Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 septembre 1861 15 septembre 1861
Description : 1861/09/15 (A6,N126). 1861/09/15 (A6,N126).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203279p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 297
Pierre le Grand ? Enfin la sellerie, la serrurerie, la
-tannerie, ont subi d'étonnantes modifications , et
tout cela-maintenant se fait à notre instar et par de
surprenants et rapides fac-similé.
L'on raconte que dès avant l'apparition des Portu-
gais sur les côtes du Japon au xve siècle, les jon-
ques de ce pays allaient commercer vers le sud jus-
qu'aux bords du Gange, et remontaient au nord près
du Kamtschatka. Les Japonnais, en leur qualité d'in-
sulaires, ont donc un goût décidé pour la mer ;Jet cela,
joint à l'habileté pratique et à la sagacité que nous
signalions tqut à l'heure, explique comment ils ont
pu parvenir en aussi peu d'années à construire, ar-
mer, équiper et conduire seuls, à travers un Océan
de 2,000 lieues rempli d'écueils au débouque-
ment de ses rives orientales, une expédition n'ayant
que des équipages indigènes. Aussi le commandant
fut-il accueilli au retour comme un nouveau Chris-
tophe Colomb. Comme lui, en effet, il s'était aven-
turé dans les profondes solitudes d'une mer incon-
nue, sous les auspices nouveaux de la dangereuse
vapeur; et cependant la traversée de Yeddo à San-
Francisco s'accomplit en trente jours, sans erreur
de calcul et sans accidents maritimes. Elles sont
nombreuses cependant, et longues et difficiles à ac-
quérir les connaissances qu'exige la navigation
hauturière !
Au bruit formidable de la civilisation de l'Occi-
dent, un peuple sort tout à coup de sa léthargie,
brise ses langes et veut participer à ce grand festin
de l'intelligence. Mais là comme toujours se montrent
le parti rétrograde et les luttes de sa résistance. Tout
récemment encore, il a provoqué, une révolution de
palais où le prince régent, ami et protecteur du pro-
grès, a été décapité ; et quoique les meurtriers aient
péri dans les supplices, les conspirateurs intriguent
toujours ; mais c'est en vain ! car rien n'arrête la
naissance ou l'essor d'une idée progressive, on le
sait; et nous la croyons plus vivace que le phénix
lui-même; car celui-ci ne pouvait renaltre que de
la fermentation d'une substance matérielle, tandis
que l'idée du mieux graduel sera éternellement la
conséquence du développement inévitable d'une sub-
stance divine. Etouffez l'imprimerie, brûlez les bi-
bliothèquas et les savants avec, détruisez même le
genre humain ; et s'il reste un seul couple pour le
renouveler, tout ce que vous aurez anéanti, et bien
d'autres découvertes plus magnifiques encore, surgi-
ront de nouveau à travers les âges, car le temps
n'est rien pour la nature. Mais rentrons dans notre
sujet.
Les races de l'Orient, celle de la Chine surtout,
dorment depuis des milliers d'années d'un sommeil
semblable à la mort. Comme elle en effet il les main-
tient dans une immobilité et un engourdissement
complets. Qui donc dissipera cette torpeur? qui les
réveillera? qui galvanisera ces centaines de millions
d'automates? Qui?. le Japonais. Il y a chez lui
tous les éléments nécessaires à l'accomplissement de
cette grande œuvre. Il y a le sentiment de sa dignité
d'homme, l'intelligence qui fait concevoir les vastes
entreprises, et le courage et l'ardeur qui en garan-
tissent le succès. Il y a la confiance du droit et
l'instinct d'un bel avenir. Oserai-jë avancer qu'il se
montre là une sorte de phénomène physiologique
issu du terroir ; car de même que les pays monta-
greux inspirent toujours aux populations qui les pos-
sèdent l'amour vivace de la liberté, de même aussi
les grandes îles soufflent dans l'âme des indigènes le
goût des aventures, des lointains voyages, et par
conséquent celui de la civilisation. Un jour donc, et
ce jour n'est peut-être pas éloigné, l'Orient refluera
de nouveau sur l'Europe et l'Amérique (1), s'y enri-
chira de nos connaissances, et, modifiant ses habitu-
des, autant du moins que le permet son climat, en-
trera carrément dans la grande famille du globe. -
L'ouverture du bosphore égyptien n'abrégera pas
de moitié, comme pour le Bengale, la roule mari-
time entre les deux mondes, mais elle la raccourcira
d'un tiers pour la Chine, et d'un quart au moins pour
le Japon. Et comme la vapeur tend chaque jour à
se substituer à la navigation à voiles, et que l'on a
découvert dans l'île de Formose de riches bassins
houillers, il en résulte que toute une révolution de
mœurs se prépare, car tout à présent y contribue,.
