que
j'étais allé à Suez, en 1859, on me dit qu'il y avait
sept ans qu'il n'avait plu, que les sources des envi-
rons étaient taries, ou peu s'en fallait, et que si le
chemin de fer n'apportait pas, heureusement, cha-
que nuit, quelques-unes de ces grandes citernes de
fer comme on en voit à bord des navires, sa popula-
tion n'aurait plus qu'à émigrer ou à mourir de soif.
A cinq années de distance, je reviens aux lieux d'où
j'avais emporté ces tristes impressions. Quels heureux
changements 1
» A l'endroit où se termine aujourd'hui le canal
d'eau douce, en attendant que les travaux soient
faits pour amener le précieux liquide dans la ville
même, un barrage provisoire a été établi, et l'eau se
déverse en cascade dans une rigole naturelle qui la
conduit à la mer. Ayant quitté mon canot au bar-
rage, je m'en vins à pied à la ville en suivant le
cours de la rigole; dans cette promenade de quel-
ques centaines de mètres, les scènes les plus pitto-
resques m'attirèrent, me charmèrent, à ce point que,
si la nuit qui approchait ne m'eût imposé l'obliga-
tion de bâter le pas, je ne sais combien de temps
j'aurais mis pour accomplir mon petit trajet.
» Tous les journaux ont reproduit les discours d'ap-
parat prononcés, ont rendu compte des fêtes, des
banquets donnés, ont raconté les toasts et les accla-
mations. Mais ce qu'ils n'ont pas dit et ne pouvaient
pas dire, ce sont ces mille petits faits caractéristi-
ques qui ne se produisent pas dans les circonstan-
ces officielles, mais dont on est témoin dans ces
promenades rêveuses qui sont l'un des charmes de
la vie.
» Ainsi, dans cette petite course que j'avais à faire
pour me rendre à Suez, mon attention fut souvent
attirée par la contenance d'indigènes groupés le long
de la rigole et les divers sentiments qui paraissaient
les dominer. Chez les uns, les plus jeunes, c'était
une joie expansive qui se traduisait par des cris
aigus, des gestes désordonnés ; ils se roulaient
dans le courant rapide, ou s'y plongeaient la tête,
les bras et lesjambes alternativement; d'autres, plus
Stgés, levaient les yeux au ciel et remerciaient la
Providence ; d'autres, enfin, semblaient foiravecun
autres, enfin, semblaient t-oir avec un
profond regret toute cette eau perdue qui courait,
sans profit pour personne, se confondre dans les flots
salée de la mer Rouge. Ils ne pouvaient encore croire,
même après trois semaines de possession, que l'eau,
cette seconde Providence, ne leur fût pas départie
d'une main parcimonieuse et n'eût pas une valeur
traduisible en argent monnayé. Enfin je crois qu'un
physiognomoniste eût pu faire là une étude com-
plète de tous les sentiments intérieurs qui se reflè-
tent sur le visage humain.
» Cette variété de petites scènes non préparées, où
la nature était bien prise sur le fait, m'a donné la
mesure de l'immensité du bienfait dont la Compagnie
du canal maritime a doté la ville de Suez, et je suis
heureux de consigner ici les intéressantes observa-
tions que j'ai pu faire en cette occasion ; elles vau-
dront mieux qu'un panégyrique,
» On s'occupait déjà, lors de mon passage à Suez'
d'organiser des tuyaux de conduite pour alimenter
des fontaines publiques ou privées ; on discutait sur
les directions à donner, sur le volume d'eau que pou-
vait fournir le canal; enfin il semblait que l'eau dût
être l'unique préoccupation du jour. Au milieu de
tous ces discours, de toute cette agitation, un petit
fait assez bizarre vint égayer les conversations et
montrer, une fois de plus, jusqu'à quel point l'esprit
de parti peut égarer les natures les plus honnêtes et
les plus sagaces.
» Un fonctionnaire anglais habitant Suez avait
tant dit, tant répété par ordre que le canal mari-
time était un leurre et le canal d'eau douce une chi-
mère, qu'il avait fini, Dieu me pardonne 1 par y
croire. Les choses se passaient sous ses yeux cepen-
dant, il était trop éclairé pour ne pas en pouvoir ju-
ger la portée ; mais point : l'oracle avait prononcé
par la bouche de lord Palmerston ; ni le canal ma-
ritime ni le canal d'eau douce n'étaient possibles.
i) Cette conviction prit même chez lui de telles
proportions, qu'il alla jusqu'à offrir sa bourse en ho-
locauste à la divinité opiniâtre et aveugle de l'esprit
de parti. Afin de démontrer par des preuves maté-
rielles que l'arrivée de l'eau douce à Suez était une
hallucination de M. de Lesseps, il se mit à construire
un appareil distillatoire pour opérer sur l'eau de mer,
et fournir d'eau potable les grands navires qui vien-
nent presque chaque jour mouiller en rade de Suez
et les habitants de la ville eux-mêmes. Sûr de son
fait, quand on lui parlait d'eau douce, il montrait
avec orgueil son usine presque prête à fonctionner
et disait : Voilà le vrai canal !
» Or, pendant que iïotre brave Anglais s'apprêtait
à distiller la mer Rougtf, le canal si décrié faisait
son chemin tout doucement et arrivait en vue de
» Quelques pas encore et l'on aperçoit Suez : Suez,
où l'arrivée de l'eau douce a été l'un de ces faits
providentiels qui changent la face d'un pays ! L'évé-
nement a trop d'importance pour ne pas mériter
une mention particulière.
Suez; influence de l'eau douce; travaux.
