Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-05-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 mai 1864 01 mai 1864
Description : 1864/05/01 (A9,N189). 1864/05/01 (A9,N189).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203320d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
.JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 225
de l'Institut, et M. Ferdinand de Lesseps ; secrétaire,
M. Richard Cortambert.
Voici le discours d'ouverture prononcé par M. le
comte Walewski, président de la Société pour l'an-
née 1863-1864 :
ERNEST DESPLACES.
« Messieurs,
» Mon seul titre à l'honneur de présider la Société
de géographie, c'est d'avoir pendant ma vie un peu
couru le monde, et si je n'ai fait que de rapides ex-
cursions en Asie, en Afrique et en Amérique, j'ai vi-
sité, je pourrais presque dire exploré, à peu près
toutes les capitales de l'Europe. Partout j'ai trouvé la
France honorée et admirée, mais plus encore enviée et
jalousée. La jalousie engendre la médisance, et parmi
les critiques inspirées par ce mauvais sentiment, l'i-
gnorance de la géographie la plus élémentaire repro-
chée aux classes élevées m'a paru une des assertions
les plus fréquemment reproduites par la masse de
ceux qui ne peuvent pas se résigner à la suprématie
de la France, même en ce qui touche au progrès in-
tellectuel.
» Je me souviens, à ce sujet d'un propos assez bur-
lesque qu'on se plaisait à colporter, il y a quelque
vingt ans, dans certaine contrée voisine : un person-
nage de quelque notoriété dans le monde parisien, in-
vité, disait-on, à se rendre en Angleterre pour une
importante affaire, aurait demandé à son correspon-
dant britannique si, en se résignant à un très-long dé-
tour il ne lui serait pas possible d'arriver à Londres
sans passer par mer!
1 Mon Dieu, Messieurs, ce qui était hier une grosse
balourdise, pourrait bien, demain, devenir une réalité.
Il ne faudrait pour cela qu'un progrès de plus dans la
science des aérostats. Et si ce même personnage, au
lieu de vouloir aller à Londres sans passer par mer,
avait demandé, par exemple, à être revenu de Saint-
Pétersbourg avant la fin de la semaine ou bien à dî-
ner à Vienne le lendemain de son départ, ou mieux
encore s'il lui était venu en tête de connaître à midi,
à Paris, le temps qu'il fait à Berlin à midi un quart,
sa balourdise aurait semblé tout aussi grossière ; et
cependant, aujourd'hui tout cela est devenu simple et
naturel. Tant il est vrai qu'il y a autant de présomp-
tion à prétendre assigner, dans l'ordre matériel, des
bornes aux conquêtes de l'esprit humain qu'il y a de
témérité, dans l'ordre moral, à vouloir pénétrer les
mystères de la foi en franchissant les limites des ré-
vélations saintes!
» Quoi qu'il en soit, il faut convenir qu'au temps
dont je viens de vous parler, notre ignorance en ma-
tière géographique était devenue à l'étranger un peu
bien proverbiale, et que si la France pouvait à juste
titre se targuer d'avoir donné le jour à de grands géo-
graphes, à de hardis explorateurs, il n'en est pas moins
vrai que le besoin de la vulgarisation des études géo-
graphiques se faisait vivement sentir, et que l'util.té
d'une association comme la vôtre était reconnue de
tous. Aujourd'hui les choses n'en sont plus la ; l'anec-
dote que j'ai pris la liberté de vous raconter ne serait
plus qu'une médisance sans sel et sans portée : l'étude
de la géographie se généralise tous les jours davan-
tage; toutes les classes de la société, mues par des
considérations différentes, commencent à s'y livrer
avec une égale ardeur : les perspectives de l'industrie
et du commerce si grandement élargies par la vapeur
et par l'électricité, les spéculations politiques aux-
quelles tout le monde veut prendre part, obligent les
uns et les autres : commerçants, publicistes, indus-
triels, navigateurs, militaires, diplomates, financiers,
artistes, artisans et même badauds, à savoir par cœur
non-seulement leur carte d'Europe, mais encore celle
des deux hémisphères. Il n'est pas un bourgeois de
Paris, fier de voir la France fonder au Mexique un em-
pire sur les ruines de l'anarchie vaincue, qui, le com-
pas à la main, ne s'occupe avec une certaine inquié-
tude de mesurer, en les comparant, la distance qui
nous sépare du Mexique et celle qui sépare le nouvel
empire des disciples de Monroe.
