Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-03-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 mars 1864 15 mars 1864
Description : 1864/03/15 (A9,N186). 1864/03/15 (A9,N186).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203317x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 177
» Lorsque l'opinion publique commença à s'occuper
de ce projet, le Times non encore averti des dangers
qu'y devait découvrir lord Palmerston, se montra favo-
rable à l'entreprise, si bien que l'excellent Lesseps, en
père amoureux de son canal, les Arabes dans leur lan-
gage poétique, le nomment le père du canal, augurait
des merveilles de cette bienviillan ce, connaissant l'in-
fluence de ce journal. Palmerston, qui avoua à la Cham-
bre des communes que depuis quinze ans, il combattait
le projet à Constantinople et en Egypte, s'était imposé
une grande réserve relativement à la communication au
public de son opinion et de ses manœuvres ; il espérait
que cette espèce d'ombre de Banco se dissiperait d'elle-
même par les difficultés qui pouvaient surgir sans
qu'il prit la peine de se montrer. Mais quand il vit la
faveur qui accueillait partout le projet, il se dévoila
tout entier. Ce qui advint dans le palais du Times,
nous ne sommes pas en mesure de le dire ; mais à la
très-grande stupeur de ceux qui comptaient sur l'appui
de ce journal, en commençant par Lesseps, le voilà qui
lance un beau jour une démonstration en règle sur
'l'absurdité du projet, au point de vue physique et éco-
nomique , répétant toutes les erreurs que l'on
avait mises en circulation, les appuyant de quelques
sarcasmes et les accompagnant d'admonitions pater-
nelles aux capitalistes anglais pour leur recomman-
der de ne point s'associer à l'entreprise. Du haut de sa
grandeur il ne daigna pas prendre en considération ce
que les défenseurs du canal se permettaient de répon-
dre; il poursuivit imperturbablement sa guerre au
canal « imaginaire » jusqu'à ce qu'enfin après avoir fait
tout son possible pendant deux ans pour lui susciter
des obstacles, il laissa échapper le cri d'impatience le
plus charmant sur la lenteur du travail. Quand donc,
dit-il, ce canal sera-t-il terminé? L'Angleterre en a grand
besoin. Combien de temps encore doit-elle soupirer après lui?
» Les Français, qui en fait d'esprit en ont à revendre
aux Anglais, et ne laissaient sans riposter aucune des in-
cartades du Times, accueillirent à bras ouverts cette mar-
que de repentir. Il est trop vrai, répondirent-ils dans
leurs journaux, qu'eu égard à l'impatience générale les tra-
vaux marchent lentement, mais il a fallu surmonter dans le
passé un grand nombre d'obstacles dont le Times sait quelque
chose. Nous ne doutons pas que maintenant ils ne jouissent
être considérés comme vaincus, surtout avec l'appui d'un
journal aussi influent que le Times. Nous le remercions donc
de sa sollicitude qui ne peut qu'être du meilleur augure.
» Il semblerait qu'après avoir de cette façon provoqué
une réponse aussi fondée, le Times eût dû prendre
réellement le parti de l'entreprise ou au moins s'abste-
nir de toute attaque ultérieure. Sa situation devenait
délicate; mais de semblables considérations peuvent
avoir de la valeur pour le vulgaire ou lorsqu'elles
s'échangent entre égaux, mais elles ne valent rien
pour qui s'élève comme un géant au-dessus des au-
tres , pour qui distribue la réputation et la renommée,
pour qui juge et ne peut pas être jugé. Sa Majesté
s'enferma pendant quelque temps dans le silence de
la dignité, et puis, en plein ciel serein, elle lança un
coup de foudre contre l'insolente Compagnie du canal
de Suez. Il était plus que temps d'en finir avec sa prépo-
tence. On ne devait pas tolérer que la compagnie posséddt un
aussi vaste territoire, qu'elle contraignît de pauvres fellahs
à travailler tandis qu'il existait en Turquie une loi qui ordon-
nait la liberté du travail. Faisons donc cesser les prépotences
et les abus.
» Ceux qui ne connaissent pas le naturel de Sa Ma-
jesté s'émerveillèrent de ce langage; mais les gens
experts le déclarèrent l'avant-coureur de quelque nou-
velle tentative de lord Palmerston faite au nom du
gouvernement turc, ou vice versâ, ce qui revenait au
même. Le langage du Times est depuis longtemps le
thermomètre de la hausse ou de la baisse des espé-
rances de lord Palmerston à Constantinople. Quand le
pupille tremble, il y a hausse ; quand il est indocile et
qu'il écoute une autre influence il y a baisse. Le maî-
tre anglais avait découvert une nouvelle manière de
faire peur; le pupille tremblait plus que d'ordinaire.
