Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-10-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 octobre 1862 15 octobre 1862
Description : 1862/10/15 (A7,N152). 1862/10/15 (A7,N152).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62033064
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 319
LES SOURCES DU NIL.
La question des sources du Nil est, en géographie,
ce que sont en politique certaines graves questions
agitées en ce moment: on disserte beaucoup, mais
l'on avance peu.
Le haut Nil ne se montre pas beaucoup plus nette-
ment aux yeux des géographes actuels qu'au vieux
Ptolémée. Ce sont toujours les mêmes conjectures, les
mêmes hésitations. On s'accorde pourtant, aujourd'hui,
à admettre que le Nil blanc (le Bahr-el-Abiad) prend sa
source dans les régions subéquatoriales. Ainsi, par
une rencontre qui honore le savoir des anciens géo-
graphes, la direction de ce grand cours d'eau se trouve
plus conforme aux données des savants du moyen âge
qu'aux renseignements fournis par les cartographes du
siècle dernier et du commencement de celui-ci. C'est
là un trait caractéristique des revirements scientifi-
ques.
Si les grandes découvertes scientifiques sont encore
peu nombreuses, reconnaissons au moins que les ten-
tatives faites pour la solution de cet éternel problème
de l'origine du Nil ont été souvent précieuses pour
l'ethnographie et l'anthropologie. C'est surtout à
MM. Yaudey, Angeio Vinco, Knoblecher, Brun Rollet,
Vayssière, de Malzac, Alfred Peney, Terranuova, Le-
jean, Petherick, Debono, Poncet, que l'on est redeva-
ble de communications profitables.
Malheureusement, la plupart des voyageurs passent
par les mêmes endroits, s'avancent au milieu des
mêmes peuplades et, ce qui est plus regrettable, s'ar-
rêtent au même point, c'est-à-dire dans les environs
de Bélénia. Cette manière d'agir toute moutonnière
n'est guère destinée à imprimer une impulsion rapide
à la science. En général, les explorateurs partent de
Khartoum. S'ils sont venus tout exprès d'Europe en
Afrique pour tenter la découverte du haut Nil, ils se
contentent d'armer une petite troupe de braves qui, le
cas échéant, mettront, il est vrai, à feu et à sang des
villages hostiles; mais, si les voyageurs ont résidé
longtemps à Khartoum, il est fort à présumer que leurs
pérégrinations auront pour but principal la traite des
noirs et les razzias. La conscience se dénature telle-
ment au contact de la société corrompue de la grande
cité nubienne, qu'on serait fort mal avisé de taxer en-
suite d'ignobles trafiquants ces misérables marchands
d'esclaves. Espérons qu'un jour viendra où les voya-
ges dans le Soudan ne serviront plus de prétexte à ce
hideux commerce.
On ne saurait s'imaginer combien ces faux disciples
de la géographie ont nui à l'avancement des connais-
sances : ils ont rendu malveillantes la plupart des po-
pulations riveraines. Qu'on n'aille pas objecter qu'on
avait affaire à des indigènes naturellement farouches;
l'argument ne serait pas admissible. Dans les premiers
temps les pauvres tribus accouraient avec empresse-
ment au-devant des étrangers et les comblaient de pré-
venances. On aurait alors pu nouer des relations paci-
fiques. Mais la déplorable avidité des hommes du Nord
ne le perm;t pas. On préféra verser du sang et cap-
turer. On substitua la ruse à la bonne foi.
Il est vraiment triste, disait à ce propos M. G. Lejean,
de constater que, dans les relations de commerce qui
s'établissent entre les civilisés et les barbares, il y a
tout à parier que les exemples éclatants d'improbité
viendront des premiers. Cela s'est vu au Sénégal, où,
la mesure-étalon pour le commerce des gommes étant
originairement des tonnes de la contenance d'un kantar
arabe, les traitants imaginèrent des tonnes à fonds
mobiles cloués sur le pont, versant dans le faux pont
une partie de la gomme qu'on y entassait, et réalisant
pour le vendeur ingénu la fable du tonneau des Da-
naïdes. Au Nil blanc, une concurrence fiévreuse et
anarchique n'a laissé de place qu'à une seule pensée,
celle de s'enrichir à tout prix.
Du reste, n'insistons pas davantage; le temps fera
probablement justice de pareils faits, car les yeux
commencent à s'ouvrir. Parlons des dernières recher-
ches de M. Debono.
Ce voyageur n'est pas débarqué d'hier sur le sol afri-
cain; il habite les régions du Nil depuis plus de treize
années. Il est donc parfaitement fait au climat et aux
habitudes du pays.
