Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-07-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 juillet 1864 15 juillet 1864
Description : 1864/07/15 (A9,N194)-1864/07/20. 1864/07/15 (A9,N194)-1864/07/20.
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203325g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 303
pr^s complétement isolées jusqu'ici du mouvement de
la civilisation. Ce n'est pas la première fois que nous
avons des témoignages de la sollicitude avec laquelle
on suit dans la péninsule arabique les progrès de
l'entreprise. Nous ne nous refusons pas en même
temps au plaisir de reproduire les lignes par les-
quelles le rédacteur de la feuille lyonnaise fait pré-
céder cette publication.
FLEURY.
« On se rappelle les communications intéressantes
dues, soit à la plume gracieuse et colorée de M. Hum-
bert Ferrand, soit à cette inépuisable obligeance qui
l'a porté souvent à nous faire part des richesses litté-
raires qu'une vaste correspondance fait tomber entre
ses mains. M, Ferrand nous adresse des lettres venues
d'Egypte que nous nous empressons de publier; nos
lecteurs les liront avec un plaisir d'autant plus vif
qu'elles n'étaient pas destinées à la publicité, que l'é-
crivain s'y fait moins voir, et qu'à travers le charme
du style on trouve l'abandon d'un ami qui cause sans
façon avec un ami. ED. FOUCAULT.
A M. Humbert Ferrand.
CI Suez, le 9 juin 1864.
» Je vous avais annoncé ma prochaine excursion à
la fontaine de Moïse, éloignée de Suez de quatre heures
environ. Je viens de l'accomplir en bonne et charmante
compagnie, mais dans des conditions qui n'ont pas été
exemptes de péripéties.
» Dimanche dernier, 5 juin, M. David, lieutenant de
vaisseau, commandant de la marine française à Suez,
chef de la partie dont cette lettre vous transmet le
récit, traita avec un certain Ismaïl pour nous procurer
une embarcation, deux matelots arabes et un raïs, pa-
tron que l'on suppose connaître la rade. Le rendez-vous
était sur le quai pour le lendemain, à 5 heures du
matin. Tout le monde fut exact; la journée était sou-
riante ; les visages n'étaient pas moins gais ; le vent
même était pour nous et soufflait comme à souhait. Il
y avait bien, il est vrai, du soleil à indiscrétion, per fas
et nefas, mais à Suez et au mois de juin, le soleil était
dans ses droits. Après avoir pris un café qui pouvait
bien être du moka et fumé pas mal de cigares qui
n'étaient pas aussi sûrement de la Havane, nous nous
embarquâmes sur une de ces longues barques arabes
non pontées, qui servent au cabotage de la mer Rouge.
Je viens de vous le dire, le vent était pour nous. Nous
passâmes rapidement devant le magnifique bassin des
Messageries impériales, creusé par les MM. Dussaud,
et deux heures et demie après notre départ, nous aper-
çûmes les oasis que fertilise la biblique fontaine. Il était
environ 1 heures trois quarts du matin quand la brise
nous quitta. En ce moment la mer était étale.-Pas le
moindre souffle n'enfle notre voile latine. Nouveaux
Tantales, le but de nos espérances est devant nos yeux
et nous ne pouvons l'atteindre ! A force d'encourage-
ments et de promesses de bakchis (cadeaux), — un mot
d'un effet merveilleux sur l'indolence arabe, et qui
peut à lui seul dispenser les Européens qui viennent
en Egypte de connaître la langue, du pays s'ils l'em-
ploient à propos, — les matelots consentent à prendre
les avirons et rament en accompagnant leurs mouve-
ments d'une chanson monotone : chacun dit un vers,
puis le couplet fini, ils recommencent sans fin. Celle-
ci, à ce que j'ai pu comprendre, a pour sujet un refus
d'aimer de la part d'une jeune et jaune fille du Caire.
