Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-06-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juin 1864 15 juin 1864
Description : 1864/06/15 (A9,N192). 1864/06/15 (A9,N192).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203323n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 271
est tellement inféodé dans les habitudes administratives
de l'empire, qu'en plein Constantinople on y a recours
à chaque instant de la journée et sous les yeux de tout
le monde, sans que personne ait jamais songé à s'en
plaindre.
» Ce serait fort bien si l'entretien de la propreté
des rues restait purement et simplement à la charge
des propriétaires. Mais à défaut d'institutions munici-
pales, qui n'existent encore à Péra et à Galata qu'à
l'état d'embryon, la police contraint , le courbach en
main, les boutiquiers, épiciers, chrétiens pour la plu-
part, à balayer les rues. Chaque matin, on voit des
escouades de pauvres habitants, sous la conduite des
zaptiés, ramasser au milieu des rues les ordures et les
immondices que des juifs sont obligés de transporter
ensuite dans des confies ou dans des brouettes que
les hommes de police parviennent à découvrir dans le
quartier. Pour se soustraire à cette ignoble servitude,
il suffit de jeter quelques piastres à l'avidité du zaptié,
qui n'a, pour la plupart du temps, depuis quelques an-
nées, d'autres ressources que celles qu'il parvient à se
procurer en soutirant, de la sorte, ce qu'il peut de ceux
qui sont assez heureux pour pouvoir se soustraire ainsi
à cette criante avanie.
» Quand le sultan doit sortir de son palais, à part
l'allée qui longe le serai, et que les valets des écuries
impériales sont tenus de rapproprier, les rues adjacen-
tes et toutes celles que doit parcourir le cortége sont
nettoyées par le peuple. Il en est de même quand on
va procéder soit à l'installation d'un nouveau grand
vizir, soit à la réception d'un grand personnage à la
Porte, ou simplement lorsque le ministre de la police
dirige sa tournée dans telle partie de la ville : le quar-
tier de Backtché Capoussou que doit traverser l'illustre
personnage et celui où se rend le haut fonctionnaire
sont en émoi. Tout le monde est sur pied. Il faut voir
comment on se dépêche : les coups de trique stimulent
le zèle des uns, et le courbach fait marcher les autres.
Mais de salaire, il n'en est point question.
« J'engage ceux qui prétendent que le travail n'a
jamais été obligatoire dans l'empire ottoman, à ouvrir
le Moniteur ottoman et à lire la description officielle des
voyages que le sultan Mahmoud et le sultan Abd-ul-
Medjid firent en Turquie d'Europe. Ils y verront que
des populations entières furent déplacées, et occupées
durant quarante-cinq jours à mettre les routes en état.
Les frais de séjour dans les différentes villes que visi-
tèrent ces souverains sont restés à la charge de leurs
habitants. Ce que dévorèrent les milliers de gens qui
faisaient partie de leur cortège, est incalculable. Ce
fut un véritable fléau, et les paysans ne s'en souvien-
nent qu'avec terreur.
» Les habitants de Yalova, village des environs d'Is-
mid, n'ont pas oublié davantage ce que leur à coûté la
fantaisie que la sultane Validé, mère de feu Abd-ul-Med-
jid, eut un jour de venir prendre les bains. C'était l'é-
poque des récoltes, et ces pauvres gens durent quitter
leurs champs pour se tenir à la disposition de cette
princesse, qui ne marchait qu'en litière, et à celle de
sa suite et de ses eunuques.
« Il est vrai que ces détails, qui sont des aveux au-
jourd'hui, pouvaient être publiés à cette époque sans
danger. Il n'était point encore question de Suez, et lé
rédacteur du journal officiel de l'empire ottoman ne
pensait point qu'un jour ses successeurs auraient à
prouver que le travail forcé n'a jamais existé en Tur-
quie.
» Je ne rappellerai point no plus l'enthousiasme
d'emprunt avec lequel les habitants de Constantinople
fêtèrent le retour du sultan Abd-ul-Azis d'Egypte. Les
frais d'illumination, et ils étaient obligatoires, sont res-
tés à la charge de chacun. Les soldats exigeaient dans
les maisons qu'on leur livrât l'huile qui leur était
nécessaire. On prétend que des officiers en firent l'ob-
jet d'une spéculation. Ceux qui ont pu se soustraire à
cette obligation s'en sont fort mal trouvés.
