Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-04-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 avril 1862 01 avril 1862
Description : 1862/04/01 (A7,N139). 1862/04/01 (A7,N139).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203293z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
102 L'ISTHME DE SUEZ,
ne veulent pas travailler pendant ce temps, qu'ils
jeûnent toute la journée, et que le gouvernement lui-
même n'a jamais pu les faire travailler. J'eus bientôt
e secret de cette énigme en apprenant que l'Arabe
était non à la journée mais à la tâche, qu'il était
régulièrement et directement payé de son travail. Or,
l'Arabe aime l'argent et veut en gagner. Je me suis
assuré que des fellahs avaient économisé jusqu'à
80 piastres par mois. C'est une fortune pour eux.
Sous l'impression de ces idées et de l'étonnement
que nous causait la vue de ces hommes travaillant
dans le désert, nous avancions, suivant le tracé du
canal, bien indiqué par les fouilles déjà faites ; nous
étions au milieu des premiers travailleurs qui, en
chantant, creusaient, chargeaient et transportaient
la terre dont leurs couffes étaient remplies. Les
cheiks, debout devant les groupes, les encoura-
geaient de la parole. On ne voyait pas de bâton,
chose extraordinaire en Egypte; on sentait que ces
hommes travaillaient pour leur compte. Il y avait
de l'animation, c'était beau. Arrivés au sommet
du seuil, au point culminant du canal, le spectacle
prit un caractère imposant de grandeur : 20,000
hommes s'étendaient comme un long serpent sur
plus de 5 kilomètres ; ici le canal forme une double
courbe. C'était une fourmilière d'hommes, les uns
montant, les autres descendant de hautes berges; ils
semblaient tous entrer en terre ou en sortir; les
tentes, les gourbis se dressaient d'un côté ; de l'au-
tre une montagne, c'était la digue du canal en
Asie. Dans le fond on découvrait le lac Timsah par
l'ouverture même du canal dans ce lac; à droite s'é-
tendait la ville du seuil avec ses établissements,
sa mosquée et son église. Ce magnifique tableau
avait pour encadrement le désert, et pour horizon
les montagnes de Djebel-Geneffé et de l'Attaka,
au pied de laquelle se trouvent Suez et la mer
Rouge.
Vous dire l'impression que nous avons éprouvée à
l'aspect imprévu de ce spectacle émouvant est impos-
sible: il faut y avoir assisté pour s'en rendre
compte, car du point culminant où nous nous trou-
vions on embrassait d'un coup l'ensemble des tra-
vaux.
« Le canal est fait ! s'écria l'tin des hôtes. H Il
disait vrai, car rien ne peut arrêter l'œuvre du per-
cement de l'isthme ; à peine des circonstances graves
et invraisemblables pourraient-elles en retarder l'exé-
cution. 600,000 mètres cubes s'enlèvent chaque
mois ; dans quelques jours, on en enlèvera 1 mil-
lion, et, les dragues aidant, on doublera le cube. En
juin, le seuil d'El-Guisr sera coupé, l'eau de la Mé-
diterranée coulera dans le lac Timsah. Calculant
d'après ce qui se fait, nul doute que la mer Rouge
et la Méditerranée ne soient en communication dans
le courant de l'année prochaine.
Après avoir joui d'un spectacle aussi grandiose,
que vous dire de la ville du seuil avec ses larges
rues, ses ateliers, ses chantiers, son église, son vil-
lage arabe, sa mosquée, son hôpital, etc., etc. L'es-
prit reste émerveillé, quand on réfléchit aux efforts
qu'il a fallu faire pour amener tous ces matériaux,
afin d'arriver au résultat que nous venons de cons-
tater; quand on pense qu'il y a un an à peine, il
n'existait sur le seuil ni une tente ni un habitant,
que c'était le désert, et qu'aujourd'hui il y a une
ville
Nous devions, dans cette journée, marcher de sur-
prise en surprise. La plus agréable nous était réservée
pour le soir. En nous rendant à travers les travailleurs
au dernier chantier du seuil, nous avons rencontré
l'eau du Nil dans un large bassin, amenée là par une
rigole dérivée du canal d'eau douce. Au-dessus de ce
bassin s'élève le kiosque du vice-roi dans une magni-
fique position qu'il a lui-même choisie, et d'où l'on
domine l'entrée du canal maritime dans le lac Tim-
sah et le lac lui-même.
