Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-06-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 juin 1864 01 juin 1864
Description : 1864/06/01 (A9,N191). 1864/06/01 (A9,N191).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62033227
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 261
CONFÉRENCES DE 1. FERDINAND DE LESSEPS
Sur le canal maritime de Suez,
SALLE DE LA RUE DE LA PAIX.
(Suite. — Voir le numéro du 15 mai.) «'
PREMIÈRE CONFÉRENCE.
Séance du 26 janvier 4864.
(Sténographiée par M. Sabbatier, sténographe au Corps
législatif.)
En présence de l'opposition du gouvernement an-
glais, il ne convenait pas de solliciter l'intervention
du gouvernement français. C'eût été faire naître
mal à propos une question politique; nous devions
attendre que des intérêts commerciaux et industriels
fussent engagés dans l'entreprise pour invoquer une
protection nationale dans le cas où une hostilité étran-
gère voudrait porter atteinte à ces intérêts. Enfin,
il était sage de laisser à la publication du rapport de
la commission internationale le temps de faire son
chemin dans les esprits, chemin qui se fait toujours
lentement,
Dans cette situation le vice-roi était déterminé à
échapper aux obsessions et aux réclamations qui le
tourmentaient; il résolut de voyager jusqu'aux der-
nières limites de ses États. Il voulut bien s'ouvrir à
moi, et me permit de l'accompagner. Nous partîmes
pour le Sennaar et le fleuve Blanc. Après avoir re-
monté le Nil au-dessus de la première cataracte et tra-
versé le désert de Korosko, nous nous arrêtâmes quel-
ques jours à Berber, la capitale de l'ancien royaume
de Méroé. Ce voyage était fort intéressant; l'on voyait
encore dans tout le Soudan les traces de la désola-
tion et de la ruine qui avaient suivi la prise de pos-
session du pays par le Derfterdar, gendre de Méhé-
met-Ali, lequel avait cruellement vengé l'assassinat
du fils du vice-roi, le prince Ismaïl. Les populations
étaient restées soumises depuis à un joug de fer. Je
dois dire à l'honneur de Mohammed-Saïd, qu'en voyant
tant de ruines, tant de malheurs, je le surprenais
quelquefois versant des larmes sur le sort de ces bel-
les et intelligentes populations de la Nubie. Partout
où nous avions passé, les chefs et les populations des
villages lui avaient remis des pétitions pour lui ex-
poser leurs griefs et leurs espérances. Il leur avait
donné rendez-vous à Berber. Lorsqu'il arriva dans
cette ville, plus de cent mille individus y étaient
déjà réunis, car dans ces vastes espaces, les hom-
mes, à pied ou à dromadaire, voyagent avec une
étonnante rapidité. La foule se trouvant un jour as-
semblée sur une grande place près du Nil, le vice-
roi annonça publiquement qu'il abolissait l'esclavage,
qu'il allait retirer du pays toutes les autorités tur-
ques, à l'exception du gouverneur général ; que les
habitants nommeraient eux-mêmes, à l'avenir, leurs
chefs et leurs municipalités ; qu'en un mot, ils s'ad-
ministreraient eux-mêmes. En témoignage de sa dé-
claration, il donna l'ordre de jeter dans le Nil les ca-
nons placés depuis Méhémet-Ali devant le palais de
son représentant; ce qui fut exécuté aux cris de joie
de la multitude. — Quelqu'un dit à l'oreille du vice-
roi : « Vous faites peut-être là une imprudence. —
Soyez tranquille, répondit-il, ce sont de vieux ca-
nons qui ne valent plus rien. » +. r»
Le lendemain il y eut une scène très-curieuse à
l'audience publique, audience donnée à cent mille
hommes ; un vieillard s'avançant parmi les anciens
qui, en Orient ont toujours le privilège d'être placés
en avant de la foule, fit connaître qu'un riche Turc
avait refusé d'obéir à la déclaration de l'abolition de
l'esclavage, et qu'il détenait chez lui, au cachot,
une esclave noire chargée de chaînes. Le vice-roi
envoya immédiatement dans la maison désignée des
gardes qui lui amenèrent le coupable suivi de la
femme enchaînée. En présence de tous, il donna
l'ordre d'ôter les chaînes à l'esclave rendue à la li-
berté, et de les mettre aux mains de son impitoyable
maître qui fut conduit en prison. L'effet de cette
scène fut prodigieux, la nouvelle s'en répandit
avec une rapidité électrique jusqu'au voisinage de
l'équateur ; à tel point que quinze jours après,
nous trouvant à Karthoum, nous vîmes venir des
députations de l'intérieur de l'Afrique, accourant de
toutes parts pour saluer le grand prince qui avait
proclamé la liberté des noirs.