De là l'avertissement du Times, suivi peu de jours après
de la fameuse note du 6 avril 1863, empreinte des sa-
ges prévisions de ce mentor. Son intimation faite, Sa
Majesté se retrancha de nouveau dans le silence atten-
dant que l'on obéît.
D Dix mois se sont écoulés depuis cette célèbre note;
environ vingt-cinq mille Egyptiens bien nourris, bien
traités, ponctuellement payés, ont travaillé infatiga-
blement durant cette période, partie à creuser le grand
canal et partie à creuser celui qui devait conduire l'eau
du Nil à Suez, où elle est arrivée heureusement le 29
décembre dernier.
» Suez est encore aujourd'hui une très-mince ville.
Elle ressemble à un rachitique conservant les traces
d'une beauté peu ordinaire; on devine d'un coup d'oeil
la cause spéciale qui a empêché son développement. Il
était impossible de voir Suez sans s'étonner qu'elle fût
aussi misérable dans une. position aussi favorable.
Mais l'étonnement cessait quand on s'apercevait qu'elle
manquaitcomplétement d'eau douce. On lui portait l'eau
à dos de chameau et par des wagons-citernes, après que
le chemin de fer fut construit. L'eau, à Suez, coûtait
plus cher que dans plusieurs localités d'Italie ne coû-
tait le vin avant l'invasion de l'oïdium.
» Pourvoir Suez d'eau, c'était lui donner la vie : la
Compagnie y a conduit un fleuve entier. Sans avoir la
prétention d'être prophète, on peut dire avec certitude
que Suez aura bientôt triplé et quadruplé ; la cause de
son rachitisme est enlevée ; elle reprendra sa beauté
naturelle. Le commerce de toutes les nations en profi-
tera, et surtout le commerce anglais constituant les
huit dixièmes du mouvement de ce port. Telle est la
prépotence de la Compagnie et de Lesseps ; tels sont
leurs torts. Quel jour fut pour Suez le 29 décembre 1863,
alors qu'à 4 heures de l'après-midi sa population vit
arriver un bras du Nil et avec lui une barque partie de
Port-Saïd!
» Qu'en dit S. M. le Times? Nous l'ignorons; mais il
est facile de deviner ce qu'en diront toutes les autres
nations. Elles diront que l'illustre Gladstone avait rai-
son lorsqu'il suppliait lord Palmerston de cesser une
opposition qui devenait un opprobre pour toute l'An-
gleterre. » (Il Canale di Suez.)
» Lorsque l'opinion publique commença à s'occuper
de ce projet, le Times non encore averti des dangers
qu'y devait découvrir lord Palmerston, se montra favo-
rable à l'entreprise, si bien que l'excellent Lesseps, en
père amoureux de son canal, les Arabes dans leur lan-
gage poétique, le nomment le père du canal, augurait
des merveilles de cette bienviillan ce, connaissant l'in-
fluence de ce journal. Palmerston, qui avoua à la Cham-
bre des communes que depuis quinze ans, il combattait
le projet à Constantinople et en Egypte, s'était imposé
une grande réserve relativement à la communication au
public de son opinion et de ses manœuvres ; il espérait
que cette espèce d'ombre de Banco se dissiperait d'elle-
même par les difficultés qui pouvaient surgir sans
qu'il prit la peine de se montrer. Mais quand il vit la
faveur qui accueillait partout le projet, il se dévoila
tout entier. Ce qui advint dans le palais du Times,
nous ne sommes pas en mesure de le dire ; mais à la
très-grande stupeur de ceux qui comptaient sur l'appui
de ce journal, en commençant par Lesseps, le voilà qui
lance un beau jour une démonstration en règle sur
'l'absurdité du projet, au point de vue physique et éco-
nomique , répétant toutes les erreurs que l'on
avait mises en circulation, les appuyant de quelques
sarcasmes et les accompagnant d'admonitions pater-
nelles aux capitalistes anglais pour leur recomman-
der de ne point s'associer à l'entreprise. Du haut de sa
grandeur il ne daigna pas prendre en considération ce
que les défenseurs du canal se permettaient de répon-
dre; il poursuivit imperturbablement sa guerre au
canal « imaginaire » jusqu'à ce qu'enfin après avoir fait
tout son possible pendant deux ans pour lui susciter
des obstacles, il laissa échapper le cri d'impatience le
plus charmant sur la lenteur du travail. Quand donc,
dit-il, ce canal sera-t-il terminé? L'Angleterre en a grand
besoin. Combien de temps encore doit-elle soupirer après lui?
