Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 septembre 1863 15 septembre 1863
Description : 1863/09/15 (A8,N174). 1863/09/15 (A8,N174).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203253f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 381
corvée, c'est à-dire du travail forcé et gratuit sur la
plus large échelle, toutes les fois qu'elle a jugé utile
de s'en servir; que le travail obligatoire ne lui est
odieux qu'en tant qu'il creuse le canal de Suez; que
la Turquie n'y a rien objecté tout le temps pendant
lequel il a été agréable à l'Angleterre, et qu'enfin, pour
donner une apparence de fondement à ces prohibi-
tions plus que tardives, le ministère ottoman a dù
avoir recours à l'incroyable expédient de l'invoca-
tion d'une loi qui n'a jamais eu d'existence que dans
les imaginations britanniques.
Certes, il serait difficile de découvrir dans les an-
nales de la diplomatie un procédé semblable à celui
que s'est permis le ministre Aali-Pacha, et ce serait
le cas peut être de lui rappeler cette vieille anecdote
judiciaire. Un avocat, pour le besoin de sa cause
mauvaise, s'était mis à citer une loi de sa façon.
Son adversaire lui répondit par une autre loi, qui
abrogeait la première. -Où avez-vous pris ce texte?
lui répliqua le citateur. — Juste au-dessous de celui
dont vous venez de vous prévaloir.
Nous pourrions de notre côté répondre à Aali-Pa-
cha que nous avons pris l'abrogation de sa loi ima-
ginaire juste dans tout ce qu'a fait en Egypte de
1861 à 1862 cette même diplomatie anglaise qui la
lui a révélée.
Non, ce n'est pas la pensée de supprimer en Egypte
ni le travail obligatoire ni même la corvée qui ins-
pire cette petite guerre. Si les ministres turcs sont
animés de sentiments philanthropiques, ils n'ont pas
besoin de passer la mer pour les exercer. Qu'ils re-
gardent autour d'eux, qu'ils jettent les yeux sur les
populations placées directement sous leur tutelle.
Puisque l'on nous y oblige, nous allons retracer
quelques-unes des profondes misères , des avanies
et des exactions auxquelles ces populations sont en
butte. L'opinion publique pourra comparer le sort
des fellahs de l'Egypte et celui des travailleurs in-
digènes de l'isthme à la situation où se trouvent les
classes laborieuses musulmanes ou chrétiennes de la
Turquie, et elle prononcera ensuite sur la sincérité
de l'intérêt que l'on affecte en faveur des travailleurs
égyptiens, lorsque l'on reste impassible devant tant
de maux et de plaies qui affligent le reste de l'em-
pire ottoman.
Les faits que nous allons citer sont authentiques;
ils sont puisés dans les documents officiels distribués
cette année au parlement d'Angleterre. Ils sont ex-
traits des rapports des agents britanniques dans les
diverses provinces de la Turquie. Ces rapports ont été
rédigés par l'ordre de sir H. Bulwer et lui ont été direc-
tement adressés. C'est lui qui les a transmis à son
ministère. Ils ont formé le sujet d'un débat très-grave
et très-animé dans la Chambre des communes, dé-
bat que nous avons déjà signalé dans notre numéro
du Fr juin dernier. Sir H. Bulwer lui-même a été cité
en cette occasion. Citons-le donc d'abord, et nous ci-
terons ensuite les rapports de ses consuls.
Voici en quels termes s'exprimait ce diplomate dans
une dépêche communiquée et lue au Parlement,
sous la date de Constantinople, le 24 avril 1860 :
« Partout où le Turc prédomine suffisamment pour
être exactement obéi, la fainéantise, la corruption,
l'extravagance et la misère sont la marque de sa do-
mination ; et partout où il est trop faible pour exercer
plus qu'une autorité douteuse et nominale, le système
de gouvernement qui prévaut est celui du voleur arabe
et de l'effréné chef de clans des montagnes d'Ecosse. »
Naturellement nous n'acceptons point la respon-
sabilité des opinions de sir Henry Bulwer. Mais
nous ne pouvons nous empêcher d'observer que
cette citation fait honneur au peu de susceptibilité
du gouvernement ottoman, qui se prête avec une do-
cilité si pleine d'abnégation à être l'instrument de
l'homme qui l'a défini d'une façon aussi rude et
aussi insultante.
