Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-07-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 juillet 1862 01 juillet 1862
Description : 1862/07/01 (A7,N145). 1862/07/01 (A7,N145).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203299f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
210 L'ISTHME DE SUEZ,
où je plaçai les hommes que je croyais les plus ca-
pables de se dévouer avec moi à l'œuvre, et dont je
pouvais en quelque sorte répondre personnellement.
J'adressai ensuite aux entrepreneurs de l'Europe une
invitation publique tendant à les appeler à présenter
à la Compagnie des propositions pour l'exécution de
ses travaux, et peu de temps après un traité fut
passé entre le conseil d'administration et un entr -
preneur général s'obligeant à les exécuter moyen-
nant des prix inférieurs aux devis estimatifs de la
commission internationale.
Une dernière formalité restait à accomplir. Il
fallait, au nom de la Compagnie universelle, désor-
mais constituée, prendre publiquement possession de
la ligne du canal et des terrains concédés, et faire
entrer les opérations commencées dans une nouvelle
phase. Dans ce double objet, je me rendis sur l'isthme,
accompagné de l'entrepreneur général et du directeur
général des travaux, et assisté d'une délégation du
conseil d'administration. Nous remplîmes les deux
parties de notre mission. Nous prîmes possession de
nos terrains , et nous inaugurâmes, avec quelque
solennité, sur la plage de Port-Saïd, où il n'y avait
alors que des sables et quelques tentes, l'ouverture
de la tranchée du canal, par le premier coup de
pioche. Cet événement fit sensation en Europe et eut
pour résultat d'obliger le gouvernement anglais à dé-
masquer un peu plus ses batteries cachées, et à se
livrer plus ouvertement au jugement du monde.
Sans appui dans son pays, la diplomatie anglaise
exerça sur les conseils de Constantinople sa puissante
pression. Elle s'abrita derrière la Porte et la poussa
en avant. (Bravos prolongés.) De plus, elle envoya
une escadre devant Alexandrie, pendant que la
France était engagée dans la guerre d'Italie.
On chercha à intimider le vice-roi. On agit sur les
populations avoisinant l'isthme pour les pousser à
nous refuser leur coopération et jusqu'au transport
de l'eau nécessaire à nos travailleurs. Je dus me
rendre sur le lieu de cette lutte. Je frétai un bateau
à vapeur, j'y embarquai des machines distillatoires.
J'arrivai à Port-Saïd, où m'attendaient nos jeunes in-
génieurs MM. Laroche et Larousse, anciens élèves de
cette École polytechnique où l'on apprend le dé-
vouement avec la science. (Applaudissements.) Je
débarquai avec mes machines au milieu des ouvriers,
et immédiatement, par la distillation de l'eau de mer,
elles purent abreuver douze cents hommes.
En face de ces difficultés , la constance et le cou-
rage de nos travailleurs furent admirables. J'avais à
les défendre; j'avais à soutenir les droits acquis de la
Compagnie universelle. Je me hàtai d'aller à Paris
pour solliciter la protection du gouvernement français.
Si je ne perdais pas de temps, l'Angleterre n'était
pas moins active. Elle était parvenue à obtenir du
gouvernement ottoman, non-seulement des ordres,
mais encore l'expédition en Egypte d'un envoyé,
Mouktar-Bey, chargé de faire arrêter les travaux à
époque fixe. En conséquence de cette signification les
consuls européens crurent devoir adresser à leurs
nationaux l'invitation de quitter l'isthme Quelques
employés et ouvriers étrangers s'y conformèrent,
mais pas un Français ne lâcha pied. Nos médecins,
nos ingénieurs, nos travailleurs de tout ordre, tous
furent inébranlables, tous déclarèrent qu'ils n'aban-
donneraient pas leur poste, qu'ils ne déserteraient
pas les droits que la Compagnie tenait de sa conces-
sion, tant que la Compagnie ne les abandonnerait pas
elle-même, et qu'elle ne serait pas abandonnée par
la France. (Explosion d'applaudissements.)
