Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-03-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 mars 1861 01 mars 1861
Description : 1861/03/01 (A6,N113). 1861/03/01 (A6,N113).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032662
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
a
78 L'ISTHME DE SUEZ,
de nombreuses bougies, et partout sur les tapis sont
accroupies les parentes, les amies et les invitées, ha-
billées de leur costume de ville, mais ayant le borgd ou
masque relevé, et par conséquent le visage découvert,
et bavardant, babillant, caquetant toutes à la fois en
attendant l'arrivée du fiancé.
On ne peut se faire une idée du bruit qui règne alors
dans cette pièce, qui n'a généralement pas plus de 8 à
10 mètres de long sur 4 à 5 de large, et où, indépen-
damment du glouglou bruyant des nombreux chichés que
l'on y fume, une soixantaine de femmes au moins, sans
compter les esclaves et les enfants qui vont et viennent,
ne cessent de jacasser sur tous les tons. On ne saurait
se faire une idée non plus de la chaleur étouffante qui
règne dans cette pièce, où la température naturelle,
qui est d'ordinaire de 30 à 32 degrés, se voit prodigieu-
sement élevée par la chaleur qui se dégage de cette
agglomération de personnes réunies dans un si petit
réduit, par les charbons brûlant au haut des chichés, par
les tourbillons de chaude fumée qui s'en échappe, par
l'éclairage enfin plus ou moins à giorno de la salle.
Sept heures et demie du soir sonnent ou plutôt sont
criées du haut du minaret de la mosquée voisine par
un nazillard muezzin. C'est l'heure où va bientôt venir
l'heureux fiancé, auquel il va être donné de contempler
pour la première fois face à face celle à laquelle il s'est
uni ; c'est l'heure aussi où toutes les femmes qui en-
tourent la fiancée vont voir le terme de leur impatience
car elles pourront scruter librement et avec une ma-
ligne curiosité sur la physionomie de l'drousse l'effet
qu'auront produit sur lui les traits de sa jeune épouse.
Cest vers cette heure là en effet que le jeune homme
habillé de ses plus beaux vêtements, flanqué de ses
deux témoins, également en habits de gala, et suivi de
ses parents et de ses amis, sort de chez lui et, précédé
d'une bruyante musique et d'esclaves tenant en mains
soit des fanaux en papier, au milieu desquels brûle une
maigre bougie, soit des torches de résine, se rend d'a-
bord à la mosquée, dite Djamè-Ll-Chaféï, pour y faire
une prière de deux lekeâ ou génuflexions, comme pour
demander au ciel de bénir son union, et de là se met
processionnellement enjnarche pour aller faire visite à
son âroussa.
A l'arrivée du cortège à la maison de celle-ci, la m
sique s'arrête à la porte, les parents, témoins et amis
s'installent sur des bancs préparés à cet effet dans le
vestibule, et le jeune homme seul, conduit par son beau,
père, pénètre dans l'intérieur du gynécée. Dès qu'il en-
tre dans la salle, les borgds retombent précipitamment
sur tous les visages jusqu'alors découverts des femmes
accroupies, et un silence solennel se fait partout. L'époux
s'avance aussi majestueusement qu'il le peut vers l'es-
trade où trône l'âroussa et s'assied en face d'elle sur
un fauteuil placé là à son intention ; puis se tenant
debout, il relève lui-même le voile de gaze qui recou-
vre la figure de sa femme dont les yeux ne cessent
d'être baissés, murmure quelques paroles de compli-
ments, et posant la main droite sur la tête de celle-ci,
il prononce la formule sacramentelle de la fat ha. Ceci
fait, il place sur les genoux ou auprès de l'âroussa quel-
ques pièces d'or, qui sont comme les épingles de l'é-
pousée, et se retire à pas comptés poursuivi des you-you
aigus poussés à titre de réjouissance par les gosiers de
toute l'assistance.
Rentré chez lui avec le même cérémonial, l'époux
envoie aussitôt à la maison de la fiancée et sous la di-
rection de ses témoins, qui semblent remplir dans toutes
ces circonstances le rôle de garçons de noce, une sorte
de chaise à porteur placée sur deux chevaux, appelée
takht-er-rouan, qui doit servir à transporter la jeune
épouse dans sa nouvelle demeure. Celle-ci s'y place
avec sa mezeïena, et, précédée de torches et suivie
d'une foule de parentes et d'amies, elle quitte le toit
paternel pour aller désormais habiter la maison de son
époux. Elle est reçue par lui à la porte même, et, ac-
compagnée de ses plus proches parentes, elle franchit,
soutenue par elles, les marches qui la séparent des ap-
partements supérieurs. Arrivé au seuil de la chambre
nuptiale, le cortége s'arrête, et, seule avec son époux,
l'âroussa soulève la portière et pénètre dans l'intérieur.
