Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 septembre 1863 15 septembre 1863
Description : 1863/09/15 (A8,N174). 1863/09/15 (A8,N174).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203253f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 38$
forces ne sont jamais excédées, et qu'ils se reposent à
leur gré et suivant le besoin qu'ils en éprouvent. Un
d'entre eux m'ayant. demandé d'où je venais : « De
» France, lui répondis-je. — Alors tu as vu M. de
» Lesseps? — Non. — Comment? Ici nous le voyons
» tous, et toi qui viens de son pays, tu ne l'as pas
» vu !. » — Ce brave fellah ne pouvait compren-
dre, dans sa naïve simplicité, qu'il y eût en France
un lieu quelconque dont un habitant pût dire n'avoir
pas vu M. de Lesseps. Je regagnai heureusement ce
que je venais de perdre eu considération auprès de lui
et le rendis on ne peut plus joyeux, en lui apprenant
le retour du président pour la fin du mois d'août.
» Revenons à notre marche sur Tell-el-Kebir. Pendant
plus de deux heures de route, nous eûmes à côtoyer
les beaux champs de coton du riche domaine de l'Oua-
dy : on eût dit une couche de neige sur un tapis de
verdure. A 9 heures du matin nous arrivâmes au châ-
teau, où nous fûmes reçus par M. Guichard, chef des
services agricoles, véritable gentleman arabisé dans
toute l'acception du mot, et l'une des rares intelligences
capables de dominer et de conduire une population
aussi hétérogène. Vous savez que les Arabes ne consi-
dèrent un homme — et surtout un étranger — que s'il
monte bien à cheval, tire bien la gazelle et se montre
leur égal, sinon leur supérieur, dans les exercices du
corps où ils aiment à produire leur adresse. M. Guichard
réunit merveilleusement toutes ces qualités. Vous en
jugerez lorsque je vous aurai dit que, tout dernière-
ment, en venant nous rejoindre à Timsah, il acheva, au
galop de son cheval, d'un coup de revolver, une gazelle
à laquelle un Bédouin venait de casser une patte de
devant. Beaucoup de Nemrods me diront : « L'avez-
»vousvu?» J'ai mieux fait, j'ai mangé de la gazelle.M, Gui-
chard est de plus régulièrement juste, ce qui a singu-
lièrement contribué à lui concilier l'estime et à lui mé-
riter la confiance des Arabes. A première vue, le
voyageur ne voit dans la position du chef agricole
qu'une véritable vie de châtelain;|mais on est bientôt re-
venu de cette fausse appréciation lorsque, comme moi,
l'on vit quinze jours des réalités de cette vie, et non
de ses illusions. Tous les jours à cheval, aux premières
lueurs de l'aurore, le chef agricole ne rentre bien sou-
vent qu'à 8 heures du soir. Et ne croyez pas que ce
soit le repos qui l'attend au logis : il ne pourra y
songer qu'après avoir mis à jour une comptabilité des
plus minutieuses, et avoir satisfait aux exigences mul-
tipliées d'une volumineuse correspondance. N'oubliez
pas que la propriété a 24 kilomètres de longueur, et
que
S'il n'est pour voir que VœU du maître,
son regard ici ne pouvant tout atteindre d'ensemble,
la surveillance ne peut s'y exercer avec fruit qu'au prix
d'une continuité non interrompue et d'une fatigue sans
cesse renaissante. Par les soins de M. Guichard, 46,000
mûriers, d'une réussite assurée, ont été plantés dans une
terre conquise sur le désert. 30,000 acacias (nilaticos), en
pleine venue, attestent qu'avec de l'eau ces immenses
solitudes redeviendront ce qu'elles étaient sous les Pha-
raons. Aujourd'hui, le domaine compte plusieurs belles
magnaneries et 148,000 mûriers environ pour nourrir
ses vers à soie : ce qui rapporte à la Compagnie
150,000 francs. J'ai assisté à la rentrée en un jour de
53,000 francs prix de fermages. Une partie de cette
somme était apportée par des Bédouins du désert, sur
lesquels aucune action n'est possible, même de la- part
du gouvernement, et qui n'ont cessé de détrousser les
caravanes venant de Syrie, qu'en devenant les voisins
et les tenanciers de la Compagnie. Sur une simple
lettre adressée au cheik par M. Guichard, tous étaient
prêts à venir s'acquitter le lendemain.
