Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 septembre 1861 15 septembre 1861
Description : 1861/09/15 (A6,N126). 1861/09/15 (A6,N126).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203279p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
300 L'ISTHME DE SUEZ,
ser à nos lenteurs une promenade dans Yeddo, capitale
de l'empire, actuellement ouverte aux Européens.
Il faut suivre d'abord le rivage de la baie au fond de
laquelle Yeddo s'étend. Dàs les premiers pas, on se
heurte au faubourg de Sinagawa, qui domine la ville,
en la flanquant, à peu près comme Montmartre s'élève
sur un des côtés de Paris. Une chaîne de hauteurs en-
vironne de même la grande vallée où repose Yeddo, et
sur la plus élevée de ces éminences, se dresse un tem-
ple célèbre et révéré, centre de nombreux pèlerinages.
Autour de ce temple et de ces jardins se groupent les
maisons de plaisance des citadins.
Par une belle matinée de mars 1860, une troupe d'une
vingtaine de pèlerins, enveloppés de manteaux cou-
verts de coquillages (singulière coïncidence avec nos
mœurs), gravissait la colline sacrée. Ils avaient l'appa-
rence de gens qui viennent d'accomplir une longue
traite ; ils demandèrent le supérieur de la communauté
religieuse et lui annoncèrent qu'ils étaient venus dans
l'intention de s'acquitter d'un vœu et de passer la nuit
en prières aux pieds de la grande idole. On les accueil-
lit avec les égards dus à d'aussi vénérables personna-
ges ; on leur offrit le thé et des pipes, et, accroupis sur
leurs genoux, ils eurent tout le loisir de jeter un long
regard sur la cité qui s'étendait à leurs pieds.
D'abord, la vallée légèrement ondulée leur présen-
tait ses vastes espaces, remplis par la mer, qui s'entre-
croisent sans solution de continuité. Des temples, en-
tourés de jardins, le cimetière impérial et les splendides
hôtels des damios, aristocratie princière, tous situés en-
tre cour et jardin, coupent la série des édifices par-
ticuliers. Quand on approche de la colline sur laquelle
est bâti, en forme de citadelle avec trois ponts-levis, le
palais du tycoon (empereur), les hôtels des nobles se
groupent plus étroitement ; on en compte plusieurs
centaines, entourés d'arbres et de parcs. C'est le fau-
bourg Saint-Germain de Yeddo. A mesure au contraire
qu'on redescend vers la mer, on rencontre les habita-
tions du populaire, qui se relient avec la banlieue de
Sinagawa déjà mentionnée. Là flottent les pavillons
des trois légations, mais celui de France, seul, est sur
une hauteur, et on aperçoit à une grande distance les
couleurs du drapeau tricolore.
Enfin à l'horizon et sur tous les contours de la baie,
se dresse une longue ligne de fortifications incessam-
ment accrues. Depuis la conclusion des traités de com-
merce, cette époque qui semblait inaugurer des rela-
tions pacifiques a marqué au Japon une ère de prépa-
ratifs militaires. D'immenses provisions de matériel de
guerre ont été faites, et de toutes les villes situées au
fond d'unerbaie, il est difficile d'en citer une plus inat-
taquable que Yeddo, défendue d'ailleurs par une ligne
d'îles volcaniques, qui barrent le golfe, et par le peu
de profondeur de ses eaux.
Laissons maintenant sur la colline, occupés à leurs
prières, les pèlerins que nous retrouverons plus tard
occupés à accomplir un vœu terrible, et - descendons
directement dans la ville.
Il est 9 heures du matin. La cité est éveillée et en
mouvement : les boutiques sont ouvertes, les rues en-
combrées d'une foule affairée de riches et de pauvres.
Les officiers à cheval, les marchands ambulants, char.
gés de paniers, les mendiants estropiés se croisent en
tous sens.
De distance en distance, grâce aux ondulations de
terrain, s'ouvrent le long des rues des échappées sur
la campagne environnante, émaillée par des cultures
de riz noir et blond, par des champs de blé d'un vert
éclatant ; la navette, qui fournit l'huile, offre de grands
espaces couverts de fleurs aussi brillantes que l'or ; des
chênes, des pins, des cèJres, des cyprès, dont le sombre
feuillage se mêle aux ramures élégantes des palmiers
et des bambous, encadrent tout le paysage. Les jardins
à thé, qui forment les cabarets du pays, sont remplis
de magnolias et de paulownias, de pêchers et de pru-
niers, dont, par l'effet du climat, les (leurs atteignent les
dimensions et les parfums de la rose ; les plantes grim-
pantes inondent tous les toits. Rien ne saurait donner l'i-
dée du spectacle enchanteur de cette banlieue, où, durant
la belle saison, les Japonais vont en foule faire des
pique-niques sur l'herbe, les riches en voiture, la
moyenne et la basse classe à pied. C'est là qu'ils vont
boire le laki, sorte de boisson fermentée qui remplace
l'eau-de-vie ; et, le soir venu, la route se jonche
vrognes, dont un grand nombre sont couchés par terre
incapables de regagner leur domicile. L'intempérance
est un vice national au Japon, que ce peuple n'a pas
appris des Européens, quoi qu'on ait pu dire. Il faut
dire encore à la décharge de ces derniers, qu'ils ne por-
tent pas à la ceinture de longs poignards, et ne tien-
nent pas à honneur de les tirer du fourreau si le
moindre obstacle se rencontre sur leur passage.