» Dans tous les ateliers où la crise américaine fait
prévoir un chômage, il n'est pas un ouvrier qui ne se
rende un compte exact de l'influence des latitudes sur
l'état social de populations qui luttent avec un si
grand acharnement, parce que les unes peuvent se
passer du travail des noirs et que les autres ne le peu-
vent pas.
b Il n'est pas un auditeur de la salle Barthélémy
dont la vive sympathie pour les martyrs des bords de
la Vistule ne repose moins encore sur la religion des
souvenirs que sur la position géographique de cette
Pologne si merveilleusement située pour déjouer les
coalitions de ses puissants voisins contre les progrès
de la civilisation occidentale.
» Et dans cette question des duchés allemands où
tout est confondu et dénaturé, où l'abus des mots de
nationalité, de révolution, de droit et de liberté prouve
une fois de plus que, dans la langue politique, les
mêmes mots peuvent servir à exprimer des idées op-
posées, la perspicacité du public français ne se laisse
pas égarer; il suit, les yeux fixés sur une carte d'Alle-
magne, le tracé d'un canal projeté entre Kiel et l'em-
bouchure de l'Eider. Ce précieux cours d'eau réunis-
sant la Baltique à la mer du Nord déposséderait les
Belt et le Sund pour placer entre les mains de son
heureux possesseur l'avenir des marines du Nord.
» Enfin, Messieurs, il n'est personne en France au-
jourd'hui qui ne voie clair dans ette question d'Orient
si embrouillée, si compliquée, quand on ne sait pas la
réduire à la simplicité de son expression géographi-
que. Il suffit, en effet, pour en saisir le vrai sens, de
considérer la configuration de ce long défilé qui s'é-
tendant du Bosphore aux Dardanelles à travers la mer
Marmara, commande si absolument la seule communi-
cation possible entre les mers adjacentes et dont l'im-
portance est si évidente que pour se rendre compte des
nombreuses convoitises qu'excite une semblable posses-
sion, il n'est besoin ni des richesses du sol, ni de la
beauté du site, ni des magnificences de Stamboul, ni
même de la mosquée de Sainte-Sophie!
de l'Institut, et M. Ferdinand de Lesseps ; secrétaire,
M. Richard Cortambert.
Voici le discours d'ouverture prononcé par M. le
comte Walewski, président de la Société pour l'an-
née 1863-1864 :
ERNEST DESPLACES.
« Messieurs,
» Mon seul titre à l'honneur de présider la Société
de géographie, c'est d'avoir pendant ma vie un peu
couru le monde, et si je n'ai fait que de rapides ex-
cursions en Asie, en Afrique et en Amérique, j'ai vi-
sité, je pourrais presque dire exploré, à peu près
toutes les capitales de l'Europe. Partout j'ai trouvé la
France honorée et admirée, mais plus encore enviée et
jalousée. La jalousie engendre la médisance, et parmi
les critiques inspirées par ce mauvais sentiment, l'i-
gnorance de la géographie la plus élémentaire repro-
chée aux classes élevées m'a paru une des assertions
les plus fréquemment reproduites par la masse de
ceux qui ne peuvent pas se résigner à la suprématie
de la France, même en ce qui touche au progrès in-
tellectuel.
» Je me souviens, à ce sujet d'un propos assez bur-
lesque qu'on se plaisait à colporter, il y a quelque
vingt ans, dans certaine contrée voisine : un person-
nage de quelque notoriété dans le monde parisien, in-
vité, disait-on, à se rendre en Angleterre pour une
importante affaire, aurait demandé à son correspon-
dant britannique si, en se résignant à un très-long dé-
tour il ne lui serait pas possible d'arriver à Londres
sans passer par mer!
1 Mon Dieu, Messieurs, ce qui était hier une grosse
balourdise, pourrait bien, demain, devenir une réalité.
