Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-06-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 juin 1863 01 juin 1863
Description : 1863/06/01 (A8,N167). 1863/06/01 (A8,N167).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032469
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 201
bien parler de la résolution sage d'un monarque ne
voulant pas céder des districts importants à des colons
étrangers; gardez ce langage hypocrite pour votre
Chambre des communes , on en rit même dans Leices-
ter-Square (1). Le sultan s'est rendu à ces influences
anglaises ; le sultan a des Anglais pour dresser
Jes comptes de son empire. Il a visité Smyrne pour
plaire aux ingénieurs anglais, pour partager leurs
lunchs, pour monter sur leurs wagons de chemins de
fer. Il est notoire dans le monde qu'un piano anglais
coûteux et splendide est maintenant en route pour le
sérail. Les mêmes influences ont envoyé ce souverain
en Egypte pour y opérer la destruction du canal.
» Donc, dans la conduite en apparence sage et fran-
che de S. M. Abdul-Aziz en cette affaire, nous n'avons
pas moyen de découvrir des circonstances atténuantes,
mais plutôt des preuves additionnelles de la subtilité
britannique. Il est connu que l'esprit des Orientaux est
plein de dissimulation, et, ici. la brutale volonté de
l'Angleterre s'exerce par l'artificieuse adresse du Turc.
Le sultan visite le pacha, et après une série de forma-
lités décevantes pour couver des yeux la scène à la-
quelle ils vont mettre fin, il contemple le projet magni-
fique de M. de Lesseps, en cours d'exécution triom-
phante; il est industrieusement avancé par des milliers
de vaillants Égyptiens travaillant joyeusement (qui
peut dire que le travail est forcé?), car ils y découvrent
la prospérité de leur pays. Les deux princes regardent
le tout avec un sourire malicieux et se promettent de
changer tout cela. Le sultan s'en retourne, et, le mo-
ment venu, le résultat de sa visite se révèle dans l'a-
troce dépêche expédiée aux représentants de France et
d'Angleterre. Pauvre moquerie! Comme si sir Bulwer
n'avait pas dicté ce document; ohl oui, cela est assez clair.
Le sultan s'est aperçu qu'un grand canal se creuse dans
sa propriété, et il refuse de laisser poursuivre cet ou-
vrage, à moins de recevoir des garanties suffisantes que
certaines personnes, considérant la Méditerranée comme
un lac français, ne réclameront pas le canal comme un
fossé français ; il n'y prétend même pas comme lui
appartenant; il demande simplement sa neutralisation;
il fait observer, de plus, que les entrepreneurs réclament
ses bords des deux côtés, et aussi certaines stations im-
portantes qui peuvent n'avoir pour objet que des ou-
vrages de navigation, mais qui pourraient être aisément
transformées en quelque chose de beaucoup plus impor-
tant, en quelque chose qui, au point de vue militaire,
serait inestimable. Enfin, lorsque Sa Majesté jouit de la
vue délicieuse des travaux du canal, il ne put aperce-
voir la beauté du système par lequel il est exécuté ; il
lui sembla que cette vaste armée de travailleurs n'é-
tait nullement des travailleurs libres, et qu'ils seraient
bien mieux employés à cultiver l'Égypte qu'à améliorer,
à la Bourse, les perspectives de M. de Lesseps. Le pa-
dischah, dès lors, signifie que letravail forcé doit abso-
(1) Quartier français de Londres que, dans sa bonne humeur
l'Illustrated News écrit Lesterr-Squarr, pour ridiculiser la pronon-
ciation de nos compatriotes ; les Anglais, comme nos créoles, se
croyant obligés à ne jamais prononcer les R.
lument cesser ; il déclare à ceux que cela peut regarder
que, jusqu'à ce que ces trois conditions soient acceptées,
le canal de Suez doit s'arrêter; mais il ajoute que,.
comme il a été beaucoup fait, et comme on croyait qu'il
serait permis à ce projet inconvenant et insultant d'être
mené à fin, il achèverait la chose lui-même si les entre-
preneurs voulaient être remboursés de leurs dépenses ,
et, dès lors, le canal serait exécuté, s'il l'est jamais,
par le gouvernement et non par M. de Lesseps.
