Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-03-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 mars 1861 15 mars 1861
Description : 1861/03/15 (A6,N114). 1861/03/15 (A6,N114).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203267g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/01/2014
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! JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 91
il se peut, me disais-je, qu'elles soient fort spirituelles,
à en juger surtout par l'hilarité qu'elles provoquent;
mais celui qui ne comprend pas bien le dialecte en a
bien vite assez des grimaces et des contorsions des ar-
tistes: on ne tarde pas à être abasourdi par le chant
discordant des ténors et le bruit désagréable de l'or-
chestre.
Le seul moyen de locomotion, pour l'Européen aussi
bien que pour le Chinois, consiste dans la chaise. Grâce
à la force des porteurs, le trajet le plus long se fait ra-
pidement et sans secousses.
L'unique monnaie qui a cours est la piastre mexicaine
et ses diminutifs ; mais tous les petits achats se paient
avec les sapèques, qui sont des jetons enfilés par cen-
taines et dont la valeur varie de 11 à 1,200 pour une
piastre.
Le climat est sain, quoique, pendant plusieurs mois
de l'année, les chaleurs atteignent une intensité fort
grande ; il n'est pas rare de voir le thermomètre monter
à 50 degrés centigrades au-dessus de zéro, et, selon
l'usage des contrées tropicales, on ne sort guère de chez
soi, à moins de nécessité absolue, de onze heures du
matin à deux heures du soir.
Ce qui est le plus incommode, ce sont les^insectes,
qui, non contents d'aspirer l'air du dehors, viennent
encore s'installer au dedans des habitations. Le mous-
tique, surtout, est un hôte très-incommode pour les
Européens, qu'il empêche de ùormir ; mais le naturel du
pays ne semble se soucier que fort médiocrement de son
voisinage, et quel que soit le nombre des assaillants
ailés, il n'en dort pas moins avec la tranquillité de Napo-
léon la veille de la bataille d'Austerlitz.
Le paganisme, sous mille formes différentes, est la
religion reconnue du pays. Le nombre des pagodes est
immense et leur ornementation n'est guère propre à
inspirer le recueillement ni la piété. Ici, comme en toute
autre chose, Je manque de soins et d'entretien se remar-
que partout ; et, s'il est vrai qu'un beau désordre soit
un effet de l'art, à ce point de vue, les temples chinois
ont un cachet artistique irrécusable. Les divinités en
bois et en bronze, qui forment l'objet du culte dans le
Céleste-Empire, ont l'apparence de bonshommes contre-
faits et fort laids.
Si le Chinois n'a pas pour les vivants une grande
estime, il professe, en revanche, un respect illimité
pour les morts. On les inhume dans des cercueils splen-
dides, et on brûle à leur honneur des morceaux de
papier en argent, ayant la forme de lingots. Les parents
croient que les cendres s'envolent vers les âmes des
morts et se changent en belle et bonne monnaie avec
laquelle les défunts peuvent tenir dans le paradis un
rang honorable. Les cimetières se trouvent partout,
dans les jardins, sur les places, dans les pagodes et
même dans l'intérieur des maisons.
On a moins de considération pour les enfants qui
passent de vie à trépas : ou se contente de les enve-
lopper dans une natte enduite de chau, et on les en-
terre dans un puits, quand on ne les jette pas à l'eau;
de là l'assertion que les mères dénaturées noient leurs
nouveau-nés.
L'armée chinoise est [une cohorte de vagabonds,
sans discipline. Les soldats sont plutôt recouverts de
guenilles que vêtus d'effets d'ordonnance; leur veste
est ornée d'un rond de toile sur lequel est écrit le sur-
nom de celui qui la porte. C'est toujours un titre hono-
rifique, tel que celui de brave des braves, d'invincible
de lion, etc. Ainsi immatricule-t-on en France les che-
vaux de la cavalerie.
La milice n'est guère plus avancée sous le rapport
de son armement, qui se compose de fusils à mèche,
de sabres ébréchés, de vieilles lances, de couteaux de
bouche et d'une foule d'instruments qui n'ont pas de
noms. Tous les guerriers ainsi équipés se placent sans
ordre, sans formation, presque sans commandement,
quoique les officiers chinois soient plus nombreux que
dans aucune autre armée.