Il ne faudrait pour cela qu'un progrès de plus dans la
science des aérostats. Et si ce même personnage, au
lieu de vouloir aller à Londres sans passer par mer,
avait demandé, par exemple, à être revenu de Saint-
Pétersbourg avant la fin de la semaine ou bien à dî-
ner à Vienne le lendemain de son départ, ou mieux
encore s'il lui était venu en tête de connaître à midi,
à Paris, le temps qu'il fait à Berlin à midi un quart,
sa balourdise aurait semblé tout aussi grossière ; et
cependant, aujourd'hui tout cela est devenu simple et
naturel. Tant il est vrai qu'il y a autant de présomp-
tion à prétendre assigner, dans l'ordre matériel, des
bornes aux conquêtes de l'esprit humain qu'il y a de
témérité, dans l'ordre moral, à vouloir pénétrer les
mystères de la foi en franchissant les limites des ré-
vélations saintes!
» Quoi qu'il en soit, il faut convenir qu'au temps
dont je viens de vous parler, notre ignorance en ma-
tière géographique était devenue à l'étranger un peu
bien proverbiale, et que si la France pouvait à juste
titre se targuer d'avoir donné le jour à de grands géo-
graphes, à de hardis explorateurs, il n'en est pas moins
vrai que le besoin de la vulgarisation des études géo-
graphiques se faisait vivement sentir, et que l'util.té
d'une association comme la vôtre était reconnue de
tous. Aujourd'hui les choses n'en sont plus la ; l'anec-
dote que j'ai pris la liberté de vous raconter ne serait
plus qu'une médisance sans sel et sans portée : l'étude
de la géographie se généralise tous les jours davan-
tage; toutes les classes de la société, mues par des
considérations différentes, commencent à s'y livrer
avec une égale ardeur : les perspectives de l'industrie
et du commerce si grandement élargies par la vapeur
et par l'électricité, les spéculations politiques aux-
quelles tout le monde veut prendre part, obligent les
uns et les autres : commerçants, publicistes, indus-
triels, navigateurs, militaires, diplomates, financiers,
artistes, artisans et même badauds, à savoir par cœur
non-seulement leur carte d'Europe, mais encore celle
des deux hémisphères. Il n'est pas un bourgeois de
Paris, fier de voir la France fonder au Mexique un em-
pire sur les ruines de l'anarchie vaincue, qui, le com-
pas à la main, ne s'occupe avec une certaine inquié-
tude de mesurer, en les comparant, la distance qui
nous sépare du Mexique et celle qui sépare le nouvel
empire des disciples de Monroe.
» Dans tous les ateliers où la crise américaine fait
prévoir un chômage, il n'est pas un ouvrier qui ne se
rende un compte exact de l'influence des latitudes sur
l'état social de populations qui luttent avec un si
grand acharnement, parce que les unes peuvent se
passer du travail des noirs et que les autres ne le peu-
vent pas.
b Il n'est pas un auditeur de la salle Barthélémy
dont la vive sympathie pour les martyrs des bords de
la Vistule ne repose moins encore sur la religion des
souvenirs que sur la position géographique de cette
Pologne si merveilleusement située pour déjouer les
coalitions de ses puissants voisins contre les progrès
de la civilisation occidentale.
» Et dans cette question des duchés allemands où
tout est confondu et dénaturé, où l'abus des mots de
nationalité, de révolution, de droit et de liberté prouve
une fois de plus que, dans la langue politique, les
mêmes mots peuvent servir à exprimer des idées op-
posées, la perspicacité du public français ne se laisse
pas égarer; il suit, les yeux fixés sur une carte d'Alle-
magne, le tracé d'un canal projeté entre Kiel et l'em-
bouchure de l'Eider. Ce précieux cours d'eau réunis-
sant la Baltique à la mer du Nord déposséderait les
Belt et le Sund pour placer entre les mains de son
heureux possesseur l'avenir des marines du Nord.
» Enfin, Messieurs, il n'est personne en France au-
jourd'hui qui ne voie clair dans ette question d'Orient
si embrouillée, si compliquée, quand on ne sait pas la
réduire à la simplicité de son expression géographi-
que. Il suffit, en effet, pour en saisir le vrai sens, de
considérer la configuration de ce long défilé qui s'é-
tendant du Bosphore aux Dardanelles à travers la mer
Marmara, commande si absolument la seule communi-
cation possible entre les mers adjacentes et dont l'im-
portance est si évidente que pour se rendre compte des
nombreuses convoitises qu'excite une semblable posses-
sion, il n'est besoin ni des richesses du sol, ni de la
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