Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-12-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 décembre 1862 01 décembre 1862
Description : 1862/12/01 (A7,N155). 1862/12/01 (A7,N155).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203309c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS.. 367
berge orientale, déposer leur fardeau sur le bord et
redescendre ensuite, ainsi que l'on voit, dans une ma-
chine, se dérouler une chaîne sans fin. Plus loin, vers
le nord, d'autres troupes de fellahs couvraient çà et là
les pentes de l'immense tranchée ; on aurait dit de loin
des traînées noires immobiles.
» En ce même lieu, à l'extrémité sud du seuil, la
Compagnie fait construire un charmant kiosque des-
tiné à Saïd-Pacha. De ce point culminant nous aperce-
vions une immense étendue : à nos pieds, la tranchée
du seuil accourant du nord pour s'ouvrir sur les bords
desséchés du lac Timsah ; devant nous, les bas-fonds
du lac couvrant quelques lieues carrées; plus loin,
vers le sud, les 15 lieues de désert qui nous séparent
de la mer Rouge ; enfin, à l'horizon, comme un nuage,
les sommets de Djebel-Attaka, dont les pentes viennent
expirer sur les bords du golfe de Suez.
» Nous reprîmes notre noute sur le plateau d'El-
Guisr ; le jour s'avançait, et il nous fallait profiter des
deux heures qui nous restaient encore. Nous traver-
sâmes bientôt le village d'El-Guisr, élevé sur le mi-
lieu du seuil par les soins de la Compagnie. Quel-
ques baraques et magasins y furent d'abord établis
pour les travaux et le personnel administratif. Actuel-
lement, des fellahs s'y sont fixés (je ne parle7pas des
travailleurs qui campent sur le sol), et aujourd'hui
c'est un grand village de trois mille habitants, dont
deux cents Européens, avec église et mosquée en pier-
res. Sur le minaret de la mosquée, un fanal allumé de
nuit sert de phare aux voyageurs du désert.
» Un peu plus loin, nous trouvâmes complètement
achevé le percement du seuil; je ne parlejpas du pro-
jet définitif qui donnera au canal l'immense largeur de
56 mètres, mais du canal provisoire que la Compagnie
va percer de suite entre les deux mers, de 12 mètres
de largeur et 2111,10 de profondeur. Ce canal part actuel-
lement du port Saïd, et amène l'eau de la Méditerranée
jusque dans le seuil. Nous descendîmes dans la tran-
chée et nous pûmes toucher de notre main le dernier
flot de la Méditerranée, arrivé jusque-là à travers
18 lieues de désert.
- » Dans un mois environ, les parties du seuil que
nous avons aperçues occupées par les travailleurs, se-
ront ouvertes, et cette eau ira se déverser dans l'im-
mense bassin du lac Timsah. On évalue à six semaines
le temps qu'il faudra à ces terres arides pour se cou-
vrir d'eau au niveau de la mer, après quoi les travail-
leurs et ingénieurs se transporteront plus au sud, pour
continuer leur tâche de Timsah à Suez ; il y aura là
encore 82 kilomètres de désert. Les difficultés seront
bien moindres que dans la partie déjà faite, et 48 kilo-
mètres sur les 82 traversent des lacs au-dessous du ni-
veau de la mer. On estime qu'avec la continuation du
chiffre actuellement présent de vingt mille travailleurs,
il faudrait dix-huit mois pour arriver au bout de ce
premier canal. On s'attend à en voir incessamment
bien davantage, et à pouvoir ouvrir dans un an la
communication entre les deux mers. Alors le problème
sera résolu, même pour les plus incrédules, et la vic-
toire sera gagnée ! Une navigation de petit cabotage
et de transit pourra déjà s'établir, et le reste, l'agran-
dissement de ce qui existe déjà, ne sera plus qu'un -
travail facile, progressivement mené. La fiévreuse ac-
tivité de l'esprit moderne ne le laissera pas longtemps
languir ; et d'ailleurs la Compagnie du canal compte y
suffire elle-même en quelques années.
» Vous savez sans doute comment se recrutent les
travailleurs de l'isthme. Le vice-roi y envoie d'office
les populations de ses États. Chaque tribu, chaque vil-
lage, est désigné pour un contingent déterminé, qui
part au premier signal, et est dirigé sur Tell-el-Kebir
par les voies rapides, barques et chemins de fer. De lài
le contingent gagne, par les 10 lieues de désert, le
campement d'El-Guisr, d'oii il est distribué sur les tra-
vaux. Une tâche lui est indiquée; la durée moyenne
de la tâche est d'un mois, au bout duquel les hommes
sont payés individuellement et renvoyés dans leurs
villages. Tous les jours, des centaines, des milliers
d'hommes arrivent et repartent; la route de Tell-el-
Kébir en était couverte.
