Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 septembre 1864 15 septembre 1864
Description : 1864/09/15 (A9,N198). 1864/09/15 (A9,N198).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62033294
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 393
» Ce n'est pas que, dans le personnel de l'isthme,
toutes choses soient rigoureusement égales. Les
fonctionnaires d'un ordre supérieur ont pu, natu-
rellement, se donner plus d'aisance, et grouper au-
tour d'eux plus d'éléments du confortable européen.
Toutefois, si l'on avait prédit à MM. les ingénieurs,
et quelques années à l'avance, qu'ils auraient un
jour à faire de la topographie du haut d'un droma-
daire, qu'ils n'auraient pour chambre à coucher. et
pour cabinet d'études qu'une mince tente de toile,
qu'ils auraient à porter leur eau et leurs vivres à
l'arçon de la selle, sous peine de mourir de soif et
de faim, il est permis de croire qu'ils eussent été
quelque peu surpris. Ils ont accepté bravement la
position, cependant, et ont donné l'exemple de cette
abnégation vigoureuse qui fait les grandes choses.
» Mais c'est dans les rangs plus secondaires que
le spectacle est admirable, parce que là l'individu
y est plus souvent aux prises avec les nécessités de
la vie. J'en ai joui dans de nombreuses occasions, et
toujours avec un charme d'autant plus grand que,
m'étant trouvé parfois dans une position analogue,
je pouvais mieux la comprendre.
» J'ai dit plus haut que la vie excentrique déve-
loppait les germes de l'originalité du caractère ;
qu'il me soit permis de présenter à mes lecteurs
quelques-uns des types qui m'ont plus particulière-
ment frappé.
» Voici, par exemple, un brave garçon connu dans
l'isthme sous le nom de l'homme au plâtre (il est à
remarquer que presque- toujours, dans les positions
exceptionnelles, c'est le sobriquet qui prévaut sur le
nom propre). Il vit seul aux abords du lac Menza-
leh, et au milieu d'un marais d'où l'on extrait de la
pierre à plâtre en grande quantité. Il fait tirer et
cuire sa pierre, charge ges barques et les envoie sur
les points qui lui sont signalés, dirige en un mot
l'exploitation ; puis, sa tâche remplie, il renvoie ses
Arabes, reprend philosophiquement son livre et sa -
pipe, et le voilà replongé dans sa solitude jusqu'à
ce que les besoins du service le réclament de nou-
veau.
» Il reste ainsi des semaines au milieu de son ma-
rais, sans qu'un murmure lui éehappe, sans qu'un
symptôme d'ennui se manifeste; c'est un philoso-
phe pratique dont le sang-froid est inaltérable et le
sentiment du devoir toujours éveillé. Aussi rend-il,
m'a-t-on dit, de véritables services à la Compagnie.
Sa seule distraction, c'est de recevoir, de temps à
autre, quelque camarade en tournée qui sait au juste
près de quel poteau il a fixé sa demeure, dont on ne
voit qu'à peine l'humble sommet par-dessus la berge
du canal, et encore ne le voit-on pas toujours ce
sommet, car l'habitant unique qu'il abrite est sou-
vent obligé de changer de domicile. L'homme au
plâtre s'établit ordinairement dans le marais, près
de son four, afin d'être plus à portée d'en surveil-
ler la marche. Il en avait été chassé, peu de jours
avant mon passage, par une inondation qui l'avait
surpris la nuit, et ne s'était éveillé que lorsqu'il s'é-
tait trouvé dans un bain. Il racontait cela de la ma-
nière la plus simple du monde, èt comme une con-
séquence toute naturelle de sa position. D'autres fois,
il va camper au coeur. du marais avec des Arabes et
près des puits d'extraction, quand il trouve par ha-
sard une motte de terre suffisante pour y établir
une hutte dont quelques gaules, recouvertes de cou-
vertures de poil de chameau, font tous les frais.