» Ne sait-on donc pas également l'anxiété dans la-
quelle sont les familles quand, l'été venu, chacun fait
son déménagement à la campagne. Si l'on n'est pas
ambassadeur, ou si l'on n'a point eu le bonheur,
moyennant un bakchich, d'obtenir un sauf-conduit spé-
cial, les meubles que l'on transporte peuvent bien res-
ter exposés à la pluie durant plusieurs heures sur la
grande route, si, par malheur, des troupes, passant par
la et trouvant tout simple de s'alléger de ce qu'elles
portent à leur caserne, obligent les arabadji à déchar-
ger leur voiture pour se mettre à la disposition des
officiers qui les ont requis.
» Il ne se passe pas de jours qu'on ne requière à Top-
hané les portefaix qui se tiennent dans ces parages pour
embarquer ou débarquer le matériel de l'artillerie.
» Le ministre de la marine s'y prend d'une façon
charmante quand il a besoin de monde. Ce sont de
temps en temps de véritables razias que l'on opère.
Malheur aux caïdjis ou aux portefaix qui tentent d'évi-
ter de tomber dans les filets des hommes qu'il lance à
leurs trousses. Les matelots s'emparent d'eux et les con-
duisent de force à l'arsenal, où, bon gré mal gré, il
faut qu'ils travaillent, et dont ils ne peuvent plus sortir
de la journée. Ces razias se répètent si souvent qu'il se
fait, à de certaines heures de jours connus, le vide à
une lieue à la ronde autour de l'arsenal, tant chacun
redoute d'être mis à contribution. Les caïdjis musul-
mans, seuls, sont presque toujours exceptés ; quant
aux autres, ils désertent en général pour ce motif cette
échelle et celles qui avoisinent, et les abandonnent aux
Juifs. Par exemple, aucun d'eux n'échappe au nubet,
c'est-à-dire aux réquisitions pour le service du palais,
des ministres et des hauts fonctionnaires en place. La
corporation des caïdjis et les propriétaires des mahones
sont tenus de fournir un certain contingent d'hommes
et d'embarcations, le vendredi et les jours de fête, pour
la maison du sultan, et dans le courant de l'année
pour les besoins du service de la guerre, de la marine
et des ministres. Les caïdjis et lesmalzonarljis y sont ha-
bitués, comme les Israélites et les chrétiens, la plupart
du temps, auxquels est dévolu le balayage des rues,
sont chargés de la voirie publique. La profession de
batelier ne s'exerce qu'à cette condition.
» On ignore généralement ce qui se pratique dans
est tellement inféodé dans les habitudes administratives
de l'empire, qu'en plein Constantinople on y a recours
à chaque instant de la journée et sous les yeux de tout
le monde, sans que personne ait jamais songé à s'en
plaindre.
» Ce serait fort bien si l'entretien de la propreté
des rues restait purement et simplement à la charge
des propriétaires. Mais à défaut d'institutions munici-
pales, qui n'existent encore à Péra et à Galata qu'à
l'état d'embryon, la police contraint , le courbach en
main, les boutiquiers, épiciers, chrétiens pour la plu-
part, à balayer les rues. Chaque matin, on voit des
escouades de pauvres habitants, sous la conduite des
zaptiés, ramasser au milieu des rues les ordures et les
immondices que des juifs sont obligés de transporter
ensuite dans des confies ou dans des brouettes que
les hommes de police parviennent à découvrir dans le
quartier. Pour se soustraire à cette ignoble servitude,
il suffit de jeter quelques piastres à l'avidité du zaptié,
qui n'a, pour la plupart du temps, depuis quelques an-
nées, d'autres ressources que celles qu'il parvient à se
procurer en soutirant, de la sorte, ce qu'il peut de ceux
qui sont assez heureux pour pouvoir se soustraire ainsi
à cette criante avanie.
» Quand le sultan doit sortir de son palais, à part
l'allée qui longe le serai, et que les valets des écuries
impériales sont tenus de rapproprier, les rues adjacen-
tes et toutes celles que doit parcourir le cortége sont
nettoyées par le peuple. Il en est de même quand on
va procéder soit à l'installation d'un nouveau grand
vizir, soit à la réception d'un grand personnage à la
Porte, ou simplement lorsque le ministre de la police
dirige sa tournée dans telle partie de la ville : le quar-
tier de Backtché Capoussou que doit traverser l'illustre
personnage et celui où se rend le haut fonctionnaire
sont en émoi. Tout le monde est sur pied. Il faut voir
comment on se dépêche : les coups de trique stimulent
le zèle des uns, et le courbach fait marcher les autres.
Mais de salaire, il n'en est point question.