Avant d'arriver aux rapports des consuls britanni-
ques, produisons encore la courte analyse qu'en a
présentée lord Scott à la Chambre des communes.
« Tous nos consuls, au nombre de quatorze, dont les
rapports sont sous nos yeux, s'accordent à déclarer
que les provinces turques sont toujours en très-mau-
vais état, que les terres sont en friche, que le bri-
gandage y conserve une extension déplorable, et que
l'administration générale est excessivement mauvaise
En même temps je prie la Chambre de considérer que
ces rapports ont été écrits dans des circonstances tou-
tes particulières, et que l'objet de leurs rédacteurs était
de donner l'impression la moins défavorable possible du
gouvernement turc. D
Interrogeons maintenant ces documents.
De la Syrie, le consul anglais d'Alep trace le ta-
bleau suivant :
« Les grains du cultivateur sont battus et prêts pour
la vente; mais il ne peut les enlever avant que la dîme
n'ait été perçue par le fermier des impôts. Les prix'
tombent sur le marché par suite de l'abondance jour-
nellement croissante de la denrée. Le cultivateur im-
p'ore la permission de vendre. Il ne la reçoit qu'après
avoir consenti à doubler ou tripler la taxe. Au lieu de
10 0/0 on lui arrache ainsi jusqu'à 40 0/0 lorsque le
manque des choses nécessaires à lui et à sa famille ne
lui permet plus d'attendre.
» Le paysan est ensuite forcé de porter en ville sans
rémunération la part du collecteur, de nourrir ses
nombreux satellites, de lui offrir des présents de volail-
les, d'agneaux et de fourrages, quoique ce dernier ar-
ticle ne soit pas sujet à la dîme. Il n'a aucun moyen
de redressement. Car la voix du tout-puissant conseil
étouffe toute plainte. Si l'on s'adresse au pacha il hausse
les épaules. Dans les villes, il y a quelque temps en-
corvée, c'est à-dire du travail forcé et gratuit sur la
plus large échelle, toutes les fois qu'elle a jugé utile
de s'en servir; que le travail obligatoire ne lui est
odieux qu'en tant qu'il creuse le canal de Suez; que
la Turquie n'y a rien objecté tout le temps pendant
lequel il a été agréable à l'Angleterre, et qu'enfin, pour
donner une apparence de fondement à ces prohibi-
tions plus que tardives, le ministère ottoman a dù
avoir recours à l'incroyable expédient de l'invoca-
tion d'une loi qui n'a jamais eu d'existence que dans
les imaginations britanniques.
Certes, il serait difficile de découvrir dans les an-
nales de la diplomatie un procédé semblable à celui
que s'est permis le ministre Aali-Pacha, et ce serait
le cas peut être de lui rappeler cette vieille anecdote
judiciaire. Un avocat, pour le besoin de sa cause
mauvaise, s'était mis à citer une loi de sa façon.
Son adversaire lui répondit par une autre loi, qui
abrogeait la première. -Où avez-vous pris ce texte?
lui répliqua le citateur. — Juste au-dessous de celui
dont vous venez de vous prévaloir.
Nous pourrions de notre côté répondre à Aali-Pa-
cha que nous avons pris l'abrogation de sa loi ima-
ginaire juste dans tout ce qu'a fait en Egypte de
1861 à 1862 cette même diplomatie anglaise qui la
lui a révélée.
Non, ce n'est pas la pensée de supprimer en Egypte
ni le travail obligatoire ni même la corvée qui ins-
pire cette petite guerre. Si les ministres turcs sont
animés de sentiments philanthropiques, ils n'ont pas
besoin de passer la mer pour les exercer. Qu'ils re-
gardent autour d'eux, qu'ils jettent les yeux sur les
populations placées directement sous leur tutelle.