C'est là une des plus effroyables plaies de la société
japonaise. En dehors du peuple proprement dit, il est
difficile de discerner un élément civil dans ce pays ;
tout homme d'un certain rang marche armé de deux
formidables glaives (comme si tout au Japon, même les
objets matériels, devait être double), sans qu'on puisse dis-
tinguer les officiers de l'empereur et les gens de la suite
des seigneurs. C'est cette dernière classe qui fournit des
types d'une race heureusement éteinte en Europe, les
bravi, qui courent les rues en jurant, en bataillant, en
faisant tapage, trop lâches pour assaillir un ennemi en
raGe, mais toujours prêts à l'assassiner par guet-apens.
Toutes les descriptions qu'on fait des lansquenets, des
capitans, des janissaires, s'appliquent à ces terribles bra-
vaches japonais, à qui l'air, la terre, la rue et la vie
humaine semblent dévolus en toute propriété.
Quand l'interprète du ministre anglais fut tué en
janvier dernier, à la porte même de la légation, par
un homme de la suite d'un seigneur, une foule de fem-
mes et d'enfants qui se trouvaient là virent l'assassin
s'approcher furtivement par derrière et enfoncer jusqu'à
la garde un poignard dans le corps de sa victime. Tels
sont les impudents coquins qu'on rencontre à chaque
pas, souvent ivres, toujours insolents, terreur de la po-
pulation désarmée et surtout des chiens. C'est, en effet,
une grande joie pour eux d'exercer le fil de leur noble
épée sur les infortunés quadrupèdes qui pullulent dans
la capitale. Mais d'autres fois c'est un pauvre boutiquier
qui ne les salue pas assez vite du titre de seigneur
ser à nos lenteurs une promenade dans Yeddo, capitale
de l'empire, actuellement ouverte aux Européens.
Il faut suivre d'abord le rivage de la baie au fond de
laquelle Yeddo s'étend. Dàs les premiers pas, on se
heurte au faubourg de Sinagawa, qui domine la ville,
en la flanquant, à peu près comme Montmartre s'élève
sur un des côtés de Paris. Une chaîne de hauteurs en-
vironne de même la grande vallée où repose Yeddo, et
sur la plus élevée de ces éminences, se dresse un tem-
ple célèbre et révéré, centre de nombreux pèlerinages.
Autour de ce temple et de ces jardins se groupent les
maisons de plaisance des citadins.
Par une belle matinée de mars 1860, une troupe d'une
vingtaine de pèlerins, enveloppés de manteaux cou-
verts de coquillages (singulière coïncidence avec nos
mœurs), gravissait la colline sacrée. Ils avaient l'appa-
rence de gens qui viennent d'accomplir une longue
traite ; ils demandèrent le supérieur de la communauté
religieuse et lui annoncèrent qu'ils étaient venus dans
l'intention de s'acquitter d'un vœu et de passer la nuit
en prières aux pieds de la grande idole. On les accueil-
lit avec les égards dus à d'aussi vénérables personna-
ges ; on leur offrit le thé et des pipes, et, accroupis sur
leurs genoux, ils eurent tout le loisir de jeter un long
regard sur la cité qui s'étendait à leurs pieds.
D'abord, la vallée légèrement ondulée leur présen-
tait ses vastes espaces, remplis par la mer, qui s'entre-
croisent sans solution de continuité. Des temples, en-
tourés de jardins, le cimetière impérial et les splendides
hôtels des damios, aristocratie princière, tous situés en-
tre cour et jardin, coupent la série des édifices par-
ticuliers. Quand on approche de la colline sur laquelle
est bâti, en forme de citadelle avec trois ponts-levis, le
palais du tycoon (empereur), les hôtels des nobles se
groupent plus étroitement ; on en compte plusieurs
centaines, entourés d'arbres et de parcs. C'est le fau-
bourg Saint-Germain de Yeddo. A mesure au contraire
qu'on redescend vers la mer, on rencontre les habita-
tions du populaire, qui se relient avec la banlieue de
Sinagawa déjà mentionnée. Là flottent les pavillons
des trois légations, mais celui de France, seul, est sur
une hauteur, et on aperçoit à une grande distance les
couleurs du drapeau tricolore.