» Le monde ne verra rien de mal dans tout cela ; au
contraire, les demandes du sultan seront jugées pré-
cisément celles qu'un souverain doit faire, et sa propo-
sition finale semblera inspirée par l'esprit de justice ;
mais nousentendrons une toute autre histoire des organes
bien payés de M. de Lesseps. Palmerston a triomphé, et
nous nous attendons spécialement que la finale propo-
sition, celle du remboursement, sera accueillie par une
huée de mépris. Naturellement, dira-t-on, il faut enle-
ver le canal aux Français, pour le remettre entre les
mains de qui? Entre les mains des Anglais111 est vrai
que les Anglais ont combattu le projet : leur premier
ministre, par des motifs politiques; leurs ingénieurs, par
des motifs scientifiques ; mais tout cela changera avec
le changement de mains. Comme la flûte enchantée de
Mozart, le canal en la possession de l'un produit du
mal, et du bien en la possession de l'autre. Les Anglais
découvriront bientôt, s'ils peuvent s'en emparer, que les
difficultés s'évanouiront ; nous n'entendrons plus parler
de neutralisation ; le canal sera la route de l'Inde, et,
une fois de plus, la perfide Albion triomphera dans l'O-
rient. Voilà certes un beau projet pour cinquante articles
admirablement sarcastiques.»
Si le London News est Jean qui rit, le Daily News
est Jean qui pleure. Il imprime deux colonnes d'at-
tendrissement sur le sort des fellahs employés aux
travaux de l'isthme. Il proteste que la Compagnie les
tient en état d'esclavage et les empêche de gagner
leur vie. Du reste, il est aussi exact dans ces diverses
assertions que ses trois confrères ci-dessus.
Quand nous aurons encore nommé le Sun et le
Daily Telegraph dans ce concert organisé de diffama-
tions contre le canal de Suez et de provocations à sa
ruine, nous aurons complété la liste, connue de nous,
des instruments employés par lord Palmerston dans
ce chorus.
Cependant, comme nous l'avons dit, le journal des
tories, le Morning Herald, guette les symptômes du
conflit avec une satisfaction peu dissimulée. Il y en-
trevoit une bonne chance pour son parti, et son cor-
respondant lui adresse de Paris les observations sui-
vantes :
-Morning Herald. —«La dépêche turque sur lecanal de
Suez fait encore beaucoup de bruit. Le public en gé-
néral exprime la conviction qu'elle a été écrite sous la
dictée de l'Angleterre ; le sentiment manifesté envers
nous en conséquence n'est rien moins qu'amical, et ce
sentiment, il faut l'avouer, ne s'arrête pas à la plèbe. »
D'un autre côté, les journaux libéraux de Londres,
bien parler de la résolution sage d'un monarque ne
voulant pas céder des districts importants à des colons
étrangers; gardez ce langage hypocrite pour votre
Chambre des communes , on en rit même dans Leices-
ter-Square (1). Le sultan s'est rendu à ces influences
anglaises ; le sultan a des Anglais pour dresser
Jes comptes de son empire. Il a visité Smyrne pour
plaire aux ingénieurs anglais, pour partager leurs
lunchs, pour monter sur leurs wagons de chemins de
fer. Il est notoire dans le monde qu'un piano anglais
coûteux et splendide est maintenant en route pour le
sérail. Les mêmes influences ont envoyé ce souverain
en Egypte pour y opérer la destruction du canal.
» Donc, dans la conduite en apparence sage et fran-
che de S. M. Abdul-Aziz en cette affaire, nous n'avons
pas moyen de découvrir des circonstances atténuantes,
mais plutôt des preuves additionnelles de la subtilité
britannique. Il est connu que l'esprit des Orientaux est
plein de dissimulation, et, ici. la brutale volonté de
l'Angleterre s'exerce par l'artificieuse adresse du Turc.
Le sultan visite le pacha, et après une série de forma-
lités décevantes pour couver des yeux la scène à la-
quelle ils vont mettre fin, il contemple le projet magni-
fique de M. de Lesseps, en cours d'exécution triom-
phante; il est industrieusement avancé par des milliers
de vaillants Égyptiens travaillant joyeusement (qui
peut dire que le travail est forcé?), car ils y découvrent
la prospérité de leur pays. Les deux princes regardent
le tout avec un sourire malicieux et se promettent de
changer tout cela. Le sultan s'en retourne, et, le mo-
ment venu, le résultat de sa visite se révèle dans l'a-
troce dépêche expédiée aux représentants de France et
d'Angleterre. Pauvre moquerie! Comme si sir Bulwer
n'avait pas dicté ce document; ohl oui, cela est assez clair.
