Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-08-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 août 1862 15 août 1862
Description : 1862/08/15 (A7,N148). 1862/08/15 (A7,N148).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203302g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 253
destinées et de s'abstenir soigneusement de toute in-
tervention et de toute immixtion avouée ou ca-
chée dans cette affaire.
Ainsi a parlé M. Griffith tant que les travaux n'a-
vaient pas pris les développements qu'ils ont acquis
depuis, et tant que le cabinet britannique semblait ne
négliger aucun effort pour les entraver ; mais depuis
que son gouvernement a pris une attitude beaucoup
plus réservée et modérée, l'honorable orateur a fait
de son côté une sorte de volte-face, et l'on peut ré-
sumer en ces mots les deux phases de sa conduite :
il veut qu'on laisse faire le canal de Suez, à la con-
dition de le rendre impossible ; il veut qu'on respecte
l'initiative et la liberté du gouvernement égyptien,
à condition qu'on lui enlèvera les seuls moyens par
lesquels il puisse exercer efficacement cette liberté
et cette initiative. En d'autres termes, il veut bien
permettre les travaux, mais il ne veut pas permet-
tre les- ouvriers. Autant dans les premiers temps il
protestait contre toute intervention britannique, au-
tant aujourd'hui il l'invoque et la réclame.
Le motif mis en avant par M. Griffith est certai-
nement des plus respectables. Mais avant même de
demander s'il est sérieux, n'y a-t-il pas à examiner
si les sommations qu'il adresse à son gouvernement
sont conformes aux lois internationales? De quel
droit l'Angleterre voudrait-elle s'immiscer dans les
actes et les usages d'un pays qui ne dépend point
d'elle ? Là-dessus, M. F. de Lesseps, dans sa lettre à
M. Layard, a dit tout ce qu'il était possible de dire.
En supposant que le recrutement des ouvriers en
Égypte fût un abus, n'y a-t-il pas des abus identi-
ques ou plus excessifs en Irlande, en Angleterre, aux
Indes et dans plus d'une des possessions anglaises ?
Quel est le sort des tenanciers en Irlande? L'année
dernière encore le Times ne nous racontait-il pas la
conduite d'un évêque protestant chassant à la fois
toutes les familles catholiques qui cultivaient ses
terres, démolissant impitoyablement leurs humbles
demeures pour leur ravir ce dernier asile, et jetant
sans abri et sans ressources toute cette population
sur le grand chemin P Nous pourrions trouver d'autres
exemples de ce genre dans d'autres parties du
Royaume-Uni. Les soldats, les prisonniers y sont
encore soumis à l'horrible supplice du chat à neuf
queues, ce fouet atroce qui déchire et épuise ses vic-
times. On a parlé du sort de pauvres apprentis, qui,
dans plusieurs villes manufacturières, sont, depuis
leur enfance jusqu'à leur majorité, réduits à un véri-
table esclavage, jusqu'au trafic de leur personne in-
clusivement. Les livres et les journaux sont remplis
des misères et des oppressions qui pèsent sur les
fyots ou paysans de l'Inde. La torture, par exemple,
y est un moyen de la perception des impôts. L'An-
gleterre s'afflige de ces excès, elle y voudrait mettre
Un terme. Pourtant, que répondrait-elle si le vice-roi
d'Egypte ou tout autre gouvernement prétendait in-
tervenir dans la législation intérieure du pays, de
façon à l'obliger à se montrer plus humain ou plus
libéral dans ses actes? Elle répondrait qu'elle est
maîtresse chez elle; que la prétention de venir lui en-
seigner son devoir est un attentat à sa souveraineté,
une insulte à son indépendance et à sa dignité ; et
elle aurait raison. Or, comment ce qui est vrai pour
l'Angleterre ne serait-il pas vrai pour l'Egypte?