C'est le labeur incessant de pauvres missionnaires
guidés par la prudence et non par le fanatisme, la
maturité de la raison, plus ou moins hâtée par l'im-
primerie, et celle-ci, propagée par le commerce; ré-
pandant comme une bonne mère ses bienfaits sur
tous ses enfants. C'est enfin la soif du bien-être na-
turelle à tous les hommes, et qui les porte à échan-
ger leurs produits, comme le sentiment de bienveil-
lance, développé par la culture de l'esprit, les pousse
à fraterniser entre eux.
Les hommes, les religions, les arts, tout nous vient
de l'Orient; et depuis trois siècles le courant civili-
sateur se fait sentir en sens contraire. Il produira
bientôt, nous en avons l'espoir, une réaction chez ces
peuples lointains; nous les verrons se répandre parmi
leurs descendants, et prendre au foyer même des con-
naissances humaines une étincelle de ce feu sacré
qui leur manque.
L'isthme de Suez, mince filet tendu jadis entre les
peuples par le retrait des eaux, était une barrière
temporaire que l'industrie devait un jour renverser.
Ce jour est enfin venu. La nature, après, bien des
épreuves, a trouvé le moule où devait naître l'homme
(1) De récentes découvertes semblent indiquer que les ancétres
des Incas étaient des navigateurs chinois jetés par la tempête sur
les côtes du Pérou.
Pierre le Grand ? Enfin la sellerie, la serrurerie, la
-tannerie, ont subi d'étonnantes modifications , et
tout cela-maintenant se fait à notre instar et par de
surprenants et rapides fac-similé.
L'on raconte que dès avant l'apparition des Portu-
gais sur les côtes du Japon au xve siècle, les jon-
ques de ce pays allaient commercer vers le sud jus-
qu'aux bords du Gange, et remontaient au nord près
du Kamtschatka. Les Japonnais, en leur qualité d'in-
sulaires, ont donc un goût décidé pour la mer ;Jet cela,
joint à l'habileté pratique et à la sagacité que nous
signalions tqut à l'heure, explique comment ils ont
pu parvenir en aussi peu d'années à construire, ar-
mer, équiper et conduire seuls, à travers un Océan
de 2,000 lieues rempli d'écueils au débouque-
ment de ses rives orientales, une expédition n'ayant
que des équipages indigènes. Aussi le commandant
fut-il accueilli au retour comme un nouveau Chris-
tophe Colomb. Comme lui, en effet, il s'était aven-
turé dans les profondes solitudes d'une mer incon-
nue, sous les auspices nouveaux de la dangereuse
vapeur; et cependant la traversée de Yeddo à San-
Francisco s'accomplit en trente jours, sans erreur
de calcul et sans accidents maritimes. Elles sont
nombreuses cependant, et longues et difficiles à ac-
quérir les connaissances qu'exige la navigation
hauturière !