Après avoir répété, je ne sais combien de fois, l'inter-
minable chanson, nos rameurs fatigués étaient fort
tentés de nous débarquer sur une petite presqu'île de
sable, d'où nous eussions eu au moins deux heures de
marche pour arriver. Mais comme, en définitive, ils ré-
fléchissent qu'ils auront à faire eux-mêmes le trajet
auquel ils nous obligeront, s'ils tiennent à profiter des
restes de notre dîner, — et ils y tiennent essentielle-
ment, — ils jugent à propos de nous amener le plus
près possible de la rive. Arrivés sur un banc de sable,
à un quart d'heure du rivage, on échoue l'embarcation
que l'eau ne portait plus, et nous prîmes un nouveau
moyen de locomotion pour gagner la terre. Ce moyen
consistait à être portés les uns après les autres sur les
épaules des Arabes; moyen renouvelé des Grecs, s'il
en fut, et qu'Enée et son père Anchise ont rendu clas-
sique. En cet endroit, la mer est pleine d'oursins, ce
qui rend ce genre de transport dangereux, car au
moindre faux pas, l'Arabe, avec ce sentiment de con-
servation personnelle qui lui est propre, vous envoie
sans façon prendre un bain pour ne pas se couper les
pieds. — Nous foulons maintenant la terre où se reposa
Moïse. Il fait un soleil à cuire des œufs d'autruche;
pas le plus petit arbre sous lequel un chrétien puisse
mettre sa pauvre tête à l'ombre, et une heure encore
avant d'arriver aux oasis!. Mais, comme dit l'Arabe :
Allah kerim ! Dieu est grand ! — Il s'agit maintenant
de savoir si l'on dînera et de quoi ! ! — L'appétit gagné
en mer ne nous rendra pas bien difficiles sur le menu.
Nous sommes sûrs, du moins, de ne pas mourir de
faim, car nous avons avec nous deux boîtes de sardi-
nes; tout ce qu'il en faut pour prouver que nous n'a-
vons pas tout à fait manqué de prévoyance. Mais, en-
c(,re une fois, Allah kerim ! il était écrit que nous dî-
nerions, et bien.
» Les oasis se rapprochent; les palmiers avec leurs
frais panaches semblent grandir. Nous apercevons une
magnifique allée de grenadiers chargés des plus beaux
fruits et nous courons nous y reposer. Une femme bé-
douine est le premier être vivant qui se présente à
nous. Elle nous fait les honneurs de son joli jardin,
parfaitement ombragé ; et l'on comprend aisément quels
charmes ont ces ombrages quand on vient, comme
nous l'étions, d'être rôtis à point. Au fond de ce jardin
est une espèce de varangue, où l'on pourrait dîner au
besoin. Pendant que je suis occupé à déchiffrer les
noms écrits sur les planches transversales qui simulent
ici des fenêtres, ces messieurs s'esquivent et me lais-
sent tranquillement écrire mon nom à côté de celui
d'un ami qui avant moi est venu faire ce pèlerinage.
Voici venir un petit garçon (sa mise ne permettait pas
de doute sur son sexe), qui, au moment où je me dis-
posais à sortir, m'offre deux roses, en me disant de sa
pr^s complétement isolées jusqu'ici du mouvement de
la civilisation. Ce n'est pas la première fois que nous
avons des témoignages de la sollicitude avec laquelle
on suit dans la péninsule arabique les progrès de
l'entreprise. Nous ne nous refusons pas en même
temps au plaisir de reproduire les lignes par les-
quelles le rédacteur de la feuille lyonnaise fait pré-
céder cette publication.
FLEURY.
« On se rappelle les communications intéressantes
dues, soit à la plume gracieuse et colorée de M. Hum-
bert Ferrand, soit à cette inépuisable obligeance qui
l'a porté souvent à nous faire part des richesses litté-
raires qu'une vaste correspondance fait tomber entre
ses mains. M, Ferrand nous adresse des lettres venues
d'Egypte que nous nous empressons de publier; nos
lecteurs les liront avec un plaisir d'autant plus vif
qu'elles n'étaient pas destinées à la publicité, que l'é-
crivain s'y fait moins voir, et qu'à travers le charme
du style on trouve l'abandon d'un ami qui cause sans
façon avec un ami. ED. FOUCAULT.
A M. Humbert Ferrand.
CI Suez, le 9 juin 1864.
» Je vous avais annoncé ma prochaine excursion à
la fontaine de Moïse, éloignée de Suez de quatre heures
environ. Je viens de l'accomplir en bonne et charmante
compagnie, mais dans des conditions qui n'ont pas été
exemptes de péripéties.
» Dimanche dernier, 5 juin, M. David, lieutenant de
vaisseau, commandant de la marine française à Suez,
chef de la partie dont cette lettre vous transmet le
récit, traita avec un certain Ismaïl pour nous procurer
une embarcation, deux matelots arabes et un raïs, pa-
tron que l'on suppose connaître la rade. Le rendez-vous
était sur le quai pour le lendemain, à 5 heures du
matin. Tout le monde fut exact; la journée était sou-
riante ; les visages n'étaient pas moins gais ; le vent
même était pour nous et soufflait comme à souhait. Il
y avait bien, il est vrai, du soleil à indiscrétion, per fas
et nefas, mais à Suez et au mois de juin, le soleil était
dans ses droits. Après avoir pris un café qui pouvait
bien être du moka et fumé pas mal de cigares qui
n'étaient pas aussi sûrement de la Havane, nous nous
embarquâmes sur une de ces longues barques arabes
non pontées, qui servent au cabotage de la mer Rouge.
