Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-06-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juin 1862 15 juin 1862
Description : 1862/06/15 (A7,N144). 1862/06/15 (A7,N144).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032981
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
198 L'ISTHME DE SUEZ,
la commission supérieure des travaux a approuvé le
projet de notre ingénieur.
La longueur totale du canal maritime d'une mer à
l'autre est de 150 kilomètres, à cause des inflexions qui
lui sont données pour mettre à profit tous les acci-
dents du terrain.
Le travail complet consiste à enlever 50 millions de
mètres cubes de terra (le mètre cube représente un
tombereau de la force de deux chevaux), et à jeter à la
mer 12 millions 500,000 mètres cubes de pierres ou
blocs. Pour amener jusqu'à Suez la rigole de service,
c'est-à-dire pour réaliser la jonction des deux mers, il
nous reste à déblayer 6 millions de mètres cubes ; c'est
au plus l'œuvre d'une année.
J'en aurais fini, Messieurs, avec le canal maritime,
si je n'avais à vous entretenir d'une troisième et der-
nière objection. Après avoir nié la possibilité du projet
en lui-même, on a contesté la navigabilité de la mer
Rouge. Si vous y arrivez, nous disait-on, vous y trou-
verez des vents violents, une mer difficile et rebelle.
A quoi bon parler d'une abréviation de 3,000 lieues,
puisque le détroit de Bab-el-Mandeb sera pour vous un
passage infranchissable? Les Vénitiens, au xvi* siècle,
entretenaient des erreurs analogues parmi les naviga-
teurs, auxquels ils avaient fait croire qu'ils seraient
transformés en nègres s'ils passaient la ligne (rires)
pour aller à la découverte du cap de Bonne-Espé-
rance. On en rit aujourd'hui, mais on a vécu cent ans
sous l'empire de cette fiction. Il fallut que Vasco de
Gama prît la barre lui-même pour guérir son équipage
de la peur de passer subitement du blanc au noir.
(Nouveaux rires). Sa fermeté le couvrit de gloire, et
il la méritait, car il avait vaincu une erreur séculaire.
On a voulu de notre temps quelque peu imiter envers
nous l'exemple des Vénitiens à l'égard des Portugais.
A bout d'arguments, on nous a soutenu que la mer
Rouge était innavigable, sans se souvenir que Salomon
y avait possédé une flotte, et que les Vénitiens et les
Portugais y en avaient, à leur tour, réuni de considéra-
bles, que des combats y avaient été livrés entre les
marines de ces deux puissances, et que celle des Véni-
tiens y avait été détruite.
La vapeur n'est pas ancienne ; en 1825 il n'y avait
presque pas de bâtiments à vapeur, puisqu'en 1830, lors
de l'expédition d'Alger, nous n'en avions qu'un seul.
Eh bien, que disaient alors les hommes d'Etat d'outre-
Manche? Lorsque, en 1834, la Compagnie des Indes
parlait de faire le service d'Angleterre à Bombay par
la voie d'Egypte et par la vapeur, le Parlement ordonnait
une enquête qui concluait à la presque impossibilité pour
les bateaux à vapeur d'entrer par Bab-el-Mandeb. On
consultait les marins, et les marins répondaient que sur
cette mer où naviguaient parfaitement les navires à
voiles, les bâtiments à vapeur ne navigueraient jamais.
On faisait un épouvantail des bancs de coraux, ni plus
ni moins dangereux cependant que les bancs de rochers
dispersés sur toutes les côtes.
Qu'y avait-il de sérieux dans ces appréhensions?
L'expérience l'a dit. Les steamers traversent depuis
vingt ans la mer Rouge ; ils y remplissent un service
d'aller et de retour à jour fixe. Quatre bateaux par
mois portent les malles et les voyageurs des Indes et
d'Angleterre, sans compter nos navires de guerre fran-
çais qui sillonnent cette mer depuis nos expéditions de
Chine et de Cochinchine. Nos Messageries impériales
y préparent une ligne de paquebots. La navigation à
vapeur s'y fait aujourd'hui comme s'y faisait autrefois
la navigation à voiles. La mer est parfaitement belle,
les nuits sont claires, la navigation y est plus facile
et beaucoup plus sûre que dans la Manche ou dans
l'Adriatique.
Eh bien, les objections qu'elle faisait contre la navi-
gation à vapeur dans la mer Rouge, l'Angleterre les
renouvelle contre la navigation à voiles, la seule pos-
sible suivant elle il y a vingt ans. (On rit.) Ainsi que
vous le disait avec beaucoup de justesse votre hono-
rable président, ces objections ont fait leur temps.
(Oui, oui ! Applaudissements.)
