Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-07-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 juillet 1862 01 juillet 1862
Description : 1862/07/01 (A7,N145). 1862/07/01 (A7,N145).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203299f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 205
peut-être pas hors de propos de vous faire connaître
ici comment ce prince avait inauguré son règne.
Mohammed-Pacha a été élevé par un Français, M. Kœ-
nig-Bey, homme également distingué par son carac-
tère et par ses connaissances. Comme vous allez le voir
l'élève avait répondu aux soins du maître. Il lui écri-
vit de sa propre main que sa première pensée avait
été d'attacher plus étroitement à sa personne son
précepteur, auquel il devait plus que la vie, puisqu'il
lui devait l'éducation; et il l'appelait à ses côtés
comme secrétaire de ses commandements, avec un
traitement, témoignage de la royale reconnaissance
de l'un et digne du mérite de l'autre. La lettre auto -
graphe ajoutait : « J'ai retenu de vos leçons que les
Parisiens, assiégés par Henri IV et réduits aux der-
nières extrémités de la faim, lui envoyèrent son pré-
cepteur comme la seule personne capable de toucher
son cœur, et d'obtenir pour eux le passage de quel-
ques vivres. Je fais mon profit de ce souvenir que je
vous dois; venez auprès de moi pour servir mon
gouvernement après m'avoir instruit. » (Sensation.)
Sur l'appel si bienveillant qui m'avait été adressé,
je partis immédiatement pour Alexandrie. — Je par-
courus avec le prince le désert de Lybie, jusqu'au
Caire; tous nos entretiens portaient sur les moyens de
développer les immenses ressources et la civilisation
de l'Egypte. Dans cet ordre d'idées, le percement de
l'isthme de Suez devint tout naturellement un des
sujets de nos conversations. Son intelligence embrassa
bien vite la grandeur des résultats qu'un tel ouvrage,
s'il était possible, aurait pour son peuple et pour le
monde. Il me demanda un mémoire à ce sujet. Je
savais que je rencontrerais au début de nombreuses
préventions, que beaucoup de personnes regardaient
ce projet comme une chimère, et que je courais
risque de passer pour un rêveur. Je me mis donc à
étudier la -question avec tout le soin et la sincérité
dont j'étais capable.
Je fus bientôt à même de présenter au vice-roi un
travail préparatoire. J'y exposai brièvement l'histoire
du canal dans les temps qui nous avaient précédés.
Je rappelai que cette entreprise avait attiré l'attention
de tous les grands hommes qui avaient régné ou
passé en Egypte, Sésostris, Alexandre, César, le con-
quérant arabe Amrou, Napoléon Ier, Mohammed-Ali.
J e rappelai qu'un canal joignant les deux mers avait
fonctionné pendant des siècles sous les Pharaons,
sous les Ptolémées, sous les Romains, sous les Arabes.
que toutefois, à ces diverses époques, c'était par le
Nil et par un canal dérivé du Nil que la Méditerranée
communiquait avec la mer Rouge; seulement jusqu'ici
les deux mers n'avaient jamais été unies par une
ligne directe à travers l'isthme de Suez. La possibi-
lité du canal me paraissait démontrée ; la seule dif-
ficulté à résoudre était de savoir dans quelle me.
sure il fallait adopter le tracé indirect des anciens,
ou lui préférer le tracé direct de Péluse à Suez.
Ce mémoire détermina le vice-roi à me charger de
l'entreprise, par un acte de concession sous la date
du 30 novembre 1854. En même temps, il m'adjoignait
deux ingénieurs français depuis longtemps à son ser-
vice, MM. Mougel-Bey et Linant-Bey, pour effectuer,
de concert avec moi, une première reconnaissance du
terrain de l'isthme.
Dans cette exploration, mes compagnons et moi nous
fûmes frappés des facilités que le terrain présentait
pour la jonction des deux mers. Le résultat de nos
observations fut soumis au vice-roi ; un plan fut
dressé; un avant-projet fut rédigé. Après quoi, je
fus chargé par Saïd-Pacha de me rendre à Constanti-
nople, pour exposer en son nom à la Sublime-Porte
le but de l'entreprise et éviter tout malentendu entre
le suzerain et le vassal.