Je viens de vous le dire, le vent était pour nous. Nous
passâmes rapidement devant le magnifique bassin des
Messageries impériales, creusé par les MM. Dussaud,
et deux heures et demie après notre départ, nous aper-
çûmes les oasis que fertilise la biblique fontaine. Il était
environ 1 heures trois quarts du matin quand la brise
nous quitta. En ce moment la mer était étale.-Pas le
moindre souffle n'enfle notre voile latine. Nouveaux
Tantales, le but de nos espérances est devant nos yeux
et nous ne pouvons l'atteindre ! A force d'encourage-
ments et de promesses de bakchis (cadeaux), — un mot
d'un effet merveilleux sur l'indolence arabe, et qui
peut à lui seul dispenser les Européens qui viennent
en Egypte de connaître la langue, du pays s'ils l'em-
ploient à propos, — les matelots consentent à prendre
les avirons et rament en accompagnant leurs mouve-
ments d'une chanson monotone : chacun dit un vers,
puis le couplet fini, ils recommencent sans fin. Celle-
ci, à ce que j'ai pu comprendre, a pour sujet un refus
d'aimer de la part d'une jeune et jaune fille du Caire.
Après avoir répété, je ne sais combien de fois, l'inter-
minable chanson, nos rameurs fatigués étaient fort
tentés de nous débarquer sur une petite presqu'île de
sable, d'où nous eussions eu au moins deux heures de
marche pour arriver. Mais comme, en définitive, ils ré-
fléchissent qu'ils auront à faire eux-mêmes le trajet
auquel ils nous obligeront, s'ils tiennent à profiter des
restes de notre dîner, — et ils y tiennent essentielle-
ment, — ils jugent à propos de nous amener le plus
près possible de la rive. Arrivés sur un banc de sable,
à un quart d'heure du rivage, on échoue l'embarcation
que l'eau ne portait plus, et nous prîmes un nouveau
moyen de locomotion pour gagner la terre. Ce moyen
consistait à être portés les uns après les autres sur les
épaules des Arabes; moyen renouvelé des Grecs, s'il
en fut, et qu'Enée et son père Anchise ont rendu clas-
sique. En cet endroit, la mer est pleine d'oursins, ce
qui rend ce genre de transport dangereux, car au
moindre faux pas, l'Arabe, avec ce sentiment de con-
servation personnelle qui lui est propre, vous envoie
sans façon prendre un bain pour ne pas se couper les
pieds. — Nous foulons maintenant la terre où se reposa
Moïse. Il fait un soleil à cuire des œufs d'autruche;
pas le plus petit arbre sous lequel un chrétien puisse
mettre sa pauvre tête à l'ombre, et une heure encore
avant d'arriver aux oasis!. Mais, comme dit l'Arabe :
Allah kerim ! Dieu est grand ! — Il s'agit maintenant
de savoir si l'on dînera et de quoi ! ! — L'appétit gagné
en mer ne nous rendra pas bien difficiles sur le menu.
Nous sommes sûrs, du moins, de ne pas mourir de
faim, car nous avons avec nous deux boîtes de sardi-
nes; tout ce qu'il en faut pour prouver que nous n'a-
vons pas tout à fait manqué de prévoyance. Mais, en-
c(,re une fois, Allah kerim ! il était écrit que nous dî-
nerions, et bien.
» Les oasis se rapprochent; les palmiers avec leurs
frais panaches semblent grandir. Nous apercevons une
magnifique allée de grenadiers chargés des plus beaux
fruits et nous courons nous y reposer. Une femme bé-
douine est le premier être vivant qui se présente à
nous. Elle nous fait les honneurs de son joli jardin,
parfaitement ombragé ; et l'on comprend aisément quels
charmes ont ces ombrages quand on vient, comme
nous l'étions, d'être rôtis à point. Au fond de ce jardin
est une espèce de varangue, où l'on pourrait dîner au
besoin. Pendant que je suis occupé à déchiffrer les
noms écrits sur les planches transversales qui simulent
ici des fenêtres, ces messieurs s'esquivent et me lais-
sent tranquillement écrire mon nom à côté de celui
d'un ami qui avant moi est venu faire ce pèlerinage.
Voici venir un petit garçon (sa mise ne permettait pas
de doute sur son sexe), qui, au moment où je me dis-
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