Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-06-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 juin 1863 01 juin 1863
Description : 1863/06/01 (A8,N167). 1863/06/01 (A8,N167).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032469
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
194 -. L'ISTHME DEJ3UEZ,
contre les pressions étrangères, sans la force et aussi
sans la ruse, cette arme des faibles dont la Porte, en
ces derniers temps, a tant abusé. Avec la jeune Tur-
quie, c'était, en un mot, l'aventure et l'inconnu, et
toutes leurs conséquences.
» Abdul-Aziz a reculé devant ces éventualités, en
effet redoutables. Il a gardé les anciens ministres de
Son frère, et subi leur politique de mort lente, cette
politique qui consiste tout entière à ne rien faire et à
ne rien laisser faire que contrainte et forcée. Cette si-
tuation, qui ne fut d'abord, dans les intentions du
sultan, qu'un état d'observation et d'expectative, doit-
elle s'éterniser ? Ce provisoire est-il devenu définitif?
C'est ce que la suite du nouveau règne nous mon-
trera. Toujours est-il qu'il a été poussé et maintenu
jusqu'à ce jour dans cette voie par la diplomatie
étrangère qui, dans sa sainte horreur de tout chan-
gement, et habituée, du reste, dans ses tristes luttes
d'influence, à jouer des anciens instruments ministé-
riels, craignait de perdre au change par suite d'une
crise quelconque, fût-elle salutaire. Qu'en est-il résulté?
Que la pression la plus rude et la moins scrupuleuse
a triomphé sous ce règne comme sous l'autre, et que
les flots de sang, de gloire et d'or que la France a
versés en Crimée, n'ont eu d'autre résultat que de
substituer en Turquie la prépondérance anglaise à
l'influence russe.
» C'est de cette prépondérance, agissant sur les mi-
nistres de la Porte, et du machiavélisme de ceux-ci,
agissant sur l'inexpérience du sultan, qu'est sorti ce
manifeste signifié par la barbarie à la France, à l'o-
pinion, à la civilisation. La religion du sultan a été
surprise. Se souvenant de ses hésitations premières,
de ses méfiances à leur endroit, et redoutant un retour
possible, les ministres du dernier sultan ont ourdi au-
tour du nouveau souverain un complot tendant à l'en-
lacer, le compromettre et l'annihiler. A plat ventre
devant lui, l'enivrant d'adulations et d'admirations,
ils flattent ses passions et ses vanités, non dans ce
qu'elles pourraient avoir de généreux et de fécond,
mais dans ce qu'elles ont d'excessif et de dangereux;
ils s'évertuent à faire des défauts de l'excès de sesqua.
lités; ils veulent le rendre ainsi méprisable aux yeux
de l'Europe, afin de régner à sa place et d'achever en
paix, à l'abri de la protection complice de l'Angle-
terre, la ruine de la Turquie..
» Je les entends lui dire, avec cette hypocrisie de
parole qu'ils ont employée à duper jusqu'à ce jour
la diplomatie et l'opinion de l'Europe, que le perce-
ment de l'isthme est assurément une entreprise
utile à son empire, mais que l'emploi de ses suiets
d'Egypte aux travaux et la concession des terrains
faite à la Compagnie, sont un empiètement sur ses
droits, une usurpation d'une part de la souve-
raineté. — C'est ainsi qu'abondant à la fois dans le
sens de son opinion personnelle au sujet du mérite
de l'œuvre et dans le sens de ses susceptibilités de
suzerain, ses ministres ont pu l'amener à sanctionner
cette déplorable note dont à coup sûr il n'a pas senti
la portée destructive de l'œuvre même qu'il ap-
prouve.
