Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-03-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 mars 1862 15 mars 1862
Description : 1862/03/15 (A7,N138). 1862/03/15 (A7,N138).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203292j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS.
93
UNE CÉRÉMONIE RELIGIEUSE AU SEUIL ET À PORT-SAÏD,
ET, A CE SUJET,
De l'Isthme de Suez et du travail qui s'y fait.
(Suite et fin. — Voir le numéro du 1er mars.)
B M. Hardon n'est point âgé. Il n'a point fait d'études.
Il a travaillé dans sa jeunesse pendant deux ans sur
l'enclume, comme forgeron, et pendant trois ans sur le
bois, comme charron : c'est lui-même qui le dit sans fa-
çon comme sans orgueil ; car la prospérité ne l'a point
enivré, et il se souvient de ses camarades de jeunesse
et d'état, pour les accueillir comme s'il était encore au
milieu d'eux. Dans le monde, ensuite, il a professé un
état : si je ne me trompe point, c'est celui de maître ma-
çon. Aujourd'hui entrepreneur de maisons sur la grande
échelle; oracle, en France, des plus vastes entreprises,
c'est à lui qu'on en appelle des espérances perdues pour
les recouvrer ; et telle ville ou compagnie, qui le sait
bien, lui sera redevable de ce qu'elle avait perdu d'ar-
gent et avait encore à en perdre. Il n'a point fait d'é-
tudes ; mais sa parole nette, claire, précise, explique
si bien et vous donne une vue si claire de son idée,
qu'il n'y a pas même lieu de remarquer si elle est in-
culte ou polie. Avant d'arriver jusqu'à lui, on a entendu
émettre toute sorte de difficultés, d'objections, d'impos-
sibilités; mais quand on l'entend, il n'est absolument
rien qui ne s'évanouisse.
» Bien plus, la confiance vous gagne de conviction ;
on se sent impossible à douter, on se voit éclairé dans
la question. Avec lui, vous pénétrez dans la concep-
tion qu'il a lui-même de son plan, de ses moyens, de
ses ressources ; son affaire tout entière s'étale sous vos
yeux ; et, à votre insu, vous coordonnez le détail vous-
même pour le ramener dans un ensemble complet. Et
son langage n'est pas emphatique ou enthousiaste, il
est simple. Ce qu'il dit n'est pas jactance; on a sous
les yeux le fait, et ce fait c'est, comme je. l'ai déjà dit,
un matériel immense dans son ensemble, merveilleux
dans ses détails, tout coordonné dans ses parties, et
maintenant couvrant de son étendne toute la surface
de l'isthme.
» M. Hardon est donc l'homme qu'il fallait. Pour une
opération de cette nature il fallait du génie ; et ce gé-
nie il l'a. Pour son œuvre, il falltit une mission dis-
tincte ; il a cette mission. Semblable à M. de Lesseps,
son personnage aussi assure son œuvre : aussi l'a t-il
mise en cet état de choses. Désormais elle est inébran-
lable. Du reste, lui aussi, il a su mettre autour de lui
des hommes qui le recommandent, le garantissent et
l'honorent. C'est un M Siamat, ingénieur des ponts et
chaussées, homme d'une capacité renommée et incon-
testable; un M. Angot, que sa propre réputation a pré-
cédé dans l'isthme, homme d'une grande distinction,
d'une haute moralité, qui exerce dans l'entreprise la
charge d'intendant général, et qui n'a été demandé
au ministère de la guerre et obtenu qu'à raison préci-
sément de l'estime qu'il y avait acquise, et ainsi de
tous les autres.
» Ainsi donc il est constaté que les circonstances sont
favorables et les hommes choisis. Nous avons dit en
outre que le plus difficile est fait, et que le reste n'est
rien. Donc il ne restait plus à faire que des objections,
ou des oppositions, ou des théories d'impossibilités, et
c'est ce qui n'a pas manqué : il -y en a eu de toute
sorte. Pourquoi, dans le fond ? On ne le sait guère.
Il peut y avoir eu, parfois, des amours-propres froissés,
des intérêts crus blessés, des prétentions non satisfai-
tes ; mais ceci est individuel : c'est un détail qui, en
outre, s'explique par les calculs trompeurs ou trompés.
L'idée préconçue et arrêtée que, possible, en changeant
de pays pour un cas si nouveau, on obtiendrait de la
fortune un retour favorable, a été pour plusieurs un
mobile. On venait à l'isthme comme on allait au Pérou.
