Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-06-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 juin 1863 01 juin 1863
Description : 1863/06/01 (A8,N167). 1863/06/01 (A8,N167).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032469
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
196 L'ISTHME DE SUEZ,
quelque surcroît de surveillance, quelques difficultés
internationales de l'établissement d'habitants euro-
péens dans l'isthme, qu'un gouvernement soucieux
d'augmenter, dans l'empire turc, les éléments de la ri-
chesse publique, ne devrait pas hésiter à courir la
chance de contrariétés possibles pour doter le pays
d'une nouvelle et abondante source de prospérité.
Mais ce souci même est épargné au gouvernement
turc. La Compagnie n'a jamais eu l'intention de for-
mer dans l'isthme des colonies d'Européens. Comment
en aurait-elle conçu la pensée, lorsque le travail des
fellahs est le seul qui puisse être utilisé pour l'agri-
culture sous ces latitudes ? Les terres arrosées par les
canaux d'eau douce seront forcément affermées aux in-
digènes, seuls aptes à en tirer parti. Quant aux terres
urbaines, celles de Timsah, par exemple, et de Port-
Saïd, elles pourront être appropriées aux besoins de
l'industrie européenne, comme celles d'Alexandrie. Mais
pourquoi la Porte Ottomane prendrait-elle ombrage du
séjour des Européens dans les villes du désert, alors
qu'elle ne voit point d'inconvénient à l'aggloméra-
tion d'Européens dans les grandes villes de la basse
Egypte ?
» D'ailleurs il faut bien que la Turquie prenne son
parti de se régénérer par l'industrie et la science euro-
péennes si, comme nous n'en voulons pas douter, elle
est sincère dans ses démonstrations en faveur du pro-
grès. Ce n'est pas apparemment par l'initiative, par
les lumières et par les capitaux des Turcs qu'elle re-
nouvellera la face d'un pays en décadence. Cet empire,
qui fait volontiers appel aux finances de l'Europe chré-
tienne ne veut pas sans doute stériliser les fonds qu'on
lui confie, encore moins les dissiper en dépenses im-
productives. Or, c'est l'industrie européenne qui seule
peut faire fructifier cet argent. Qu'il lui ouvre donc les
bras, au lieu de la regarder de mauvais œil et de lui
disputer les moyens de l'exercer.
» Il est vrai que le gouvernement turc annonce l'in-
tention de faire, par ses propres ressources, le canal
de Suez, si la Compagnie, fatiguée de vexations, con-
sentait à résilier son contrat. Où sont donc les ressources
du gouvernement turc? Dans la bourse d'Ismaïl-Pacha
sans doute. Peut-on en disposer si cavalièrement à
Constantinople, alors que les traités donnent aux vice-
rois, leur tribut une fois payé, le droit d'user à leur gré
des revenus de l'Egypte?
» Celui qui a inspiré la dépêche a oublié que l'An-
gleterre est une des puissances signataires de 1841, et
qu'elle est la première tenue à faire respecter ces trai-
tés. S'il ne l'avait pas oublié, il n'aurait pas affecté
dans cette dépêche de donner le titre subalterne de
« gouverneurs » aux vice-rois héréditaires de l'Egypte;
il ne prétendrait pas faire gérer à Constantinople l'em-
ploi des finances de ce pays ; il n'attribuerait pas au
gouvernement turc un droit d'intervention dans l'ad-
ministration intérieure de l'Egypte, car ce droit ap-
partient exclusivement aux successeurs de Mehemet-
Ali.
» Enfin, si l'on n'avait pas été si passionné contre le
canal de Suez, on n'aurait pas manqué de logique dans
la dépêche, au point de refuser d'une part au canal les
contingents d'ouvriers indigènes qui l'achèvent, et de
proposer ensuite que la Turquie exécute elle-même ce
canal. Si le système de travail imposé aux contingents
d'ouvriers est mauvais pour la Compagnie, il ne sau-
rait être bon pour la Turquie. Comment donc celle ci
ferait-elle le canal sans ouvriers 1 Car il faut être con-
séquent. Si la Turquie interdit l'emploi des contingents,
ce n'est pas probablement pour en user elle-même. Ce
serait ici le cas d'appliquer la règle: Patere legem quam
fecisti. Si l'on pouvait refuser définitivement au canal
les ouvriers, même payés, sous prétexte qu'ils sont sou-
mis à un travail obligatoire, il faudrait renoncer dès
le jour même à imposer aux fellahs dans ce pays toute
tâche qui ne serait pas volontaire, n'importe quel
qu'en fût le prétexte. A la première infraction que
souffrirait cette loi, le monde entier retentirait de jus-
tes protestations.