Le 4 février 18(51, Debono et Peney se rencontraient à
Gondokono. Après s'être concertés sur la direction et le
but de leur voyage, ils partirent vers le mois de mars. Ils
se dirigèrent d'abord vers la cataracte de Makédo, et, de
là, vers celle de Gardo. Arrêté par des pluies torrentielles,
M. Debono stationna pendant plusieurs mois à Gondo-
kono et put étudier les tribus voisines. Parmi elles, il
cite les Denka, les Nouerr, les Matat, les Seir, les Lochi.
Il remarqua que la plupart des noirs du fleuve Blanc,
jusqu'à la tribu des Lochi, s'arrachent sur le devant de
la bouche quatre dents, croyant être beaucoup plus
beaux. Ils ont également l'habitude de se faire une in-
cision au bas-ventre avec la pointe d'un couteau.
Voici d'autres détails curieux que nous extrayons de
sa dernière lettre : « Les barbares (peuples) du fleuve
Blanc ne tuent généralement ni bœufs ni [moutons pour
leur usage journalier ; mais lorsqu'ils ont remporté
une victoire, ils en tuent une grande quantité. C'est
alo!s le moment choisi pour fabriquer de la bière et
célébrer une fête; les femmes de la tribu sont convo-
quées en cette occasion. Tous ces peuples sont fort pas-
sionnés pour la danse; à la moindre circonstance, ils
s'y abandonnent avec frénésie. A la mort d'un chef, de
sa femme ou de ses fils, on tue des bœufs ; c'est là
un sacrifice fait à la mémoire du défunt. Dans ces
danses s'établissent et se concluent les mariages, qui
sont traités à l'insu de la famille de la jeune fille. Si,
par aventure, l'époux ne possède point de bœufs, ou si
son père n'en a point, il est obligé de fuir au plus vite
s'il ne veut pas être massacré. Une femme est-elle sté-
rile, son mari a le droit de la rendre à sa famille en
gardant les bœufs qui ont constitué la dot du mariage !
de même, si la femme meurt avant son mari, les bœufs
lui reviennent en toute propriété. »
En passant, M. Andréa Debono fournit des renseigne-
ments sur les Nyam-Nyam (du pays de Makaraka),
LES SOURCES DU NIL.
La question des sources du Nil est, en géographie,
ce que sont en politique certaines graves questions
agitées en ce moment: on disserte beaucoup, mais
l'on avance peu.
Le haut Nil ne se montre pas beaucoup plus nette-
ment aux yeux des géographes actuels qu'au vieux
Ptolémée. Ce sont toujours les mêmes conjectures, les
mêmes hésitations. On s'accorde pourtant, aujourd'hui,
à admettre que le Nil blanc (le Bahr-el-Abiad) prend sa
source dans les régions subéquatoriales. Ainsi, par
une rencontre qui honore le savoir des anciens géo-
graphes, la direction de ce grand cours d'eau se trouve
plus conforme aux données des savants du moyen âge
qu'aux renseignements fournis par les cartographes du
siècle dernier et du commencement de celui-ci. C'est
là un trait caractéristique des revirements scientifi-
ques.
Si les grandes découvertes scientifiques sont encore
peu nombreuses, reconnaissons au moins que les ten-
tatives faites pour la solution de cet éternel problème
de l'origine du Nil ont été souvent précieuses pour
l'ethnographie et l'anthropologie. C'est surtout à
MM. Yaudey, Angeio Vinco, Knoblecher, Brun Rollet,
Vayssière, de Malzac, Alfred Peney, Terranuova, Le-
jean, Petherick, Debono, Poncet, que l'on est redeva-
ble de communications profitables.
Malheureusement, la plupart des voyageurs passent
par les mêmes endroits, s'avancent au milieu des
mêmes peuplades et, ce qui est plus regrettable, s'ar-
rêtent au même point, c'est-à-dire dans les environs
de Bélénia. Cette manière d'agir toute moutonnière
n'est guère destinée à imprimer une impulsion rapide
à la science. En général, les explorateurs partent de
Khartoum. S'ils sont venus tout exprès d'Europe en
Afrique pour tenter la découverte du haut Nil, ils se
contentent d'armer une petite troupe de braves qui, le
cas échéant, mettront, il est vrai, à feu et à sang des
villages hostiles; mais, si les voyageurs ont résidé
longtemps à Khartoum, il est fort à présumer que leurs
pérégrinations auront pour but principal la traite des
noirs et les razzias. La conscience se dénature telle-
ment au contact de la société corrompue de la grande
cité nubienne, qu'on serait fort mal avisé de taxer en-
suite d'ignobles trafiquants ces misérables marchands
d'esclaves. Espérons qu'un jour viendra où les voya-
ges dans le Soudan ne serviront plus de prétexte à ce
hideux commerce.