Les soldats font le service des villes ; une fois arri-
vês au poste, leur premier soin consiste à se dépouiller
de leurs haillons, à se débarrasser de leur vermine, à
préparer le riz et à fumer la pipe. La nuit ils font pa-
trouille; chaque militaire tient une lanterne à la main,
et afin de n'avoir pas d'arrestations à opérer, ces braves
font le plus de bruitpossible pour donner aux malfaiteurs
le temps de s'en retourner tranquillement chez eux.
Cela me rappelle quelque peu les rondes des choristes
de nos opéras-comiques, quand ils chantent à tue-tête :
J Marchons avec prudence,
Observons tout sans bruit ;
Montrons la vigilance
De la ronde de nuit.
Lorsque le taoutaï, autrement dit le préfet, sort, la
garnison lui sert d'escorte. Rien n'est plus risible que ce
cortège. En tête un hérault, portant d'énormes tim-
bales, fait retentir dans les airs un son fêlé qui avertit
que Son Excellence va passer ; puis arrivent les bour.
reaux, les geôliers et la foule de suppôts, revêtus de
longues robes rouges, sordides et trouées ; puis viennent
les domestiques à la livrée du taoutaï. Quelques cos-
tumes d'une mascarade de ville de province, des plumes
de paon hors de service excitent la convoitise de la
troupe qui borde la haie. Suivent ensuite les palanquins
de l'Excellence et de ses officiers. La marche est fermée
par deux cavaliers, les seuls personnages du cortége qui
aient tournure humaine.
Dès que le grand taoutaï est entré chez la personne
à laquelle il rend visite, valets, bourreaux, suppôts, sol-
dats, s'empressent de s'asseoir fraternellement et sans
distinction sur les cailloux les plus proches, les uns fai-
sant la chasse aux insectes qui les incommodent, les
autres fumant leur pipe.
Le Chinois est d'une politesse sans égale dans les
sphères supérieures. Les relations diplomatiques nous
ont appris quelle importance il attachait à la ques-
tion d'étiquette ; il en est à peu près de même dans
les classes inférieures. La forme de leur salutation con-
siste dans le procédé suivant que je vais indiquer à la
façon d'un numéro de nos manuels sur la discipline des
corps de troupe.
A deux pas de la personne à laquelle on rend les
honneurs, étendre les mains réunies sur la poitrine, les
ongles en l'air, les coudes serrés au corps; abaisser et
élever alternativement les mains ainsi que la tète, le
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il se peut, me disais-je, qu'elles soient fort spirituelles,
à en juger surtout par l'hilarité qu'elles provoquent;
mais celui qui ne comprend pas bien le dialecte en a
bien vite assez des grimaces et des contorsions des ar-
tistes: on ne tarde pas à être abasourdi par le chant
discordant des ténors et le bruit désagréable de l'or-
chestre.
Le seul moyen de locomotion, pour l'Européen aussi
bien que pour le Chinois, consiste dans la chaise. Grâce
à la force des porteurs, le trajet le plus long se fait ra-
pidement et sans secousses.
L'unique monnaie qui a cours est la piastre mexicaine
et ses diminutifs ; mais tous les petits achats se paient
avec les sapèques, qui sont des jetons enfilés par cen-
taines et dont la valeur varie de 11 à 1,200 pour une
piastre.
Le climat est sain, quoique, pendant plusieurs mois
de l'année, les chaleurs atteignent une intensité fort
grande ; il n'est pas rare de voir le thermomètre monter
à 50 degrés centigrades au-dessus de zéro, et, selon
l'usage des contrées tropicales, on ne sort guère de chez
soi, à moins de nécessité absolue, de onze heures du
matin à deux heures du soir.
Ce qui est le plus incommode, ce sont les^insectes,
qui, non contents d'aspirer l'air du dehors, viennent
encore s'installer au dedans des habitations. Le mous-
tique, surtout, est un hôte très-incommode pour les
Européens, qu'il empêche de ùormir ; mais le naturel du
pays ne semble se soucier que fort médiocrement de son
voisinage, et quel que soit le nombre des assaillants
ailés, il n'en dort pas moins avec la tranquillité de Napo-
léon la veille de la bataille d'Austerlitz.