Au bruit formidable de la civilisation de l'Occi-
dent, un peuple sort tout à coup de sa léthargie,
brise ses langes et veut participer à ce grand festin
de l'intelligence. Mais là comme toujours se montrent
le parti rétrograde et les luttes de sa résistance. Tout
récemment encore, il a provoqué, une révolution de
palais où le prince régent, ami et protecteur du pro-
grès, a été décapité ; et quoique les meurtriers aient
péri dans les supplices, les conspirateurs intriguent
toujours ; mais c'est en vain ! car rien n'arrête la
naissance ou l'essor d'une idée progressive, on le
sait; et nous la croyons plus vivace que le phénix
lui-même; car celui-ci ne pouvait renaltre que de
la fermentation d'une substance matérielle, tandis
que l'idée du mieux graduel sera éternellement la
conséquence du développement inévitable d'une sub-
stance divine. Etouffez l'imprimerie, brûlez les bi-
bliothèquas et les savants avec, détruisez même le
genre humain ; et s'il reste un seul couple pour le
renouveler, tout ce que vous aurez anéanti, et bien
d'autres découvertes plus magnifiques encore, surgi-
ront de nouveau à travers les âges, car le temps
n'est rien pour la nature. Mais rentrons dans notre
sujet.
Les races de l'Orient, celle de la Chine surtout,
dorment depuis des milliers d'années d'un sommeil
semblable à la mort. Comme elle en effet il les main-
tient dans une immobilité et un engourdissement
complets. Qui donc dissipera cette torpeur? qui les
réveillera? qui galvanisera ces centaines de millions
d'automates? Qui?. le Japonais. Il y a chez lui
tous les éléments nécessaires à l'accomplissement de
cette grande œuvre. Il y a le sentiment de sa dignité
d'homme, l'intelligence qui fait concevoir les vastes
entreprises, et le courage et l'ardeur qui en garan-
tissent le succès. Il y a la confiance du droit et
l'instinct d'un bel avenir. Oserai-jë avancer qu'il se
montre là une sorte de phénomène physiologique
issu du terroir ; car de même que les pays monta-
greux inspirent toujours aux populations qui les pos-
sèdent l'amour vivace de la liberté, de même aussi
les grandes îles soufflent dans l'âme des indigènes le
goût des aventures, des lointains voyages, et par
conséquent celui de la civilisation. Un jour donc, et
ce jour n'est peut-être pas éloigné, l'Orient refluera
de nouveau sur l'Europe et l'Amérique (1), s'y enri-
chira de nos connaissances, et, modifiant ses habitu-
des, autant du moins que le permet son climat, en-
trera carrément dans la grande famille du globe. -
L'ouverture du bosphore égyptien n'abrégera pas
de moitié, comme pour le Bengale, la roule mari-
time entre les deux mondes, mais elle la raccourcira
d'un tiers pour la Chine, et d'un quart au moins pour
le Japon. Et comme la vapeur tend chaque jour à
se substituer à la navigation à voiles, et que l'on a
découvert dans l'île de Formose de riches bassins
houillers, il en résulte que toute une révolution de
mœurs se prépare, car tout à présent y contribue,.
C'est le labeur incessant de pauvres missionnaires
guidés par la prudence et non par le fanatisme, la
maturité de la raison, plus ou moins hâtée par l'im-
primerie, et celle-ci, propagée par le commerce; ré-
pandant comme une bonne mère ses bienfaits sur
tous ses enfants. C'est enfin la soif du bien-être na-
turelle à tous les hommes, et qui les porte à échan-
ger leurs produits, comme le sentiment de bienveil-
lance, développé par la culture de l'esprit, les pousse
à fraterniser entre eux.
Les hommes, les religions, les arts, tout nous vient
de l'Orient; et depuis trois siècles le courant civili-
sateur se fait sentir en sens contraire. Il produira
bientôt, nous en avons l'espoir, une réaction chez ces
peuples lointains; nous les verrons se répandre parmi
leurs descendants, et prendre au foyer même des con-
naissances humaines une étincelle de ce feu sacré
qui leur manque.
L'isthme de Suez, mince filet tendu jadis entre les
peuples par le retrait des eaux, était une barrière
temporaire que l'industrie devait un jour renverser.
Ce jour est enfin venu. La nature, après, bien des
épreuves, a trouvé le moule où devait naître l'homme
(1) De récentes découvertes semblent indiquer que les ancétres
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les côtes du Pérou.
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