C'est un argument que l'on a plus d'une fois soumis
à M. Griffith et à plus d'un de ses collègues, mais
qu'ils se sont peu souciés d'entendre et auquel ils se
sont bien gardés de répondre. -
Voilà pour la forme et le droit. Quant au fond et
au fait, il nous faut malheureusement ajouter que
pour M. Griffith les rectifications ou les réfutations
de ses erreurs restent non avenues. On a mis sous
ses yeux le texte des règlements arrêtés entre le
vice-roi et la Compagnie, garantissant aux travail-
leurs dans l'isthme un salaire supérieur à leurs sa-
làires habituels, des abris, une nourriture saine et
abondante, des soins gratuits pour les malades et des
secours pour leurs familles, dans ce cas ; on a admi-
nistré la preuve de l'exactitude avec laquelle ces
obligations s'exécutaient; à l'appui, on a publié en
France et en Angleterre les déclarations des fellahs
eux-mêmes. L'inspection des travaux est ouverte à
quiconque veut la faire ; tous ceux qui ont voulu voir
- et juger par leurs yeux ont attesté les bons traite-
ments dont les indigènes sont l'objet, et cependant
M. Griffith a le courage de comparer, en pleine
Chambre des communes, le sort des fellahs travail-
lant au canal à tout ce qui se fait de plus inhumain
par rapport à l'esclavage des nègres en Amérique.
Incontestablement il y a là une passion,, un pré-
jugé, une obstination de parti pris contre lesquels
viennent se briser la discussion, la raison, l'évidence.
Nous ne pouvons donc que les abandonner à eux-
mêmes, imitant en cela la Chambre des communes
accueillant avec une froideur et une inattention mar-
quées les communications de l'interpellateur, réité-
rées jusqu'à la fatigue.
Mais, nous n'hésitons pas à l'avouer, nous attendions
mieux du libéralisme et de la loyauté de M. Layard.
Après les explications que, dans une lettre publique,
lui a personnellement adressées M. F. de Lesseps, nous
ne pouvions penser qu'il persisterait dans ses inexacti-
tudes passées et qu'il y ajouterait d'autres inexacti-
tudes. Nous ne pouvions penser qu'il persisterait à
présenter les travaux du canal, source de salaires et
de bien-être pour les fellahs, comme un système en-
gendrant toutes sortes de souffrances et de privations,
et enfin, après les affirmations et les chiffres si posi-
tifs de M. de Lesseps, nous ne supposions pas qu'il
viendrait exagérer du triple le nombre des indigènes
occupés en ce moment par la Compagnie.
destinées et de s'abstenir soigneusement de toute in-
tervention et de toute immixtion avouée ou ca-
chée dans cette affaire.
Ainsi a parlé M. Griffith tant que les travaux n'a-
vaient pas pris les développements qu'ils ont acquis
depuis, et tant que le cabinet britannique semblait ne
négliger aucun effort pour les entraver ; mais depuis
que son gouvernement a pris une attitude beaucoup
plus réservée et modérée, l'honorable orateur a fait
de son côté une sorte de volte-face, et l'on peut ré-
sumer en ces mots les deux phases de sa conduite :
il veut qu'on laisse faire le canal de Suez, à la con-
dition de le rendre impossible ; il veut qu'on respecte
l'initiative et la liberté du gouvernement égyptien,
à condition qu'on lui enlèvera les seuls moyens par
lesquels il puisse exercer efficacement cette liberté
et cette initiative. En d'autres termes, il veut bien
permettre les travaux, mais il ne veut pas permet-
tre les- ouvriers. Autant dans les premiers temps il
protestait contre toute intervention britannique, au-
tant aujourd'hui il l'invoque et la réclame.
Le motif mis en avant par M. Griffith est certai-
nement des plus respectables. Mais avant même de
demander s'il est sérieux, n'y a-t-il pas à examiner
si les sommations qu'il adresse à son gouvernement
sont conformes aux lois internationales? De quel
droit l'Angleterre voudrait-elle s'immiscer dans les
actes et les usages d'un pays qui ne dépend point
d'elle ? Là-dessus, M. F. de Lesseps, dans sa lettre à
M. Layard, a dit tout ce qu'il était possible de dire.
En supposant que le recrutement des ouvriers en
Égypte fût un abus, n'y a-t-il pas des abus identi-
ques ou plus excessifs en Irlande, en Angleterre, aux
Indes et dans plus d'une des possessions anglaises ?