» Les travailleurs sont dirigés par leurs cheiks res-
pectifs ; ils ne reçoivent d'ordres directs que d'eux, et
en outre, le vice-roi a chargé un haut fonctionnaire de
leur police générale. De la sorte, ils restent sous la
direction des chefs qu'ils connaissent et dont ils sont
connus; en un mot, justice et bons traitements leur
sont assurés. L'état sanitaire est excellent. La Compa-
gnie distribue 15 litres d'eau environ par homme et
- par jour, et vend le biscuit à ceux qui n'ont pas apporté
de vivres. Ceux-là emportent encore à la fin du mois
8 à 10 francs ; c'est quelque chose pour des gens qui
ne possèdent jamais rien.
» Comme vous le voyez, la prospérité actuelle des
travaux est due à la puissante intervention de Saïd-
Pacha. Il y a vu un élément de richesse pour son pays
et un souvenir glorieux à attacher à son nom. Il est,
pour un capital énorme, actionnaire dans l'entreprise,
à laquelle sa protection est désormais assurée. Son ré-
cent voyage en Europe n'a pu que le confirmer dans
ses résolutions. Il a vu dans les sphères élevées l'ac-
cueil fait à M. de Lesseps et l'importance attachée à
son œuvre.
» Tous les employés de la Compagnie, administra-
teurs, ingénieurs, médecins, ont le plus grand zèle et
une confiance illimitée en M. de Lesseps, l'âme vérita-
ble de l'entreprise. Ils ont enfin ce feu sacré, cette foi
dans le succès qui font faire de grandes choses.
» Le reste de notre excursion, monsieur le direc-
teur, s'est fait sans incident digne d'être rapporté. Le
soir de notre visite aux chantiers du seuil, nous avons
fait à El-Guisr, en compagnie de M. Voisin, ingénieur
en chef, et des principaux employés, un dîner très-con-
fortable ; et aussitôt après, des circonstances urgentes
rappelant l'amiral à Suez, nous avons repris la route
de la veille.
» Je vous adresse quatre dessins pris sur les lieux.
» Le n° 1 représente notre voyage sur là canal d'eau
douce, de Tell-el-Kébir à Timsah. L'eau y coule depuis
un an à peine, et les herbes seules ont eÇle temps de
berge orientale, déposer leur fardeau sur le bord et
redescendre ensuite, ainsi que l'on voit, dans une ma-
chine, se dérouler une chaîne sans fin. Plus loin, vers
le nord, d'autres troupes de fellahs couvraient çà et là
les pentes de l'immense tranchée ; on aurait dit de loin
des traînées noires immobiles.
» En ce même lieu, à l'extrémité sud du seuil, la
Compagnie fait construire un charmant kiosque des-
tiné à Saïd-Pacha. De ce point culminant nous aperce-
vions une immense étendue : à nos pieds, la tranchée
du seuil accourant du nord pour s'ouvrir sur les bords
desséchés du lac Timsah ; devant nous, les bas-fonds
du lac couvrant quelques lieues carrées; plus loin,
vers le sud, les 15 lieues de désert qui nous séparent
de la mer Rouge ; enfin, à l'horizon, comme un nuage,
les sommets de Djebel-Attaka, dont les pentes viennent
expirer sur les bords du golfe de Suez.
» Nous reprîmes notre noute sur le plateau d'El-
Guisr ; le jour s'avançait, et il nous fallait profiter des
deux heures qui nous restaient encore. Nous traver-
sâmes bientôt le village d'El-Guisr, élevé sur le mi-
lieu du seuil par les soins de la Compagnie. Quel-
ques baraques et magasins y furent d'abord établis
pour les travaux et le personnel administratif. Actuel-
lement, des fellahs s'y sont fixés (je ne parle7pas des
travailleurs qui campent sur le sol), et aujourd'hui
c'est un grand village de trois mille habitants, dont
deux cents Européens, avec église et mosquée en pier-
res. Sur le minaret de la mosquée, un fanal allumé de
nuit sert de phare aux voyageurs du désert.
» Un peu plus loin, nous trouvâmes complètement
achevé le percement du seuil; je ne parlejpas du pro-
jet définitif qui donnera au canal l'immense largeur de
56 mètres, mais du canal provisoire que la Compagnie
va percer de suite entre les deux mers, de 12 mètres
de largeur et 2111,10 de profondeur. Ce canal part actuel-
lement du port Saïd, et amène l'eau de la Méditerranée
jusque dans le seuil. Nous descendîmes dans la tran-
chée et nous pûmes toucher de notre main le dernier
flot de la Méditerranée, arrivé jusque-là à travers
18 lieues de désert.