Le gouvernement français s'émut de cette situa-
tion. Elle intéressa en particulier une illustre protec-
trice, que je ne veux pas désigner autrement qu'en
disant qu'elle a fait pour le canal ce qu'Isabelle la
Catholique avait fait pour la découverte du nouveau
monde. Le canal de Suez a aussi son Isabelle la Ca-
tholique. (Applaudissements.) Elle a intercédé pour
nous. Le gouvernement de l'Empereur a agi. Il fai-
sait parvenir à Alexandrie une dépêche télégra-
phique, arrivée dans cette ville vingt-quatre heures
avant le jour fixé pour l'interruption des travaux,
et enjoignant au représentant de la France de nous
protéger dans notre légitime possession. Cet acte
suffit pour tout calmer et tout changer. En même
temps notre ambassadeur à Constantinople, M. Thou-
venel, aujourd'hui ministre des affaires étrangères,
terminait de la manière la plus heureuse la négo-
ciation poursuivie sur ces difficultés. Il obtenait de
la Sublime Porte la déclaration formelle du principe
de son adhésion à l'entreprise du vice-roi d'Egypte,
et la proposition officielle d'un recours aux cabinets
de Londres et de Paris pour examiner et décider
d'un commun accord les questions internationales
que pouvait soulever l'ouverture du canal à la navi-
gation du monde.
Peu de temps après, un autre soin m'amenait de
Constantinople à Alexandrie. Dans la composition du
fonds social figuraient des souscriptions étrangères,
que les perturbations causées par la guerre d'Italie
avaient empêché de réaliser; elles pouvaient l'être
encore, mais il ne fallait abandonner l'intégrité du
fonds social à aucun hasard. Le vice-roi connaissait ces
circonstances, et je vous ai cité les paroles qui m'assu-
raient de son concours. Il prit ces souscriptions pour
son compte, en se réservant de les distribuer plus
tard, de façon à conserver toujours à la Compagnie
ce caractère universel qui est sa loi et sa condition
d'existence. Dès ce moment toutes les difficultés po-
litiques et financières étaient surmontées. Nous pou-
vions consacrer toute notre énergie à la poursuite
des travaux, et le 15 mai 1860 nous convoquions
notre première assemblée générale qui sanctionnait
où je plaçai les hommes que je croyais les plus ca-
pables de se dévouer avec moi à l'œuvre, et dont je
pouvais en quelque sorte répondre personnellement.
J'adressai ensuite aux entrepreneurs de l'Europe une
invitation publique tendant à les appeler à présenter
à la Compagnie des propositions pour l'exécution de
ses travaux, et peu de temps après un traité fut
passé entre le conseil d'administration et un entr -
preneur général s'obligeant à les exécuter moyen-
nant des prix inférieurs aux devis estimatifs de la
commission internationale.
Une dernière formalité restait à accomplir. Il
fallait, au nom de la Compagnie universelle, désor-
mais constituée, prendre publiquement possession de
la ligne du canal et des terrains concédés, et faire
entrer les opérations commencées dans une nouvelle
phase. Dans ce double objet, je me rendis sur l'isthme,
accompagné de l'entrepreneur général et du directeur
général des travaux, et assisté d'une délégation du
conseil d'administration. Nous remplîmes les deux
parties de notre mission. Nous prîmes possession de
nos terrains , et nous inaugurâmes, avec quelque
solennité, sur la plage de Port-Saïd, où il n'y avait
alors que des sables et quelques tentes, l'ouverture
de la tranchée du canal, par le premier coup de
pioche. Cet événement fit sensation en Europe et eut
pour résultat d'obliger le gouvernement anglais à dé-
masquer un peu plus ses batteries cachées, et à se
livrer plus ouvertement au jugement du monde.
Sans appui dans son pays, la diplomatie anglaise
exerça sur les conseils de Constantinople sa puissante
pression. Elle s'abrita derrière la Porte et la poussa
en avant. (Bravos prolongés.) De plus, elle envoya
une escadre devant Alexandrie, pendant que la
France était engagée dans la guerre d'Italie.
