Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-05-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 mai 1864 15 mai 1864
Description : 1864/05/15 (A9,N190). 1864/05/15 (A9,N190).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203321t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 239
PREMIÈRE CONFÉRENCE.
Séance du 26 janvier 1864.
(Sténographiée par M. Sabbatier, sténographe au Corps
législatif.)
M. Ferdinand de Lesseps. — Mesdames et Mes-
sieurs, le nom d'entretien donné à cette réunion me
permettra de causer familièrement avec vous sur
l'entreprise qui m'a occupé depuis quelques années,
Je ne viens pas ici vous occuper de ma personne.
Bien orgueilleux serait celui qui aurait la prétention
de conduire les événements. En toute entreprise,
l'individu disparaît, l'œuvre reste. Si je suis obligé
de vous parler de ce que j'ai fait, c'est pour vous re-
tracer l'histoire d'une œuvre qui est l'œuvre de tout
le monde.
On m'a souvent demandé quelle était l'origine du
canal de Suez, les circonstances dans lesquelles j'en
avais conçu la première pensée. Je n'ai pas eu l'oc-
casion de faire connaître ces circonstances, je vais
chercher à les retrouver dans mes souvenirs, et je
vous ferai sans préparation comme sans prétention
le récit d'un voyageur qui, de retour dans sa famille,
raconte ses impressions de voyage. (Très-bien ! très-
bien 1)
Je commencerai par vous dire comment la pre-
mière idée du percement de l'isthme m'est venue.
En 1831, envoyé de Tunis en Egypte comme élève
consul, à une époque où la vapeur n'avait pas encore
abrégé la navigation, j'étais parti sur un bâtiment
à voiles; mon navire, assez mauvais marcheur, s'ap-
pelait le Diogène, capitaine Pilate. La traversée avait
duré trente-sept jours. Après une relâche à Navarin,
où l'on voyait encore au fond de la brie les débris de
la flotte turque détruite par les marines réunies de
la France, de l'Angleterre et de la Russie, j'arrivai
à Alexandrie. Il fallut subir une quarantaine, car
alors on devait encore ajouter à une longue naviga-
tion l'emprisonnement que tous les pays infligeaient
réciproquement aux voyageurs, dans la crainte d'une
contagion à laquelle on ne croit plus aujourd'hui.
Lorsque l'on aura inutilement pendant des siècles
entretenu des armées dans la crainte de guerres
que les communications des peuples finiront peut-être
par rendre impossibles, on songera sans doute à
faire pour les grandes armées permanentes comme
on a fait pour les quarantaines ; mais malheureuse-
ment nous n'en sommes pas encore là. Quoi qu'il en
soit, étant en 1831 en quarantaine dans le port d'A-
lexandrie, venant d'un pays parfaitement sain dans
un pays réputé malsain, M. Mimaut, un des hommes
qui ont le plus honoré la carrière consulaire, et qui
était aussi distingué par son esprit que par son
savoir et son caractère, eut la bonté de venir lui-
même visiter son jeune élève consul, et de lui donner
les moyens d'occuper utilement les loisirs de sa qua-
rantaine par la lecture du grand ouvrage de la com-
mission d'Égypte, le plus beau et le plus fécond ré-
sultat de notre glorieuse expédition de 1798. M. Mi-
maut m'avait particulièrement recommandé d'étu-
dier le mémoire de l'ingénieur Lepère sur la jonction
des deux mers; ce fut la première fois que je m'ap-
pliquai à connaître ce que c'était que l'isthme de
Suez, et j'appris par le savant rapport de M. Lepère les
antécédents historiques du canal.
Dès les temps les plus reculés, il a existé un vaste
canal, qui reliait la mer Rouge au Nil. D'après Héro-
dote, ce canal entrepris par Necos, fils de Psammé-
tichus, six cent trente ans avant l'ère chrétienne,
avait été achevé par Darius, fils d'Hystaspe, après
que les Perses se furent emparés de l'Egypte. Héro-
dote, témoin oculaire de ce qu'il raconte, cinquante
ans après Darius, a vu ce canal en pleine activité.