- » Dans un mois environ, les parties du seuil que
nous avons aperçues occupées par les travailleurs, se-
ront ouvertes, et cette eau ira se déverser dans l'im-
mense bassin du lac Timsah. On évalue à six semaines
le temps qu'il faudra à ces terres arides pour se cou-
vrir d'eau au niveau de la mer, après quoi les travail-
leurs et ingénieurs se transporteront plus au sud, pour
continuer leur tâche de Timsah à Suez ; il y aura là
encore 82 kilomètres de désert. Les difficultés seront
bien moindres que dans la partie déjà faite, et 48 kilo-
mètres sur les 82 traversent des lacs au-dessous du ni-
veau de la mer. On estime qu'avec la continuation du
chiffre actuellement présent de vingt mille travailleurs,
il faudrait dix-huit mois pour arriver au bout de ce
premier canal. On s'attend à en voir incessamment
bien davantage, et à pouvoir ouvrir dans un an la
communication entre les deux mers. Alors le problème
sera résolu, même pour les plus incrédules, et la vic-
toire sera gagnée ! Une navigation de petit cabotage
et de transit pourra déjà s'établir, et le reste, l'agran-
dissement de ce qui existe déjà, ne sera plus qu'un -
travail facile, progressivement mené. La fiévreuse ac-
tivité de l'esprit moderne ne le laissera pas longtemps
languir ; et d'ailleurs la Compagnie du canal compte y
suffire elle-même en quelques années.
» Vous savez sans doute comment se recrutent les
travailleurs de l'isthme. Le vice-roi y envoie d'office
les populations de ses États. Chaque tribu, chaque vil-
lage, est désigné pour un contingent déterminé, qui
part au premier signal, et est dirigé sur Tell-el-Kebir
par les voies rapides, barques et chemins de fer. De lài
le contingent gagne, par les 10 lieues de désert, le
campement d'El-Guisr, d'oii il est distribué sur les tra-
vaux. Une tâche lui est indiquée; la durée moyenne
de la tâche est d'un mois, au bout duquel les hommes
sont payés individuellement et renvoyés dans leurs
villages. Tous les jours, des centaines, des milliers
d'hommes arrivent et repartent; la route de Tell-el-
Kébir en était couverte.
» Les travailleurs sont dirigés par leurs cheiks res-
pectifs ; ils ne reçoivent d'ordres directs que d'eux, et
en outre, le vice-roi a chargé un haut fonctionnaire de
leur police générale. De la sorte, ils restent sous la
direction des chefs qu'ils connaissent et dont ils sont
connus; en un mot, justice et bons traitements leur
sont assurés. L'état sanitaire est excellent. La Compa-
gnie distribue 15 litres d'eau environ par homme et
- par jour, et vend le biscuit à ceux qui n'ont pas apporté
de vivres. Ceux-là emportent encore à la fin du mois
8 à 10 francs ; c'est quelque chose pour des gens qui
ne possèdent jamais rien.
» Comme vous le voyez, la prospérité actuelle des
travaux est due à la puissante intervention de Saïd-
Pacha. Il y a vu un élément de richesse pour son pays
et un souvenir glorieux à attacher à son nom. Il est,
pour un capital énorme, actionnaire dans l'entreprise,
à laquelle sa protection est désormais assurée. Son ré-
cent voyage en Europe n'a pu que le confirmer dans
ses résolutions. Il a vu dans les sphères élevées l'ac-
cueil fait à M. de Lesseps et l'importance attachée à
son œuvre.
» Tous les employés de la Compagnie, administra-
teurs, ingénieurs, médecins, ont le plus grand zèle et
une confiance illimitée en M. de Lesseps, l'âme vérita-
ble de l'entreprise. Ils ont enfin ce feu sacré, cette foi
dans le succès qui font faire de grandes choses.
» Le reste de notre excursion, monsieur le direc-
teur, s'est fait sans incident digne d'être rapporté. Le
soir de notre visite aux chantiers du seuil, nous avons
fait à El-Guisr, en compagnie de M. Voisin, ingénieur
en chef, et des principaux employés, un dîner très-con-
fortable ; et aussitôt après, des circonstances urgentes
rappelant l'amiral à Suez, nous avons repris la route
de la veille.
» Je vous adresse quatre dessins pris sur les lieux.
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douce, de Tell-el-Kébir à Timsah. L'eau y coule depuis
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