» Un spectacle fort touchant a eu lieu à Suez, le
29 décembre 1863, d'autant plus touchant qu'il avait
son origine dans la satisfaction d'un besoin impérieux
pour la population. Ce spectacle, c'était celui de l'ar-
rivée de l'eau douce, apportant la vie et le bien-être
dans ces contrées déshéritées. La dernière fois que
j'étais allé à Suez, en 1859, on me dit qu'il y avait
sept ans qu'il n'avait plu, que les sources des envi-
rons étaient taries, ou peu s'en fallait, et que si le
chemin de fer n'apportait pas, heureusement, cha-
que nuit, quelques-unes de ces grandes citernes de
fer comme on en voit à bord des navires, sa popula-
tion n'aurait plus qu'à émigrer ou à mourir de soif.
A cinq années de distance, je reviens aux lieux d'où
j'avais emporté ces tristes impressions. Quels heureux
changements 1
» A l'endroit où se termine aujourd'hui le canal
d'eau douce, en attendant que les travaux soient
faits pour amener le précieux liquide dans la ville
même, un barrage provisoire a été établi, et l'eau se
déverse en cascade dans une rigole naturelle qui la
conduit à la mer. Ayant quitté mon canot au bar-
rage, je m'en vins à pied à la ville en suivant le
cours de la rigole; dans cette promenade de quel-
ques centaines de mètres, les scènes les plus pitto-
resques m'attirèrent, me charmèrent, à ce point que,
si la nuit qui approchait ne m'eût imposé l'obliga-
tion de bâter le pas, je ne sais combien de temps
j'aurais mis pour accomplir mon petit trajet.
» Tous les journaux ont reproduit les discours d'ap-
parat prononcés, ont rendu compte des fêtes, des
banquets donnés, ont raconté les toasts et les accla-
mations. Mais ce qu'ils n'ont pas dit et ne pouvaient
pas dire, ce sont ces mille petits faits caractéristi-
ques qui ne se produisent pas dans les circonstan-
ces officielles, mais dont on est témoin dans ces
promenades rêveuses qui sont l'un des charmes de
la vie.
» Ainsi, dans cette petite course que j'avais à faire
pour me rendre à Suez, mon attention fut souvent
attirée par la contenance d'indigènes groupés le long
de la rigole et les divers sentiments qui paraissaient
les dominer. Chez les uns, les plus jeunes, c'était
une joie expansive qui se traduisait par des cris
aigus, des gestes désordonnés ; ils se roulaient
dans le courant rapide, ou s'y plongeaient la tête,
les bras et lesjambes alternativement; d'autres, plus
Stgés, levaient les yeux au ciel et remerciaient la
Providence ; d'autres, enfin, semblaient foiravecun
autres, enfin, semblaient t-oir avec un
profond regret toute cette eau perdue qui courait,
sans profit pour personne, se confondre dans les flots
salée de la mer Rouge. Ils ne pouvaient encore croire,
même après trois semaines de possession, que l'eau,
cette seconde Providence, ne leur fût pas départie
d'une main parcimonieuse et n'eût pas une valeur
traduisible en argent monnayé. Enfin je crois qu'un
physiognomoniste eût pu faire là une étude com-
plète de tous les sentiments intérieurs qui se reflè-
tent sur le visage humain.
» Cette variété de petites scènes non préparées, où
la nature était bien prise sur le fait, m'a donné la
mesure de l'immensité du bienfait dont la Compagnie
du canal maritime a doté la ville de Suez, et je suis
heureux de consigner ici les intéressantes observa-
tions que j'ai pu faire en cette occasion ; elles vau-
dront mieux qu'un panégyrique,
» On s'occupait déjà, lors de mon passage à Suez'
d'organiser des tuyaux de conduite pour alimenter
des fontaines publiques ou privées ; on discutait sur
les directions à donner, sur le volume d'eau que pou-
vait fournir le canal; enfin il semblait que l'eau dût
être l'unique préoccupation du jour. Au milieu de
tous ces discours, de toute cette agitation, un petit
fait assez bizarre vint égayer les conversations et
montrer, une fois de plus, jusqu'à quel point l'esprit
de parti peut égarer les natures les plus honnêtes et
les plus sagaces.
» Un fonctionnaire anglais habitant Suez avait
tant dit, tant répété par ordre que le canal mari-
time était un leurre et le canal d'eau douce une chi-
mère, qu'il avait fini, Dieu me pardonne 1 par y
croire. Les choses se passaient sous ses yeux cepen-
dant, il était trop éclairé pour ne pas en pouvoir ju-
ger la portée ; mais point : l'oracle avait prononcé
par la bouche de lord Palmerston ; ni le canal ma-
ritime ni le canal d'eau douce n'étaient possibles.
i) Cette conviction prit même chez lui de telles
proportions, qu'il alla jusqu'à offrir sa bourse en ho-
locauste à la divinité opiniâtre et aveugle de l'esprit
de parti. Afin de démontrer par des preuves maté-
rielles que l'arrivée de l'eau douce à Suez était une
hallucination de M. de Lesseps, il se mit à construire
un appareil distillatoire pour opérer sur l'eau de mer,
et fournir d'eau potable les grands navires qui vien-
nent presque chaque jour mouiller en rade de Suez
et les habitants de la ville eux-mêmes. Sûr de son
fait, quand on lui parlait d'eau douce, il montrait
avec orgueil son usine presque prête à fonctionner
et disait : Voilà le vrai canal !
» Or, pendant que iïotre brave Anglais s'apprêtait
à distiller la mer Rougtf, le canal si décrié faisait
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