Au Pérou il y avait de l'or dans la terre, et il suffisait
de l'extraire. Dans l'isthme, au contraire, il n'y a que
du sable, et une simple paie déterminée pour le sou-
lever. C'était donc une déception. Or, on se venge d'une
déception. Comment, en quelle manière ? Parla plainte:
c'est la tendance du cœur humain. Alors, pour ma-
tière ou objet de sa plainte, on prend, comme dans le
cas présent, le projet du canal, son exécution, les plans
suivis par l'un ou par l'autre, le climat, la nourriture,
les lacunes dans les transports, les privations résultant
de ces lacunes, la nudité du désert et sa stérilité ter-
rible ; c'est-à-dire que c'est de la colère contre un ins-
trument dont on ne veut pas ou dont on ne sait pas
se servir ; voilà tout. Par conséquent, comme je l'ai
dit, ce n'est qu'un détail, et il n'y a pas lieu de s'en
occuper. Il y a pour cela une réponse toute faite, c'est
que c'est le petit nombre,
D Pour les autres qui, se contentant de leur paie, ont
su s'appliquer au travail, ils ont aussi mérité l'atten-
tion de leurs chefs, et, avec ce regard, une modifica-
tion favorable, ou un avancement rapide. Mais après
les amours-propres blessés, les intérêts crus froissés,
les prétentions non satisfaites, que peut-il y avoir en
bases d'objections, en théories d'impossibilités ? Est-ce
la jalousie? est-ce un esprit d'antinationalité? est-ce
un désir caché de trouver une raison de non-être à ce
grand ouvrage?
» On s'attaque à tout, tout en ne procédant que par
conjectures. « Il y a du roc, dit-on, devant Port-Saïd.
» Le lac de Timsah a dans son fond des couches de sel;
» il a, en outre, sous le niveau de la mer, une profon-
» deur qui, à raison surtout des infiltrations du Nil,
» sera la cause d'une inondation envahissante dans toute
» cette partie de la contrée. » On va plus loin : « L'en-
» treprise dévorera la compagnie. Elle s'est arrangée
» pour faire son bénéfice. Il est stipulé qu'elle a le cinq
» pour cent sur toutes les dépenses ; elle trouve, par -
» conséquent, son intérêt à en faire ; et, en effet, elle
» en fait d'inutiles, etc., etc. » Cependant la chaussée
de Port-Saïd va son train. Personne n'a vu s'il y a du roc;
et s'il y en a, on l'ôtera. Le lac de Timsah a 7 mètres
de profondeur sous le niveau de la mer, c'est vrai ; et
c'est précisément ce qui le fait apprécier comme possibi-
lité d'un beau port. Mais son plateau a aussi 1 mètres
au-dessus de ce même niveau. C'est de tout temps qu'il
a été sujet aux infiltrations du Nil ; et il a été rempli
dans son temps par l'eau même de la Méditerranée, té-
93
UNE CÉRÉMONIE RELIGIEUSE AU SEUIL ET À PORT-SAÏD,
ET, A CE SUJET,
De l'Isthme de Suez et du travail qui s'y fait.
(Suite et fin. — Voir le numéro du 1er mars.)
B M. Hardon n'est point âgé. Il n'a point fait d'études.
Il a travaillé dans sa jeunesse pendant deux ans sur
l'enclume, comme forgeron, et pendant trois ans sur le
bois, comme charron : c'est lui-même qui le dit sans fa-
çon comme sans orgueil ; car la prospérité ne l'a point
enivré, et il se souvient de ses camarades de jeunesse
et d'état, pour les accueillir comme s'il était encore au
milieu d'eux. Dans le monde, ensuite, il a professé un
état : si je ne me trompe point, c'est celui de maître ma-
çon. Aujourd'hui entrepreneur de maisons sur la grande
échelle; oracle, en France, des plus vastes entreprises,
c'est à lui qu'on en appelle des espérances perdues pour
les recouvrer ; et telle ville ou compagnie, qui le sait
bien, lui sera redevable de ce qu'elle avait perdu d'ar-
gent et avait encore à en perdre. Il n'a point fait d'é-
tudes ; mais sa parole nette, claire, précise, explique
si bien et vous donne une vue si claire de son idée,
qu'il n'y a pas même lieu de remarquer si elle est in-
culte ou polie. Avant d'arriver jusqu'à lui, on a entendu
émettre toute sorte de difficultés, d'objections, d'impos-
sibilités; mais quand on l'entend, il n'est absolument
rien qui ne s'évanouisse.
» Bien plus, la confiance vous gagne de conviction ;
on se sent impossible à douter, on se voit éclairé dans
la question. Avec lui, vous pénétrez dans la concep-
tion qu'il a lui-même de son plan, de ses moyens, de
ses ressources ; son affaire tout entière s'étale sous vos
yeux ; et, à votre insu, vous coordonnez le détail vous-
même pour le ramener dans un ensemble complet. Et
son langage n'est pas emphatique ou enthousiaste, il
est simple. Ce qu'il dit n'est pas jactance; on a sous
les yeux le fait, et ce fait c'est, comme je. l'ai déjà dit,
un matériel immense dans son ensemble, merveilleux
dans ses détails, tout coordonné dans ses parties, et
maintenant couvrant de son étendne toute la surface
de l'isthme.