Puisque l'on nous y oblige, nous allons retracer
quelques-unes des profondes misères , des avanies
et des exactions auxquelles ces populations sont en
butte. L'opinion publique pourra comparer le sort
des fellahs de l'Egypte et celui des travailleurs in-
digènes de l'isthme à la situation où se trouvent les
classes laborieuses musulmanes ou chrétiennes de la
Turquie, et elle prononcera ensuite sur la sincérité
de l'intérêt que l'on affecte en faveur des travailleurs
égyptiens, lorsque l'on reste impassible devant tant
de maux et de plaies qui affligent le reste de l'em-
pire ottoman.
Les faits que nous allons citer sont authentiques;
ils sont puisés dans les documents officiels distribués
cette année au parlement d'Angleterre. Ils sont ex-
traits des rapports des agents britanniques dans les
diverses provinces de la Turquie. Ces rapports ont été
rédigés par l'ordre de sir H. Bulwer et lui ont été direc-
tement adressés. C'est lui qui les a transmis à son
ministère. Ils ont formé le sujet d'un débat très-grave
et très-animé dans la Chambre des communes, dé-
bat que nous avons déjà signalé dans notre numéro
du Fr juin dernier. Sir H. Bulwer lui-même a été cité
en cette occasion. Citons-le donc d'abord, et nous ci-
terons ensuite les rapports de ses consuls.
Voici en quels termes s'exprimait ce diplomate dans
une dépêche communiquée et lue au Parlement,
sous la date de Constantinople, le 24 avril 1860 :
« Partout où le Turc prédomine suffisamment pour
être exactement obéi, la fainéantise, la corruption,
l'extravagance et la misère sont la marque de sa do-
mination ; et partout où il est trop faible pour exercer
plus qu'une autorité douteuse et nominale, le système
de gouvernement qui prévaut est celui du voleur arabe
et de l'effréné chef de clans des montagnes d'Ecosse. »
Naturellement nous n'acceptons point la respon-
sabilité des opinions de sir Henry Bulwer. Mais
nous ne pouvons nous empêcher d'observer que
cette citation fait honneur au peu de susceptibilité
du gouvernement ottoman, qui se prête avec une do-
cilité si pleine d'abnégation à être l'instrument de
l'homme qui l'a défini d'une façon aussi rude et
aussi insultante.
Avant d'arriver aux rapports des consuls britanni-
ques, produisons encore la courte analyse qu'en a
présentée lord Scott à la Chambre des communes.
« Tous nos consuls, au nombre de quatorze, dont les
rapports sont sous nos yeux, s'accordent à déclarer
que les provinces turques sont toujours en très-mau-
vais état, que les terres sont en friche, que le bri-
gandage y conserve une extension déplorable, et que
l'administration générale est excessivement mauvaise
En même temps je prie la Chambre de considérer que
ces rapports ont été écrits dans des circonstances tou-
tes particulières, et que l'objet de leurs rédacteurs était
de donner l'impression la moins défavorable possible du
gouvernement turc. D
Interrogeons maintenant ces documents.
De la Syrie, le consul anglais d'Alep trace le ta-
bleau suivant :
« Les grains du cultivateur sont battus et prêts pour
la vente; mais il ne peut les enlever avant que la dîme
n'ait été perçue par le fermier des impôts. Les prix'
tombent sur le marché par suite de l'abondance jour-
nellement croissante de la denrée. Le cultivateur im-
p'ore la permission de vendre. Il ne la reçoit qu'après
avoir consenti à doubler ou tripler la taxe. Au lieu de
10 0/0 on lui arrache ainsi jusqu'à 40 0/0 lorsque le
manque des choses nécessaires à lui et à sa famille ne
lui permet plus d'attendre.
» Le paysan est ensuite forcé de porter en ville sans
rémunération la part du collecteur, de nourrir ses
nombreux satellites, de lui offrir des présents de volail-
les, d'agneaux et de fourrages, quoique ce dernier ar-
ticle ne soit pas sujet à la dîme. Il n'a aucun moyen
de redressement. Car la voix du tout-puissant conseil
étouffe toute plainte. Si l'on s'adresse au pacha il hausse
les épaules. Dans les villes, il y a quelque temps en-
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