« J'engage ceux qui prétendent que le travail n'a
jamais été obligatoire dans l'empire ottoman, à ouvrir
le Moniteur ottoman et à lire la description officielle des
voyages que le sultan Mahmoud et le sultan Abd-ul-
Medjid firent en Turquie d'Europe. Ils y verront que
des populations entières furent déplacées, et occupées
durant quarante-cinq jours à mettre les routes en état.
Les frais de séjour dans les différentes villes que visi-
tèrent ces souverains sont restés à la charge de leurs
habitants. Ce que dévorèrent les milliers de gens qui
faisaient partie de leur cortège, est incalculable. Ce
fut un véritable fléau, et les paysans ne s'en souvien-
nent qu'avec terreur.
» Les habitants de Yalova, village des environs d'Is-
mid, n'ont pas oublié davantage ce que leur à coûté la
fantaisie que la sultane Validé, mère de feu Abd-ul-Med-
jid, eut un jour de venir prendre les bains. C'était l'é-
poque des récoltes, et ces pauvres gens durent quitter
leurs champs pour se tenir à la disposition de cette
princesse, qui ne marchait qu'en litière, et à celle de
sa suite et de ses eunuques.
« Il est vrai que ces détails, qui sont des aveux au-
jourd'hui, pouvaient être publiés à cette époque sans
danger. Il n'était point encore question de Suez, et lé
rédacteur du journal officiel de l'empire ottoman ne
pensait point qu'un jour ses successeurs auraient à
prouver que le travail forcé n'a jamais existé en Tur-
quie.
» Je ne rappellerai point no plus l'enthousiasme
d'emprunt avec lequel les habitants de Constantinople
fêtèrent le retour du sultan Abd-ul-Azis d'Egypte. Les
frais d'illumination, et ils étaient obligatoires, sont res-
tés à la charge de chacun. Les soldats exigeaient dans
les maisons qu'on leur livrât l'huile qui leur était
nécessaire. On prétend que des officiers en firent l'ob-
jet d'une spéculation. Ceux qui ont pu se soustraire à
cette obligation s'en sont fort mal trouvés.
» Ne sait-on donc pas également l'anxiété dans la-
quelle sont les familles quand, l'été venu, chacun fait
son déménagement à la campagne. Si l'on n'est pas
ambassadeur, ou si l'on n'a point eu le bonheur,
moyennant un bakchich, d'obtenir un sauf-conduit spé-
cial, les meubles que l'on transporte peuvent bien res-
ter exposés à la pluie durant plusieurs heures sur la
grande route, si, par malheur, des troupes, passant par
la et trouvant tout simple de s'alléger de ce qu'elles
portent à leur caserne, obligent les arabadji à déchar-
ger leur voiture pour se mettre à la disposition des
officiers qui les ont requis.
» Il ne se passe pas de jours qu'on ne requière à Top-
hané les portefaix qui se tiennent dans ces parages pour
embarquer ou débarquer le matériel de l'artillerie.
» Le ministre de la marine s'y prend d'une façon
charmante quand il a besoin de monde. Ce sont de
temps en temps de véritables razias que l'on opère.
Malheur aux caïdjis ou aux portefaix qui tentent d'évi-
ter de tomber dans les filets des hommes qu'il lance à
leurs trousses. Les matelots s'emparent d'eux et les con-
duisent de force à l'arsenal, où, bon gré mal gré, il
faut qu'ils travaillent, et dont ils ne peuvent plus sortir
de la journée. Ces razias se répètent si souvent qu'il se
fait, à de certaines heures de jours connus, le vide à
une lieue à la ronde autour de l'arsenal, tant chacun
redoute d'être mis à contribution. Les caïdjis musul-
mans, seuls, sont presque toujours exceptés ; quant
aux autres, ils désertent en général pour ce motif cette
échelle et celles qui avoisinent, et les abandonnent aux
Juifs. Par exemple, aucun d'eux n'échappe au nubet,
c'est-à-dire aux réquisitions pour le service du palais,
des ministres et des hauts fonctionnaires en place. La
corporation des caïdjis et les propriétaires des mahones
sont tenus de fournir un certain contingent d'hommes
et d'embarcations, le vendredi et les jours de fête, pour
la maison du sultan, et dans le courant de l'année
pour les besoins du service de la guerre, de la marine
et des ministres. Les caïdjis et lesmalzonarljis y sont ha-
bitués, comme les Israélites et les chrétiens, la plupart
du temps, auxquels est dévolu le balayage des rues,
sont chargés de la voirie publique. La profession de
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