Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-10-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 octobre 1864 01 octobre 1864
Description : 1864/10/01 (A9,N199). 1864/10/01 (A9,N199).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203330s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
412 L'ISTHME DE SUEZ,
avantages, celui de le reposer un moment de la
monotonie de mon récit et de l'aridité de bien de ses
détails, et celui de lui faire comprendre la nature
et la force du sentiment que j'éprouvais en contem-
plant, la nuit, l'agitation fiévreuse de la ville arabe
d'Ismaïlia.
» J'allais du Caire à Jérusalem; j'étais seul de voya-
geur européen, ce que je recherche parfois assez
volontiers dans certains voyages et certaines circons-
tances. Ma petite caravane était composée, quant au
personnel, de moi, d'abord ; je me nomme le pre-
mier, parce que j'étais le chef et le bailleur de fonds
de l'entreprise. Venaient ensuite mon fidèle Charles,
un brave Allemand, le meilleur serviteur que jamais
aventurier ait eu à son service ; un drogman, Ya-
coub, polyglotte hors ligne, qui se targuait de par-
ler treize langues, mais que j'avais souvent bien de
la peine à comprendre dans le peu que j'en savais ;
un moukre, conducteur de chameaux, un chamelier
et un petit garçon très-éveillé, en tout six personnes
Sept chameaux, dont trois de selle : un chargé ex-
clusivement du transport de l'eau, deux pour les
bagages, et le dernier investi du soin sacré d'aller
ravitailler la pharmacie du couvent du Saint-Sé-
pulcre, qui manquait de médicaments au moment
même où, les fêtes de Pâques approchant, on s'at-
tendait à un nombreux concours de pèlerins.
» Nous étions bien armés ; je possédais deux tentes,
l'une pour moi, l'autre pour mes domestiques; un
fourneau, un matelas, un coffre de provisions, une
table pliante et quelques ustensiles de cuisine; avec
cela j'aurais entrepris le tour du monde sans la
moindre appréhension. Nous campions chaque soir
sur le sable, et, après un bon repas et un bon somme
bien gagnés par douze heures de marche, les pre-
mières lueurs du jour nous trouvaient debout ; nous
voyions pâlir les dernières étoiles pendant qu'on
pliait les tentes, qu'on chargeait les chameaux et
qu'on préparait le café, et le soleil, en se levant,
nous voyait toujours en route. Quelles jouissances
infinies ! quelle vie délicieuse ! le désert déroulait
alors devant moi ses sérieuses mais imposantes
beautés, et je ne me rappelle pas d'avoir une seule
fois aspiré au terme du voyage. Il est vrai que, de-
puis tantôt un demi-siècle, on m'appelle dans ma
famille et parmi mes amis l'homme qui n'aime pas à
arriver, et dire qu'avec une pareille manière de
voir et de sentir en voyage, j'ai contribué, dans une
certaine mesure, à l'amélioration des communica-
tions en France : ô contradictions du cœur humain 1
Mais je m'en dédommageais bien quand j'étais libre
de courir le monde, sans autre guide que la folle du
logis.
» Or, il serait temps, plus que temps, de revenir à
mou épisode qui, lui-même, était déjà une digres-
sion.
» Donc, nous avions côtoyé pendant trois grandes
journées les parties cultivées du territoire égyptien,
nous dirigeant au nord-est; nous avions campé
près de Salaïeh, sur la limite du désert, où nous
étions résolûment entrés le lendemain, après avoir
renouvelé notre provision d'eau, de légumes et de
fruits frais; nous n'avions devant nous que le sable,
et ne devions plus trouver de sources qu'à El-Arisch,
à plus de 60 lieues. A la première couchée de cette
partie sérieuse du voyage, nous nous arrêtâmes donc
loin de toute habitation, et, pendant qu'on plantait
les tentes et qu'on allumait le feu, je m'éloignai in-
sensiblement et sans défiance. D'abord, je gravis
une butte pour jouir des derniers rayons du soleil,
je me mis ensuite à observer de près la marche d'in-
sectes assez curieux qui traînaient vers leur retraite
un très-lourd fardeau; puis je continuai pour une
raison, puis pour une autre.