Mohammed-Saïd publia à Karthoum, pour orga-
niser l'administration du Soudan, des ordonnances
qui sont un modèle de sagesse, de droiture et d'hu-
manité. Ce voyage rendit heureux le vice-roi, car
le bien que l'on fait aux autres profite aussi à celui
qui le fait. Avant son départ du Caire, ses ennemis
avaient fait courir des bruits ridicules, on prétendait
qu'il était devenu fou ; l'on avait même été jusqu'à
publier dans des journaux anglais que l'on devait
s'appuyer, à Constantinople, sur cette prétendue si-
tuation d'esprit de Mohammed-Saïd pour faire an-
nuler la concession du canal de Suez. Ce qu'il avait
éprouvé avant de quitter le Caire c'était de l'irrita-
tion contre toutes les difficultés que l'on cherchait à
lui susciter dans l'œuvre de la régénération de l'É-
gypte, œuvre qu'il poursuivait avec ardeur, déplo-
rant , trop amèrement peut-être, de ne pas avoir
autour de lui assez d'hommes intelligents et dévoués
pour le seconder dans sa noble ambition.
Nons revînmes de Karthoum par le grand désert
de Bayouda, sur la rive gauche du haut Nil, jusqu'à
la deuxième cataracte, en faisant 350 lieues à dos
de chameau ou de dromadaire. Pendant que nous
CONFÉRENCES DE 1. FERDINAND DE LESSEPS
Sur le canal maritime de Suez,
SALLE DE LA RUE DE LA PAIX.
(Suite. — Voir le numéro du 15 mai.) «'
PREMIÈRE CONFÉRENCE.
Séance du 26 janvier 4864.
(Sténographiée par M. Sabbatier, sténographe au Corps
législatif.)
En présence de l'opposition du gouvernement an-
glais, il ne convenait pas de solliciter l'intervention
du gouvernement français. C'eût été faire naître
mal à propos une question politique; nous devions
attendre que des intérêts commerciaux et industriels
fussent engagés dans l'entreprise pour invoquer une
protection nationale dans le cas où une hostilité étran-
gère voudrait porter atteinte à ces intérêts. Enfin,
il était sage de laisser à la publication du rapport de
la commission internationale le temps de faire son
chemin dans les esprits, chemin qui se fait toujours
lentement,
Dans cette situation le vice-roi était déterminé à
échapper aux obsessions et aux réclamations qui le
tourmentaient; il résolut de voyager jusqu'aux der-
nières limites de ses États. Il voulut bien s'ouvrir à
moi, et me permit de l'accompagner. Nous partîmes
pour le Sennaar et le fleuve Blanc. Après avoir re-
monté le Nil au-dessus de la première cataracte et tra-
versé le désert de Korosko, nous nous arrêtâmes quel-
ques jours à Berber, la capitale de l'ancien royaume
de Méroé. Ce voyage était fort intéressant; l'on voyait
encore dans tout le Soudan les traces de la désola-
tion et de la ruine qui avaient suivi la prise de pos-
session du pays par le Derfterdar, gendre de Méhé-
met-Ali, lequel avait cruellement vengé l'assassinat
du fils du vice-roi, le prince Ismaïl. Les populations
étaient restées soumises depuis à un joug de fer. Je
dois dire à l'honneur de Mohammed-Saïd, qu'en voyant
tant de ruines, tant de malheurs, je le surprenais
quelquefois versant des larmes sur le sort de ces bel-
les et intelligentes populations de la Nubie. Partout
où nous avions passé, les chefs et les populations des
villages lui avaient remis des pétitions pour lui ex-
poser leurs griefs et leurs espérances. Il leur avait