» Ils se seront bien gardés de lui dire en effet que
la corvée, puisque c'est le mot dont on s'est servi,
est tellement liée à la vie de l'Egypte que sans elle
l'Egypte n'existe plus, et que le canal est impossible
sans elle. Ils auront pris grand soin de lui cacher
que le mot de corvée étant très - général et très-
élastique, puisque le sens s'en étend de l'extrême
esclavage à l'extrême liberté, le mode de travail
employé au canal de Suez n'a aucune des condi-
tions que ce mot exprime, attendu qu'ici le travail
est volontaire et payé. Ils ne lui auront pas dit à
coup sûr que le travail forcé et sans salaire a été
plus d'une fois appliqué, sur la plus grande échelle,
en Égypte, chaque fois que les intérêts anglais l'ont
exigé. Ils ne l'auront pas averti, croyez-le bien, que
la mise en œuvre d'une concession n'est nullement
une invasion pareille à la prise de possession de
Périm par leurs bons amis d'Angleterre. Ou bien s'ils
n'ont pu lui cacher que leur libéralisme en fait de
corvée a deux poids et deux mesures, ils auront
expliqué leur double politique à ce sujet par cette
considération, qui fait Je fond de leur pensée, qu'entre
la France et l'Angleterre, lorsque la bascule est im-
possible à maintenir égale, c'est en faveur de cette
dernière qu'il importe de la faire pencher.
» Tels sont, Monsieur, croyez-en un homme qui
s'est trouvé en position de bien étudier ce pays,
tels sont l'origine, le mobile et les causes de la
note turque au sujet du canal de Suez. C'est la suite
d'un système de conspiration tramé par des ministres
anglo-turcs contre la volonté et la dignité du sultan,
que les bons instincts personnels rapprochaient de la
France et de toutes les grandes idées dont la France
est la noble patronne. Je ne sais pas si le sultan se
ravisera, ou si pour toujours enlacé dans des rets
perfides, il voudra rester, aux yeux de l'Europe, l'es-
clave de ministres esclaves eux-mêmes de l'Angle-
terre. Mais je sais que l'opinion publique et la civi-
lisation donnant la main à l'entreprise du canal de
Suez sont plus fortes que lord Palmerston donnant
le bras à la barbarie ; je sais que l'initiative qu'elle
a prise à l'égard de l'œuvre universelle est l'honneur
de la France et que l'abandon qu'elle en ferait, si cela
était possible, serait sa démission-, aux yeux du
monde.
» Agréez, etc.,
» A. GARBEIRON. »
contre les pressions étrangères, sans la force et aussi
sans la ruse, cette arme des faibles dont la Porte, en
ces derniers temps, a tant abusé. Avec la jeune Tur-
quie, c'était, en un mot, l'aventure et l'inconnu, et
toutes leurs conséquences.
» Abdul-Aziz a reculé devant ces éventualités, en
effet redoutables. Il a gardé les anciens ministres de
Son frère, et subi leur politique de mort lente, cette
politique qui consiste tout entière à ne rien faire et à
ne rien laisser faire que contrainte et forcée. Cette si-
tuation, qui ne fut d'abord, dans les intentions du
sultan, qu'un état d'observation et d'expectative, doit-
elle s'éterniser ? Ce provisoire est-il devenu définitif?
C'est ce que la suite du nouveau règne nous mon-
trera. Toujours est-il qu'il a été poussé et maintenu
jusqu'à ce jour dans cette voie par la diplomatie
étrangère qui, dans sa sainte horreur de tout chan-
gement, et habituée, du reste, dans ses tristes luttes
d'influence, à jouer des anciens instruments ministé-
riels, craignait de perdre au change par suite d'une
crise quelconque, fût-elle salutaire. Qu'en est-il résulté?
Que la pression la plus rude et la moins scrupuleuse
a triomphé sous ce règne comme sous l'autre, et que
les flots de sang, de gloire et d'or que la France a
versés en Crimée, n'ont eu d'autre résultat que de
substituer en Turquie la prépondérance anglaise à
l'influence russe.