), Quand je vis que l'heure s'avançait et qu'il était
temps de regagner ma tente et mon souper, un pli
de terrain me cachait mon petit campement; j'avan-
çai dans une direction que je crus être la bonne, je
me trompais. Malheureusement, j'avais oublié de
regarder la position des astres par rapport au point
de départ; j'avais cheminé en zigzag; au bout
d'une demi-heure, la nuit était close et j'étais com-
plètement égaré. Je montai sur deux ou trois buttes
sans rien voir autre chose que le sable et le ciel
étoilé qui, même en l'absence de la lune, donne en-
core, dans ces régions, une clarté suffisante pour
laisser distinguer les objets à une assez grande
distance. Je criai de toute la force de mes poumons,
je ne fils pas entendu : cela devenait sérieux. Je me
rappelai l'histoire du peintre Robert perdu dans les
catacombes de Rome et d'autres faits du même
genre assez peu rassurants. J'étais sans armes ; je
devais être promptement éventé par quelque bête
féroce, s'il y en avait dans le voisinage, chose que
j'ignorais, et l'on me pardonnera, je l'espère, si
j'avoue, en toute humilité, qu'un léger frisson me
parcourut le corps dans cette position exceptionnelle,
et que le lever du soleil me parut encore bien éloigné.
Après mûre réflexion, je pris le parti de ne pas
m'écarter davantage ; je gravis la colline la plus
élevée que j'aperçus à proximité et j'attendis. Bien
m'en prit, car au bout de quelques instants je vis
une lumière et entendis des cris suivis de deux ou
trois coups de fusil. Je couru?, comme l'on peut
penser, de toute la vitesse de mes jambes dans la
direction de ces signaux libérateurs, et je me re-
trouvai près de mon fidèle Charles, qui, commençant
à s'inquiéter, avait eu l'idée d'aller à ma rencontre
avec les chameliers, après avoir fait allumer un grand
avantages, celui de le reposer un moment de la
monotonie de mon récit et de l'aridité de bien de ses
détails, et celui de lui faire comprendre la nature
et la force du sentiment que j'éprouvais en contem-
plant, la nuit, l'agitation fiévreuse de la ville arabe
d'Ismaïlia.
» J'allais du Caire à Jérusalem; j'étais seul de voya-
geur européen, ce que je recherche parfois assez
volontiers dans certains voyages et certaines circons-
tances. Ma petite caravane était composée, quant au
personnel, de moi, d'abord ; je me nomme le pre-
mier, parce que j'étais le chef et le bailleur de fonds
de l'entreprise. Venaient ensuite mon fidèle Charles,
un brave Allemand, le meilleur serviteur que jamais
aventurier ait eu à son service ; un drogman, Ya-
coub, polyglotte hors ligne, qui se targuait de par-
ler treize langues, mais que j'avais souvent bien de
la peine à comprendre dans le peu que j'en savais ;
un moukre, conducteur de chameaux, un chamelier
et un petit garçon très-éveillé, en tout six personnes
Sept chameaux, dont trois de selle : un chargé ex-
clusivement du transport de l'eau, deux pour les
bagages, et le dernier investi du soin sacré d'aller
ravitailler la pharmacie du couvent du Saint-Sé-
pulcre, qui manquait de médicaments au moment
même où, les fêtes de Pâques approchant, on s'at-
tendait à un nombreux concours de pèlerins.
