Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-02-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 février 1861 15 février 1861
Description : 1861/02/15 (A6,N112). 1861/02/15 (A6,N112).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203265n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
62 L'ISTHME DE SUEZ,
gent, dits damelage, qui enserrent les bras au-dessus des
coudes; de bracelets pour les poignets, également en
argent ou en argent doré appelés chemelé ou soucir ; de
boucles d'oreilles, dites dababisse, formées d'une épingle
recourbée qui passe dans le trou de l'oreille et à la-
quelle est fixé un triangle en argent ou en or d'où
pendent trois chaînettes de 01,15 à ODl,20 de long, par-
fois enrichies de perles fines ou de pierres précieuses ;
de colliers, dits dked, formés de quatre à cinq rangs de
perles fines, séparées de distance en distance par de
petites plaques d'or en guise de points d'attache, et or-
nés au milieu d'un doublon en or ; de boutons en ar-
gent, dits zemam, garnis d'une petite tige recourbée qui
se passe dans un trou pratiqué à la narine droite ; de
bagues en argent ornées de turquoises ou d'émeraudes
pour tous les doigts de la main, y compris le pouce ; de
• bagues, également en argent, sans aucune pierre en-
châtonnée et qui se passent aux seconds doigts des
pieds, etc., etc. Je ne pousserai pas plus loin cette re-
vue de bijoux indigènes, aussi peu riches qu'ils sont
grossièrement travaillés et de mauvais'goùt.
Que font, me direz-vous, ces musulmanes dans leurs
maisons et à quoi emploient-elles leur temps? Mon
Dieu 1 ces musulmanes sont assez semblables aux fem-
mes en général. Elles bavardent du matin au soir, tout
comme causent nos dames, s'occupent assez activement
de leur ménage, font le plus souvent elles-mêmes leur
cuisine, fument et boivent force chichés et tasses de café,
grondent avec une constance désespérante leurs es-
claves, que ceux-ci s'acquittent bien ou mal de leur
service, reçoivent les visites des voisines qui viennent
leur débiter des jérémiades sur la cherté des vivres
ou se plaindre des rudesses ou des brutalités de leurs
maris, etc., etc. Quant à prendre soin de leurs enfants
et à surveiller leur éducation, c'est le moindre de leurs
soucis, ou, pour mieux dire, elles n'en ont aucun. En
revanche, les élégantes et les oisives consacrent de
bons moments à leur toilette et se délectent en écou-
tant le récit que leur font les colporteuses des chro-
niques plus ou moins scandaleuses du quartier. et
Dieu sait s'il y a matière à cela 1
Mais' assez nous occuper de ces dames; aussi bien
me suis-je un peu trop laissé aller à vous en parler.
Djeddah n'a point d'industrie particulière. Il y a ici
absence complète de fabrique d'aucune sorte. Tout y
vient du dehors, depuis les objets de consommation et
les denrées, céréales, etc., etc., jusqu'aux étoffes et
objets manufacturés de riche valeur; en d'autres ter-
mes, Djeddah est tributaire pour tous ses besoins
soit de l'Inde, de l'Indo-Chine, des bords du golfe Per-
sique, soit de l'Egypte et de l'Europe par cette dernière
contrée. Je vous parlerai dans ma prochaine lettre de
son mouvement commercial, du revenu de ses douanes
et du mouvement de sa navigation.
- Il ne faudrait point conclure de ce qui précède que la
population est ici oisive et désœuvrée ; tout le monde
travaille au contraire, et l'on ne voit que fort peu d'indi-
vidus vivant en sybarites du revenu de leurs propriétés,
ceux-là habitant de préférence la ville de la Mecque
ou le riant pays de Taïf. Les Djeddaïens sont actifs et
laborieux, et le commerce, je l'ai dit, sous toutes les
formes, les occupe constamment. En outre, presque tous
les métiers sont exercés ici; c'est ainsi qu'on y compte
bon nombre de menuisiers, tourneurs, maçons, serru-
riers - forgerons, bourreliers, tailleurs, cordonniers,
ferblantiers, boulangers, bouchers, laitiers, fruitiers,
pêcheurs, etc., etc. Je viens de citer les tour-
neurs; ce sont d'assez habiles ouvriers, qui, avec dès
outils d'une incroyable imperfection, tournent assez
élégamment des objets de menuiserie et, au besoin,
d'ébénisterie, percent les tuyaux de pipes de bois de
cerisier, de jasmin ou de caféyer, et travaillent le corail
noir pêché dans les eaux mêmes de Djeddah et dont il
se fait ici un commerce assez lucratif, surtout à l'époque
du pèlerinage. On en fait, ainsi qu'avec des dents de
poissons, gros cétacés que l'on pêche, dans la mer
Rouge, des chapelets fort recherchés par les pèlerins
au moment où ils quittent le Hedjaz.