Mon rôle de narrateur s'arrête ici.
Le lendemain, la jeune femme, vêtue comme la veille
de ses riches habillements, se place sur un divan de sa
chambre et reçoit toute la journée les nombreuses vi-
sites de ses amies et de ses voisines qui accourent lui
offrir leurs compliments, leurs mabrouks ou félicitations.
Naturellement il se mêle à toutes ces conversations fé-
minines d'indiscrètes questions et de malicieuses obser-
vations empruntées à la circonstance, telles que les
femmes musulmanes sont si avides et si prodigues d'en
faire en pareille occurrence.
Pendant deux et trois jours encore la maison des
époux conserve un aspect de fête ; la musique ne cesse
de faire entendre ses sons ahurissants, le café et les
rafraîchissements sont servis à profusion à tous les
visiteurs ; puis tout rentre dans le calme et le silence,
et le train de vie ordinaire recommence en attendant
qu'une autre fête de famille vienne égayer un autre
quartier de la ville.
Avant de finir cet article, deux mots sur le divorce.
Pas plus que je ne l'ai fait pour le :ouadj ou mariage,
je n'entrerai dans les détails législatifs touchant le telak
ou répudiation (divorce). Je me bornerai à observer que
les dispositions légales qui régissent la matière dans
tous les pays musulmans sont également appliquées à
Djeddah et dans tout le Hedjaz. Il est utile de noter ce-
pendant que le divorce n'est point constaté ici par un
acte authentique, et que la femme répudiée, en se reti-
rant dans sa famille, ne reçoit pas plus de son époux di-
vorcé le titre de sa répudiation qu'elle n'en a obtenu, en se
mariant avec lui, d'acte régulier constatant son mariage.
Tout se passe verbalement et par-devant témoins. Il est
aisé de comprendre combien dans certains cas ce sys-
tème de merveilleusement simplifier les choses peut
entraîner d'inconvénients avec lui.
Vous savez que la loi établit que pour que le divorce
soit définitif, il faut qu'une sorte de temps d'épreuve
(appelé idet) de trois mois de durée se soit écoulé à par-
tir du jour où la formule sacramentelle de la répudia-
tion a été prononcée par le mari ; or, comme il arrive
le plus souvent que celui-ci n'a cédé dans cette circons-
tance qu'à un moment de mauvaise humeur ou de co-
78 L'ISTHME DE SUEZ,
de nombreuses bougies, et partout sur les tapis sont
accroupies les parentes, les amies et les invitées, ha-
billées de leur costume de ville, mais ayant le borgd ou
masque relevé, et par conséquent le visage découvert,
et bavardant, babillant, caquetant toutes à la fois en
attendant l'arrivée du fiancé.
On ne peut se faire une idée du bruit qui règne alors
dans cette pièce, qui n'a généralement pas plus de 8 à
10 mètres de long sur 4 à 5 de large, et où, indépen-
damment du glouglou bruyant des nombreux chichés que
l'on y fume, une soixantaine de femmes au moins, sans
compter les esclaves et les enfants qui vont et viennent,
ne cessent de jacasser sur tous les tons. On ne saurait
se faire une idée non plus de la chaleur étouffante qui
règne dans cette pièce, où la température naturelle,
qui est d'ordinaire de 30 à 32 degrés, se voit prodigieu-
sement élevée par la chaleur qui se dégage de cette
agglomération de personnes réunies dans un si petit
réduit, par les charbons brûlant au haut des chichés, par
les tourbillons de chaude fumée qui s'en échappe, par
l'éclairage enfin plus ou moins à giorno de la salle.
Sept heures et demie du soir sonnent ou plutôt sont
criées du haut du minaret de la mosquée voisine par
un nazillard muezzin. C'est l'heure où va bientôt venir
l'heureux fiancé, auquel il va être donné de contempler
pour la première fois face à face celle à laquelle il s'est
uni ; c'est l'heure aussi où toutes les femmes qui en-
tourent la fiancée vont voir le terme de leur impatience
car elles pourront scruter librement et avec une ma-
ligne curiosité sur la physionomie de l'drousse l'effet
qu'auront produit sur lui les traits de sa jeune épouse.
Cest vers cette heure là en effet que le jeune homme
habillé de ses plus beaux vêtements, flanqué de ses
deux témoins, également en habits de gala, et suivi de
ses parents et de ses amis, sort de chez lui et, précédé
d'une bruyante musique et d'esclaves tenant en mains
soit des fanaux en papier, au milieu desquels brûle une
maigre bougie, soit des torches de résine, se rend d'a-
bord à la mosquée, dite Djamè-Ll-Chaféï, pour y faire
une prière de deux lekeâ ou génuflexions, comme pour
demander au ciel de bénir son union, et de là se met
processionnellement enjnarche pour aller faire visite à
son âroussa.