Le sultan s'est aperçu qu'un grand canal se creuse dans
sa propriété, et il refuse de laisser poursuivre cet ou-
vrage, à moins de recevoir des garanties suffisantes que
certaines personnes, considérant la Méditerranée comme
un lac français, ne réclameront pas le canal comme un
fossé français ; il n'y prétend même pas comme lui
appartenant; il demande simplement sa neutralisation;
il fait observer, de plus, que les entrepreneurs réclament
ses bords des deux côtés, et aussi certaines stations im-
portantes qui peuvent n'avoir pour objet que des ou-
vrages de navigation, mais qui pourraient être aisément
transformées en quelque chose de beaucoup plus impor-
tant, en quelque chose qui, au point de vue militaire,
serait inestimable. Enfin, lorsque Sa Majesté jouit de la
vue délicieuse des travaux du canal, il ne put aperce-
voir la beauté du système par lequel il est exécuté ; il
lui sembla que cette vaste armée de travailleurs n'é-
tait nullement des travailleurs libres, et qu'ils seraient
bien mieux employés à cultiver l'Égypte qu'à améliorer,
à la Bourse, les perspectives de M. de Lesseps. Le pa-
dischah, dès lors, signifie que letravail forcé doit abso-
(1) Quartier français de Londres que, dans sa bonne humeur
l'Illustrated News écrit Lesterr-Squarr, pour ridiculiser la pronon-
ciation de nos compatriotes ; les Anglais, comme nos créoles, se
croyant obligés à ne jamais prononcer les R.
lument cesser ; il déclare à ceux que cela peut regarder
que, jusqu'à ce que ces trois conditions soient acceptées,
le canal de Suez doit s'arrêter; mais il ajoute que,.
comme il a été beaucoup fait, et comme on croyait qu'il
serait permis à ce projet inconvenant et insultant d'être
mené à fin, il achèverait la chose lui-même si les entre-
preneurs voulaient être remboursés de leurs dépenses ,
et, dès lors, le canal serait exécuté, s'il l'est jamais,
par le gouvernement et non par M. de Lesseps.
» Le monde ne verra rien de mal dans tout cela ; au
contraire, les demandes du sultan seront jugées pré-
cisément celles qu'un souverain doit faire, et sa propo-
sition finale semblera inspirée par l'esprit de justice ;
mais nousentendrons une toute autre histoire des organes
bien payés de M. de Lesseps. Palmerston a triomphé, et
nous nous attendons spécialement que la finale propo-
sition, celle du remboursement, sera accueillie par une
huée de mépris. Naturellement, dira-t-on, il faut enle-
ver le canal aux Français, pour le remettre entre les
mains de qui? Entre les mains des Anglais111 est vrai
que les Anglais ont combattu le projet : leur premier
ministre, par des motifs politiques; leurs ingénieurs, par
des motifs scientifiques ; mais tout cela changera avec
le changement de mains. Comme la flûte enchantée de
Mozart, le canal en la possession de l'un produit du
mal, et du bien en la possession de l'autre. Les Anglais
découvriront bientôt, s'ils peuvent s'en emparer, que les
difficultés s'évanouiront ; nous n'entendrons plus parler
de neutralisation ; le canal sera la route de l'Inde, et,
une fois de plus, la perfide Albion triomphera dans l'O-
rient. Voilà certes un beau projet pour cinquante articles
admirablement sarcastiques.»
Si le London News est Jean qui rit, le Daily News
est Jean qui pleure. Il imprime deux colonnes d'at-
tendrissement sur le sort des fellahs employés aux
travaux de l'isthme. Il proteste que la Compagnie les
tient en état d'esclavage et les empêche de gagner
leur vie. Du reste, il est aussi exact dans ces diverses
assertions que ses trois confrères ci-dessus.
Quand nous aurons encore nommé le Sun et le
Daily Telegraph dans ce concert organisé de diffama-
tions contre le canal de Suez et de provocations à sa
ruine, nous aurons complété la liste, connue de nous,
des instruments employés par lord Palmerston dans
ce chorus.
Cependant, comme nous l'avons dit, le journal des
tories, le Morning Herald, guette les symptômes du
conflit avec une satisfaction peu dissimulée. Il y en-
trevoit une bonne chance pour son parti, et son cor-
respondant lui adresse de Paris les observations sui-
vantes :
-Morning Herald. —«La dépêche turque sur lecanal de
Suez fait encore beaucoup de bruit. Le public en gé-
néral exprime la conviction qu'elle a été écrite sous la
dictée de l'Angleterre ; le sentiment manifesté envers
nous en conséquence n'est rien moins qu'amical, et ce
sentiment, il faut l'avouer, ne s'arrête pas à la plèbe. »
D'un autre côté, les journaux libéraux de Londres,
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