donné rendez-vous à Berber. Lorsqu'il arriva dans
cette ville, plus de cent mille individus y étaient
déjà réunis, car dans ces vastes espaces, les hom-
mes, à pied ou à dromadaire, voyagent avec une
étonnante rapidité. La foule se trouvant un jour as-
semblée sur une grande place près du Nil, le vice-
roi annonça publiquement qu'il abolissait l'esclavage,
qu'il allait retirer du pays toutes les autorités tur-
ques, à l'exception du gouverneur général ; que les
habitants nommeraient eux-mêmes, à l'avenir, leurs
chefs et leurs municipalités ; qu'en un mot, ils s'ad-
ministreraient eux-mêmes. En témoignage de sa dé-
claration, il donna l'ordre de jeter dans le Nil les ca-
nons placés depuis Méhémet-Ali devant le palais de
son représentant; ce qui fut exécuté aux cris de joie
de la multitude. — Quelqu'un dit à l'oreille du vice-
roi : « Vous faites peut-être là une imprudence. —
Soyez tranquille, répondit-il, ce sont de vieux ca-
nons qui ne valent plus rien. » +. r»
Le lendemain il y eut une scène très-curieuse à
l'audience publique, audience donnée à cent mille
hommes ; un vieillard s'avançant parmi les anciens
qui, en Orient ont toujours le privilège d'être placés
en avant de la foule, fit connaître qu'un riche Turc
avait refusé d'obéir à la déclaration de l'abolition de
l'esclavage, et qu'il détenait chez lui, au cachot,
une esclave noire chargée de chaînes. Le vice-roi
envoya immédiatement dans la maison désignée des
gardes qui lui amenèrent le coupable suivi de la
femme enchaînée. En présence de tous, il donna
l'ordre d'ôter les chaînes à l'esclave rendue à la li-
berté, et de les mettre aux mains de son impitoyable
maître qui fut conduit en prison. L'effet de cette
scène fut prodigieux, la nouvelle s'en répandit
avec une rapidité électrique jusqu'au voisinage de
l'équateur ; à tel point que quinze jours après,
nous trouvant à Karthoum, nous vîmes venir des
députations de l'intérieur de l'Afrique, accourant de
toutes parts pour saluer le grand prince qui avait
proclamé la liberté des noirs.
Mohammed-Saïd publia à Karthoum, pour orga-
niser l'administration du Soudan, des ordonnances
qui sont un modèle de sagesse, de droiture et d'hu-
manité. Ce voyage rendit heureux le vice-roi, car
le bien que l'on fait aux autres profite aussi à celui
qui le fait. Avant son départ du Caire, ses ennemis
avaient fait courir des bruits ridicules, on prétendait
qu'il était devenu fou ; l'on avait même été jusqu'à
publier dans des journaux anglais que l'on devait
s'appuyer, à Constantinople, sur cette prétendue si-
tuation d'esprit de Mohammed-Saïd pour faire an-
nuler la concession du canal de Suez. Ce qu'il avait
éprouvé avant de quitter le Caire c'était de l'irrita-
tion contre toutes les difficultés que l'on cherchait à
lui susciter dans l'œuvre de la régénération de l'É-
gypte, œuvre qu'il poursuivait avec ardeur, déplo-
rant , trop amèrement peut-être, de ne pas avoir
autour de lui assez d'hommes intelligents et dévoués
pour le seconder dans sa noble ambition.
Nons revînmes de Karthoum par le grand désert
de Bayouda, sur la rive gauche du haut Nil, jusqu'à
la deuxième cataracte, en faisant 350 lieues à dos
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