Enfin à l'horizon et sur tous les contours de la baie,
se dresse une longue ligne de fortifications incessam-
ment accrues. Depuis la conclusion des traités de com-
merce, cette époque qui semblait inaugurer des rela-
tions pacifiques a marqué au Japon une ère de prépa-
ratifs militaires. D'immenses provisions de matériel de
guerre ont été faites, et de toutes les villes situées au
fond d'unerbaie, il est difficile d'en citer une plus inat-
taquable que Yeddo, défendue d'ailleurs par une ligne
d'îles volcaniques, qui barrent le golfe, et par le peu
de profondeur de ses eaux.
Laissons maintenant sur la colline, occupés à leurs
prières, les pèlerins que nous retrouverons plus tard
occupés à accomplir un vœu terrible, et - descendons
directement dans la ville.
Il est 9 heures du matin. La cité est éveillée et en
mouvement : les boutiques sont ouvertes, les rues en-
combrées d'une foule affairée de riches et de pauvres.
Les officiers à cheval, les marchands ambulants, char.
gés de paniers, les mendiants estropiés se croisent en
tous sens.
De distance en distance, grâce aux ondulations de
terrain, s'ouvrent le long des rues des échappées sur
la campagne environnante, émaillée par des cultures
de riz noir et blond, par des champs de blé d'un vert
éclatant ; la navette, qui fournit l'huile, offre de grands
espaces couverts de fleurs aussi brillantes que l'or ; des
chênes, des pins, des cèJres, des cyprès, dont le sombre
feuillage se mêle aux ramures élégantes des palmiers
et des bambous, encadrent tout le paysage. Les jardins
à thé, qui forment les cabarets du pays, sont remplis
de magnolias et de paulownias, de pêchers et de pru-
niers, dont, par l'effet du climat, les (leurs atteignent les
dimensions et les parfums de la rose ; les plantes grim-
pantes inondent tous les toits. Rien ne saurait donner l'i-
dée du spectacle enchanteur de cette banlieue, où, durant
la belle saison, les Japonais vont en foule faire des
pique-niques sur l'herbe, les riches en voiture, la
moyenne et la basse classe à pied. C'est là qu'ils vont
boire le laki, sorte de boisson fermentée qui remplace
l'eau-de-vie ; et, le soir venu, la route se jonche
vrognes, dont un grand nombre sont couchés par terre
incapables de regagner leur domicile. L'intempérance
est un vice national au Japon, que ce peuple n'a pas
appris des Européens, quoi qu'on ait pu dire. Il faut
dire encore à la décharge de ces derniers, qu'ils ne por-
tent pas à la ceinture de longs poignards, et ne tien-
nent pas à honneur de les tirer du fourreau si le
moindre obstacle se rencontre sur leur passage.
C'est là une des plus effroyables plaies de la société
japonaise. En dehors du peuple proprement dit, il est
difficile de discerner un élément civil dans ce pays ;
tout homme d'un certain rang marche armé de deux
formidables glaives (comme si tout au Japon, même les
objets matériels, devait être double), sans qu'on puisse dis-
tinguer les officiers de l'empereur et les gens de la suite
des seigneurs. C'est cette dernière classe qui fournit des
types d'une race heureusement éteinte en Europe, les
bravi, qui courent les rues en jurant, en bataillant, en
faisant tapage, trop lâches pour assaillir un ennemi en
raGe, mais toujours prêts à l'assassiner par guet-apens.
Toutes les descriptions qu'on fait des lansquenets, des
capitans, des janissaires, s'appliquent à ces terribles bra-
vaches japonais, à qui l'air, la terre, la rue et la vie
humaine semblent dévolus en toute propriété.
Quand l'interprète du ministre anglais fut tué en
janvier dernier, à la porte même de la légation, par
un homme de la suite d'un seigneur, une foule de fem-
mes et d'enfants qui se trouvaient là virent l'assassin
s'approcher furtivement par derrière et enfoncer jusqu'à
la garde un poignard dans le corps de sa victime. Tels
sont les impudents coquins qu'on rencontre à chaque
pas, souvent ivres, toujours insolents, terreur de la po-
pulation désarmée et surtout des chiens. C'est, en effet,
une grande joie pour eux d'exercer le fil de leur noble
épée sur les infortunés quadrupèdes qui pullulent dans
la capitale. Mais d'autres fois c'est un pauvre boutiquier
qui ne les salue pas assez vite du titre de seigneur
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