Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-06-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juin 1864 15 juin 1864
Description : 1864/06/15 (A9,N192). 1864/06/15 (A9,N192).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203323n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 269
environ, et auxquelles, encouragés au dehors et sou-
tenus par les Monténégrins, ils voulurent se soustraire?
Impuissante à réprimer leur insolence ou plutôt peu
désireuse au fond d'abattre leur orgueil, la Porte a
abandonné de nouveau ces populations à la servi-
tude la plus intolérable. Les ministres ottomans
repoussant, comme contraire à l'esprit et à la lettre
du traité de Paris, la proposition de la diplomatie eu-
ropéenne, confièrent à Méhémet-Kibrisly pacha, la
mission d'aller inspecter ces provinces. Elle resta sans
résultat, ainsi que cela devait être. Mais la faute en
revient moins au commissaire extraordinaire, un des
hommes d'État les plus honnêtes et les plus distingués
de la Turquie, qu'au mauvais vouloir calculé des gens
intéressés au maintien du statu quo, dont on l'avait
préalablement obligé à s'entourer, et qui l'accompa-
gnèrent, en effet, durant toute sa tournée d'inspection.
» Il n'y a pas de gouverneur de province, pas d'armée
turque en voyage qui ne mette à contribution, qui
n'arrache à leurs foyers, à leurs villages, hommes,
femmes et enfants pour les besoins de son service,
pour le transport du matériel. Le souvenir de ce que
firent les généraux turcs, dans les récentes campagnes,
est présent à la mémoire de tout le monde. Les jour-
naux de Constantinople et ceux d'Europe retentis-
saient naguère du nom de Zeynel pacha et des vexa-
tions qu'il commettait dans son gouvernement de
Nich; vexations et abus de la force qui furent poussés
si loin que les populations bulgares de ces contrées
émigrèrent en masse en Serbie, particulièrement à
cause des violences qu'on exerçait sur elles pour les
contraindre à servir gratuitement le pacha et ses agents.
» Les rapports que les consuls adressèrent à Cons-
tantinople en font foi. La Porte a prétendu, depuis,
pour justifier la conduite de ce gouverneur et celle des au-
tres, que les habitants se prêtent volontairement à tout
ce qu'on exige d'eux ; et elle en donne pour preuve
les lettres qu'elle se fait adresser de temps à autre, et
dans lesquelles, sur les conseils des évêques et sous la
pression de la terreur qu'inspirent généralement les
employés de la Porte, ils expriment leur contentement
et le désir qu'ils ont de vivre éternellement sous l'égide
protectrice de leur bienfaiteur et maître le sultan, et
sous la paternelle administration de leurs gouver-
nants. Mais on sait comment s'obtiennent ces masbata :
le pacha les rédige, les remet aux évêques qui les
passent ensuite aux membres du conseil provincial,
composé de ses créatures, qui se garderaient bien d'en-
courir sa colère ou de s'exposer par leur refus à perdre
sa bienveillance.
» Pendant la guerre d'Orient l'armée française rému-
nérait les Bulgares qu'elle employait au transport du
matériel de l'intendance. C'est en souvenir des égards
dont ils furent l'objet de la part de nos soldats et de
nos officiers, et pour se soustraire aussi bien aux ser-
vitudes que leur imposent les Turcs qu'aux vexations
de toute nature auxquelles ils sont en butte de leur
part, qu'on doit certainement le mouvement en faveur
du catholicisme qui s'est manifesté chez eux dans ces
derniers temps. Le gouvernement turc n'agit point de
cette façon. Il use de violence et s'aliène de plus en
plus l'esprit de ces douces populations. Quand un pacha
ou un haut employé de la Porte voyage dans ce pays
et qu'il s'agit de passer les Balkans, on requiert pu-
rement et simplement un nombre suffisant de bulgares
et on les attelle à la voilure du pacha et à celles des
gens de sa suite. Nous connaissons tel voyageur auquel
le gouverneur de telle province voulut faire une sem-
blable galanterie; mais nous nous empressons d'ajouter
que le titre de Français, qu'il a l'honneur de porter,
lui fit refuser une pareille condescendance. Les An-
glais, qui voyagent en Orient, n'y regardent pas de si
près : vous me permettrez de ne pas en dire davantage
par égard pour un des derniers représentants de S. M.
la reine d'Angleterre à Constantinople, et pour d'autres
illustres personnages anglais.
