Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-08-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 août 1861 01 août 1861
Description : 1861/08/01 (A6,N123). 1861/08/01 (A6,N123).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203276f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 249
transformant pour les besoins de la population l'eau
de mer en eau douce, fonctionnaient avec un plein
succès, comme je m'en suis d'ailleurs convaincu plus
tard par un examen personnel.
Debout le lendemain, 1er juillet, à 4 heures du
matin, me rappelant toutes les objections qui avaient
été faites sur le peu d'accessibilité de la côte, sur
les difficultés qu'elle pouvait présenter aux travaux
des jetées, sur l'invasion des sables et limons dont
elle était menacée, je voulus aller examiner les faits
par moi-même. M. le consul anglais voulut bien
m'accompagner, et nous nous dirigeâmes vers le ri-
vage pour prendre un bain de mer. Après avoir mar-
ché une courte distance, la déclivité du terrain
nous força de nous mettre à la nage ; je m'éloignai
de la côte en nageant et plongeai plusieurs fois sans
pouvoir toucher le fond. Les eaux étaient tièdes et
claires, et je ne trouvai nulle part que du sable pur,
sans aucune trace de limon. J'eus encore occasion de
faire sur les jetées une observation qui avait pour
moi sa valeur. Lorsque l'empierrement s'opère sur
un plan d'une inclinaison insuffisante, la masse com-
pacte des matériaux oppose à la vague une résis-
tance contre laquelle elle s'obstine. Ici au contraire,
de grands blocs rangés sur un plan incliné en amor-
tissant la force du flot lui permettaient de se briser
et de mourir en se dispersant sur les obstacles suc-
cessifs auxquels il venait se heurter, méthode beau-
coup plus rationnelle et offrant à la fois plus d'éco-
nomie et de véritable solidité.
Après notre bain, notre caravane s'embarquait sur
des bateaux destinés à nous faire parcourir le canal
déjà creusé sur une étendue de plus de 40 kilomètres
jusqu'aux établissements de Kantara. Pendant le tra-
jet, je m'appliquai à observer les effets que produi-
saient sur les berges les vagues soulevées par la rapi-
dité de notre sillage; car le vent nous favorisait, et nos
embarcations couraient assez vite à la voile. Je n'ai
pu trouver une seule occasion de remarquer qu'un
fragment de terre ait été détaché par ce frottement
des eaux. En examinant le sol, je l'ai trouvé très-
tenace, ce qui n'a pas laissé de me causer quelque
surprise. Pour nous, Européens, le désert est le syno-
nyme d'un amas de sable, et à moins de l'expérience
des lieux, il nous est difficile de nous défaire de ce
préjugé. J'ai donc été agréablement étonné de trouver
ce terrain aussi facile à l'entretien des berges du
canal.
Le long du lac Menzaleh, les Arabes, Bédouins,
Syriens, etc., étaient occupés à fixer des banquettes
avec des fascines. Le limon du Nil dans le lac n'est
pas, comme on l'a prétendu, une masse de boue où
il est impossible de creuser un chenal; l'épaisseur de
cette couche est tout au plus d'un mètre, je l'ai me-
surée moi-même ; elle fait ensuite place à un bol com-
pacte et solide ; les Arabes marchaient sur les ban-
quettes construites tout récemment et dont le soleil
durcit en quelques heures les parties encore détrem-
pées. La nature semble encore ici avoir voulu venir
en aide à la facilité des travaux, car les îlots du lac
sont couverts d'une multitude d'arbrisseaux servant
à former les fascines. J'ai rarement vu une race
semblable à celle de ces géants qui travaillaient à la
tâche avec un air de gaieté et de bonne volonté qui
est le démenti le plus formel de la contrainte qu'on
prétend être exercée sur eux.
Après un court arrêt aux diverses stations, nous
arrivions avant 8 heures du soir à Kantara, sans
aucune fatigue, parfaitement satisfaits de notre ins-
pection, et admirant qu'un travail semblable à cette
communication de 10 lieues de longueur ait pu être
accompli avec tant de promptitude.
