Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-06-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juin 1864 15 juin 1864
Description : 1864/06/15 (A9,N192). 1864/06/15 (A9,N192).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203323n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
272 L'ISTHME DE SUEZ,
les ateliers du ministère de la guerre et sur les chantiers
des arsenaux de Constantinople, de Gumlek, d'Isnid, de
Sinope, ou à la fabrique d'armes de Zeïtoun, près de
San Stéphano. Ceux qui sont au fait des ressorts admi-
nistratifs qui y fonctionnent savent bien que tous les
travaux extraordinaires qui s'y exécutent se font par le
travail forcé. Car, comme les caïdjis requis pour le ser-
vice du palais, on paye les ouvriers sur lesquels l'ad-
ministration met les mains ; mais leur salaire est déri-
soire ; partant, n'est-ce point là ce qui constitue la
corvée , puisqu'on les oblige à faire un travail qui leur
produit moins que celui qu'ils pourraient exécuter chez
eux en exerçant librement leur profession ?
» Rappelons cependant à la mémoire de ceux qui pa-
raissent l'avoir oubliée, la scène scandaleuse et révol-
tante qui eut lieu l'an dernier, sous les yeux d'un mi-
nistre de la Porte. Des tailleurs du Bazar et de la ville,
tous pour la plupart Bulgares ou Albanais, ayant été re-
quis pour confectionner les nouveaux uniformes de l'ar-
mée, furent bâtonnés dans la cour du séraskérat, en pré-
sence du ministre, qui assistait de ses fenêtres à l'exécu-
tion de ces pauvres diables. Le séraskier riait à gorge
déployée avec ses aides de camp à chaque coup de
courbach qui arrachait des cris à ces malheureux, en
leur enlevant des lambeaux de chair. La porte qui donne
accès au public avait été fermée par précaution, de
peur apparemment que quelque - Européen n'allât ra-
conter indiscrètement ce qu'il avait vu.
» Qui ne se souvient également de l'émeute qui eut
lieu à la fabrique d'armes de Zeytoun, et qui mit toute
la ville en émoi ? Les ouvriers militaires avaient fait
cause commune, et c'était là le côté grave de la chose,
avec les ouvriers civils, presque tous Arméniens, pour
se soustraire aux injustes exigences du gouvernement,
qui voulait les forcer à travailler alors que, ne rece-
vant point de salaire depuis plusieurs mois , ils ne pou-
vaient plus donner de pain à leurs enfants. Cernés par
les troupes d'élite que le ministre envoya à leur pour-
suite, menacés d'être fusillés, ils durent se rendre, c'est-
à-dire se soumettre au régime qu'on les force à endurer.
Les chefs furent emprisonnés.
» Comment se sont construits et comment se cons-
truisent tous ces palais qui bordent le Bosphore, tous
les établissements publics, casernes, etc., qui s'élèvent
dans l'intérieur de la ville et dans les environs ?
» Des sommes fabuleuses sont dues aux archi-
tectes et aux artistes auxquels on avait confié ces
travaux.
» Quant aux simples ouvriers employés à ces cons-
tructions ou à celles des grandes casernes qui sont l'or-
nement de la capitale, on n'a jamais songé à leur donner
un centime. Le pain noir que la liste civile ou le gou-
vernement était censé leur délivrer chaque jour n'ayant
point été payé, en général, des rixes ont eu lieu entre
les fournisseurs et eux. A bout de patience, ils atten-
dirent un jour le sultan sur son passage. Ils ne purent
se faire entendre, et l'autorité reçut leur requête à coups
de trique. Plusieurs d'entre eux furent jetés en prison.
Ces scènes se sont reproduites à différentes reprises ;
mais les cris de détresse ont toujours été étouffés.
» N'est-ce point là un genre de corvée autrement
horrible que celui qui se pratique en Egypte? Elle se
pratique à Constantinople, sous les yeux de l'autorité
et du signataire de la fameuse note du 6 avril.
» Dans une autre lettre, s'il le faut, nous dirons com-
ment on conduit, en Turquie, les travaux des mines et
des ponts et chaussées. Pour le moment nous nous bor-
nons à faire observer que la Porte soutient naturelle-
ment, dans l'intérêt de la cause, que le travail forcé a
été aboli depuis longtemps dans l'empire. Mise en de-
meure de montrer le décret qui le défend, elle s'est tue
et a avoué ainsi que cette fameuse loi n'a jamais
existé.