» Qui ne se rappelle encore que dans la guerre que
la Turquie a soutenue contre le Monténégro, les Alba-
nais, ainsi que tous les Slaves catholiques de l'Ouest
furent mis à contribution ? Ils s'y prêtèrent de bonne
grâce pour montrer le sentiment de fidélité dont ils
étaient animés envers leur souverain, et poussèrent le
dévouement jusqu'à abandonner ce qui leur était dû
pour leurs peines, ne réclamant du serdar Ekrem-Omer
pacha que le montant des avances en nature qu'ils
avaient faites. Le prince Bib-Doda, des Mirdites, vint à
Constantinople. Il y demeura jusqu'à l'année dernière,
mais toutes ses instances et toutes ses réclamations
restèrent infructueuses.
» Comment les Turcs ont-ils construit récemment la
route stratégique du Monténégro, et de quelle manière
se sont élevés les fortins qui la bordent ? De la
façon la plus simple, la plus économique : par le
travail forcé et la corvée dans la plus dure acception
du mot. Les troupes turques faisaient, à plusieurs lieues
à la ronde, des razias de paysans désarmés, qu'on nous
passe l'expression. Ils les menaient sur la route, et, le
fusil d'une main, la pipe de l'autre, les obligeaient à
prendre la pelle ou la truelle. Il est vrai que, sur les
conseils de sir H. Bulwer, la Porte, afin de masquer
sa conduite, fit croire qu'elle payait les populations
qui contribuaient à ces travaux ; mais ce qui prouve le
contraire, c'est qu'on lut plus tard dans le Journal de
Constantinople, que, pour venir en aide au trésor otto-
man obéré, elles avaient renoncé spontanément au sa-
laire qui était censé leur revenir. Nous jurerions que
ces fortins ont été démolis ces jours passés par le même
procédé que l'autorité militaire avait employé à les
construire.
» C'est de la sorte, je vous le répète, et par ce moyen
très-économique, vous le reconnaîtrez, que le gouverne-
ment turc paye les contribuables des provinces, qui,
de bonne foi, lui font des avances, ou, qui, de gré ou
de force, lui consacrent des journées et des mois de
travail.
» Qu'on ne vienne pas dire que ce sont là des abus
que la Porte, avec la meilleure volonté du monde, n'a
pas pu déraciner. Cet aveu même serait la condamna-
tion de ceux qui prétendent que le travail forcé n'existe
environ, et auxquelles, encouragés au dehors et sou-
tenus par les Monténégrins, ils voulurent se soustraire?
Impuissante à réprimer leur insolence ou plutôt peu
désireuse au fond d'abattre leur orgueil, la Porte a
abandonné de nouveau ces populations à la servi-
tude la plus intolérable. Les ministres ottomans
repoussant, comme contraire à l'esprit et à la lettre
du traité de Paris, la proposition de la diplomatie eu-
ropéenne, confièrent à Méhémet-Kibrisly pacha, la
mission d'aller inspecter ces provinces. Elle resta sans
résultat, ainsi que cela devait être. Mais la faute en
revient moins au commissaire extraordinaire, un des
hommes d'État les plus honnêtes et les plus distingués
de la Turquie, qu'au mauvais vouloir calculé des gens
intéressés au maintien du statu quo, dont on l'avait
préalablement obligé à s'entourer, et qui l'accompa-
gnèrent, en effet, durant toute sa tournée d'inspection.
» Il n'y a pas de gouverneur de province, pas d'armée
turque en voyage qui ne mette à contribution, qui
n'arrache à leurs foyers, à leurs villages, hommes,
femmes et enfants pour les besoins de son service,
pour le transport du matériel. Le souvenir de ce que
firent les généraux turcs, dans les récentes campagnes,
est présent à la mémoire de tout le monde. Les jour-
naux de Constantinople et ceux d'Europe retentis-
saient naguère du nom de Zeynel pacha et des vexa-
tions qu'il commettait dans son gouvernement de
Nich; vexations et abus de la force qui furent poussés
si loin que les populations bulgares de ces contrées
émigrèrent en masse en Serbie, particulièrement à
cause des violences qu'on exerçait sur elles pour les
contraindre à servir gratuitement le pacha et ses agents.