Au surplus, si le gouvernement anglais s'est montré
hostile à notre projet, le peuple anglais nous a témoigné
beaucoup de sympathie ; il a senti que deux nations
libres, appelées à civiliser le monde entier, devaient se
donner la main dans une œuvre semblable. Soyez-en
persuadés, Messieurs, s'il y a eu de la jalousie, s'il y a
eu de l'hostilité en Angleterre contre le canal, elle pro-
vient uniquement de quelques rares hommes d'Etat ;
le public, le commerce, les classes élevées, les travail-
leurs des villes font des vœux pour le succès de notre
glorieuse entreprise. (Vifs applaudissements.)
La fibre populaire en France a pu être blessée par
certains discours prononcés au Parlement. J'ai entendu
souvent des Anglais s'étonner de cette susceptibilité et
dire que ces paroles, pour l'Angleterre et pour les ora-
teurs eux-mêmes, n'avaient pas l'importance que nous y
attachons, Je crois que les opposants anglais reviendront
de leurs préjugés à rencontre du canal, comme les maî-
tres de poste et les entrepreneurs de roulage sont re-
venus de leur opposition aux chemins de fer. (Rires
approbatifs.) On a beau lutter contre le progrès, le
progrès marche toujours et entraîne à la remorque les
plus récalcitrants. (Applaudissements.)
Un mot en terminant sur notre canal de navigation
d'eau douce, destiné à alimenter nos travailleurs et à
fournir l'irrigation aux terrains dont la Compagnie est
concessionnaire.
Nous avons fait notre prise d'eau au même lieu que
les anciens, à l'ancienne Bubaste, aujourd'hui Zagazig.
C'est là qu'on célébrait les bacchanales et qu'un temple
était dédié à Diane. C'est aussi là que, du Nil, partait
le vieux canal se dirigeant à l'est sur Timsah, pour
descendre ensuite au sud sur la mer Rouge, car les
anciens n'avaient pas osé entreprendre l'ouverture de
l'isthme d'une mer à l'autre. Ils en furent détournés
par la terreur d'une inondation générale motivée sur
le préjugé d'une forte différence de niveau entre les
deux mers, et aussi par leurs oracles qui les menaçaient
d'un danger non moins terrible, celui d'ouvrir un
passage aux barbares. Ces oracles, c'étaient les Pal-
merstons de l'époque. (Hilarité, bravos prolongés.)
Zagazig est traversé par l'ancienne branche tani-
tique, qui va se perdre vers Tsane et s'appelle au-
la commission supérieure des travaux a approuvé le
projet de notre ingénieur.
La longueur totale du canal maritime d'une mer à
l'autre est de 150 kilomètres, à cause des inflexions qui
lui sont données pour mettre à profit tous les acci-
dents du terrain.
Le travail complet consiste à enlever 50 millions de
mètres cubes de terra (le mètre cube représente un
tombereau de la force de deux chevaux), et à jeter à la
mer 12 millions 500,000 mètres cubes de pierres ou
blocs. Pour amener jusqu'à Suez la rigole de service,
c'est-à-dire pour réaliser la jonction des deux mers, il
nous reste à déblayer 6 millions de mètres cubes ; c'est
au plus l'œuvre d'une année.
J'en aurais fini, Messieurs, avec le canal maritime,
si je n'avais à vous entretenir d'une troisième et der-
nière objection. Après avoir nié la possibilité du projet
en lui-même, on a contesté la navigabilité de la mer
Rouge. Si vous y arrivez, nous disait-on, vous y trou-
verez des vents violents, une mer difficile et rebelle.
A quoi bon parler d'une abréviation de 3,000 lieues,
puisque le détroit de Bab-el-Mandeb sera pour vous un
passage infranchissable? Les Vénitiens, au xvi* siècle,
entretenaient des erreurs analogues parmi les naviga-
teurs, auxquels ils avaient fait croire qu'ils seraient
transformés en nègres s'ils passaient la ligne (rires)
pour aller à la découverte du cap de Bonne-Espé-
rance. On en rit aujourd'hui, mais on a vécu cent ans
sous l'empire de cette fiction. Il fallut que Vasco de
Gama prît la barre lui-même pour guérir son équipage
de la peur de passer subitement du blanc au noir.
(Nouveaux rires). Sa fermeté le couvrit de gloire, et
il la méritait, car il avait vaincu une erreur séculaire.
On a voulu de notre temps quelque peu imiter envers
nous l'exemple des Vénitiens à l'égard des Portugais.