Le paganisme, sous mille formes différentes, est la
religion reconnue du pays. Le nombre des pagodes est
immense et leur ornementation n'est guère propre à
inspirer le recueillement ni la piété. Ici, comme en toute
autre chose, Je manque de soins et d'entretien se remar-
que partout ; et, s'il est vrai qu'un beau désordre soit
un effet de l'art, à ce point de vue, les temples chinois
ont un cachet artistique irrécusable. Les divinités en
bois et en bronze, qui forment l'objet du culte dans le
Céleste-Empire, ont l'apparence de bonshommes contre-
faits et fort laids.
Si le Chinois n'a pas pour les vivants une grande
estime, il professe, en revanche, un respect illimité
pour les morts. On les inhume dans des cercueils splen-
dides, et on brûle à leur honneur des morceaux de
papier en argent, ayant la forme de lingots. Les parents
croient que les cendres s'envolent vers les âmes des
morts et se changent en belle et bonne monnaie avec
laquelle les défunts peuvent tenir dans le paradis un
rang honorable. Les cimetières se trouvent partout,
dans les jardins, sur les places, dans les pagodes et
même dans l'intérieur des maisons.
On a moins de considération pour les enfants qui
passent de vie à trépas : ou se contente de les enve-
lopper dans une natte enduite de chau, et on les en-
terre dans un puits, quand on ne les jette pas à l'eau;
de là l'assertion que les mères dénaturées noient leurs
nouveau-nés.
L'armée chinoise est [une cohorte de vagabonds,
sans discipline. Les soldats sont plutôt recouverts de
guenilles que vêtus d'effets d'ordonnance; leur veste
est ornée d'un rond de toile sur lequel est écrit le sur-
nom de celui qui la porte. C'est toujours un titre hono-
rifique, tel que celui de brave des braves, d'invincible
de lion, etc. Ainsi immatricule-t-on en France les che-
vaux de la cavalerie.
La milice n'est guère plus avancée sous le rapport
de son armement, qui se compose de fusils à mèche,
de sabres ébréchés, de vieilles lances, de couteaux de
bouche et d'une foule d'instruments qui n'ont pas de
noms. Tous les guerriers ainsi équipés se placent sans
ordre, sans formation, presque sans commandement,
quoique les officiers chinois soient plus nombreux que
dans aucune autre armée.
Les soldats font le service des villes ; une fois arri-
vês au poste, leur premier soin consiste à se dépouiller
de leurs haillons, à se débarrasser de leur vermine, à
préparer le riz et à fumer la pipe. La nuit ils font pa-
trouille; chaque militaire tient une lanterne à la main,
et afin de n'avoir pas d'arrestations à opérer, ces braves
font le plus de bruitpossible pour donner aux malfaiteurs
le temps de s'en retourner tranquillement chez eux.
Cela me rappelle quelque peu les rondes des choristes
de nos opéras-comiques, quand ils chantent à tue-tête :
J Marchons avec prudence,
Observons tout sans bruit ;
Montrons la vigilance
De la ronde de nuit.
Lorsque le taoutaï, autrement dit le préfet, sort, la
garnison lui sert d'escorte. Rien n'est plus risible que ce
cortège. En tête un hérault, portant d'énormes tim-
bales, fait retentir dans les airs un son fêlé qui avertit
que Son Excellence va passer ; puis arrivent les bour.
reaux, les geôliers et la foule de suppôts, revêtus de
longues robes rouges, sordides et trouées ; puis viennent
les domestiques à la livrée du taoutaï. Quelques cos-
tumes d'une mascarade de ville de province, des plumes
de paon hors de service excitent la convoitise de la
troupe qui borde la haie. Suivent ensuite les palanquins
de l'Excellence et de ses officiers. La marche est fermée
par deux cavaliers, les seuls personnages du cortége qui
aient tournure humaine.
Dès que le grand taoutaï est entré chez la personne
à laquelle il rend visite, valets, bourreaux, suppôts, sol-
dats, s'empressent de s'asseoir fraternellement et sans
distinction sur les cailloux les plus proches, les uns fai-
sant la chasse aux insectes qui les incommodent, les
autres fumant leur pipe.
Le Chinois est d'une politesse sans égale dans les
sphères supérieures. Les relations diplomatiques nous
ont appris quelle importance il attachait à la ques-
tion d'étiquette ; il en est à peu près de même dans
les classes inférieures. La forme de leur salutation con-
siste dans le procédé suivant que je vais indiquer à la
façon d'un numéro de nos manuels sur la discipline des
corps de troupe.
A deux pas de la personne à laquelle on rend les
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ongles en l'air, les coudes serrés au corps; abaisser et
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