On chercha à intimider le vice-roi. On agit sur les
populations avoisinant l'isthme pour les pousser à
nous refuser leur coopération et jusqu'au transport
de l'eau nécessaire à nos travailleurs. Je dus me
rendre sur le lieu de cette lutte. Je frétai un bateau
à vapeur, j'y embarquai des machines distillatoires.
J'arrivai à Port-Saïd, où m'attendaient nos jeunes in-
génieurs MM. Laroche et Larousse, anciens élèves de
cette École polytechnique où l'on apprend le dé-
vouement avec la science. (Applaudissements.) Je
débarquai avec mes machines au milieu des ouvriers,
et immédiatement, par la distillation de l'eau de mer,
elles purent abreuver douze cents hommes.
En face de ces difficultés , la constance et le cou-
rage de nos travailleurs furent admirables. J'avais à
les défendre; j'avais à soutenir les droits acquis de la
Compagnie universelle. Je me hàtai d'aller à Paris
pour solliciter la protection du gouvernement français.
Si je ne perdais pas de temps, l'Angleterre n'était
pas moins active. Elle était parvenue à obtenir du
gouvernement ottoman, non-seulement des ordres,
mais encore l'expédition en Egypte d'un envoyé,
Mouktar-Bey, chargé de faire arrêter les travaux à
époque fixe. En conséquence de cette signification les
consuls européens crurent devoir adresser à leurs
nationaux l'invitation de quitter l'isthme Quelques
employés et ouvriers étrangers s'y conformèrent,
mais pas un Français ne lâcha pied. Nos médecins,
nos ingénieurs, nos travailleurs de tout ordre, tous
furent inébranlables, tous déclarèrent qu'ils n'aban-
donneraient pas leur poste, qu'ils ne déserteraient
pas les droits que la Compagnie tenait de sa conces-
sion, tant que la Compagnie ne les abandonnerait pas
elle-même, et qu'elle ne serait pas abandonnée par
la France. (Explosion d'applaudissements.)
Le gouvernement français s'émut de cette situa-
tion. Elle intéressa en particulier une illustre protec-
trice, que je ne veux pas désigner autrement qu'en
disant qu'elle a fait pour le canal ce qu'Isabelle la
Catholique avait fait pour la découverte du nouveau
monde. Le canal de Suez a aussi son Isabelle la Ca-
tholique. (Applaudissements.) Elle a intercédé pour
nous. Le gouvernement de l'Empereur a agi. Il fai-
sait parvenir à Alexandrie une dépêche télégra-
phique, arrivée dans cette ville vingt-quatre heures
avant le jour fixé pour l'interruption des travaux,
et enjoignant au représentant de la France de nous
protéger dans notre légitime possession. Cet acte
suffit pour tout calmer et tout changer. En même
temps notre ambassadeur à Constantinople, M. Thou-
venel, aujourd'hui ministre des affaires étrangères,
terminait de la manière la plus heureuse la négo-
ciation poursuivie sur ces difficultés. Il obtenait de
la Sublime Porte la déclaration formelle du principe
de son adhésion à l'entreprise du vice-roi d'Egypte,
et la proposition officielle d'un recours aux cabinets
de Londres et de Paris pour examiner et décider
d'un commun accord les questions internationales
que pouvait soulever l'ouverture du canal à la navi-
gation du monde.
Peu de temps après, un autre soin m'amenait de
Constantinople à Alexandrie. Dans la composition du
fonds social figuraient des souscriptions étrangères,
que les perturbations causées par la guerre d'Italie
avaient empêché de réaliser; elles pouvaient l'être
encore, mais il ne fallait abandonner l'intégrité du
fonds social à aucun hasard. Le vice-roi connaissait ces
circonstances, et je vous ai cité les paroles qui m'assu-
raient de son concours. Il prit ces souscriptions pour
son compte, en se réservant de les distribuer plus
tard, de façon à conserver toujours à la Compagnie
ce caractère universel qui est sa loi et sa condition
d'existence. Dès ce moment toutes les difficultés po-
litiques et financières étaient surmontées. Nous pou-
vions consacrer toute notre énergie à la poursuite
des travaux, et le 15 mai 1860 nous convoquions
notre première assemblée générale qui sanctionnait
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