A bout d'arguments, on nous a soutenu que la mer
Rouge était innavigable, sans se souvenir que Salomon
y avait possédé une flotte, et que les Vénitiens et les
Portugais y en avaient, à leur tour, réuni de considéra-
bles, que des combats y avaient été livrés entre les
marines de ces deux puissances, et que celle des Véni-
tiens y avait été détruite.
La vapeur n'est pas ancienne ; en 1825 il n'y avait
presque pas de bâtiments à vapeur, puisqu'en 1830, lors
de l'expédition d'Alger, nous n'en avions qu'un seul.
Eh bien, que disaient alors les hommes d'Etat d'outre-
Manche? Lorsque, en 1834, la Compagnie des Indes
parlait de faire le service d'Angleterre à Bombay par
la voie d'Egypte et par la vapeur, le Parlement ordonnait
une enquête qui concluait à la presque impossibilité pour
les bateaux à vapeur d'entrer par Bab-el-Mandeb. On
consultait les marins, et les marins répondaient que sur
cette mer où naviguaient parfaitement les navires à
voiles, les bâtiments à vapeur ne navigueraient jamais.
On faisait un épouvantail des bancs de coraux, ni plus
ni moins dangereux cependant que les bancs de rochers
dispersés sur toutes les côtes.
Qu'y avait-il de sérieux dans ces appréhensions?
L'expérience l'a dit. Les steamers traversent depuis
vingt ans la mer Rouge ; ils y remplissent un service
d'aller et de retour à jour fixe. Quatre bateaux par
mois portent les malles et les voyageurs des Indes et
d'Angleterre, sans compter nos navires de guerre fran-
çais qui sillonnent cette mer depuis nos expéditions de
Chine et de Cochinchine. Nos Messageries impériales
y préparent une ligne de paquebots. La navigation à
vapeur s'y fait aujourd'hui comme s'y faisait autrefois
la navigation à voiles. La mer est parfaitement belle,
les nuits sont claires, la navigation y est plus facile
et beaucoup plus sûre que dans la Manche ou dans
l'Adriatique.
Eh bien, les objections qu'elle faisait contre la navi-
gation à vapeur dans la mer Rouge, l'Angleterre les
renouvelle contre la navigation à voiles, la seule pos-
sible suivant elle il y a vingt ans. (On rit.) Ainsi que
vous le disait avec beaucoup de justesse votre hono-
rable président, ces objections ont fait leur temps.
(Oui, oui ! Applaudissements.)
Au surplus, si le gouvernement anglais s'est montré
hostile à notre projet, le peuple anglais nous a témoigné
beaucoup de sympathie ; il a senti que deux nations
libres, appelées à civiliser le monde entier, devaient se
donner la main dans une œuvre semblable. Soyez-en
persuadés, Messieurs, s'il y a eu de la jalousie, s'il y a
eu de l'hostilité en Angleterre contre le canal, elle pro-
vient uniquement de quelques rares hommes d'Etat ;
le public, le commerce, les classes élevées, les travail-
leurs des villes font des vœux pour le succès de notre
glorieuse entreprise. (Vifs applaudissements.)
La fibre populaire en France a pu être blessée par
certains discours prononcés au Parlement. J'ai entendu
souvent des Anglais s'étonner de cette susceptibilité et
dire que ces paroles, pour l'Angleterre et pour les ora-
teurs eux-mêmes, n'avaient pas l'importance que nous y
attachons, Je crois que les opposants anglais reviendront
de leurs préjugés à rencontre du canal, comme les maî-
tres de poste et les entrepreneurs de roulage sont re-
venus de leur opposition aux chemins de fer. (Rires
approbatifs.) On a beau lutter contre le progrès, le
progrès marche toujours et entraîne à la remorque les
plus récalcitrants. (Applaudissements.)
Un mot en terminant sur notre canal de navigation
d'eau douce, destiné à alimenter nos travailleurs et à
fournir l'irrigation aux terrains dont la Compagnie est
concessionnaire.
Nous avons fait notre prise d'eau au même lieu que
les anciens, à l'ancienne Bubaste, aujourd'hui Zagazig.
C'est là qu'on célébrait les bacchanales et qu'un temple
était dédié à Diane. C'est aussi là que, du Nil, partait
le vieux canal se dirigeant à l'est sur Timsah, pour
descendre ensuite au sud sur la mer Rouge, car les
anciens n'avaient pas osé entreprendre l'ouverture de
l'isthme d'une mer à l'autre. Ils en furent détournés
par la terreur d'une inondation générale motivée sur
le préjugé d'une forte différence de niveau entre les
deux mers, et aussi par leurs oracles qui les menaçaient
d'un danger non moins terrible, celui d'ouvrir un
passage aux barbares. Ces oracles, c'étaient les Pal-
merstons de l'époque. (Hilarité, bravos prolongés.)
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