Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-06-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juin 1862 15 juin 1862
Description : 1862/06/15 (A7,N144). 1862/06/15 (A7,N144).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032981
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
196 L'ISTHME DE SUEZ,
la vallée et auquel aboutissait nécessairement le canal,
est et ne pouvait être que le lac portant de nos jours
le nom arabe Timsah; et Timsah, en arabe, signifie cro-
codile. Tous ces rapprochements nous font apprécier com-
bien la tradition ancienne se perpétue dans ces régions.
De Kantara, la rigole maritime traverse le lac Bal-
lah, terrains desséchés, remarquables seulement par de
vastes gisements de plâtre, qui nous seront, pour nos
travaux, d'une grande ressource et d'une grande éco-
nomie. Après la traversée de ce lac, nous sommes au
pied du seuil d'El-Guisr, et la rigole maritime, qui com-
mence à Port-Saïd, a atteint ici une longueur ininterrom-
pue d'environ 65 kilomètres.
Le seuil d'El-Guisr, d'une étendue de 12 kilomètres,
est le sommet le plus élevé de toute la ligne du tracé. On
peut dire avec vérité qu'il est le point de partage entre
les deux vallées, l'une s'abaissant vers la Méditerranée,
l'autre vers la mer Rouge. Nous devons y creuser une
tranchée de 60 mètres de largeur, qui sera la largeur
définitive du canal dans tout son parcours.
Nous avons en ce moment vingt mille hommes em-
ployés à couper le seuil. Ces hommes sont levés par
voie de recrutement. Le vice-roi d'Égypte, il y a sept
ans, lorsque nous avons jeté les bases de notre con-
trat, avait observé la situation du travail en Egypte.
Il est certain qu'elle n'avait pas beaucoup changé de-
puis la Bible. Le peuple égyptien, vivant de rien,
avec quelques oignons, quelques lentilles, une imper-
ceptible paie ou même sans paie, était accoutumé à
exécuter les plus rudes travaux, sans qu'on prit grand
souci de pourvoir aux besoins et à la conservation des
travailleurs. Aussi dans ces occasions la mortalité était
considérable avant l'avènement de Mohammed-Saïd au
pouvoir. Il y a quarante ans, le creusement du canal
de Mamoudié, dans quelques mois, coûta plus de vingt
mille hommes. Mais voyez la différence et des temps et
des traitements. Nous avons sur toute la ligne de nos
travaux vingt-cinq mille indigènes. Il est avéré que
la maladie et la mortalité dans l'isthme sont au des-
sous du chiffre qu'elles offrent dans les parties les
plus salubres du reste de l'Egypte.
Le vice-roi savait bien qu'il ne pouvait renoncer au
mode de recrutement usité jusqu'à lui pour les
travaux publics, sans s'exposer à frapper l'Egypte de
stélilité. Remarquez sur la carte cette teinte verte cou-
vrant une grande partie de la surface du pays ; c'est là
qu'est sa fertilité répandue par d'innombrables canaux,
serpentant comme les veines qui, partant du cœur,
vont aboutir aux extrémités du corps humain. Il ne
pleut pas en Égypte; l'Egypte ne vit que par ses ca-
naux. C'est le Nil qui féconde la terre, c'est par ces
canaux que ses eaux se distribuent et que leur excès
s'écoule ; pour nous-mêmes, ce sont ces canaux qui
nous portent au centre de l'isthme nos ouvriers, nos ap-
provisionnements et notre matériel, et abandonner l'en-
tretien de ces indispensables artères à l'insouciance li-
bre du fellah ou à son imprévoyance naturelle, ce se-
rait consentir à tuer la richesse et la production de
l'Égypte.
Mais en même temps, le prince voulait améliorer la
condition du travail et le sort de son peuple. Dans
cette pensée, il distribua, il y a sept ans, entre les
chefs de famille, toutes les terres disponibles dont le
gouvernement avait la propriété et le monopole. En
dehors de cette distribution, devait se trouver et se
trouvait une jeune génération d'enfants ayant aujour-
d'hui de quinze à vingt ans, et qui est dépendante de
son travail quotidien. C'est dans cette population for-
mant un effectif de quatre à cinq cent mille hommes
que le gouvernement va prendre ses corvées, et c'est
ainsi qu'il peut parer à toutes ses nécessités sans trou-
bler le cultivateur et enlever à l'agriculture les hom-
mes qui lui sont le plus utiles.