» Nous étions bien armés ; je possédais deux tentes,
l'une pour moi, l'autre pour mes domestiques; un
fourneau, un matelas, un coffre de provisions, une
table pliante et quelques ustensiles de cuisine; avec
cela j'aurais entrepris le tour du monde sans la
moindre appréhension. Nous campions chaque soir
sur le sable, et, après un bon repas et un bon somme
bien gagnés par douze heures de marche, les pre-
mières lueurs du jour nous trouvaient debout ; nous
voyions pâlir les dernières étoiles pendant qu'on
pliait les tentes, qu'on chargeait les chameaux et
qu'on préparait le café, et le soleil, en se levant,
nous voyait toujours en route. Quelles jouissances
infinies ! quelle vie délicieuse ! le désert déroulait
alors devant moi ses sérieuses mais imposantes
beautés, et je ne me rappelle pas d'avoir une seule
fois aspiré au terme du voyage. Il est vrai que, de-
puis tantôt un demi-siècle, on m'appelle dans ma
famille et parmi mes amis l'homme qui n'aime pas à
arriver, et dire qu'avec une pareille manière de
voir et de sentir en voyage, j'ai contribué, dans une
certaine mesure, à l'amélioration des communica-
tions en France : ô contradictions du cœur humain 1
Mais je m'en dédommageais bien quand j'étais libre
de courir le monde, sans autre guide que la folle du
logis.
» Or, il serait temps, plus que temps, de revenir à
mou épisode qui, lui-même, était déjà une digres-
sion.
» Donc, nous avions côtoyé pendant trois grandes
journées les parties cultivées du territoire égyptien,
nous dirigeant au nord-est; nous avions campé
près de Salaïeh, sur la limite du désert, où nous
étions résolûment entrés le lendemain, après avoir
renouvelé notre provision d'eau, de légumes et de
fruits frais; nous n'avions devant nous que le sable,
et ne devions plus trouver de sources qu'à El-Arisch,
à plus de 60 lieues. A la première couchée de cette
partie sérieuse du voyage, nous nous arrêtâmes donc
loin de toute habitation, et, pendant qu'on plantait
les tentes et qu'on allumait le feu, je m'éloignai in-
sensiblement et sans défiance. D'abord, je gravis
une butte pour jouir des derniers rayons du soleil,
je me mis ensuite à observer de près la marche d'in-
sectes assez curieux qui traînaient vers leur retraite
un très-lourd fardeau; puis je continuai pour une
raison, puis pour une autre.
), Quand je vis que l'heure s'avançait et qu'il était
temps de regagner ma tente et mon souper, un pli
de terrain me cachait mon petit campement; j'avan-
çai dans une direction que je crus être la bonne, je
me trompais. Malheureusement, j'avais oublié de
regarder la position des astres par rapport au point
de départ; j'avais cheminé en zigzag; au bout
d'une demi-heure, la nuit était close et j'étais com-
plètement égaré. Je montai sur deux ou trois buttes
sans rien voir autre chose que le sable et le ciel
étoilé qui, même en l'absence de la lune, donne en-
core, dans ces régions, une clarté suffisante pour
laisser distinguer les objets à une assez grande
distance. Je criai de toute la force de mes poumons,
je ne fils pas entendu : cela devenait sérieux. Je me
rappelai l'histoire du peintre Robert perdu dans les
catacombes de Rome et d'autres faits du même
genre assez peu rassurants. J'étais sans armes ; je
devais être promptement éventé par quelque bête
féroce, s'il y en avait dans le voisinage, chose que
j'ignorais, et l'on me pardonnera, je l'espère, si
j'avoue, en toute humilité, qu'un léger frisson me
parcourut le corps dans cette position exceptionnelle,
et que le lever du soleil me parut encore bien éloigné.
Après mûre réflexion, je pris le parti de ne pas
m'écarter davantage ; je gravis la colline la plus
élevée que j'aperçus à proximité et j'attendis. Bien
m'en prit, car au bout de quelques instants je vis
une lumière et entendis des cris suivis de deux ou
trois coups de fusil. Je couru?, comme l'on peut
penser, de toute la vitesse de mes jambes dans la
direction de ces signaux libérateurs, et je me re-
trouvai près de mon fidèle Charles, qui, commençant
à s'inquiéter, avait eu l'idée d'aller à ma rencontre
avec les chameliers, après avoir fait allumer un grand
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.89%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.89%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 12/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6203330s/f12.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6203330s/f12.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6203330s/f12.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6203330s
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6203330s
Facebook
Twitter