A l'arrivée du cortège à la maison de celle-ci, la m
sique s'arrête à la porte, les parents, témoins et amis
s'installent sur des bancs préparés à cet effet dans le
vestibule, et le jeune homme seul, conduit par son beau,
père, pénètre dans l'intérieur du gynécée. Dès qu'il en-
tre dans la salle, les borgds retombent précipitamment
sur tous les visages jusqu'alors découverts des femmes
accroupies, et un silence solennel se fait partout. L'époux
s'avance aussi majestueusement qu'il le peut vers l'es-
trade où trône l'âroussa et s'assied en face d'elle sur
un fauteuil placé là à son intention ; puis se tenant
debout, il relève lui-même le voile de gaze qui recou-
vre la figure de sa femme dont les yeux ne cessent
d'être baissés, murmure quelques paroles de compli-
ments, et posant la main droite sur la tête de celle-ci,
il prononce la formule sacramentelle de la fat ha. Ceci
fait, il place sur les genoux ou auprès de l'âroussa quel-
ques pièces d'or, qui sont comme les épingles de l'é-
pousée, et se retire à pas comptés poursuivi des you-you
aigus poussés à titre de réjouissance par les gosiers de
toute l'assistance.
Rentré chez lui avec le même cérémonial, l'époux
envoie aussitôt à la maison de la fiancée et sous la di-
rection de ses témoins, qui semblent remplir dans toutes
ces circonstances le rôle de garçons de noce, une sorte
de chaise à porteur placée sur deux chevaux, appelée
takht-er-rouan, qui doit servir à transporter la jeune
épouse dans sa nouvelle demeure. Celle-ci s'y place
avec sa mezeïena, et, précédée de torches et suivie
d'une foule de parentes et d'amies, elle quitte le toit
paternel pour aller désormais habiter la maison de son
époux. Elle est reçue par lui à la porte même, et, ac-
compagnée de ses plus proches parentes, elle franchit,
soutenue par elles, les marches qui la séparent des ap-
partements supérieurs. Arrivé au seuil de la chambre
nuptiale, le cortége s'arrête, et, seule avec son époux,
l'âroussa soulève la portière et pénètre dans l'intérieur.
Mon rôle de narrateur s'arrête ici.
Le lendemain, la jeune femme, vêtue comme la veille
de ses riches habillements, se place sur un divan de sa
chambre et reçoit toute la journée les nombreuses vi-
sites de ses amies et de ses voisines qui accourent lui
offrir leurs compliments, leurs mabrouks ou félicitations.
Naturellement il se mêle à toutes ces conversations fé-
minines d'indiscrètes questions et de malicieuses obser-
vations empruntées à la circonstance, telles que les
femmes musulmanes sont si avides et si prodigues d'en
faire en pareille occurrence.
Pendant deux et trois jours encore la maison des
époux conserve un aspect de fête ; la musique ne cesse
de faire entendre ses sons ahurissants, le café et les
rafraîchissements sont servis à profusion à tous les
visiteurs ; puis tout rentre dans le calme et le silence,
et le train de vie ordinaire recommence en attendant
qu'une autre fête de famille vienne égayer un autre
quartier de la ville.
Avant de finir cet article, deux mots sur le divorce.
Pas plus que je ne l'ai fait pour le :ouadj ou mariage,
je n'entrerai dans les détails législatifs touchant le telak
ou répudiation (divorce). Je me bornerai à observer que
les dispositions légales qui régissent la matière dans
tous les pays musulmans sont également appliquées à
Djeddah et dans tout le Hedjaz. Il est utile de noter ce-
pendant que le divorce n'est point constaté ici par un
acte authentique, et que la femme répudiée, en se reti-
rant dans sa famille, ne reçoit pas plus de son époux di-
vorcé le titre de sa répudiation qu'elle n'en a obtenu, en se
mariant avec lui, d'acte régulier constatant son mariage.
Tout se passe verbalement et par-devant témoins. Il est
aisé de comprendre combien dans certains cas ce sys-
tème de merveilleusement simplifier les choses peut
entraîner d'inconvénients avec lui.
Vous savez que la loi établit que pour que le divorce
soit définitif, il faut qu'une sorte de temps d'épreuve
(appelé idet) de trois mois de durée se soit écoulé à par-
tir du jour où la formule sacramentelle de la répudia-
tion a été prononcée par le mari ; or, comme il arrive
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