D N'avons-nous pas lu dans certains journaux, à
l'approche de la note que la Porte se proposait de
lancer en Europe, que dans telle province, tel vil-
lage, les habitants renonçaient généreusement en
faveur du trésor obéré à telle somme que le gouver-
nement leur devait pour des travaux ou des fournitu-
res? Tout ce bruit n'était qu'une comédie. Ces re-
nonciations forcées et ostensibles n'étaient exigées de
la part des autorités des provinces que pour masquer
le véritable état des choses à l'intérieur, et donner
quelque apparence de raison au célèbre document.
» Ce document était le résultat d'une véritable cons-
piration contre l'influence et les intérêts de la
France.
» Nous ne concevons point, en vérité, qu'on ait si vite
oublié, à peine au lendemain de la guerre de Crimée,
les sacrifices que la France s'est imposés pour sauver
la Turquie. Il y a des personnes qui prétendent que
ce qui s'est passé à Djeddah, que les massacres de Sy-
rie ont été la conséquence, non calculée sans doute,
mais forcée, de la politique de l'Angleterre, flattant les
passions de la Turquie, en opposition à la politique de
la France; ces personnes regrettent qu'on ne songe
point à rattacher ce qui se déroule aujourd'hui au
Maroc, en Algérie, et les événements dont la Tunisie
est le théâtre, à un plan général, conçu par l'Angle-
terre, et que la Porte s'est chargée volontiers d'exé-
cuter.
» Nous n'allons pas jusque-là, mais nous livrons ces
quelques mots aux réflexions de ceux qui se sont faits
les défenseurs de la note du 6 avril. Si leur pa-
triotisme ne se réveille point enfin, ce ne sera pas faute
de les avoir averties. »
Les faits que notre correspondant signale sont
précis. Ils n'auront certainement pas le bonheur
d'attirer la plus légère attention des ministres an-
glais, ni d'émouvoir la philanthropie de M. Grif-
fith ou celle de lord Palmerston , que le sort
des fellahs dans les chantiers de l'isthme a si
souvent sollicitée.
M. Griffith, pour être conséquent avec lui-même,
les ateliers du ministère de la guerre et sur les chantiers
des arsenaux de Constantinople, de Gumlek, d'Isnid, de
Sinope, ou à la fabrique d'armes de Zeïtoun, près de
San Stéphano. Ceux qui sont au fait des ressorts admi-
nistratifs qui y fonctionnent savent bien que tous les
travaux extraordinaires qui s'y exécutent se font par le
travail forcé. Car, comme les caïdjis requis pour le ser-
vice du palais, on paye les ouvriers sur lesquels l'ad-
ministration met les mains ; mais leur salaire est déri-
soire ; partant, n'est-ce point là ce qui constitue la
corvée , puisqu'on les oblige à faire un travail qui leur
produit moins que celui qu'ils pourraient exécuter chez
eux en exerçant librement leur profession ?
» Rappelons cependant à la mémoire de ceux qui pa-
raissent l'avoir oubliée, la scène scandaleuse et révol-
tante qui eut lieu l'an dernier, sous les yeux d'un mi-
nistre de la Porte. Des tailleurs du Bazar et de la ville,
tous pour la plupart Bulgares ou Albanais, ayant été re-
quis pour confectionner les nouveaux uniformes de l'ar-
mée, furent bâtonnés dans la cour du séraskérat, en pré-
sence du ministre, qui assistait de ses fenêtres à l'exécu-
tion de ces pauvres diables. Le séraskier riait à gorge
déployée avec ses aides de camp à chaque coup de
courbach qui arrachait des cris à ces malheureux, en
leur enlevant des lambeaux de chair. La porte qui donne
accès au public avait été fermée par précaution, de
peur apparemment que quelque - Européen n'allât ra-
conter indiscrètement ce qu'il avait vu.