Mais ses jours de luxe et de confortable sont ceux
où il peut s'abriter sous la berge du canal pour sur-
veiller le chargement de ses barques et courir la
chance de serrer au passage la main d'un compa-
triote. Ces jours-là sont marqués comme grandes
fêtes, et l'on sort du coffre unique qui contient toute
la fortune de notre ermite, quelque vieille bouteille
envoyée d'Ismaïlia ou de Pord-Saïd, et réservée à
ces occasions solennelles. J'ai rarement choqué le
verre avec un plus vif sentiment de cordialité qu'en
cette circonstance. J'ignorerai peut-être toujours le
vrai nom de celui dont la mâle figure, calme et ré-
solue, m'a frappé, mais jamais je ne perdrai le sou-
venir de l'homme au plâtre.
» La Bavière est encore un bon type; c'est ainsi
qu'en nomme un employé chargé de diriger les son-
dages dans le canal maritime. Le sobriquet qu'on
lui donne tient sans doute à son origine alsacienne
ou allemande, mais cela ne fait rien à l'affaire. Cet
utile employé a élu domicile sur un bateau qu'il pro-
mène le long des travaux, et sur lequel il a installé
des appareils fonctionnant sans relâche.
» On a vu plus haut que l'un des arguments des
adversaires du canal reposait sur la présence, dans
le sous-sol du désert, de roches d'une extrême dureté,
qui devaient rendre les travaux impraticables ou
horriblement coûteux. Bien que la Compagnie-ait
toujours été fondée à ne pas attacher une trop grande
importance à ces sinistres prédictions, c'était et,ce
sera pour elle un devoir impérieux, jusqu'à la fin des
travaux, de se rendre un compte minutieux de la
constitution géologique des terrains sur lesquels elle
doit opérer. Elle a donc organisé avec le plus grand
soin un service de sondage sur toutes ses lignes, et
la Bavière en est, dit-on, l'un des agents les plus
actifs et les plus intelligents. Quant à son assiduité,
on va en juger : en allant à Port-Saïd, nous rencon-
tràmes le bateau sondeur dans le lac Menzaleh, et
mes compagnons me parlèrent du caractère tout
particulier de son capitaine; c'est, me dirent-ils, - un
homme d'une grande capacité et d'une scrupuleuse
» Ce n'est pas que, dans le personnel de l'isthme,
toutes choses soient rigoureusement égales. Les
fonctionnaires d'un ordre supérieur ont pu, natu-
rellement, se donner plus d'aisance, et grouper au-
tour d'eux plus d'éléments du confortable européen.
Toutefois, si l'on avait prédit à MM. les ingénieurs,
et quelques années à l'avance, qu'ils auraient un
jour à faire de la topographie du haut d'un droma-
daire, qu'ils n'auraient pour chambre à coucher. et
pour cabinet d'études qu'une mince tente de toile,
qu'ils auraient à porter leur eau et leurs vivres à
l'arçon de la selle, sous peine de mourir de soif et
de faim, il est permis de croire qu'ils eussent été
quelque peu surpris. Ils ont accepté bravement la
position, cependant, et ont donné l'exemple de cette
abnégation vigoureuse qui fait les grandes choses.
» Mais c'est dans les rangs plus secondaires que
le spectacle est admirable, parce que là l'individu
y est plus souvent aux prises avec les nécessités de
la vie. J'en ai joui dans de nombreuses occasions, et
toujours avec un charme d'autant plus grand que,
m'étant trouvé parfois dans une position analogue,
je pouvais mieux la comprendre.
» J'ai dit plus haut que la vie excentrique déve-
loppait les germes de l'originalité du caractère ;
qu'il me soit permis de présenter à mes lecteurs
quelques-uns des types qui m'ont plus particulière-
ment frappé.
» Voici, par exemple, un brave garçon connu dans
l'isthme sous le nom de l'homme au plâtre (il est à
remarquer que presque- toujours, dans les positions
exceptionnelles, c'est le sobriquet qui prévaut sur le
nom propre). Il vit seul aux abords du lac Menza-
leh, et au milieu d'un marais d'où l'on extrait de la
pierre à plâtre en grande quantité. Il fait tirer et
cuire sa pierre, charge ges barques et les envoie sur
les points qui lui sont signalés, dirige en un mot
l'exploitation ; puis, sa tâche remplie, il renvoie ses
Arabes, reprend philosophiquement son livre et sa -
pipe, et le voilà replongé dans sa solitude jusqu'à
ce que les besoins du service le réclament de nou-
veau.