C'est dans cette population de jeunes gens constam-
ment à sa disposition, que le vice-roi nous a autorisés
à recruter nos ouvriers. Ce n'est pas le travail
forcé, c'est le travail réglé; réglé, en effet, par un
traité passé entre le vice-roi et la Compagnie. Confor-
mément à ce contrat, nous donnons à ces travailleurs
un salaire fixé à un taux au-dessus des salaires ordi-
naires. Nous les approvisionnons abondamment et
nous veillons à leur santé avec une sollicitude assez effi-
cace pour que dans ces foules la mortalité n'ait pas
excédé deux sur dix mille. Nous avons organisé pour
eux des hôpitaux et un corps médical plein d'activité
et qui rend les plus grands services. Je suis heureux
de le dire, dans cette enceinte consacrée à l'enseigne-
ment de la médecine, nos médecins remplissent leurs
fonctions avec un dévouement absolu, que rien ne re-
bute et n'affaiblit. Nous en avons perdu deux; je reçois
la triste nouvelle que M. Bougoin, qui appartenait à
la Faculté de Paris, vient de succomber victime de
son zèle.
Ces messieurs ne reculent devant aucune fatigue;
parcourant sans relâche les cantonnements, à cheval
ou à dromadaire; combattant la maladie partout où
elle se présente et s'appliquant à la prévenir par une
surveillance incessante sur l'hygiène et la salubrité
publique. C'est à leur énergie, à leur capacité que nous
devons en grande partie l'excellent état de santé dans
l'isthme. (Bravo! bravo!) C'est donc à leur concours que
revient une part de nos succès actuels, comme c'est
à cette Ecole polytechnique, si bien représentée ici, que
nous devons nos ingénieurs magnifiques, je dois le
dire. (Applaudissements.) Nos ingénieurs aussi apportent
dans l'accomplissement de leur importante mission
cette persévérance qu'il faut compter parmi les traits
caractéristiques de notre nation. C'est à tort qu'on
nous dit une nation légère. Nous savons persévérer,
et je pense que le canal de Suez en est la preuve.
De nos savants ingénieurs au plus humble employé
de leur administration, des officiers aux soldats,
des ouvriers de l'entreprise aux hommes intelli-
gents qui les conduisent, personne n'a fléchi un ins-
tant ; tous ont affronté avec une inébranlable fermeté
les difficultés physiques et morales où de moindres
courages auraient pu s'affaisser. Les capitaux, habi-
tuellement timides, n'ont pas montré une moindre
énergie. Après être accourus pour constituer le fonds
social, sans lequel le canal ne pouvait pas se
faire, nos 25,000 souscripteurs, malgré tant de manoeu-
vres redoublées pour les décourager, ont persisté dans
la vallée et auquel aboutissait nécessairement le canal,
est et ne pouvait être que le lac portant de nos jours
le nom arabe Timsah; et Timsah, en arabe, signifie cro-
codile. Tous ces rapprochements nous font apprécier com-
bien la tradition ancienne se perpétue dans ces régions.
De Kantara, la rigole maritime traverse le lac Bal-
lah, terrains desséchés, remarquables seulement par de
vastes gisements de plâtre, qui nous seront, pour nos
travaux, d'une grande ressource et d'une grande éco-
nomie. Après la traversée de ce lac, nous sommes au
pied du seuil d'El-Guisr, et la rigole maritime, qui com-
mence à Port-Saïd, a atteint ici une longueur ininterrom-
pue d'environ 65 kilomètres.
Le seuil d'El-Guisr, d'une étendue de 12 kilomètres,
est le sommet le plus élevé de toute la ligne du tracé. On
peut dire avec vérité qu'il est le point de partage entre
les deux vallées, l'une s'abaissant vers la Méditerranée,
l'autre vers la mer Rouge. Nous devons y creuser une
tranchée de 60 mètres de largeur, qui sera la largeur
définitive du canal dans tout son parcours.
Nous avons en ce moment vingt mille hommes em-
ployés à couper le seuil. Ces hommes sont levés par
voie de recrutement. Le vice-roi d'Égypte, il y a sept
ans, lorsque nous avons jeté les bases de notre con-
trat, avait observé la situation du travail en Egypte.
Il est certain qu'elle n'avait pas beaucoup changé de-
puis la Bible. Le peuple égyptien, vivant de rien,
avec quelques oignons, quelques lentilles, une imper-
ceptible paie ou même sans paie, était accoutumé à
exécuter les plus rudes travaux, sans qu'on prit grand
souci de pourvoir aux besoins et à la conservation des
travailleurs. Aussi dans ces occasions la mortalité était
considérable avant l'avènement de Mohammed-Saïd au
pouvoir. Il y a quarante ans, le creusement du canal
de Mamoudié, dans quelques mois, coûta plus de vingt
mille hommes. Mais voyez la différence et des temps et
des traitements. Nous avons sur toute la ligne de nos
travaux vingt-cinq mille indigènes. Il est avéré que
la maladie et la mortalité dans l'isthme sont au des-
sous du chiffre qu'elles offrent dans les parties les
plus salubres du reste de l'Egypte.