C'était là un acte de déférence. Le vice-roi pouvait,
de son autorité propre', ordonner l'exécution du ca-
nal, en vertu de la complète indépendance admi-
nistrative de son gouvernement. Sur ce point, les pré-
cédents sont d'accord avec le texte des traités ; ainsi,
depuis l'arrangement de 1841, réglant définitive-
ment les relations entre l'Egypte et la Porte, Moham,
met-Ali a exécuté, sans autorisation, le barrage du
Nil et le canal de Mahmoudieh; Abbas-Pacha, après
lui, a fait construire , dans les mêmes conditions
le chemin de fer d'Alexandrie au Caire; et c'est encore
ainsi que, depuis son avènement, Mohammed-Saïd a
fait construire le chemin de fer du Caire à Suez-
Mais l'esprit hautement conciliant et prudent du
vice-roi voulait d'avance écarter l'éventualité de tout
froissement, dans un moment où l'Angleterre et la
France s'alliaient pour défendre la Turquie, et com-
battaient en Crimée pour l'intégrité de l'empire otto-
man.
A Constantinople je reçus le meilleur accueil du
sultan et de ses ministres, notamment du grand-vi-
zir Reschid-Pacha, qui depuis s'est montré très-favo-
rable au projet. C'est alors que je vis poindre l'oppo-
sition de lord Strattford de Redcliffe. J'eus plusieurs
conversations avec lui, et je pus prévoir des entraves
du côté de l'Angleterre. Je crus cependant devoir
redoubler de circonspection envers un gouvernement
avec lequel la France était engagée dans une œuvre
commune ; car la France n'a pas l'habitude d'aban-
donner ses alliés. (Bravo, bravo ! — Longue salve
d'applaudissements).
De Constantinople je rapportai au vice-roi, avec
une lettre du grand-vizir, l'assentiment de la Porte
au principe du projet. Ce prince me donna ses ins-
tructions pour faire publier en Europe l'acte de con-
cession et l'avant-projet de ses ingénieurs, afin de les
soumettre à la discussion publique. Il trouvait un
grand encouragement dans les témoignages d'es-
peut-être pas hors de propos de vous faire connaître
ici comment ce prince avait inauguré son règne.
Mohammed-Pacha a été élevé par un Français, M. Kœ-
nig-Bey, homme également distingué par son carac-
tère et par ses connaissances. Comme vous allez le voir
l'élève avait répondu aux soins du maître. Il lui écri-
vit de sa propre main que sa première pensée avait
été d'attacher plus étroitement à sa personne son
précepteur, auquel il devait plus que la vie, puisqu'il
lui devait l'éducation; et il l'appelait à ses côtés
comme secrétaire de ses commandements, avec un
traitement, témoignage de la royale reconnaissance
de l'un et digne du mérite de l'autre. La lettre auto -
graphe ajoutait : « J'ai retenu de vos leçons que les
Parisiens, assiégés par Henri IV et réduits aux der-
nières extrémités de la faim, lui envoyèrent son pré-
cepteur comme la seule personne capable de toucher
son cœur, et d'obtenir pour eux le passage de quel-
ques vivres. Je fais mon profit de ce souvenir que je
vous dois; venez auprès de moi pour servir mon
gouvernement après m'avoir instruit. » (Sensation.)
Sur l'appel si bienveillant qui m'avait été adressé,
je partis immédiatement pour Alexandrie. — Je par-
courus avec le prince le désert de Lybie, jusqu'au
Caire; tous nos entretiens portaient sur les moyens de
développer les immenses ressources et la civilisation
de l'Egypte. Dans cet ordre d'idées, le percement de
l'isthme de Suez devint tout naturellement un des
sujets de nos conversations. Son intelligence embrassa
bien vite la grandeur des résultats qu'un tel ouvrage,
s'il était possible, aurait pour son peuple et pour le
monde. Il me demanda un mémoire à ce sujet. Je
savais que je rencontrerais au début de nombreuses
préventions, que beaucoup de personnes regardaient
ce projet comme une chimère, et que je courais
risque de passer pour un rêveur. Je me mis donc à
étudier la -question avec tout le soin et la sincérité
dont j'étais capable.