» Il reste ainsi des semaines au milieu de son ma-
rais, sans qu'un murmure lui éehappe, sans qu'un
symptôme d'ennui se manifeste; c'est un philoso-
phe pratique dont le sang-froid est inaltérable et le
sentiment du devoir toujours éveillé. Aussi rend-il,
m'a-t-on dit, de véritables services à la Compagnie.
Sa seule distraction, c'est de recevoir, de temps à
autre, quelque camarade en tournée qui sait au juste
près de quel poteau il a fixé sa demeure, dont on ne
voit qu'à peine l'humble sommet par-dessus la berge
du canal, et encore ne le voit-on pas toujours ce
sommet, car l'habitant unique qu'il abrite est sou-
vent obligé de changer de domicile. L'homme au
plâtre s'établit ordinairement dans le marais, près
de son four, afin d'être plus à portée d'en surveil-
ler la marche. Il en avait été chassé, peu de jours
avant mon passage, par une inondation qui l'avait
surpris la nuit, et ne s'était éveillé que lorsqu'il s'é-
tait trouvé dans un bain. Il racontait cela de la ma-
nière la plus simple du monde, èt comme une con-
séquence toute naturelle de sa position. D'autres fois,
il va camper au coeur. du marais avec des Arabes et
près des puits d'extraction, quand il trouve par ha-
sard une motte de terre suffisante pour y établir
une hutte dont quelques gaules, recouvertes de cou-
vertures de poil de chameau, font tous les frais.
Mais ses jours de luxe et de confortable sont ceux
où il peut s'abriter sous la berge du canal pour sur-
veiller le chargement de ses barques et courir la
chance de serrer au passage la main d'un compa-
triote. Ces jours-là sont marqués comme grandes
fêtes, et l'on sort du coffre unique qui contient toute
la fortune de notre ermite, quelque vieille bouteille
envoyée d'Ismaïlia ou de Pord-Saïd, et réservée à
ces occasions solennelles. J'ai rarement choqué le
verre avec un plus vif sentiment de cordialité qu'en
cette circonstance. J'ignorerai peut-être toujours le
vrai nom de celui dont la mâle figure, calme et ré-
solue, m'a frappé, mais jamais je ne perdrai le sou-
venir de l'homme au plâtre.
» La Bavière est encore un bon type; c'est ainsi
qu'en nomme un employé chargé de diriger les son-
dages dans le canal maritime. Le sobriquet qu'on
lui donne tient sans doute à son origine alsacienne
ou allemande, mais cela ne fait rien à l'affaire. Cet
utile employé a élu domicile sur un bateau qu'il pro-
mène le long des travaux, et sur lequel il a installé
des appareils fonctionnant sans relâche.
» On a vu plus haut que l'un des arguments des
adversaires du canal reposait sur la présence, dans
le sous-sol du désert, de roches d'une extrême dureté,
qui devaient rendre les travaux impraticables ou
horriblement coûteux. Bien que la Compagnie-ait
toujours été fondée à ne pas attacher une trop grande
importance à ces sinistres prédictions, c'était et,ce
sera pour elle un devoir impérieux, jusqu'à la fin des
travaux, de se rendre un compte minutieux de la
constitution géologique des terrains sur lesquels elle
doit opérer. Elle a donc organisé avec le plus grand
soin un service de sondage sur toutes ses lignes, et
la Bavière en est, dit-on, l'un des agents les plus
actifs et les plus intelligents. Quant à son assiduité,
on va en juger : en allant à Port-Saïd, nous rencon-
tràmes le bateau sondeur dans le lac Menzaleh, et
mes compagnons me parlèrent du caractère tout
particulier de son capitaine; c'est, me dirent-ils, - un
homme d'une grande capacité et d'une scrupuleuse
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 9/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k62033294/f9.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k62033294/f9.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k62033294/f9.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k62033294
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k62033294
Facebook
Twitter