Le vice-roi savait bien qu'il ne pouvait renoncer au
mode de recrutement usité jusqu'à lui pour les
travaux publics, sans s'exposer à frapper l'Egypte de
stélilité. Remarquez sur la carte cette teinte verte cou-
vrant une grande partie de la surface du pays ; c'est là
qu'est sa fertilité répandue par d'innombrables canaux,
serpentant comme les veines qui, partant du cœur,
vont aboutir aux extrémités du corps humain. Il ne
pleut pas en Égypte; l'Egypte ne vit que par ses ca-
naux. C'est le Nil qui féconde la terre, c'est par ces
canaux que ses eaux se distribuent et que leur excès
s'écoule ; pour nous-mêmes, ce sont ces canaux qui
nous portent au centre de l'isthme nos ouvriers, nos ap-
provisionnements et notre matériel, et abandonner l'en-
tretien de ces indispensables artères à l'insouciance li-
bre du fellah ou à son imprévoyance naturelle, ce se-
rait consentir à tuer la richesse et la production de
l'Égypte.
Mais en même temps, le prince voulait améliorer la
condition du travail et le sort de son peuple. Dans
cette pensée, il distribua, il y a sept ans, entre les
chefs de famille, toutes les terres disponibles dont le
gouvernement avait la propriété et le monopole. En
dehors de cette distribution, devait se trouver et se
trouvait une jeune génération d'enfants ayant aujour-
d'hui de quinze à vingt ans, et qui est dépendante de
son travail quotidien. C'est dans cette population for-
mant un effectif de quatre à cinq cent mille hommes
que le gouvernement va prendre ses corvées, et c'est
ainsi qu'il peut parer à toutes ses nécessités sans trou-
bler le cultivateur et enlever à l'agriculture les hom-
mes qui lui sont le plus utiles.
C'est dans cette population de jeunes gens constam-
ment à sa disposition, que le vice-roi nous a autorisés
à recruter nos ouvriers. Ce n'est pas le travail
forcé, c'est le travail réglé; réglé, en effet, par un
traité passé entre le vice-roi et la Compagnie. Confor-
mément à ce contrat, nous donnons à ces travailleurs
un salaire fixé à un taux au-dessus des salaires ordi-
naires. Nous les approvisionnons abondamment et
nous veillons à leur santé avec une sollicitude assez effi-
cace pour que dans ces foules la mortalité n'ait pas
excédé deux sur dix mille. Nous avons organisé pour
eux des hôpitaux et un corps médical plein d'activité
et qui rend les plus grands services. Je suis heureux
de le dire, dans cette enceinte consacrée à l'enseigne-
ment de la médecine, nos médecins remplissent leurs
fonctions avec un dévouement absolu, que rien ne re-
bute et n'affaiblit. Nous en avons perdu deux; je reçois
la triste nouvelle que M. Bougoin, qui appartenait à
la Faculté de Paris, vient de succomber victime de
son zèle.
Ces messieurs ne reculent devant aucune fatigue;
parcourant sans relâche les cantonnements, à cheval
ou à dromadaire; combattant la maladie partout où
elle se présente et s'appliquant à la prévenir par une
surveillance incessante sur l'hygiène et la salubrité
publique. C'est à leur énergie, à leur capacité que nous
devons en grande partie l'excellent état de santé dans
l'isthme. (Bravo! bravo!) C'est donc à leur concours que
revient une part de nos succès actuels, comme c'est
à cette Ecole polytechnique, si bien représentée ici, que
nous devons nos ingénieurs magnifiques, je dois le
dire. (Applaudissements.) Nos ingénieurs aussi apportent
dans l'accomplissement de leur importante mission
cette persévérance qu'il faut compter parmi les traits
caractéristiques de notre nation. C'est à tort qu'on
nous dit une nation légère. Nous savons persévérer,
et je pense que le canal de Suez en est la preuve.
De nos savants ingénieurs au plus humble employé
de leur administration, des officiers aux soldats,
des ouvriers de l'entreprise aux hommes intelli-
gents qui les conduisent, personne n'a fléchi un ins-
tant ; tous ont affronté avec une inébranlable fermeté
les difficultés physiques et morales où de moindres
courages auraient pu s'affaisser. Les capitaux, habi-
tuellement timides, n'ont pas montré une moindre
énergie. Après être accourus pour constituer le fonds
social, sans lequel le canal ne pouvait pas se
faire, nos 25,000 souscripteurs, malgré tant de manoeu-
vres redoublées pour les décourager, ont persisté dans
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.95%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.95%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 12/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k62032981/f12.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k62032981/f12.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k62032981/f12.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k62032981
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k62032981
Facebook
Twitter