Notre journée a été complète. Le lendemain, à 8
heures, nous arrivions au bord du canal d'eau douce,
sur le plateau où doit se construire la ville centrale
de l'isthme, sur le plateau de Timsah. Trois chalets
y sont déjà en construction. Cette ville sera admira-
blement située, le canal d'eau douce la traversera ;
à ses pieds s'étendra le lac formant un vaste port,
point central d'un triple monde ; il se trouve creusé
naturellement, le fond du lac étant à 7 mètres plus
bas que le niveau de la mer.
Nous montâmes en barque, et comme si tout était
favorable dans notre voyage, un vent frais s'éleva qui,
à travers le désert, nous emporta vers les lieux bibli-
ques de Succoth, de Rhamsès, nous fit franchir en
quelques heures la vallée de Gessen, et nous condui-
sit à Pithoum, aujourd'hui Tel-el-Kebir, centre de la
propriété que la Compagnie vient d'acheter au vice-
roi.
Nous avons parcouru 52 kilomètres de canal, dont
18 à travers les terres en culture. Ce canal a 12 mè-
tres de largeur, il a été terminé en quelques
mois. On n'a connu ce travail que quand il a été
entièrement fini. Il met en communication par eau
Alexandrie et le Caire avec le centre de l'isthme ; il
alimente les travailleurs du seuil; sans ce canal, tout
le travail que nous avons vu serait impossible. L'a-
chat de cette belle propriété de l'Ouadée, qui a 25 ki-
lomètres de long et contient près de 9,000 hectares,
mérite l'attention. C'est une résidence verdoyante et
charmante, avec des villages, de riches terres, des
jardins et un château. Elle rapporte net 6 0/0, avant
peu elle en rapportera 10; mais ce rapport n'est rien
en comparaison de sa position. Par elle, la Compa-
gnie est maîtresse de l'eau douce sur ses travaux et
dans l'isthme, c'est le complément de la concession
ne veulent pas travailler pendant ce temps, qu'ils
jeûnent toute la journée, et que le gouvernement lui-
même n'a jamais pu les faire travailler. J'eus bientôt
e secret de cette énigme en apprenant que l'Arabe
était non à la journée mais à la tâche, qu'il était
régulièrement et directement payé de son travail. Or,
l'Arabe aime l'argent et veut en gagner. Je me suis
assuré que des fellahs avaient économisé jusqu'à
80 piastres par mois. C'est une fortune pour eux.
Sous l'impression de ces idées et de l'étonnement
que nous causait la vue de ces hommes travaillant
dans le désert, nous avancions, suivant le tracé du
canal, bien indiqué par les fouilles déjà faites ; nous
étions au milieu des premiers travailleurs qui, en
chantant, creusaient, chargeaient et transportaient
la terre dont leurs couffes étaient remplies. Les
cheiks, debout devant les groupes, les encoura-
geaient de la parole. On ne voyait pas de bâton,
chose extraordinaire en Egypte; on sentait que ces
hommes travaillaient pour leur compte. Il y avait
de l'animation, c'était beau. Arrivés au sommet
du seuil, au point culminant du canal, le spectacle
prit un caractère imposant de grandeur : 20,000
hommes s'étendaient comme un long serpent sur
plus de 5 kilomètres ; ici le canal forme une double
courbe. C'était une fourmilière d'hommes, les uns
montant, les autres descendant de hautes berges; ils
semblaient tous entrer en terre ou en sortir; les
tentes, les gourbis se dressaient d'un côté ; de l'au-
tre une montagne, c'était la digue du canal en
Asie. Dans le fond on découvrait le lac Timsah par
l'ouverture même du canal dans ce lac; à droite s'é-
tendait la ville du seuil avec ses établissements,
sa mosquée et son église. Ce magnifique tableau
avait pour encadrement le désert, et pour horizon
les montagnes de Djebel-Geneffé et de l'Attaka,
au pied de laquelle se trouvent Suez et la mer
Rouge.