D Je tiens à vous citer un fait qui vous donnera la
mesure du changement opéré dans les mœurs de ces
hommes-là depuis que le voisinage de la Compagnie a
fait rayonner son influence jusqu'à eux. Un matin nous
étions allé chasser la gazelle au désert, accompagnés
d'un Bédouin, excellent chasseur. Tout à coup le che-
val de M. de Carné (fils de l'éminent publiciste acadé-
micien de ce nom) débusqua un lièvre, et prenant
peur, emporta son cavalier, tout intrépide et adroit
écuyer qu'il soit. M. de Carné avait son revolver à la
main et voulut le remettre dans l'étui pendu à sa
ceinture ; mais, tout occupé de dominer son cheval, il
oublia de s'assurer si l'arme était bien rentrée en
place. Il n'y songea que longtemps après et alors que
nous étions en route pour revenir au château. La main
avait manqué l'étui, et le revolver était tombé dans les
sables. M. de Carné, par des raisons particulières, te-
nait beaucoup à cette arme, et il commençait à re-
gretter cette partie de plaisir qui se changeait en vrai
chagrin pour lui, quand Solem (c'est le nom du Bé-
douin), sortit majestueusement le revolver de dessous
son burnous et le remit à son propriétaire en lui di-
sant : a C'est moi qui ai conduit cette chasse, je ne
» voudrais pas qu'elle fût marquée d'un signe du mau-
t vais œil. D — Ceux qui connaissent la passion du
Bédouin pour les armes, apprécieront cette petite
aventure dans sa véritable portée. Aucun de nous ne
s'était aperçu que Solem eût ramassé un objet quel-
conque. L'Arabe n'eût pas excité le moindre soupçon
de notre part en gardant sa trouvaille, et il eût pu
s'en défaire avantageusement sur l'un des nombreux
marchés qui existent sur la concession de la Compa-
gnie.
» J'ai commencé cette lettre sur la limite du désert;
je viens de la finir en barque par une nuit délicieuse
qui reporte mes pensées et mes souvenirs au-delà de
l'équateur A bientôt.
« Hte BERNARD, »
L'ISTHME DE SUEZ
PAR M. NOIROT.
M. A. Noirot, directeur de la Revue du monde co-
lonial, vient de réunir en une petite brochure in-80
de 150 pages, publiée chez Dentu sous le titre
l'Isthme de Suez, une série d'articles qa'il avait fait
paraître dans sa revue, et qui ensemble contiennent
forces ne sont jamais excédées, et qu'ils se reposent à
leur gré et suivant le besoin qu'ils en éprouvent. Un
d'entre eux m'ayant. demandé d'où je venais : « De
» France, lui répondis-je. — Alors tu as vu M. de
» Lesseps? — Non. — Comment? Ici nous le voyons
» tous, et toi qui viens de son pays, tu ne l'as pas
» vu !. » — Ce brave fellah ne pouvait compren-
dre, dans sa naïve simplicité, qu'il y eût en France
un lieu quelconque dont un habitant pût dire n'avoir
pas vu M. de Lesseps. Je regagnai heureusement ce
que je venais de perdre eu considération auprès de lui
et le rendis on ne peut plus joyeux, en lui apprenant
le retour du président pour la fin du mois d'août.
» Revenons à notre marche sur Tell-el-Kebir. Pendant
plus de deux heures de route, nous eûmes à côtoyer
les beaux champs de coton du riche domaine de l'Oua-
dy : on eût dit une couche de neige sur un tapis de
verdure. A 9 heures du matin nous arrivâmes au châ-
teau, où nous fûmes reçus par M. Guichard, chef des
services agricoles, véritable gentleman arabisé dans
toute l'acception du mot, et l'une des rares intelligences
capables de dominer et de conduire une population
aussi hétérogène. Vous savez que les Arabes ne consi-
dèrent un homme — et surtout un étranger — que s'il
monte bien à cheval, tire bien la gazelle et se montre
leur égal, sinon leur supérieur, dans les exercices du
corps où ils aiment à produire leur adresse. M. Guichard
réunit merveilleusement toutes ces qualités. Vous en
jugerez lorsque je vous aurai dit que, tout dernière-
ment, en venant nous rejoindre à Timsah, il acheva, au
galop de son cheval, d'un coup de revolver, une gazelle
à laquelle un Bédouin venait de casser une patte de
devant. Beaucoup de Nemrods me diront : « L'avez-
»vousvu?» J'ai mieux fait, j'ai mangé de la gazelle.M, Gui-
chard est de plus régulièrement juste, ce qui a singu-
lièrement contribué à lui concilier l'estime et à lui mé-