Quel est le sort des tenanciers en Irlande? L'année
dernière encore le Times ne nous racontait-il pas la
conduite d'un évêque protestant chassant à la fois
toutes les familles catholiques qui cultivaient ses
terres, démolissant impitoyablement leurs humbles
demeures pour leur ravir ce dernier asile, et jetant
sans abri et sans ressources toute cette population
sur le grand chemin P Nous pourrions trouver d'autres
exemples de ce genre dans d'autres parties du
Royaume-Uni. Les soldats, les prisonniers y sont
encore soumis à l'horrible supplice du chat à neuf
queues, ce fouet atroce qui déchire et épuise ses vic-
times. On a parlé du sort de pauvres apprentis, qui,
dans plusieurs villes manufacturières, sont, depuis
leur enfance jusqu'à leur majorité, réduits à un véri-
table esclavage, jusqu'au trafic de leur personne in-
clusivement. Les livres et les journaux sont remplis
des misères et des oppressions qui pèsent sur les
fyots ou paysans de l'Inde. La torture, par exemple,
y est un moyen de la perception des impôts. L'An-
gleterre s'afflige de ces excès, elle y voudrait mettre
Un terme. Pourtant, que répondrait-elle si le vice-roi
d'Egypte ou tout autre gouvernement prétendait in-
tervenir dans la législation intérieure du pays, de
façon à l'obliger à se montrer plus humain ou plus
libéral dans ses actes? Elle répondrait qu'elle est
maîtresse chez elle; que la prétention de venir lui en-
seigner son devoir est un attentat à sa souveraineté,
une insulte à son indépendance et à sa dignité ; et
elle aurait raison. Or, comment ce qui est vrai pour
l'Angleterre ne serait-il pas vrai pour l'Egypte?
C'est un argument que l'on a plus d'une fois soumis
à M. Griffith et à plus d'un de ses collègues, mais
qu'ils se sont peu souciés d'entendre et auquel ils se
sont bien gardés de répondre. -
Voilà pour la forme et le droit. Quant au fond et
au fait, il nous faut malheureusement ajouter que
pour M. Griffith les rectifications ou les réfutations
de ses erreurs restent non avenues. On a mis sous
ses yeux le texte des règlements arrêtés entre le
vice-roi et la Compagnie, garantissant aux travail-
leurs dans l'isthme un salaire supérieur à leurs sa-
làires habituels, des abris, une nourriture saine et
abondante, des soins gratuits pour les malades et des
secours pour leurs familles, dans ce cas ; on a admi-
nistré la preuve de l'exactitude avec laquelle ces
obligations s'exécutaient; à l'appui, on a publié en
France et en Angleterre les déclarations des fellahs
eux-mêmes. L'inspection des travaux est ouverte à
quiconque veut la faire ; tous ceux qui ont voulu voir
- et juger par leurs yeux ont attesté les bons traite-
ments dont les indigènes sont l'objet, et cependant
M. Griffith a le courage de comparer, en pleine
Chambre des communes, le sort des fellahs travail-
lant au canal à tout ce qui se fait de plus inhumain
par rapport à l'esclavage des nègres en Amérique.
Incontestablement il y a là une passion,, un pré-
jugé, une obstination de parti pris contre lesquels
viennent se briser la discussion, la raison, l'évidence.
Nous ne pouvons donc que les abandonner à eux-
mêmes, imitant en cela la Chambre des communes
accueillant avec une froideur et une inattention mar-
quées les communications de l'interpellateur, réité-
rées jusqu'à la fatigue.
Mais, nous n'hésitons pas à l'avouer, nous attendions
mieux du libéralisme et de la loyauté de M. Layard.
Après les explications que, dans une lettre publique,
lui a personnellement adressées M. F. de Lesseps, nous
ne pouvions penser qu'il persisterait dans ses inexacti-
tudes passées et qu'il y ajouterait d'autres inexacti-
tudes. Nous ne pouvions penser qu'il persisterait à
présenter les travaux du canal, source de salaires et
de bien-être pour les fellahs, comme un système en-
gendrant toutes sortes de souffrances et de privations,
et enfin, après les affirmations et les chiffres si posi-
tifs de M. de Lesseps, nous ne supposions pas qu'il
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