Vous dire l'impression que nous avons éprouvée à
l'aspect imprévu de ce spectacle émouvant est impos-
sible: il faut y avoir assisté pour s'en rendre
compte, car du point culminant où nous nous trou-
vions on embrassait d'un coup l'ensemble des tra-
vaux.
« Le canal est fait ! s'écria l'tin des hôtes. H Il
disait vrai, car rien ne peut arrêter l'œuvre du per-
cement de l'isthme ; à peine des circonstances graves
et invraisemblables pourraient-elles en retarder l'exé-
cution. 600,000 mètres cubes s'enlèvent chaque
mois ; dans quelques jours, on en enlèvera 1 mil-
lion, et, les dragues aidant, on doublera le cube. En
juin, le seuil d'El-Guisr sera coupé, l'eau de la Mé-
diterranée coulera dans le lac Timsah. Calculant
d'après ce qui se fait, nul doute que la mer Rouge
et la Méditerranée ne soient en communication dans
le courant de l'année prochaine.
Après avoir joui d'un spectacle aussi grandiose,
que vous dire de la ville du seuil avec ses larges
rues, ses ateliers, ses chantiers, son église, son vil-
lage arabe, sa mosquée, son hôpital, etc., etc. L'es-
prit reste émerveillé, quand on réfléchit aux efforts
qu'il a fallu faire pour amener tous ces matériaux,
afin d'arriver au résultat que nous venons de cons-
tater; quand on pense qu'il y a un an à peine, il
n'existait sur le seuil ni une tente ni un habitant,
que c'était le désert, et qu'aujourd'hui il y a une
ville
Nous devions, dans cette journée, marcher de sur-
prise en surprise. La plus agréable nous était réservée
pour le soir. En nous rendant à travers les travailleurs
au dernier chantier du seuil, nous avons rencontré
l'eau du Nil dans un large bassin, amenée là par une
rigole dérivée du canal d'eau douce. Au-dessus de ce
bassin s'élève le kiosque du vice-roi dans une magni-
fique position qu'il a lui-même choisie, et d'où l'on
domine l'entrée du canal maritime dans le lac Tim-
sah et le lac lui-même.
Notre journée a été complète. Le lendemain, à 8
heures, nous arrivions au bord du canal d'eau douce,
sur le plateau où doit se construire la ville centrale
de l'isthme, sur le plateau de Timsah. Trois chalets
y sont déjà en construction. Cette ville sera admira-
blement située, le canal d'eau douce la traversera ;
à ses pieds s'étendra le lac formant un vaste port,
point central d'un triple monde ; il se trouve creusé
naturellement, le fond du lac étant à 7 mètres plus
bas que le niveau de la mer.
Nous montâmes en barque, et comme si tout était
favorable dans notre voyage, un vent frais s'éleva qui,
à travers le désert, nous emporta vers les lieux bibli-
ques de Succoth, de Rhamsès, nous fit franchir en
quelques heures la vallée de Gessen, et nous condui-
sit à Pithoum, aujourd'hui Tel-el-Kebir, centre de la
propriété que la Compagnie vient d'acheter au vice-
roi.
Nous avons parcouru 52 kilomètres de canal, dont
18 à travers les terres en culture. Ce canal a 12 mè-
tres de largeur, il a été terminé en quelques
mois. On n'a connu ce travail que quand il a été
entièrement fini. Il met en communication par eau
Alexandrie et le Caire avec le centre de l'isthme ; il
alimente les travailleurs du seuil; sans ce canal, tout
le travail que nous avons vu serait impossible. L'a-
chat de cette belle propriété de l'Ouadée, qui a 25 ki-
lomètres de long et contient près de 9,000 hectares,
mérite l'attention. C'est une résidence verdoyante et
charmante, avec des villages, de riches terres, des
jardins et un château. Elle rapporte net 6 0/0, avant
peu elle en rapportera 10; mais ce rapport n'est rien
en comparaison de sa position. Par elle, la Compa-
gnie est maîtresse de l'eau douce sur ses travaux et
dans l'isthme, c'est le complément de la concession
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