» Les rapports que les consuls adressèrent à Cons-
tantinople en font foi. La Porte a prétendu, depuis,
pour justifier la conduite de ce gouverneur et celle des au-
tres, que les habitants se prêtent volontairement à tout
ce qu'on exige d'eux ; et elle en donne pour preuve
les lettres qu'elle se fait adresser de temps à autre, et
dans lesquelles, sur les conseils des évêques et sous la
pression de la terreur qu'inspirent généralement les
employés de la Porte, ils expriment leur contentement
et le désir qu'ils ont de vivre éternellement sous l'égide
protectrice de leur bienfaiteur et maître le sultan, et
sous la paternelle administration de leurs gouver-
nants. Mais on sait comment s'obtiennent ces masbata :
le pacha les rédige, les remet aux évêques qui les
passent ensuite aux membres du conseil provincial,
composé de ses créatures, qui se garderaient bien d'en-
courir sa colère ou de s'exposer par leur refus à perdre
sa bienveillance.
» Pendant la guerre d'Orient l'armée française rému-
nérait les Bulgares qu'elle employait au transport du
matériel de l'intendance. C'est en souvenir des égards
dont ils furent l'objet de la part de nos soldats et de
nos officiers, et pour se soustraire aussi bien aux ser-
vitudes que leur imposent les Turcs qu'aux vexations
de toute nature auxquelles ils sont en butte de leur
part, qu'on doit certainement le mouvement en faveur
du catholicisme qui s'est manifesté chez eux dans ces
derniers temps. Le gouvernement turc n'agit point de
cette façon. Il use de violence et s'aliène de plus en
plus l'esprit de ces douces populations. Quand un pacha
ou un haut employé de la Porte voyage dans ce pays
et qu'il s'agit de passer les Balkans, on requiert pu-
rement et simplement un nombre suffisant de bulgares
et on les attelle à la voilure du pacha et à celles des
gens de sa suite. Nous connaissons tel voyageur auquel
le gouverneur de telle province voulut faire une sem-
blable galanterie; mais nous nous empressons d'ajouter
que le titre de Français, qu'il a l'honneur de porter,
lui fit refuser une pareille condescendance. Les An-
glais, qui voyagent en Orient, n'y regardent pas de si
près : vous me permettrez de ne pas en dire davantage
par égard pour un des derniers représentants de S. M.
la reine d'Angleterre à Constantinople, et pour d'autres
illustres personnages anglais.
» Qui ne se rappelle encore que dans la guerre que
la Turquie a soutenue contre le Monténégro, les Alba-
nais, ainsi que tous les Slaves catholiques de l'Ouest
furent mis à contribution ? Ils s'y prêtèrent de bonne
grâce pour montrer le sentiment de fidélité dont ils
étaient animés envers leur souverain, et poussèrent le
dévouement jusqu'à abandonner ce qui leur était dû
pour leurs peines, ne réclamant du serdar Ekrem-Omer
pacha que le montant des avances en nature qu'ils
avaient faites. Le prince Bib-Doda, des Mirdites, vint à
Constantinople. Il y demeura jusqu'à l'année dernière,
mais toutes ses instances et toutes ses réclamations
restèrent infructueuses.
» Comment les Turcs ont-ils construit récemment la
route stratégique du Monténégro, et de quelle manière
se sont élevés les fortins qui la bordent ? De la
façon la plus simple, la plus économique : par le
travail forcé et la corvée dans la plus dure acception
du mot. Les troupes turques faisaient, à plusieurs lieues
à la ronde, des razias de paysans désarmés, qu'on nous
passe l'expression. Ils les menaient sur la route, et, le
fusil d'une main, la pipe de l'autre, les obligeaient à
prendre la pelle ou la truelle. Il est vrai que, sur les
conseils de sir H. Bulwer, la Porte, afin de masquer
sa conduite, fit croire qu'elle payait les populations
qui contribuaient à ces travaux ; mais ce qui prouve le
contraire, c'est qu'on lut plus tard dans le Journal de
Constantinople, que, pour venir en aide au trésor otto-
man obéré, elles avaient renoncé spontanément au sa-
laire qui était censé leur revenir. Nous jurerions que
ces fortins ont été démolis ces jours passés par le même
procédé que l'autorité militaire avait employé à les
construire.
» C'est de la sorte, je vous le répète, et par ce moyen
très-économique, vous le reconnaîtrez, que le gouverne-
ment turc paye les contribuables des provinces, qui,
de bonne foi, lui font des avances, ou, qui, de gré ou
de force, lui consacrent des journées et des mois de
travail.
» Qu'on ne vienne pas dire que ce sont là des abus
que la Porte, avec la meilleure volonté du monde, n'a
pas pu déraciner. Cet aveu même serait la condamna-
tion de ceux qui prétendent que le travail forcé n'existe
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.93%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.93%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 5/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6203323n/f5.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6203323n/f5.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6203323n/f5.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6203323n
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6203323n
Facebook
Twitter