La vie animale est ordinairement fort chère à Djed-
dah ; elle devient parfois excessive à l'époque de l'af-
fluence des pèlerins. Voici quelques exemples qui feront
juger du reste. Le blé: il vient généralement d'Egypte
et vaut Yardeb (soit 1 hectolitre et 80 litres) 34 fr. en-
viron. Le blé qui vient du Yemen est d'une qualité no-
tablement inférieure et se vend d'ordinaire 20 0/0 de
moins environ que celui d'Egypte. Le pain: il s'en fait
de deux et même de trois qualités : la première avec de
la farine de blé, la seconde avec un mélange de farine
de maïs, la troisième avec de la seule farine de maïs ou
de fève. La première qualité se vend 26 centimes la livre
de 12 onces. La viande : on ne tue guère que que des
moutons, rarement on égorge un bœuf ou un chameau.
Le chiffre moyen de moutons tués par jour est de 60
à 70. La livre de viande de mouton de 12 onces vaut
environ 52 centimes ; celle de bœuf, 32 centimes ; celle
du chameau, 26 centimes. L'eau: je l'ai déjà dit, l'eau
est rare à Djeddah et il faut aller la chercher assez loin
de la ville, circonstance qui cause précisément sa
cherté. On l'apporte dans de petites outres de. peaux
de chèvre, et la charge d'un chameau, qui est de seize
outres, représente environ la quantité de 224 litres. La
charge coûte aujourd'hui 1 fr. 60 c. ; à l'époque du pè-
lerinage ce prix est triplé, si ce n'est davantage.
Quelques mots maintenant des us et coutumes des
gens de Djeddah.
En comparant ce que je vois ici avec ce que j'ai vu
ailleurs, ou ce que j'ai lu touchant d'autres contrés ara-
bes, je ne trouve pas une grande différence entre les
mœurs des habitants de ce pays et celles d'autres so-
ciétés musulmanes. Ce sont, à peu de choses près, les
mêmes usages, le même esprit de famille, la même
superstition des génies bienfaisants ou malfaisants, des
âfrids, la même croyance des choses surnaturelles, des
fables et des miracles, la même confiance dans les
amulettes, préservatifs et talismans, la même ignorance
dans la masse de la population, la même insouciance
de l'avenir, la même incurie et apathie dans le présent,
la même négligence des leçons du passé, enfin le même
esprit de prédestination, de fatalisme et de fanatisme.
Ce dernier sentiment cependant est ici, je dois le re-
connaître, plus haineux, plus aveugle et plus implaca-
ble que partout ailleurs. Il résulte de tout cela que je
gent, dits damelage, qui enserrent les bras au-dessus des
coudes; de bracelets pour les poignets, également en
argent ou en argent doré appelés chemelé ou soucir ; de
boucles d'oreilles, dites dababisse, formées d'une épingle
recourbée qui passe dans le trou de l'oreille et à la-
quelle est fixé un triangle en argent ou en or d'où
pendent trois chaînettes de 01,15 à ODl,20 de long, par-
fois enrichies de perles fines ou de pierres précieuses ;
de colliers, dits dked, formés de quatre à cinq rangs de
perles fines, séparées de distance en distance par de
petites plaques d'or en guise de points d'attache, et or-
nés au milieu d'un doublon en or ; de boutons en ar-
gent, dits zemam, garnis d'une petite tige recourbée qui
se passe dans un trou pratiqué à la narine droite ; de
bagues en argent ornées de turquoises ou d'émeraudes
pour tous les doigts de la main, y compris le pouce ; de
• bagues, également en argent, sans aucune pierre en-
châtonnée et qui se passent aux seconds doigts des
pieds, etc., etc. Je ne pousserai pas plus loin cette re-
vue de bijoux indigènes, aussi peu riches qu'ils sont
grossièrement travaillés et de mauvais'goùt.
Que font, me direz-vous, ces musulmanes dans leurs
maisons et à quoi emploient-elles leur temps? Mon
Dieu 1 ces musulmanes sont assez semblables aux fem-
mes en général. Elles bavardent du matin au soir, tout
comme causent nos dames, s'occupent assez activement
de leur ménage, font le plus souvent elles-mêmes leur
cuisine, fument et boivent force chichés et tasses de café,
grondent avec une constance désespérante leurs es-
claves, que ceux-ci s'acquittent bien ou mal de leur
service, reçoivent les visites des voisines qui viennent
leur débiter des jérémiades sur la cherté des vivres
ou se plaindre des rudesses ou des brutalités de leurs
maris, etc., etc. Quant à prendre soin de leurs enfants
et à surveiller leur éducation, c'est le moindre de leurs
soucis, ou, pour mieux dire, elles n'en ont aucun. En
revanche, les élégantes et les oisives consacrent de
bons moments à leur toilette et se délectent en écou-
tant le récit que leur font les colporteuses des chro-
niques plus ou moins scandaleuses du quartier. et
Dieu sait s'il y a matière à cela 1
Mais' assez nous occuper de ces dames; aussi bien
me suis-je un peu trop laissé aller à vous en parler.