Le lendemain, à 5 heures du matin, nous quit-
tions Kantara pour nous rendre à Ferdane par le lac
Ballah, en suivant le tracé du canal. Sur ce parcours,
divers ateliers étaient échelonnés. A Ferdane, j'ai
voulu m'assurer par moi-même de la nature et de la
difficulté du travail; j'ai donc pris des mains des
travailleurs des brouettes chargées ; je les ai roulées
jusqu'au sommet des berges et je les ai vidées sans
le moindre inconvénient. Le consul d'Angleterre a
imité mon exemple ; les Arabes sans doute devaient
être un peu étonnés de nous voir faire cette concur-
rence à leur travail, à coup sûr beaucoup moins pé-
nible que les labeurs de nos ouvriers dans les mines.
Ici, comme partout, on travaillait à la tâche avec
beaucoup d'entrain et d'élan. La condition des hom-
mes était bonne ; ils se servaient des pelles et des
pioches comme si ces ustensiles leur eussent été fa-
miliers toute leur vie. Les salaires, qui leur sont ré-
gulièrement payés, ont déjà amélioré très-sensible-
ment le sort des indig'ènes. Leur engagement est
d'un mois, après lequel il leur est loisible de le re-
nouveler ou de retourner dans leurs villages avec
l'argent qu'ils ont gagné. Je n'ai pu recueillir une
seule plainte de contrainte ou de mauvais traitement ;
toutes les précautions, au contraire, sont prises avec
soin pour qu'une protection efficace ait toujours l'œil
ouvert sur les fellahs. Des bureaux de réclamations
sont établis dans les chantiers ; les conditions des
contrats sont observées avec le plus grand scrupule ;
l'erreur ou l'opposition systématique ont pu seules dé-
noncer cette organisation et sa manière de fonctionner
comme portant les traces du travail forcé.
Je suis en droit et en mesure aujourd'hui de dire
que toutes les clameurs élevées dans mon pays sur
ce sujet n'ont pas de fondement, et si l'on voulait
comparer le sort des fellahs employés par la Compa-
gnie avec celui des ouvriers pauvres de nos campa-
gnes, et celui des apprentis dans nos manufactures,
la comparaison, je le crains, ne serait point à notre
avantage! Est-ce à dire qu'en Égypte pas plus
transformant pour les besoins de la population l'eau
de mer en eau douce, fonctionnaient avec un plein
succès, comme je m'en suis d'ailleurs convaincu plus
tard par un examen personnel.
Debout le lendemain, 1er juillet, à 4 heures du
matin, me rappelant toutes les objections qui avaient
été faites sur le peu d'accessibilité de la côte, sur
les difficultés qu'elle pouvait présenter aux travaux
des jetées, sur l'invasion des sables et limons dont
elle était menacée, je voulus aller examiner les faits
par moi-même. M. le consul anglais voulut bien
m'accompagner, et nous nous dirigeâmes vers le ri-
vage pour prendre un bain de mer. Après avoir mar-
ché une courte distance, la déclivité du terrain
nous força de nous mettre à la nage ; je m'éloignai
de la côte en nageant et plongeai plusieurs fois sans
pouvoir toucher le fond. Les eaux étaient tièdes et
claires, et je ne trouvai nulle part que du sable pur,
sans aucune trace de limon. J'eus encore occasion de
faire sur les jetées une observation qui avait pour
moi sa valeur. Lorsque l'empierrement s'opère sur
un plan d'une inclinaison insuffisante, la masse com-
pacte des matériaux oppose à la vague une résis-
tance contre laquelle elle s'obstine. Ici au contraire,
de grands blocs rangés sur un plan incliné en amor-
tissant la force du flot lui permettaient de se briser
et de mourir en se dispersant sur les obstacles suc-
cessifs auxquels il venait se heurter, méthode beau-
coup plus rationnelle et offrant à la fois plus d'éco-
nomie et de véritable solidité.