» Les Français, qui en fait d'esprit en ont à revendre
aux Anglais, et ne laissaient sans riposter aucune des in-
cartades du Times, accueillirent à bras ouverts cette mar-
que de repentir. Il est trop vrai, répondirent-ils dans
leurs journaux, qu'eu égard à l'impatience générale les tra-
vaux marchent lentement, mais il a fallu surmonter dans le
passé un grand nombre d'obstacles dont le Times sait quelque
chose. Nous ne doutons pas que maintenant ils ne jouissent
être considérés comme vaincus, surtout avec l'appui d'un
journal aussi influent que le Times. Nous le remercions donc
de sa sollicitude qui ne peut qu'être du meilleur augure.
» Il semblerait qu'après avoir de cette façon provoqué
une réponse aussi fondée, le Times eût dû prendre
réellement le parti de l'entreprise ou au moins s'abste-
nir de toute attaque ultérieure. Sa situation devenait
délicate; mais de semblables considérations peuvent
avoir de la valeur pour le vulgaire ou lorsqu'elles
s'échangent entre égaux, mais elles ne valent rien
pour qui s'élève comme un géant au-dessus des au-
tres , pour qui distribue la réputation et la renommée,
pour qui juge et ne peut pas être jugé. Sa Majesté
s'enferma pendant quelque temps dans le silence de
la dignité, et puis, en plein ciel serein, elle lança un
coup de foudre contre l'insolente Compagnie du canal
de Suez. Il était plus que temps d'en finir avec sa prépo-
tence. On ne devait pas tolérer que la compagnie posséddt un
aussi vaste territoire, qu'elle contraignît de pauvres fellahs
à travailler tandis qu'il existait en Turquie une loi qui ordon-
nait la liberté du travail. Faisons donc cesser les prépotences
et les abus.
» Ceux qui ne connaissent pas le naturel de Sa Ma-
jesté s'émerveillèrent de ce langage; mais les gens
experts le déclarèrent l'avant-coureur de quelque nou-
velle tentative de lord Palmerston faite au nom du
gouvernement turc, ou vice versâ, ce qui revenait au
même. Le langage du Times est depuis longtemps le
thermomètre de la hausse ou de la baisse des espé-
rances de lord Palmerston à Constantinople. Quand le
pupille tremble, il y a hausse ; quand il est indocile et
qu'il écoute une autre influence il y a baisse. Le maî-
tre anglais avait découvert une nouvelle manière de
faire peur; le pupille tremblait plus que d'ordinaire.
De là l'avertissement du Times, suivi peu de jours après
de la fameuse note du 6 avril 1863, empreinte des sa-
ges prévisions de ce mentor. Son intimation faite, Sa
Majesté se retrancha de nouveau dans le silence atten-
dant que l'on obéît.
D Dix mois se sont écoulés depuis cette célèbre note;
environ vingt-cinq mille Egyptiens bien nourris, bien
traités, ponctuellement payés, ont travaillé infatiga-
blement durant cette période, partie à creuser le grand
canal et partie à creuser celui qui devait conduire l'eau
du Nil à Suez, où elle est arrivée heureusement le 29
décembre dernier.
» Suez est encore aujourd'hui une très-mince ville.
Elle ressemble à un rachitique conservant les traces
d'une beauté peu ordinaire; on devine d'un coup d'oeil
la cause spéciale qui a empêché son développement. Il
était impossible de voir Suez sans s'étonner qu'elle fût
aussi misérable dans une. position aussi favorable.
Mais l'étonnement cessait quand on s'apercevait qu'elle
manquaitcomplétement d'eau douce. On lui portait l'eau
à dos de chameau et par des wagons-citernes, après que
le chemin de fer fut construit. L'eau, à Suez, coûtait
plus cher que dans plusieurs localités d'Italie ne coû-
tait le vin avant l'invasion de l'oïdium.
» Pourvoir Suez d'eau, c'était lui donner la vie : la
Compagnie y a conduit un fleuve entier. Sans avoir la
prétention d'être prophète, on peut dire avec certitude
que Suez aura bientôt triplé et quadruplé ; la cause de
son rachitisme est enlevée ; elle reprendra sa beauté
naturelle. Le commerce de toutes les nations en profi-
tera, et surtout le commerce anglais constituant les
huit dixièmes du mouvement de ce port. Telle est la
prépotence de la Compagnie et de Lesseps ; tels sont
leurs torts. Quel jour fut pour Suez le 29 décembre 1863,
alors qu'à 4 heures de l'après-midi sa population vit
arriver un bras du Nil et avec lui une barque partie de
Port-Saïd!
» Qu'en dit S. M. le Times? Nous l'ignorons; mais il
est facile de deviner ce qu'en diront toutes les autres
nations. Elles diront que l'illustre Gladstone avait rai-
son lorsqu'il suppliait lord Palmerston de cesser une
opposition qui devenait un opprobre pour toute l'An-
gleterre. » (Il Canale di Suez.)
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