» Qui ne se souvient également de l'émeute qui eut
lieu à la fabrique d'armes de Zeytoun, et qui mit toute
la ville en émoi ? Les ouvriers militaires avaient fait
cause commune, et c'était là le côté grave de la chose,
avec les ouvriers civils, presque tous Arméniens, pour
se soustraire aux injustes exigences du gouvernement,
qui voulait les forcer à travailler alors que, ne rece-
vant point de salaire depuis plusieurs mois , ils ne pou-
vaient plus donner de pain à leurs enfants. Cernés par
les troupes d'élite que le ministre envoya à leur pour-
suite, menacés d'être fusillés, ils durent se rendre, c'est-
à-dire se soumettre au régime qu'on les force à endurer.
Les chefs furent emprisonnés.
» Comment se sont construits et comment se cons-
truisent tous ces palais qui bordent le Bosphore, tous
les établissements publics, casernes, etc., qui s'élèvent
dans l'intérieur de la ville et dans les environs ?
» Des sommes fabuleuses sont dues aux archi-
tectes et aux artistes auxquels on avait confié ces
travaux.
» Quant aux simples ouvriers employés à ces cons-
tructions ou à celles des grandes casernes qui sont l'or-
nement de la capitale, on n'a jamais songé à leur donner
un centime. Le pain noir que la liste civile ou le gou-
vernement était censé leur délivrer chaque jour n'ayant
point été payé, en général, des rixes ont eu lieu entre
les fournisseurs et eux. A bout de patience, ils atten-
dirent un jour le sultan sur son passage. Ils ne purent
se faire entendre, et l'autorité reçut leur requête à coups
de trique. Plusieurs d'entre eux furent jetés en prison.
Ces scènes se sont reproduites à différentes reprises ;
mais les cris de détresse ont toujours été étouffés.
» N'est-ce point là un genre de corvée autrement
horrible que celui qui se pratique en Egypte? Elle se
pratique à Constantinople, sous les yeux de l'autorité
et du signataire de la fameuse note du 6 avril.
» Dans une autre lettre, s'il le faut, nous dirons com-
ment on conduit, en Turquie, les travaux des mines et
des ponts et chaussées. Pour le moment nous nous bor-
nons à faire observer que la Porte soutient naturelle-
ment, dans l'intérêt de la cause, que le travail forcé a
été aboli depuis longtemps dans l'empire. Mise en de-
meure de montrer le décret qui le défend, elle s'est tue
et a avoué ainsi que cette fameuse loi n'a jamais
existé.
D N'avons-nous pas lu dans certains journaux, à
l'approche de la note que la Porte se proposait de
lancer en Europe, que dans telle province, tel vil-
lage, les habitants renonçaient généreusement en
faveur du trésor obéré à telle somme que le gouver-
nement leur devait pour des travaux ou des fournitu-
res? Tout ce bruit n'était qu'une comédie. Ces re-
nonciations forcées et ostensibles n'étaient exigées de
la part des autorités des provinces que pour masquer
le véritable état des choses à l'intérieur, et donner
quelque apparence de raison au célèbre document.
» Ce document était le résultat d'une véritable cons-
piration contre l'influence et les intérêts de la
France.
» Nous ne concevons point, en vérité, qu'on ait si vite
oublié, à peine au lendemain de la guerre de Crimée,
les sacrifices que la France s'est imposés pour sauver
la Turquie. Il y a des personnes qui prétendent que
ce qui s'est passé à Djeddah, que les massacres de Sy-
rie ont été la conséquence, non calculée sans doute,
mais forcée, de la politique de l'Angleterre, flattant les
passions de la Turquie, en opposition à la politique de
la France; ces personnes regrettent qu'on ne songe
point à rattacher ce qui se déroule aujourd'hui au
Maroc, en Algérie, et les événements dont la Tunisie
est le théâtre, à un plan général, conçu par l'Angle-
terre, et que la Porte s'est chargée volontiers d'exé-
cuter.
» Nous n'allons pas jusque-là, mais nous livrons ces
quelques mots aux réflexions de ceux qui se sont faits
les défenseurs de la note du 6 avril. Si leur pa-
triotisme ne se réveille point enfin, ce ne sera pas faute
de les avoir averties. »
Les faits que notre correspondant signale sont
précis. Ils n'auront certainement pas le bonheur
d'attirer la plus légère attention des ministres an-
glais, ni d'émouvoir la philanthropie de M. Grif-
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