11 commençait àBubaste (branche pélusiaque du Nil),
aujourd'hui Zagazig, et se dirigeant à l'ouest et
ensuite au sud, il venait aboutir sur la mer à Pa-
tymos. Les Ptolémées entretinrent ce canal et l'amé-
liorèrent. Strabon, qui voyageait en Egypte peu de
temps avant l'ère chrétienne, vit aussi le canal chargé
de navires; il en attribue la première construction
à Sésostris , avant la guerre de Troie. Il lui donne
100 coudées de largeur et une profondeur suffisante
pour le passage des plus grands bâtiments. Les em-
pereurs romains, et surtout Adrien, y firent faire des
travaux considérables.
Enfin, les premiers califes qui le trouvèrent en
mauvais état le réparèrent d'abord, mais le laissè-
rent ensuite dépérir. Il paraît que la navigation y
cessa complétement vers le ixe siècle de notre ère.
D'après Plutarque, Antoine arrivant en Egypte
après la bataille d'Actium trouva Cléopâtre occupée
à faire franchir à sa flotte l'espace étroit qui sépare les
deux mers, en la faisant transporter par-dessus
l'isthme.
D'après l'auteur arabe Schems-Eddin, le canal doit
son origine à un ancien roi d'Egypte nommé Tarsis.
« Ce fut sous son règne, dit-il, qu'Abraham vint en
Egypte. Omar fit nettoyer et recreuser ce canal, et
on le nomma depuis ce temps Canal du prince des
fidèles. Il demeura en cet état pendant cent cin-
quante ans, jusqu'au règne du calife abasside
Abou-Jafar-el-Mansour (775 ans après J.-C.), qui fit
fermer l'embouchure de ce canal dans la mer de
Kolsoum. » Voici ce que rapporte l'historien Ma-
kryzy :
« Ce canal a été creusé par un ancien roi d'E-
gypte pour Khadjar (Agar) , mère d'Ismaël, lors-
qu'elle demeurait à la Mecque. Dans la suite des
PREMIÈRE CONFÉRENCE.
Séance du 26 janvier 1864.
(Sténographiée par M. Sabbatier, sténographe au Corps
législatif.)
M. Ferdinand de Lesseps. — Mesdames et Mes-
sieurs, le nom d'entretien donné à cette réunion me
permettra de causer familièrement avec vous sur
l'entreprise qui m'a occupé depuis quelques années,
Je ne viens pas ici vous occuper de ma personne.
Bien orgueilleux serait celui qui aurait la prétention
de conduire les événements. En toute entreprise,
l'individu disparaît, l'œuvre reste. Si je suis obligé
de vous parler de ce que j'ai fait, c'est pour vous re-
tracer l'histoire d'une œuvre qui est l'œuvre de tout
le monde.
On m'a souvent demandé quelle était l'origine du
canal de Suez, les circonstances dans lesquelles j'en
avais conçu la première pensée. Je n'ai pas eu l'oc-
casion de faire connaître ces circonstances, je vais
chercher à les retrouver dans mes souvenirs, et je
vous ferai sans préparation comme sans prétention
le récit d'un voyageur qui, de retour dans sa famille,
raconte ses impressions de voyage. (Très-bien ! très-
bien 1)
Je commencerai par vous dire comment la pre-
mière idée du percement de l'isthme m'est venue.
En 1831, envoyé de Tunis en Egypte comme élève
consul, à une époque où la vapeur n'avait pas encore
abrégé la navigation, j'étais parti sur un bâtiment
à voiles; mon navire, assez mauvais marcheur, s'ap-
pelait le Diogène, capitaine Pilate. La traversée avait
duré trente-sept jours. Après une relâche à Navarin,
où l'on voyait encore au fond de la brie les débris de
la flotte turque détruite par les marines réunies de
la France, de l'Angleterre et de la Russie, j'arrivai
à Alexandrie. Il fallut subir une quarantaine, car
alors on devait encore ajouter à une longue naviga-
tion l'emprisonnement que tous les pays infligeaient
réciproquement aux voyageurs, dans la crainte d'une
contagion à laquelle on ne croit plus aujourd'hui.