Je fus bientôt à même de présenter au vice-roi un
travail préparatoire. J'y exposai brièvement l'histoire
du canal dans les temps qui nous avaient précédés.
Je rappelai que cette entreprise avait attiré l'attention
de tous les grands hommes qui avaient régné ou
passé en Egypte, Sésostris, Alexandre, César, le con-
quérant arabe Amrou, Napoléon Ier, Mohammed-Ali.
J e rappelai qu'un canal joignant les deux mers avait
fonctionné pendant des siècles sous les Pharaons,
sous les Ptolémées, sous les Romains, sous les Arabes.
que toutefois, à ces diverses époques, c'était par le
Nil et par un canal dérivé du Nil que la Méditerranée
communiquait avec la mer Rouge; seulement jusqu'ici
les deux mers n'avaient jamais été unies par une
ligne directe à travers l'isthme de Suez. La possibi-
lité du canal me paraissait démontrée ; la seule dif-
ficulté à résoudre était de savoir dans quelle me.
sure il fallait adopter le tracé indirect des anciens,
ou lui préférer le tracé direct de Péluse à Suez.
Ce mémoire détermina le vice-roi à me charger de
l'entreprise, par un acte de concession sous la date
du 30 novembre 1854. En même temps, il m'adjoignait
deux ingénieurs français depuis longtemps à son ser-
vice, MM. Mougel-Bey et Linant-Bey, pour effectuer,
de concert avec moi, une première reconnaissance du
terrain de l'isthme.
Dans cette exploration, mes compagnons et moi nous
fûmes frappés des facilités que le terrain présentait
pour la jonction des deux mers. Le résultat de nos
observations fut soumis au vice-roi ; un plan fut
dressé; un avant-projet fut rédigé. Après quoi, je
fus chargé par Saïd-Pacha de me rendre à Constanti-
nople, pour exposer en son nom à la Sublime-Porte
le but de l'entreprise et éviter tout malentendu entre
le suzerain et le vassal.
C'était là un acte de déférence. Le vice-roi pouvait,
de son autorité propre', ordonner l'exécution du ca-
nal, en vertu de la complète indépendance admi-
nistrative de son gouvernement. Sur ce point, les pré-
cédents sont d'accord avec le texte des traités ; ainsi,
depuis l'arrangement de 1841, réglant définitive-
ment les relations entre l'Egypte et la Porte, Moham,
met-Ali a exécuté, sans autorisation, le barrage du
Nil et le canal de Mahmoudieh; Abbas-Pacha, après
lui, a fait construire , dans les mêmes conditions
le chemin de fer d'Alexandrie au Caire; et c'est encore
ainsi que, depuis son avènement, Mohammed-Saïd a
fait construire le chemin de fer du Caire à Suez-
Mais l'esprit hautement conciliant et prudent du
vice-roi voulait d'avance écarter l'éventualité de tout
froissement, dans un moment où l'Angleterre et la
France s'alliaient pour défendre la Turquie, et com-
battaient en Crimée pour l'intégrité de l'empire otto-
man.
A Constantinople je reçus le meilleur accueil du
sultan et de ses ministres, notamment du grand-vi-
zir Reschid-Pacha, qui depuis s'est montré très-favo-
rable au projet. C'est alors que je vis poindre l'oppo-
sition de lord Strattford de Redcliffe. J'eus plusieurs
conversations avec lui, et je pus prévoir des entraves
du côté de l'Angleterre. Je crus cependant devoir
redoubler de circonspection envers un gouvernement
avec lequel la France était engagée dans une œuvre
commune ; car la France n'a pas l'habitude d'aban-
donner ses alliés. (Bravo, bravo ! — Longue salve
d'applaudissements).
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une lettre du grand-vizir, l'assentiment de la Porte
au principe du projet. Ce prince me donna ses ins-
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