riter la confiance des Arabes. A première vue, le
voyageur ne voit dans la position du chef agricole
qu'une véritable vie de châtelain;|mais on est bientôt re-
venu de cette fausse appréciation lorsque, comme moi,
l'on vit quinze jours des réalités de cette vie, et non
de ses illusions. Tous les jours à cheval, aux premières
lueurs de l'aurore, le chef agricole ne rentre bien sou-
vent qu'à 8 heures du soir. Et ne croyez pas que ce
soit le repos qui l'attend au logis : il ne pourra y
songer qu'après avoir mis à jour une comptabilité des
plus minutieuses, et avoir satisfait aux exigences mul-
tipliées d'une volumineuse correspondance. N'oubliez
pas que la propriété a 24 kilomètres de longueur, et
que
S'il n'est pour voir que VœU du maître,
son regard ici ne pouvant tout atteindre d'ensemble,
la surveillance ne peut s'y exercer avec fruit qu'au prix
d'une continuité non interrompue et d'une fatigue sans
cesse renaissante. Par les soins de M. Guichard, 46,000
mûriers, d'une réussite assurée, ont été plantés dans une
terre conquise sur le désert. 30,000 acacias (nilaticos), en
pleine venue, attestent qu'avec de l'eau ces immenses
solitudes redeviendront ce qu'elles étaient sous les Pha-
raons. Aujourd'hui, le domaine compte plusieurs belles
magnaneries et 148,000 mûriers environ pour nourrir
ses vers à soie : ce qui rapporte à la Compagnie
150,000 francs. J'ai assisté à la rentrée en un jour de
53,000 francs prix de fermages. Une partie de cette
somme était apportée par des Bédouins du désert, sur
lesquels aucune action n'est possible, même de la- part
du gouvernement, et qui n'ont cessé de détrousser les
caravanes venant de Syrie, qu'en devenant les voisins
et les tenanciers de la Compagnie. Sur une simple
lettre adressée au cheik par M. Guichard, tous étaient
prêts à venir s'acquitter le lendemain.
D Je tiens à vous citer un fait qui vous donnera la
mesure du changement opéré dans les mœurs de ces
hommes-là depuis que le voisinage de la Compagnie a
fait rayonner son influence jusqu'à eux. Un matin nous
étions allé chasser la gazelle au désert, accompagnés
d'un Bédouin, excellent chasseur. Tout à coup le che-
val de M. de Carné (fils de l'éminent publiciste acadé-
micien de ce nom) débusqua un lièvre, et prenant
peur, emporta son cavalier, tout intrépide et adroit
écuyer qu'il soit. M. de Carné avait son revolver à la
main et voulut le remettre dans l'étui pendu à sa
ceinture ; mais, tout occupé de dominer son cheval, il
oublia de s'assurer si l'arme était bien rentrée en
place. Il n'y songea que longtemps après et alors que
nous étions en route pour revenir au château. La main
avait manqué l'étui, et le revolver était tombé dans les
sables. M. de Carné, par des raisons particulières, te-
nait beaucoup à cette arme, et il commençait à re-
gretter cette partie de plaisir qui se changeait en vrai
chagrin pour lui, quand Solem (c'est le nom du Bé-
douin), sortit majestueusement le revolver de dessous
son burnous et le remit à son propriétaire en lui di-
sant : a C'est moi qui ai conduit cette chasse, je ne
» voudrais pas qu'elle fût marquée d'un signe du mau-
t vais œil. D — Ceux qui connaissent la passion du
Bédouin pour les armes, apprécieront cette petite
aventure dans sa véritable portée. Aucun de nous ne
s'était aperçu que Solem eût ramassé un objet quel-
conque. L'Arabe n'eût pas excité le moindre soupçon
de notre part en gardant sa trouvaille, et il eût pu
s'en défaire avantageusement sur l'un des nombreux
marchés qui existent sur la concession de la Compa-
gnie.
» J'ai commencé cette lettre sur la limite du désert;
je viens de la finir en barque par une nuit délicieuse
qui reporte mes pensées et mes souvenirs au-delà de
l'équateur A bientôt.
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L'ISTHME DE SUEZ
PAR M. NOIROT.
M. A. Noirot, directeur de la Revue du monde co-
lonial, vient de réunir en une petite brochure in-80
de 150 pages, publiée chez Dentu sous le titre
l'Isthme de Suez, une série d'articles qa'il avait fait
paraître dans sa revue, et qui ensemble contiennent
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