» Que reste-t-il encore à réfuter dans cette dépêche
qui résiste si mal à l'examen? Les reproches adressés
à la Compagnie, qui n'aurait pas dû, dit-on, commen-
cer ses travaux sans l'adhésion formelle de la Porte. A
ce compte, le canal serait encore dans les nuages La
faiblesse et la dépendance que vient de montrer le
gouvernement turc prouvent bien que le percement de
l'isthme ne serait pas sorti du domaine de la théorie
si l'Angleterre, dominatrice à Constantinople, avait pu
l'y maintenir.
» Mais laissons cela et disons nettement que la Com-
pagnie n'a rien à demander à la Porte Ottomane. Elle
existe, elle travaille en vertu de la concession du vice-
roi, elle tient cette concession pour excellente et com-
plète. Si cette concession contient des réserves en fa-
veur de l'autorisation du sultan, la Compagnie n'a
jamais pu être chargée d'obtenir elle-même cette auto-
risation et le concours qu'elle n'a cessé de recevoir des
deux vice-rois héréditaires d'Egypte prouve qu'elle n'a-
vait pas cette obligation. Ce qui le prouve également,
c'est que le gouvernement de Constantinople a dé-
claré à plusieurs reprises qu'il considérait cette entre-
prise comme étant d'utilité générale et qu'il n'avait
pas d'objection à y faire en principe. Et s'il en était
autrement, ce même gouvernement aurait-il attendu
que les travaux eussent atteint ce degré d'avancement
pour présenter ses observations de détail?
» Résumons-nous : les contingens d'ouvriers employés
au canal de Suez ne sont point soumis au régime de
la corvée. Ismaïl-Pacha lui-même l'a déclaré. Leur tra-
vail est obligatoire sans doute, mais c'est la condition
nécessaire de tout travail public en Egypte.
» La jouissance des terres irriguées par la Compa-
gnie ne peut porter aucune atteinte aux droits de
l'empire turc et à la souveraineté ottomane: non-seule-
ment parce que la Compagnie est égyptienne, et parce
que les terres sont cultivées par les sujets égyptiens,
mais encore parce que les gouvernements les plus puis-
sants, les plus jaloux de leurs droits et de leur auto-
rité n'hésitent point à confier aux capitaux étrangers
qui leur sont offerts, la transformation de leurs terres
stériles. Entre autres preuves, on peut citer ce qui se
quelque surcroît de surveillance, quelques difficultés
internationales de l'établissement d'habitants euro-
péens dans l'isthme, qu'un gouvernement soucieux
d'augmenter, dans l'empire turc, les éléments de la ri-
chesse publique, ne devrait pas hésiter à courir la
chance de contrariétés possibles pour doter le pays
d'une nouvelle et abondante source de prospérité.
Mais ce souci même est épargné au gouvernement
turc. La Compagnie n'a jamais eu l'intention de for-
mer dans l'isthme des colonies d'Européens. Comment
en aurait-elle conçu la pensée, lorsque le travail des
fellahs est le seul qui puisse être utilisé pour l'agri-
culture sous ces latitudes ? Les terres arrosées par les
canaux d'eau douce seront forcément affermées aux in-
digènes, seuls aptes à en tirer parti. Quant aux terres
urbaines, celles de Timsah, par exemple, et de Port-
Saïd, elles pourront être appropriées aux besoins de
l'industrie européenne, comme celles d'Alexandrie. Mais
pourquoi la Porte Ottomane prendrait-elle ombrage du
séjour des Européens dans les villes du désert, alors
qu'elle ne voit point d'inconvénient à l'aggloméra-
tion d'Européens dans les grandes villes de la basse
Egypte ?
» D'ailleurs il faut bien que la Turquie prenne son
parti de se régénérer par l'industrie et la science euro-
péennes si, comme nous n'en voulons pas douter, elle
est sincère dans ses démonstrations en faveur du pro-
grès. Ce n'est pas apparemment par l'initiative, par
les lumières et par les capitaux des Turcs qu'elle re-
nouvellera la face d'un pays en décadence. Cet empire,
qui fait volontiers appel aux finances de l'Europe chré-
tienne ne veut pas sans doute stériliser les fonds qu'on
lui confie, encore moins les dissiper en dépenses im-
productives. Or, c'est l'industrie européenne qui seule
peut faire fructifier cet argent. Qu'il lui ouvre donc les
bras, au lieu de la regarder de mauvais œil et de lui
disputer les moyens de l'exercer.