Après notre bain, notre caravane s'embarquait sur
des bateaux destinés à nous faire parcourir le canal
déjà creusé sur une étendue de plus de 40 kilomètres
jusqu'aux établissements de Kantara. Pendant le tra-
jet, je m'appliquai à observer les effets que produi-
saient sur les berges les vagues soulevées par la rapi-
dité de notre sillage; car le vent nous favorisait, et nos
embarcations couraient assez vite à la voile. Je n'ai
pu trouver une seule occasion de remarquer qu'un
fragment de terre ait été détaché par ce frottement
des eaux. En examinant le sol, je l'ai trouvé très-
tenace, ce qui n'a pas laissé de me causer quelque
surprise. Pour nous, Européens, le désert est le syno-
nyme d'un amas de sable, et à moins de l'expérience
des lieux, il nous est difficile de nous défaire de ce
préjugé. J'ai donc été agréablement étonné de trouver
ce terrain aussi facile à l'entretien des berges du
canal.
Le long du lac Menzaleh, les Arabes, Bédouins,
Syriens, etc., étaient occupés à fixer des banquettes
avec des fascines. Le limon du Nil dans le lac n'est
pas, comme on l'a prétendu, une masse de boue où
il est impossible de creuser un chenal; l'épaisseur de
cette couche est tout au plus d'un mètre, je l'ai me-
surée moi-même ; elle fait ensuite place à un bol com-
pacte et solide ; les Arabes marchaient sur les ban-
quettes construites tout récemment et dont le soleil
durcit en quelques heures les parties encore détrem-
pées. La nature semble encore ici avoir voulu venir
en aide à la facilité des travaux, car les îlots du lac
sont couverts d'une multitude d'arbrisseaux servant
à former les fascines. J'ai rarement vu une race
semblable à celle de ces géants qui travaillaient à la
tâche avec un air de gaieté et de bonne volonté qui
est le démenti le plus formel de la contrainte qu'on
prétend être exercée sur eux.
Après un court arrêt aux diverses stations, nous
arrivions avant 8 heures du soir à Kantara, sans
aucune fatigue, parfaitement satisfaits de notre ins-
pection, et admirant qu'un travail semblable à cette
communication de 10 lieues de longueur ait pu être
accompli avec tant de promptitude.
Le lendemain, à 5 heures du matin, nous quit-
tions Kantara pour nous rendre à Ferdane par le lac
Ballah, en suivant le tracé du canal. Sur ce parcours,
divers ateliers étaient échelonnés. A Ferdane, j'ai
voulu m'assurer par moi-même de la nature et de la
difficulté du travail; j'ai donc pris des mains des
travailleurs des brouettes chargées ; je les ai roulées
jusqu'au sommet des berges et je les ai vidées sans
le moindre inconvénient. Le consul d'Angleterre a
imité mon exemple ; les Arabes sans doute devaient
être un peu étonnés de nous voir faire cette concur-
rence à leur travail, à coup sûr beaucoup moins pé-
nible que les labeurs de nos ouvriers dans les mines.
Ici, comme partout, on travaillait à la tâche avec
beaucoup d'entrain et d'élan. La condition des hom-
mes était bonne ; ils se servaient des pelles et des
pioches comme si ces ustensiles leur eussent été fa-
miliers toute leur vie. Les salaires, qui leur sont ré-
gulièrement payés, ont déjà amélioré très-sensible-
ment le sort des indig'ènes. Leur engagement est
d'un mois, après lequel il leur est loisible de le re-
nouveler ou de retourner dans leurs villages avec
l'argent qu'ils ont gagné. Je n'ai pu recueillir une
seule plainte de contrainte ou de mauvais traitement ;
toutes les précautions, au contraire, sont prises avec
soin pour qu'une protection efficace ait toujours l'œil
ouvert sur les fellahs. Des bureaux de réclamations
sont établis dans les chantiers ; les conditions des
contrats sont observées avec le plus grand scrupule ;
l'erreur ou l'opposition systématique ont pu seules dé-
noncer cette organisation et sa manière de fonctionner
comme portant les traces du travail forcé.
Je suis en droit et en mesure aujourd'hui de dire
que toutes les clameurs élevées dans mon pays sur
ce sujet n'ont pas de fondement, et si l'on voulait
comparer le sort des fellahs employés par la Compa-
gnie avec celui des ouvriers pauvres de nos campa-
gnes, et celui des apprentis dans nos manufactures,
la comparaison, je le crains, ne serait point à notre
avantage! Est-ce à dire qu'en Égypte pas plus
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.95%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.95%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 8/15
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6203276f/f8.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6203276f/f8.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6203276f/f8.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6203276f
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6203276f
Facebook
Twitter