Djeddah n'a point d'industrie particulière. Il y a ici
absence complète de fabrique d'aucune sorte. Tout y
vient du dehors, depuis les objets de consommation et
les denrées, céréales, etc., etc., jusqu'aux étoffes et
objets manufacturés de riche valeur; en d'autres ter-
mes, Djeddah est tributaire pour tous ses besoins
soit de l'Inde, de l'Indo-Chine, des bords du golfe Per-
sique, soit de l'Egypte et de l'Europe par cette dernière
contrée. Je vous parlerai dans ma prochaine lettre de
son mouvement commercial, du revenu de ses douanes
et du mouvement de sa navigation.
- Il ne faudrait point conclure de ce qui précède que la
population est ici oisive et désœuvrée ; tout le monde
travaille au contraire, et l'on ne voit que fort peu d'indi-
vidus vivant en sybarites du revenu de leurs propriétés,
ceux-là habitant de préférence la ville de la Mecque
ou le riant pays de Taïf. Les Djeddaïens sont actifs et
laborieux, et le commerce, je l'ai dit, sous toutes les
formes, les occupe constamment. En outre, presque tous
les métiers sont exercés ici; c'est ainsi qu'on y compte
bon nombre de menuisiers, tourneurs, maçons, serru-
riers - forgerons, bourreliers, tailleurs, cordonniers,
ferblantiers, boulangers, bouchers, laitiers, fruitiers,
pêcheurs, etc., etc. Je viens de citer les tour-
neurs; ce sont d'assez habiles ouvriers, qui, avec dès
outils d'une incroyable imperfection, tournent assez
élégamment des objets de menuiserie et, au besoin,
d'ébénisterie, percent les tuyaux de pipes de bois de
cerisier, de jasmin ou de caféyer, et travaillent le corail
noir pêché dans les eaux mêmes de Djeddah et dont il
se fait ici un commerce assez lucratif, surtout à l'époque
du pèlerinage. On en fait, ainsi qu'avec des dents de
poissons, gros cétacés que l'on pêche, dans la mer
Rouge, des chapelets fort recherchés par les pèlerins
au moment où ils quittent le Hedjaz.
La vie animale est ordinairement fort chère à Djed-
dah ; elle devient parfois excessive à l'époque de l'af-
fluence des pèlerins. Voici quelques exemples qui feront
juger du reste. Le blé: il vient généralement d'Egypte
et vaut Yardeb (soit 1 hectolitre et 80 litres) 34 fr. en-
viron. Le blé qui vient du Yemen est d'une qualité no-
tablement inférieure et se vend d'ordinaire 20 0/0 de
moins environ que celui d'Egypte. Le pain: il s'en fait
de deux et même de trois qualités : la première avec de
la farine de blé, la seconde avec un mélange de farine
de maïs, la troisième avec de la seule farine de maïs ou
de fève. La première qualité se vend 26 centimes la livre
de 12 onces. La viande : on ne tue guère que que des
moutons, rarement on égorge un bœuf ou un chameau.
Le chiffre moyen de moutons tués par jour est de 60
à 70. La livre de viande de mouton de 12 onces vaut
environ 52 centimes ; celle de bœuf, 32 centimes ; celle
du chameau, 26 centimes. L'eau: je l'ai déjà dit, l'eau
est rare à Djeddah et il faut aller la chercher assez loin
de la ville, circonstance qui cause précisément sa
cherté. On l'apporte dans de petites outres de. peaux
de chèvre, et la charge d'un chameau, qui est de seize
outres, représente environ la quantité de 224 litres. La
charge coûte aujourd'hui 1 fr. 60 c. ; à l'époque du pè-
lerinage ce prix est triplé, si ce n'est davantage.
Quelques mots maintenant des us et coutumes des
gens de Djeddah.
En comparant ce que je vois ici avec ce que j'ai vu
ailleurs, ou ce que j'ai lu touchant d'autres contrés ara-
bes, je ne trouve pas une grande différence entre les
mœurs des habitants de ce pays et celles d'autres so-
ciétés musulmanes. Ce sont, à peu de choses près, les
mêmes usages, le même esprit de famille, la même
superstition des génies bienfaisants ou malfaisants, des
âfrids, la même croyance des choses surnaturelles, des
fables et des miracles, la même confiance dans les
amulettes, préservatifs et talismans, la même ignorance
dans la masse de la population, la même insouciance
de l'avenir, la même incurie et apathie dans le présent,
la même négligence des leçons du passé, enfin le même
esprit de prédestination, de fatalisme et de fanatisme.
Ce dernier sentiment cependant est ici, je dois le re-
connaître, plus haineux, plus aveugle et plus implaca-
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