» Il est vrai que le gouvernement turc annonce l'in-
tention de faire, par ses propres ressources, le canal
de Suez, si la Compagnie, fatiguée de vexations, con-
sentait à résilier son contrat. Où sont donc les ressources
du gouvernement turc? Dans la bourse d'Ismaïl-Pacha
sans doute. Peut-on en disposer si cavalièrement à
Constantinople, alors que les traités donnent aux vice-
rois, leur tribut une fois payé, le droit d'user à leur gré
des revenus de l'Egypte?
» Celui qui a inspiré la dépêche a oublié que l'An-
gleterre est une des puissances signataires de 1841, et
qu'elle est la première tenue à faire respecter ces trai-
tés. S'il ne l'avait pas oublié, il n'aurait pas affecté
dans cette dépêche de donner le titre subalterne de
« gouverneurs » aux vice-rois héréditaires de l'Egypte;
il ne prétendrait pas faire gérer à Constantinople l'em-
ploi des finances de ce pays ; il n'attribuerait pas au
gouvernement turc un droit d'intervention dans l'ad-
ministration intérieure de l'Egypte, car ce droit ap-
partient exclusivement aux successeurs de Mehemet-
Ali.
» Enfin, si l'on n'avait pas été si passionné contre le
canal de Suez, on n'aurait pas manqué de logique dans
la dépêche, au point de refuser d'une part au canal les
contingents d'ouvriers indigènes qui l'achèvent, et de
proposer ensuite que la Turquie exécute elle-même ce
canal. Si le système de travail imposé aux contingents
d'ouvriers est mauvais pour la Compagnie, il ne sau-
rait être bon pour la Turquie. Comment donc celle ci
ferait-elle le canal sans ouvriers 1 Car il faut être con-
séquent. Si la Turquie interdit l'emploi des contingents,
ce n'est pas probablement pour en user elle-même. Ce
serait ici le cas d'appliquer la règle: Patere legem quam
fecisti. Si l'on pouvait refuser définitivement au canal
les ouvriers, même payés, sous prétexte qu'ils sont sou-
mis à un travail obligatoire, il faudrait renoncer dès
le jour même à imposer aux fellahs dans ce pays toute
tâche qui ne serait pas volontaire, n'importe quel
qu'en fût le prétexte. A la première infraction que
souffrirait cette loi, le monde entier retentirait de jus-
tes protestations.
» Que reste-t-il encore à réfuter dans cette dépêche
qui résiste si mal à l'examen? Les reproches adressés
à la Compagnie, qui n'aurait pas dû, dit-on, commen-
cer ses travaux sans l'adhésion formelle de la Porte. A
ce compte, le canal serait encore dans les nuages La
faiblesse et la dépendance que vient de montrer le
gouvernement turc prouvent bien que le percement de
l'isthme ne serait pas sorti du domaine de la théorie
si l'Angleterre, dominatrice à Constantinople, avait pu
l'y maintenir.
» Mais laissons cela et disons nettement que la Com-
pagnie n'a rien à demander à la Porte Ottomane. Elle
existe, elle travaille en vertu de la concession du vice-
roi, elle tient cette concession pour excellente et com-
plète. Si cette concession contient des réserves en fa-
veur de l'autorisation du sultan, la Compagnie n'a
jamais pu être chargée d'obtenir elle-même cette auto-
risation et le concours qu'elle n'a cessé de recevoir des
deux vice-rois héréditaires d'Egypte prouve qu'elle n'a-
vait pas cette obligation. Ce qui le prouve également,
c'est que le gouvernement de Constantinople a dé-
claré à plusieurs reprises qu'il considérait cette entre-
prise comme étant d'utilité générale et qu'il n'avait
pas d'objection à y faire en principe. Et s'il en était
autrement, ce même gouvernement aurait-il attendu
que les travaux eussent atteint ce degré d'avancement
pour présenter ses observations de détail?
» Résumons-nous : les contingens d'ouvriers employés
au canal de Suez ne sont point soumis au régime de
la corvée. Ismaïl-Pacha lui-même l'a déclaré. Leur tra-
vail est obligatoire sans doute, mais c'est la condition
nécessaire de tout travail public en Egypte.
» La jouissance des terres irriguées par la Compa-
gnie ne peut porter aucune atteinte aux droits de
l'empire turc et à la souveraineté ottomane: non-seule-
ment parce que la Compagnie est égyptienne, et parce
que les terres sont cultivées par les sujets égyptiens,
mais encore parce que les gouvernements les plus puis-
sants, les plus jaloux de leurs droits et de leur auto-
rité n'hésitent point à confier aux capitaux étrangers
qui leur sont offerts, la transformation de leurs terres
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