On ne saurait s'imaginer combien ces faux disciples
de la géographie ont nui à l'avancement des connais-
sances : ils ont rendu malveillantes la plupart des po-
pulations riveraines. Qu'on n'aille pas objecter qu'on
avait affaire à des indigènes naturellement farouches;
l'argument ne serait pas admissible. Dans les premiers
temps les pauvres tribus accouraient avec empresse-
ment au-devant des étrangers et les comblaient de pré-
venances. On aurait alors pu nouer des relations paci-
fiques. Mais la déplorable avidité des hommes du Nord
ne le perm;t pas. On préféra verser du sang et cap-
turer. On substitua la ruse à la bonne foi.
Il est vraiment triste, disait à ce propos M. G. Lejean,
de constater que, dans les relations de commerce qui
s'établissent entre les civilisés et les barbares, il y a
tout à parier que les exemples éclatants d'improbité
viendront des premiers. Cela s'est vu au Sénégal, où,
la mesure-étalon pour le commerce des gommes étant
originairement des tonnes de la contenance d'un kantar
arabe, les traitants imaginèrent des tonnes à fonds
mobiles cloués sur le pont, versant dans le faux pont
une partie de la gomme qu'on y entassait, et réalisant
pour le vendeur ingénu la fable du tonneau des Da-
naïdes. Au Nil blanc, une concurrence fiévreuse et
anarchique n'a laissé de place qu'à une seule pensée,
celle de s'enrichir à tout prix.
Du reste, n'insistons pas davantage; le temps fera
probablement justice de pareils faits, car les yeux
commencent à s'ouvrir. Parlons des dernières recher-
ches de M. Debono.
Ce voyageur n'est pas débarqué d'hier sur le sol afri-
cain; il habite les régions du Nil depuis plus de treize
années. Il est donc parfaitement fait au climat et aux
habitudes du pays.
Le 4 février 18(51, Debono et Peney se rencontraient à
Gondokono. Après s'être concertés sur la direction et le
but de leur voyage, ils partirent vers le mois de mars. Ils
se dirigèrent d'abord vers la cataracte de Makédo, et, de
là, vers celle de Gardo. Arrêté par des pluies torrentielles,
M. Debono stationna pendant plusieurs mois à Gondo-
kono et put étudier les tribus voisines. Parmi elles, il
cite les Denka, les Nouerr, les Matat, les Seir, les Lochi.
Il remarqua que la plupart des noirs du fleuve Blanc,
jusqu'à la tribu des Lochi, s'arrachent sur le devant de
la bouche quatre dents, croyant être beaucoup plus
beaux. Ils ont également l'habitude de se faire une in-
cision au bas-ventre avec la pointe d'un couteau.
Voici d'autres détails curieux que nous extrayons de
sa dernière lettre : « Les barbares (peuples) du fleuve
Blanc ne tuent généralement ni bœufs ni [moutons pour
leur usage journalier ; mais lorsqu'ils ont remporté
une victoire, ils en tuent une grande quantité. C'est
alo!s le moment choisi pour fabriquer de la bière et
célébrer une fête; les femmes de la tribu sont convo-
quées en cette occasion. Tous ces peuples sont fort pas-
sionnés pour la danse; à la moindre circonstance, ils
s'y abandonnent avec frénésie. A la mort d'un chef, de
sa femme ou de ses fils, on tue des bœufs ; c'est là
un sacrifice fait à la mémoire du défunt. Dans ces
danses s'établissent et se concluent les mariages, qui
sont traités à l'insu de la famille de la jeune fille. Si,
par aventure, l'époux ne possède point de bœufs, ou si
son père n'en a point, il est obligé de fuir au plus vite
s'il ne veut pas être massacré. Une femme est-elle sté-
rile, son mari a le droit de la rendre à sa famille en
gardant les bœufs qui ont constitué la dot du mariage !
de même, si la femme meurt avant son mari, les bœufs
lui reviennent en toute propriété. »
En passant, M. Andréa Debono fournit des renseigne-
ments sur les Nyam-Nyam (du pays de Makaraka),
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.95%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.95%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 7/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k62033064/f7.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k62033064/f7.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k62033064/f7.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k62033064
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k62033064
Facebook
Twitter