» M. Hardon est donc l'homme qu'il fallait. Pour une
opération de cette nature il fallait du génie ; et ce gé-
nie il l'a. Pour son œuvre, il falltit une mission dis-
tincte ; il a cette mission. Semblable à M. de Lesseps,
son personnage aussi assure son œuvre : aussi l'a t-il
mise en cet état de choses. Désormais elle est inébran-
lable. Du reste, lui aussi, il a su mettre autour de lui
des hommes qui le recommandent, le garantissent et
l'honorent. C'est un M Siamat, ingénieur des ponts et
chaussées, homme d'une capacité renommée et incon-
testable; un M. Angot, que sa propre réputation a pré-
cédé dans l'isthme, homme d'une grande distinction,
d'une haute moralité, qui exerce dans l'entreprise la
charge d'intendant général, et qui n'a été demandé
au ministère de la guerre et obtenu qu'à raison préci-
sément de l'estime qu'il y avait acquise, et ainsi de
tous les autres.
» Ainsi donc il est constaté que les circonstances sont
favorables et les hommes choisis. Nous avons dit en
outre que le plus difficile est fait, et que le reste n'est
rien. Donc il ne restait plus à faire que des objections,
ou des oppositions, ou des théories d'impossibilités, et
c'est ce qui n'a pas manqué : il -y en a eu de toute
sorte. Pourquoi, dans le fond ? On ne le sait guère.
Il peut y avoir eu, parfois, des amours-propres froissés,
des intérêts crus blessés, des prétentions non satisfai-
tes ; mais ceci est individuel : c'est un détail qui, en
outre, s'explique par les calculs trompeurs ou trompés.
L'idée préconçue et arrêtée que, possible, en changeant
de pays pour un cas si nouveau, on obtiendrait de la
fortune un retour favorable, a été pour plusieurs un
mobile. On venait à l'isthme comme on allait au Pérou.
Au Pérou il y avait de l'or dans la terre, et il suffisait
de l'extraire. Dans l'isthme, au contraire, il n'y a que
du sable, et une simple paie déterminée pour le sou-
lever. C'était donc une déception. Or, on se venge d'une
déception. Comment, en quelle manière ? Parla plainte:
c'est la tendance du cœur humain. Alors, pour ma-
tière ou objet de sa plainte, on prend, comme dans le
cas présent, le projet du canal, son exécution, les plans
suivis par l'un ou par l'autre, le climat, la nourriture,
les lacunes dans les transports, les privations résultant
de ces lacunes, la nudité du désert et sa stérilité ter-
rible ; c'est-à-dire que c'est de la colère contre un ins-
trument dont on ne veut pas ou dont on ne sait pas
se servir ; voilà tout. Par conséquent, comme je l'ai
dit, ce n'est qu'un détail, et il n'y a pas lieu de s'en
occuper. Il y a pour cela une réponse toute faite, c'est
que c'est le petit nombre,
D Pour les autres qui, se contentant de leur paie, ont
su s'appliquer au travail, ils ont aussi mérité l'atten-
tion de leurs chefs, et, avec ce regard, une modifica-
tion favorable, ou un avancement rapide. Mais après
les amours-propres blessés, les intérêts crus froissés,
les prétentions non satisfaites, que peut-il y avoir en
bases d'objections, en théories d'impossibilités ? Est-ce
la jalousie? est-ce un esprit d'antinationalité? est-ce
un désir caché de trouver une raison de non-être à ce
grand ouvrage?
» On s'attaque à tout, tout en ne procédant que par
conjectures. « Il y a du roc, dit-on, devant Port-Saïd.
» Le lac de Timsah a dans son fond des couches de sel;
» il a, en outre, sous le niveau de la mer, une profon-
» deur qui, à raison surtout des infiltrations du Nil,
» sera la cause d'une inondation envahissante dans toute
» cette partie de la contrée. » On va plus loin : « L'en-
» treprise dévorera la compagnie. Elle s'est arrangée
» pour faire son bénéfice. Il est stipulé qu'elle a le cinq
» pour cent sur toutes les dépenses ; elle trouve, par -
» conséquent, son intérêt à en faire ; et, en effet, elle
» en fait d'inutiles, etc., etc. » Cependant la chaussée
de Port-Saïd va son train. Personne n'a vu s'il y a du roc;
et s'il y en a, on l'ôtera. Le lac de Timsah a 7 mètres
de profondeur sous le niveau de la mer, c'est vrai ; et
c'est précisément ce qui le fait apprécier comme possibi-
lité d'un beau port. Mais son plateau a aussi 1 mètres
au-dessus de ce même niveau. C'est de tout temps qu'il
a été sujet aux infiltrations du Nil ; et il a été rempli
dans son temps par l'eau même de la Méditerranée, té-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 13/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6203292j/f13.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6203292j/f13.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6203292j/f13.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6203292j
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6203292j
Facebook
Twitter