» C'est de cette prépondérance, agissant sur les mi-
nistres de la Porte, et du machiavélisme de ceux-ci,
agissant sur l'inexpérience du sultan, qu'est sorti ce
manifeste signifié par la barbarie à la France, à l'o-
pinion, à la civilisation. La religion du sultan a été
surprise. Se souvenant de ses hésitations premières,
de ses méfiances à leur endroit, et redoutant un retour
possible, les ministres du dernier sultan ont ourdi au-
tour du nouveau souverain un complot tendant à l'en-
lacer, le compromettre et l'annihiler. A plat ventre
devant lui, l'enivrant d'adulations et d'admirations,
ils flattent ses passions et ses vanités, non dans ce
qu'elles pourraient avoir de généreux et de fécond,
mais dans ce qu'elles ont d'excessif et de dangereux;
ils s'évertuent à faire des défauts de l'excès de sesqua.
lités; ils veulent le rendre ainsi méprisable aux yeux
de l'Europe, afin de régner à sa place et d'achever en
paix, à l'abri de la protection complice de l'Angle-
terre, la ruine de la Turquie..
» Je les entends lui dire, avec cette hypocrisie de
parole qu'ils ont employée à duper jusqu'à ce jour
la diplomatie et l'opinion de l'Europe, que le perce-
ment de l'isthme est assurément une entreprise
utile à son empire, mais que l'emploi de ses suiets
d'Egypte aux travaux et la concession des terrains
faite à la Compagnie, sont un empiètement sur ses
droits, une usurpation d'une part de la souve-
raineté. — C'est ainsi qu'abondant à la fois dans le
sens de son opinion personnelle au sujet du mérite
de l'œuvre et dans le sens de ses susceptibilités de
suzerain, ses ministres ont pu l'amener à sanctionner
cette déplorable note dont à coup sûr il n'a pas senti
la portée destructive de l'œuvre même qu'il ap-
prouve.
» Ils se seront bien gardés de lui dire en effet que
la corvée, puisque c'est le mot dont on s'est servi,
est tellement liée à la vie de l'Egypte que sans elle
l'Egypte n'existe plus, et que le canal est impossible
sans elle. Ils auront pris grand soin de lui cacher
que le mot de corvée étant très - général et très-
élastique, puisque le sens s'en étend de l'extrême
esclavage à l'extrême liberté, le mode de travail
employé au canal de Suez n'a aucune des condi-
tions que ce mot exprime, attendu qu'ici le travail
est volontaire et payé. Ils ne lui auront pas dit à
coup sûr que le travail forcé et sans salaire a été
plus d'une fois appliqué, sur la plus grande échelle,
en Égypte, chaque fois que les intérêts anglais l'ont
exigé. Ils ne l'auront pas averti, croyez-le bien, que
la mise en œuvre d'une concession n'est nullement
une invasion pareille à la prise de possession de
Périm par leurs bons amis d'Angleterre. Ou bien s'ils
n'ont pu lui cacher que leur libéralisme en fait de
corvée a deux poids et deux mesures, ils auront
expliqué leur double politique à ce sujet par cette
considération, qui fait Je fond de leur pensée, qu'entre
la France et l'Angleterre, lorsque la bascule est im-
possible à maintenir égale, c'est en faveur de cette
dernière qu'il importe de la faire pencher.
» Tels sont, Monsieur, croyez-en un homme qui
s'est trouvé en position de bien étudier ce pays,
tels sont l'origine, le mobile et les causes de la
note turque au sujet du canal de Suez. C'est la suite
d'un système de conspiration tramé par des ministres
anglo-turcs contre la volonté et la dignité du sultan,
que les bons instincts personnels rapprochaient de la
France et de toutes les grandes idées dont la France
est la noble patronne. Je ne sais pas si le sultan se
ravisera, ou si pour toujours enlacé dans des rets
perfides, il voudra rester, aux yeux de l'Europe, l'es-
clave de ministres esclaves eux-mêmes de l'Angle-
terre. Mais je sais que l'opinion publique et la civi-
lisation donnant la main à l'entreprise du canal de
Suez sont plus fortes que lord Palmerston donnant
le bras à la barbarie ; je sais que l'initiative qu'elle
a prise à l'égard de l'œuvre universelle est l'honneur
de la France et que l'abandon qu'elle en ferait, si cela
était possible, serait sa démission-, aux yeux du
monde.
» Agréez, etc.,
» A. GARBEIRON. »
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