Lorsque l'on aura inutilement pendant des siècles
entretenu des armées dans la crainte de guerres
que les communications des peuples finiront peut-être
par rendre impossibles, on songera sans doute à
faire pour les grandes armées permanentes comme
on a fait pour les quarantaines ; mais malheureuse-
ment nous n'en sommes pas encore là. Quoi qu'il en
soit, étant en 1831 en quarantaine dans le port d'A-
lexandrie, venant d'un pays parfaitement sain dans
un pays réputé malsain, M. Mimaut, un des hommes
qui ont le plus honoré la carrière consulaire, et qui
était aussi distingué par son esprit que par son
savoir et son caractère, eut la bonté de venir lui-
même visiter son jeune élève consul, et de lui donner
les moyens d'occuper utilement les loisirs de sa qua-
rantaine par la lecture du grand ouvrage de la com-
mission d'Égypte, le plus beau et le plus fécond ré-
sultat de notre glorieuse expédition de 1798. M. Mi-
maut m'avait particulièrement recommandé d'étu-
dier le mémoire de l'ingénieur Lepère sur la jonction
des deux mers; ce fut la première fois que je m'ap-
pliquai à connaître ce que c'était que l'isthme de
Suez, et j'appris par le savant rapport de M. Lepère les
antécédents historiques du canal.
Dès les temps les plus reculés, il a existé un vaste
canal, qui reliait la mer Rouge au Nil. D'après Héro-
dote, ce canal entrepris par Necos, fils de Psammé-
tichus, six cent trente ans avant l'ère chrétienne,
avait été achevé par Darius, fils d'Hystaspe, après
que les Perses se furent emparés de l'Egypte. Héro-
dote, témoin oculaire de ce qu'il raconte, cinquante
ans après Darius, a vu ce canal en pleine activité.
11 commençait àBubaste (branche pélusiaque du Nil),
aujourd'hui Zagazig, et se dirigeant à l'ouest et
ensuite au sud, il venait aboutir sur la mer à Pa-
tymos. Les Ptolémées entretinrent ce canal et l'amé-
liorèrent. Strabon, qui voyageait en Egypte peu de
temps avant l'ère chrétienne, vit aussi le canal chargé
de navires; il en attribue la première construction
à Sésostris , avant la guerre de Troie. Il lui donne
100 coudées de largeur et une profondeur suffisante
pour le passage des plus grands bâtiments. Les em-
pereurs romains, et surtout Adrien, y firent faire des
travaux considérables.
Enfin, les premiers califes qui le trouvèrent en
mauvais état le réparèrent d'abord, mais le laissè-
rent ensuite dépérir. Il paraît que la navigation y
cessa complétement vers le ixe siècle de notre ère.
D'après Plutarque, Antoine arrivant en Egypte
après la bataille d'Actium trouva Cléopâtre occupée
à faire franchir à sa flotte l'espace étroit qui sépare les
deux mers, en la faisant transporter par-dessus
l'isthme.
D'après l'auteur arabe Schems-Eddin, le canal doit
son origine à un ancien roi d'Egypte nommé Tarsis.
« Ce fut sous son règne, dit-il, qu'Abraham vint en
Egypte. Omar fit nettoyer et recreuser ce canal, et
on le nomma depuis ce temps Canal du prince des
fidèles. Il demeura en cet état pendant cent cin-
quante ans, jusqu'au règne du calife abasside
Abou-Jafar-el-Mansour (775 ans après J.-C.), qui fit
fermer l'embouchure de ce canal dans la mer de
Kolsoum. » Voici ce que rapporte l'historien Ma-
kryzy :
« Ce canal a été creusé par un ancien roi d'E-
gypte pour Khadjar (Agar) , mère d'Ismaël, lors-
qu'elle demeurait à la Mecque. Dans la suite des
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